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Critiques de Herta Müller (152)
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L'homme est un grand faisan sur terre

Chapitres courts, phrases courtes, sans affect, narration morcelée : au lecteur de reconstituer la triste histoire de ce meunier roumain Windish et de sa famille appartenant à la minorité de langue allemande. Ils veulent fuir le pays et le régime de Ceausescu mais pour obtenir un passeport sont obligés de céder au chantage des puissants : le maire, le juge, le curé qui réclament des sacs de farine et les faveurs de la jeune Amélie.

Le temps est long, la mort est omniprésente, tout s'anime ( le paysage, les meubles, les animaux ) vers une fin certaine.

L'autrice procède par images surréalistes et allégorie pour suggérer l'oppression de cet univers tout en écrivant le réel dans le quotidien le plus banal par petites touches.

Du grand art assurément !





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Dépressions

Le moins qu'on puisse dire avec ces nouvelles, c'est que l'on sort de sa zone de confort. On sait lire les mots, mais que lit-on ? Mis à mal, l'intellect a les neurones en macramé, et ce n'est pas plus mal. On tente de se rapprocher de ce qu'on a pu déjà lire — Kafka pour ne citer que lui — mais c'est autre chose.

Dans ce que l'on pourrait qualifier de première partie — tournant autour du village (et de sa « distance par rapport à la ville, la guerre, l'administration) — on a affaire à ce qui, par des phrases minimalistes, s'enchaînant parfois à l'aide d'un seul mot leitmotiv, s'apparente à des photographies, voire des photogrammes. Sépia, noir et blanc, noir et sang.

La seconde partie quant à elle traite davantage de la ville, de l'absurdité de la guerre et de l'administration — Kafka le retour.

Au final, ces nouvelles teintées d'une poésie très particulière, font partie des recueils qui marquent, que l'on n'oublie pas de sitôt.
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Le renard était déjà le chasseur

J’ai refermé ce roman, impressionnée. D’abord par la langue de Müller, « d’une richesse poétique inouïe » (parfaitement bien résumée sur la quatrième de couverture d’un autre de ses livres). Cette écriture âpre, mais belle comme dans un conte, casse les codes de la composition lexicale pour raconter des vies dépossédées, sous l’emprise d’une dictature. La lecture est exigeante et je ne prétends pas avoir compris le sens de chaque phrase, mais j’ai saisi suffisamment d’éléments pour suivre le récit sans me perdre.



La première moitié du roman plante le décor dans une petite ville roumaine sans âme, par une série de tableaux souvent lugubres. Même la nature y apparait hostile. Le soleil est froid et les peupliers pointus projettent des ombres coupantes. Dans la seconde moitié, quelques personnages croisés auparavant de manière furtive s’extraient de cet environnement fantomatique. Certains, menacés par le régime, résistent à la peur, d’autres, du côté du pouvoir totalitaire, en profitent. Une découverte littéraire rare !
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Animal du coeur

Cinq jeunes Roumains sous le régime de Ceausescu sont au centre de cette représentation émouvante de la lutte pour devenir des adultes qui gardent « les yeux grands ouverts et bien fermés en même temps ». À travers le suicide d'un ami commun, la narratrice anonyme... une jeune femme qui étudie pour devenir traductrice- rencontre un trio de jeunes hommes avec lesquels elle partage une rébellion politique et philosophique. Les emplois que l'État leur assigne après l'obtention de leur diplôme les envoient aux quatre coins du pays. Le groupe parvient malgré tout à maintenir sa proximité, grâce à des lettres codées portant une mèche de cheveux de l'expéditeur en guise de marque de surveillance (si la mèche n’est plus dans la lettre).  Alors que les amis commencent à perdre leur emploi et à se lasser d'être suivis, menacés et arrêtés pour des interrogatoires semi-réguliers, chacun pense de plus en plus à la fuite. Ce désir est résumé en une phrase sublime: «On voulait traverser le Danube à la nage, jusqu’à ce que l’eau devienne un pays étranger.»

Herta Müller s'élève vers des hauteurs auxquelles nous ne sommes plus guère habitués . Tout aussi important, peu de livres ont rendu compte avec autant de clarté de la convergence de la terreur et de l’ennui sous le totalitarisme.

Si vous chercher un chef-d’œuvre stimulant, voici Animal du coeur, lecture incontournable...
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L'homme est un grand faisan sur terre

J'attendais beaucoup de ma lecture d'Herta Müller. Je tournais autour de ses livres depuis des années.

Et puis, je suis tombé sur un épisode de l'émission de France culture "Les romans qui ont changé le monde" consacré au livre d'Herta Müller "Le renard était déjà le chasseur". Mathias Enard y recevait Claire de Oliveira et Traian Sandu pour en parler et c'était passionnant. J'y ai donc vu un signe qu'il était temps de me jeter à l'eau et de lire la prix nobel de littérature 2009.



Je suis alors passé à la médiathèque Jean Moulin de Margny-les-compiegne et j'ai trouvé le titre de ce petit opus drôle. Je l'ai donc emprunté.

L'histoire se passe en Roumanie. Un homme Windisch ne pense plus qu'à une chose partir, quitter ce pays si dur pour un autre ou sa femme, sa fille et lui pourront avoir une vie meilleure. Mais pour cela, il faut des passeports et comme dans beaucoup de ces régimes, la seule manière d'en obtenir est de payer. Alors le vieux meunier va payer encore et encore et encore et il va le payer très cher même ce voyage vers un monde qu'il espère meilleur...



Le rythme de ce livre est assez lent. On ressent ainsi le temps qui semble ne pas vouloir s'écouler et les jours qui se succèdent et cette attente interminable du personnage principal pour obtenir le fameux sésame pour sa nouvelle vie.



J'ai aimé l'histoire, j'ai apprécié le personnage principal mais j'ai eu plus de mal avec le style très particulier de l'auteure fait de phrases courtes, parfois presque sans continuité. en tout cas, c'est comme cela que je l'ai ressenti. Malgré tout, je pense que je me plongerais dans quelques temps dans un autre de ses livres pour voir si c'est avec le style d'Herta Müller en général ou seulement avec ce livre que je n'accroche pas.

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Le renard était déjà le chasseur

mémoire de dictature



Un livre écrit comme fonctionne la mémoire, par petites touches. Petite touche par petite touche l'histoire prend forme. Pas dans un mode de narration mais d'allusions, de détails qui finissent par reconstituer l'histoire. On est dans les dernières années de dictature en Roumanie, la pauvreté est partout, la suspicion, les humiliations, la corruption, la solitude. Et puis le régime tombe, on ne sait pas trop comment, un souffle porté par un match de foot, par une chanson, par la trahison ?



Bien que lauréate du prix Nobel, peu d'ouvrages d'Herta Muller ont encore été traduits en français, est-ce lié à la poésie de son écriture ou à l'indifférence des lecteurs français ?
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L'homme est un grand faisan sur terre

Je connaissais la réputation de l'écriture de Herta Müller, concise, froide, déprimante, et pour cette raison j'avais tardé à la lire.

J'ai été surprise par la part d'imaginaire et de poésie qu'il y a dans ce court récit, où éléments naturels et émotions se confondent. J'ai souvent repensé à Colline de Jean Giono, lu il y a quelques semaines, où la nature est également une part importante de l'imaginaire.

Le début est comme l'entrée dans un rêve où le paysage est changeant, interfère avec la réalité, le rêve est d'ailleurs récurrent dans le récit par l'entremise du veilleur - quelle ironie! - seul homme du village à avoir décidé de ne pas émigrer.

Nous sommes dans les années 80, dans une Roumanie dirigée par Ceaucescu, le "père du pays", au coeur d'une petite communauté allemande - celle dont Herta Müller faisait elle-même partie. Tous attendent leur visa pour quitter le pays et aller en Allemagne, comme Windisch, le meunier, sa femme et sa fille Amélie.

Mais Windisch a beau amener jour après jour les sacs de farine exigés par le milicien du village afin d'obtenir les papiers réglementaires, celui-ci repousse sans cesse l'échéance. le meunier sait bien que la solution se trouve en Amélie, que le milicien attend, lui ainsi que le prêtre qui doit lui délivrer son acte de naissance, en présence bien sûr de la jeune fille... Mais Windisch, dont la femme a survécu au Goulag en se vendant, ne peut pas se résoudre à livrer sa fille aux deux hommes corrompus.

Cette réalité du pays où Herta Müller a grandi est racontée à coups de phrases courtes. Les corps y sont extrêmement réalistes et omniprésents; les analogies au lait - le ciel, les nuages, les flaques - créent une atmosphère malaisante qui rôde tout au long des pages.

Bien que parfois opaque, j'ai trouvé cette lecture fascinante par ce qu'elle est capable à la fois de dire et d'éveiller sur cette partie de l'histoire roumaine.

Je suis curieuse de découvrir d'autres oeuvres plus récentes d'Herta Müller.
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La bascule du souffle

La bascule du souffle/Herta Müller / Prix Nobel 2009

Cette chronique terrifiante est la relation d’une histoire vraie qui commence en janvier 1945. Nous sommes en Roumanie où vit une population germanophone établie dans la région de Transylvanie. Une déportation est annoncée puis imposée par l’allié soviétique de la Roumanie, car l’URSS soupçonne ces gens d’avoir soutenu les nazis pendant la guerre.

Le narrateur, un jeune homme de dix sept ans répondant au nom de Léopold, est sur la liste des personnes recensées. Il prépare donc ses affaires et attend la police roumaine qui l’embarque dans la nuit et le froid de cet hiver glacial de 1945. Sa grand-mère, lui faisant ses adieux lui affirme qu’elle sait qu’il reviendra des camps.

Enrôlé dans une usine de charbon, puis à la tuilerie, la cimenterie et toutes sortes de travaux forcés, le jeune homme doit se contenter d’un morceau de pain et de deux soupes par jour. Le froid, la faim, les poux, la dysenterie, sont le quotidien de Léopold durant cinq ans dans ce camp de travail situé en Russie. La faim en particulier est une obsession, et en guise de cerveau, il n’a plus dans la tête que l’écho de la faim ; il n’y a pas de mots adéquats pour dire la souffrance de la faim. Avec la conséquence : quand la chair a disparu, porter ses nos devient un fardeau qui enfonce dans le sol… « C’était le temps de la peau sur les os, et celui, éternel, de la soupe aux choux, le matin au réveil et le soir après l’appel… Tout ce que je faisais crevait la faim, chaque objet évoquait les dimensions de ma faim… » Le froid piquait, la faim trompait, la fatigue pesait, le mal du pays rongeait, les punaises et les poux mordaient.

Léopold se souvient en relatant ses souffrances et son découragement, et vingt cinq ans plus tard, il craint encore l’État et aussi sa famille car il cache un secret qui passe aux yeux du monde d’alors et sur le plan strictement physique, comme étant une vraie turpitude : son homosexualité. Soixante ans après, en écrivant ses mémoires, Léopold se souvient de beaucoup de ses congénères déportés et les cite. Beaucoup d’Allemands moururent durant les hivers avec le froid, les étés avec les épidémies :

« Le premier à découvrir un corps doit être débrouillard et le déshabiller vite tant qu’il est encore souple, et avant qu’un autre ne prenne ses habits. Il s’agit d’être le premier à rafler le pain que le mort a mis de côté dans son oreiller. Dépouiller un mort est notre façon de le pleurer. À l’arrivée de la civière, la direction du camp ne doit avoir qu’un cadavre à emporter… Tout l’hiver, on a empilé les morts dans l’arrière cour : on les a recouverts de neige, on les a fait durcir plusieurs nuits d’affilée. Les fossoyeurs, ces paresseux, ces saligauds, ils découpent les cadavres à la hache pour ne pas avoir à creuser de tombes, mais de simples trous. »

La libération intervint en 1950. Retour au pays d’abord puis émigration en Autriche pour Léopold.

D’un point de vue historique, il faut savoir qu’à l’été 1944, une grande partie de la Roumanie alors alliée de l’Allemagne nazie est occupée par l’Armée Rouge. Ensuite, après l’exécution du dictateur fasciste Antonescu, la Roumanie déclare la guerre à l’Allemagne nazie. En 1945, Staline et Vinogradov obtiennent des Roumains que les Allemands vivant en Roumanie viennent œuvrer pour la reconstruction de l’URSS détruite par la guerre. Tous les hommes et femmes de dix sept à quarante cinq ans furent déportés dans des camps de travaux forcés. La mère de l’auteure y a passé cinq ans. Son témoignage avec celui d’autres déportés a permis d’écrire ce livre publié en 2009. Herta Müller est née 1953 en Roumanie au sein de la minorité germanophone et vit en Allemagne depuis 1987.

Ce livre est avant tout un témoignage minutieux d’un fait de guerre peu connu, un tabou historique pourrait-on dire, une chronique terrifiante. On peut apprécier la part historique du récit, mais trop de longueurs viennent ennuyer épisodiquement le lecteur, et l’auteure, à mon sens, n’a pas su nous rendre Léopold sympathique. Cependant, la valeur documentaire du texte est indéniable.





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La convocation

Il faut connaître le contexte historique de cette fiction pour mieux la comprendre.

L'action se déroule pendant la dictature de Ceaucescu, dans l'ouest de la Roumanie, à une époque où le régime a depuis longtemps fait taire les intellectuels, ruiné les entrepreneurs et déporté les moyens et grands propriétaires terriens dans les plaines hostiles du Baragan.

Les magasins sont vides, tout le monde travaille à l'usine, et la securitate vous surveille en permanence.

Ne pas perdre la tête dans cette atmosphère étouffante est le défi que se propose la narratrice, dont la meilleure amie s'est fait fusillé en voulant fuir de l'autre côté de la frontière et qui vit avec Paul, un homme qui trafique un peu pour arrondir ses fins de mois.

La narratrice se fait prendre à l'usine de textile où elle travaille en train de glisser des petits papiers dans les habits destinés au marché italien. Commence alors les interrogatoires de la Securitate.



L'écriture de Herta Müller est incroyablement dense, son style reproduit à force de petites descriptions ciselées la sensation d'étouffement et l'oppression permanente de la Roumanie communiste.

Le récit avance lentement, au rythme haché du tramway qu'emprunte la narratrice pour se rendre à sa convocation, qui fait apparaître le temps du parcours un ensemble de personnages sombres ou pittoresques décrits à petites touches précises.



Une très belle fiction difficile, irrespirable, douloureuse.

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L'homme est un grand faisan sur terre



Ca n'arrive pas souvent, mais là, ce roman m'a complètement échappé.



L'écriture est sèche et plate même dans les moments où l'on voit l'imaginaire se mêler à la réalité du présent. A travers des phrases courtes et froides, l'autrice décrit plus qu'elle ne raconte. Mais elle ne décrit pas les gens, ou très peu, au point que les pierres, l'herbe, les ornières et la vaisselle semblent plus vivants que les personnages.



Il y a sans doute plein de symbolisme dans ce bouquin. La chouette qui revient à toutes les pages, adossée à la mort; le blanc, qui apparaît même où on ne l'attend pas; les pommes, qui se font manger par les hommes ou par le pommier lui-même.... Mais franchement me dire qu'il faudrait débattre des heures avec d'autres lecteurs pour y trouver un sens ne m'enchante guère.



Le fil principal de l'intrigue, tiré par ces villageois qui ne savent plus quoi vendre ou donner pour obtenir un passeport tant ils sont tous déjà allé si loin pour ne récolter que du vide est désespérant, volontairement. L'emballage est aussi désespérant, même l'absurde que l'on touche du doigt est désespérant...



Et finalement ne mettre qu'une étoile à un Nobel, signe de mon déplaisir lors de cette lecture, suffit en soi à être désespérant...
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L'homme est un grand faisan sur terre

" Chacun doit faire la putain pour survivre " et, c'est ce que raconte Herta Mûller dans son roman, dans sa fable et un peu dans cette biographie déguisée des années passées sous la dictature de Ceaucescu !

Un meunier ( Mûller est meunier en Allemand ! ) Windisch veut émigrer vers l'Ouest et, il a beau livrer des sacs de farine volés au maire, avancer de grosses sommes d'argent : le passeport promis n'arrive pas . En dernier recours, il décide de laisser sa fille chérie : Amélie se livrer à la prostitution avec un milicien et un pasteur !

Un roman étonnant avec des petits chapitres aux titres poétiques qui, sans suite logique vont faire apparaître la vie difficile des ruraux écrasés, persécutés, martyrisés par l'oppression, la maltraitance ! On sent dans ce récit froid, dépourvu de sentiment, dans ce monde sans joie : toute la douleur que Herta Müller et les roumains d'origine Souabe comme elle ont du supporter mais, en même temps à cette noirceur vient s'ajouter l'évocation de la nature, omniprésente avec les chouettes, la lune, les fleurs séchées par la chaleur, le pommier qui dévore ses pommes et, les intérieurs dépeints avec des objets qui ont une vie autonome : le coucou, le couteau, les tableaux, les draps, la vaisselle et la larme de verre à remplir avec de l'eau de pluie !

Bref, : un univers parfois surréaliste avec une musique blanche qui enveloppe les personnages, avec la crudité du langage et, en même temps la luminosité des accents de la poésie !

Herta Müller a obtenu le Prix Nobel de littérature en 2009 pour l'ensemble de son oeuvre " pour avoir dépeint l'univers des déshérités avec la densité de sa poésie, la franchise de sa prose ".

L.C thématique de février 2023 : un animal dans le titre.
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Le renard était déjà le chasseur

Tel un renard dans la clairière, je fus pris au piège

Prix et quatrième de couverture alléchant

Le corbeau a gagné le fromage grâce à ce tour de manège

Tout ceci m'a rendu aigre et méchant



Enttäuschung ! Déception !

Imbroglio de mots abscons

Anprangerung ! Dénonciation !

Que suis-je bête, ducon



"Chaque nuit, un village au bord d'une route est une chaussette semblable à leurs cous"

Une prix Nobel de littérature
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La bascule du souffle

Roumanie 1945 : la population germanique soupçonnée de nazisme est envoyée dans des camps de travail en Russie. Parmi ces hommes et ces femmes, un jeune garçon Leopold. Il survivra dans cet univers concentrationnaire 5 ans et heureusement on le sait dès le début. Il retrace un quotidien épouvantable : travaux de force, humiliations, appels du soir interminables et par-dessus tout la faim et la nostalgie de son pays. Mais ces souffrances, il les dépasse en transfigurant le réel . Il s'adresse directement à "l'ange de la faim", personnifie les objets ("la pelle du coeur") et les différents matériaux qu'il doit porter, transporter, travailler. Par l'emploi de la métaphore et de la poésie, l'autrice transforme l'horreur en beauté.

Ce roman renvoie à une part d'histoire qu'il ne faut pas oublier et qui résonne étrangement aujourd'hui.
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L'homme est un grand faisan sur terre

Dans son village de Roumanie, en attendant le passeport qui lui permettra d'émigrer en Allemagne, Windish, le meunier, traîne sa carcasse. Le roman d'Herta Müller se passe dans ce village de Roumanie où le temps s'égrene de sac de farine en sac de farine ... le temps, parlons-en car la conjugaison d'Herta Müller laisse à désirer d'autres temps ... du présent de l'instantanéité au présent de l'éternité, le présent d'énonciation ne laisse que peu de place au futur. Les phrases sont courtes (présent de l'instantanéité) mais le temps se traîne sur la durée (présent de l'éternité) ... Oui, Herta Müller n'écrit quasi exclusivement qu'au présent.

En plus de cette obsession pour le présent ( et on est loin du Carpe Diem), Herta Müller nous vend les obsessions de Windish : l'oeil fixe, comme l'idée fixe, le doigt aussi, le sexe féminin et puisque c'est chouette, les chouettes (les empaillées sont l'obsession du mégissier). C'est assez particulier comme texte ... C'est un peu comme les oeuvres d'Elfriede Jelinek tout en étant radicalement différent ... C'est malaisant ... Car derrière les obsessions des personnages, il y a quelque chose qui fait que chacun se retrouve avec un trou de mélancolie dans la tête : le mal du pays.



Le mal de la Roumanie de Ceausescu, de la Russie et de son hiver sans fin, mais il y a encore l'Allemagne qui corrompt les hommes et les femmes, la Wehrmacht et les SS ... Et l'atmosphère ne s'assainit pas du fait que l'Eglise est au coeur du village car l'Eglise a en son jardin un pommier qui dévore ses pommes ...



Ainsi, le paradis perdu, l'Eden se retrouve livré aux influences de Satan, et depuis, "les vers sont dans les fruits". La nature se pourrit, les hommes et les femmes mangent les fruits pourris et les vers, et la terre se creuse à force des pluies diluviennes, et les chemins pleins d'ornières ne mènent qu'à d'autres chemins lézardés.



PS : Pourquoi ce titre : "L'homme est un grand faisan sur terre" ? Deux occurences dans le texte, dans la bouche du veilleur, tout d'abord, et Windish lui répond que l'homme est plus fort que les animaux ...

La deuxième occurence, c'est Windish qui reprend à son compte la phrase du veilleur après sa plus cruelle déception, lorsqu'il tombe au plus bas et qu'il en prend un coup à son orgueil ... Et qu'il se rend compte que cette phrase, finalement, lui parle.



L'homme est-il un grand faisan sur Terre ? L'homme est-il au moins grand ? Ou n'est-il qu'un faisan, que l'on chasse dans les campagnes ? L'homme n'est-il pas plutôt un oiseau de proie ? Ou un oiseau de mauvais augure ? La chouette surplombe le texte du début à la fin ... L''Homme serait, du coup, une grande chouette sur la terre. En même temps, les oiseaux volent, non ? Lorsqu'ils ne sont pas en cage ou empaillés dans un grenier ... L'homme ne vole pas par contre mais il peut se mettre en cage ou se retrouver empaillé ... En tout cas, c'est sûr, l'homme est un animal dépourvu de plumes et d'ailes donc il est terrestre, sur terre, comme le grand faisan, comme les oiseaux qui ne volent pas ou si peu, comme le coq et la poule. D'ailleurs, le coq de Windish a un drôle de destin lui aussi ... Et il finit dans une grande casserole. Est-ce que l'homme ne serait pas, aussi, un grand coq sur terre ?





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La bascule du souffle

La "prix Nobel" Herta Müller est fille de déporté et souhaitait raconter la vie en déportation, en sa compagnie, du poète roumano-allemand Pastior. Son décès l'a obligée à s'y atteler seul.

La faim est omniprésente dans ce livre mais le désir de vivre et l'humanité des déportés rendent le livre saisissant avec un style sobre mais incisif, le tout avec des chapitres courts.

Lecture exigeante mais édifiante
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L'homme est un grand faisan sur terre

Windisch est meunier .

Le veilleur de nuit est assis sur un banc.

Le chien aboie.

Il y a un rat dans la paille.

Et puis des lézards, des crapauds, des chouettes, des cigognes et des merles et des grillons et des corneilles., mais pas de faisan.

Ah, non, suis-je bête, le faisan , c’est l’homme.

Le menuisier occupé à terminer le cercueil de sa mère se blesse avec une écharde, sa femme la lui enlève et il lui caresse les seins avec son doigt plein de sang.

Un autre doigt, visqueux, sort de la toison de la femme de Windisch, il voit le doigt. Il sait qu’elle s’est prostituée en Russie.

Atterrissons : nous sommes en Roumanie, sous Ceausescu, et tout ce beau monde, sauf le veilleur de nuit veut émigrer.

Actes de naissance, pas simple, il faut se donner à l’abbé.

Passeports, pas simple, il faut se donner au policier, même l’argent ne suffit pas. « il cherche les demandes de passeport avec les femmes qui veulent émigrer sur un matelas …et doit parfois recommencer jusqu’à sept fois ! »

Et la postière récupère l’argent des timbres et s’achète de l’eau de vie.



Herta Muller, prix Nobel 2009, parsème ces phrases plates, énumératives, d’un peu de piment fantastique : un pommier qui mange ses propres pommes, et qu’il faut donc brûler, un trou dans le cerveau, une araignée dans l’oreille, la chouette qui apporte la mort, le papillon qui traverse les joues du tailleur, la boule de feu dans la gorge du meunier,…

et aussi de symboles, le doigt, la mouche sur le cadavre, la larme de verre à remplir d’eau de pluie, et le souvenir de ces anciens prisonniers de guerre.

Et puis, miracle, l’écriture s’ouvre pour s’approcher au plus près de la faim, ce qu’est la faim, se réjouir de la soupe aux herbes, donner son manteau dans la neige pour un morceau de pain, le hérisson rentre alors, pour quelques heures, ses piquants.

Se prostituer pour ne pas mourir de faim.

Quatre pages, qui valent bien un prix Nobel.

LC thématique octobre : un verbe dans le titre





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La bascule du souffle

Un livre sur la faim, définitivement.



C'est le récit d'une expérience de prisonnier de guerre que fait ici l'autrice, des privations et de la perte de repères. Sa langue est effectivement "sèche" comme la quatrième de couverture l'indique. Il s'agissait de ma première lecture d'Herta Müller, aussi, peut-être n'était-ce pas le bon livre pour entrer dans son œuvre, car ce fut difficile pour moi de m'attacher au personnage, qui reste une enveloppe assez déshumanisée sauf à certains moments d'auto-réflexion. Évidement, la valeur testimoniale de ce roman sur les prisonniers de guerre post seconde guerre mondiale est incontestable, mais en terme de lecture, ce n'est pas un livre que je recommanderai chaudement.
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Le renard était déjà le chasseur

Herta Müller, un nom qui me disait quelque chose … une petite recherche, « la convocation » un titre découvert il y a quelque temps déjà mais qui aussitôt visualisé me revient en mémoire, une lecture âpre, demandant un effort certain de concentration, la vie sous un régime tyrannique où il n’y a rien à espérer, pas un livre pour égayer une triste journée.

Qu’il est difficile d’aller à la rencontre de ce renard, cette peau de renard qui nous surprend tout au long de ce récit !

Méfiez vous quand vous allez chez le coiffeur dans ce pays là, les coiffeurs gardent vos cheveux coupés et les rangent dans un sac et « quand le sac est aussi lourd que l’homme, celui ci meurt» alors changez de coiffeur ne retournez pas toujours chez le même sinon ….

Qu’il est difficile de suivre ces personnages multiples, dans leurs vies de tous les jours dans un monde où règne un despote qui finit par être nommé !

Un pays où les ombres n’appartiennent pas aux objets ou aux personnes qui les ont créées … elles ne sont à personne !

Un pays qui finit par se débarrasser de son tyran mais à quel prix !

Une lecture épuisante, à la limite de la compréhension mais où parfois le style prend tout son sens pour nous offrir de très belles phrases.

Une œuvre à découvrir le jour où tous nos neurones sont en grande forme !
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Le renard était déjà le chasseur

Un groupe d'amis, des intellectuels progressistes, tente de survivre sous la surveillance de la police politique, dans la Roumanie totalitaire de Ceausescu.

Beaucoup ont écrit sur la dictature. Personne ne l'a fait comme Herta Müller.

Dans une interview elle parlait de "...la langue de bois du régime qui avait détourné le langage à son profit. D'où notre vigilance pour éviter les mots ou les concepts violés ou souillés par le politique. Ils renvoyaient à une réalité qui n’était pas la nôtre."

Elle a donc inventé elle-même un langage qui nous rende perceptible la vie dans un régime totalitaire : un langage de dénuement, de contrainte, de censure.

Des phrases courtes et descriptives, qui nous enferment aussi efficacement qu'une geôle.

Un langage dénué d'émotion, froid, qui fait naître la terreur aussi sûrement que de se voir suivi par un agent du régime.

Un texte ciselé, qui nous oblige à être attentif au moindre détail, à la moindre trace, comme dans un logement surveillé par la Securitate.

Ça n'est pas facile d'entrer dans ce roman. Tout y est hostile : "Les peupliers découpent l'air brûlant. Les peupliers sont des couteaux verts."

C'est puissant.

C'est très difficile à lire.

C'est magistral.

C'est ardu.

C'est exceptionnel.



Traduction de Claire de Oliveira.

Challenge Globe-Trotter (Roumanie)

Challenge Nobel

LC thématique de juin 2022 : "Titres à rallonge"
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L'homme est un grand faisan sur terre

Née en Roumanie, au sein de la communauté germanophone, et émigrée en Allemagne, Hertha Müller a reçu le Nobel de Littérature en 2009.

Je pense alors à Patrick Modiano, Toni Morisson, Mario Vargas Llosa, Doris Lessing, ou Camus, Hemingway, Steinbeck... et je me dis que je n'ai jamais été déçu par les Prix Nobel dont j'ai lu des œuvres. Hertha Müller est parvenue à briser cet a priori positif.

L'Homme est un grand faisan sur terre est, comme son titre l'indique sans ambiguïté, un roman rural à tendance poétique et totalement incompréhensible.

En réalité on comprend bien qu'il s'agit de l'histoire d'un village roumain, du temps de Ceaucescu que les germanophones veulent quitter ; ce qui les contraint à soudoyer les autorités qui fournissent les documents nécessaires, en l'occurrence le curé et le policier. Et pour soudoyer, il faut donner des stocks d'objets ou de produits alimentaires, ou encore sacrifier sa femme ou sa fille aux deux notables précités, aussi lubriques l'un que l'autre.

Je ne doute pas que ça s'est passé et ça se passe encore comme ça en de multiples endroits de notre planète, mais cette ignoble utilisation du corps des femmes comme monnaie d'échange ne gagne rien à être présentée dans les tentatives poético-surréalisto-oniriques dont Hertha Müller les enrobe.

J'en reviens donc au titre, pas plus compréhensible quand il est déclamé par un vieux veilleur de nuit un peu timbré, et dont le style se retrouve dans les cochons volants de la voisine ou le cerisier qui mange ses propres fruits à la nuit tombée.

Je n'ai rien contre un peu de loufoquerie (Vian, Dac, Desproges, Fabcaro ou Groucho Marx ont leur place dans ma bibliothèque), mais dans ce livre, ce n'est ni drôle, ni beau sur le plan du langage. Ça dessert plutôt le thème central et ça noie les 2 ou 3 pages, poignantes, où les femmes victimes se remémorent les moments où des hommes de pouvoir les ont violées pour des papiers ou de la nourriture.

Deux pages qui auraient mérité d'être imprimées à part. Ou alors je n'ai vraiment rien compris.
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Les troupes une fois campées, il faut tourner ses vues du côté du près et du loin, des avantages et des pertes, du travail et du repos, de la diligence et de la lenteur ; c’est-à-dire qu’il faut rendre près ce qui est loin, tirer profit de ses pertes même, substituer un utile travail à un honteux repos, convertir la lenteur en diligence ; il faut que vous soyez près lorsque l’ennemi vous croit bien loin ; que vous ayez un avantage réel lorsque l’ennemi croit vous avoir occasionné quelques pertes ; que vous soyez occupé de quelque utile travail lorsqu’il vous croit enseveli dans le repos, et que vous usiez de toute sorte de diligence lorsqu’il ne croit apercevoir dans vous que de la lenteur : c’est ainsi qu’en lui donnant le change, vous l’endormirez lui-même pour pouvoir l’attaquer lorsqu’il y pensera le moins, et sans qu’il ait le temps de se reconnaître.

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