Citations de Ingrid Thobois (178)
Une nuit, Joachim l'avait surpris, le visage ruisselant de larmes, dans le grand relâchement d'exister. Le petit garçon avait accueilli cette vision avec la simplicité des enfants qui prennent les pleurs pour ce qu'ils sont : l'écoulement d'un trop-plein donc on ne devrait pas s'effrayer.
Tout le monde parle de "travail de deuil". Il n'y a pas de "travail de deuil". il y a une infinité de portes ouvrant une infinité d'autres portes. Il y a le franchissement d'une succession de sas qui n'isolent de rien et ne favorisent aucun passage.
On ne se tue pas par abandon de la lutte – les religions ont inventé la rhétorique de cette prétendue lâcheté. On se suicide et on dévore la vie au nom d’un seul et même scandale : l’exiguïté du couloir de temps qui nous est alloué, dans lequel il nous est permis d’avancer mais jamais de faire demi-tour, ni de nous arrêter. On se tue après avoir longuement soupesé la vie, analysé ses accélérations et décélérations, afflux et reflux sanguins dans la carotide, et la sensation de vide qui s’ensuit. On se tue au moment d’aller mieux, dans l’équilibre retrouvé entre les artères chargées d’oxygène et les veines de CO2 : se jeter par la fenêtre, c’est d’abord s’essayer à voler.
Chacun a ses raisons de renoncer à sa vie.
Kosma et Ludmilla s'étaient violemment disputés comme tous les gens qui s'aiment sans oser s'avouer leur peurs embusquées.
Crépon [leur instituteur], les sorties en forêt, ça lui donne des palpitations. Il exige donc à chaque fois qu'on s'habille en couleurs vives. Très vives. Si vives que lorsque le bus nous débarque, la forêt se met à ressembler à une réserve de M&M's en liberté.
Ce jour-là, Joy portait son duffle-coat fraise tagada, moi ma doudoune moutarde. Crépon mijotait dans son K-Way framboise écrasée. Sûr : on ne pouvait pas le louper !
- Brunhilde ma chérie, tu vas être contente, on a de nouveaux voisins!
Ma mère, son sport favori, c'est de penser à ma place.
Les familles se construisent au hasard des rencontres. On ne choisit pas les siens, mais on les pleure toujours. Le sang, les molécules, les couleurs des iris, les profils similaires, les expressions communes, quand bien même cela fait cinq années que l'on a pas touché le bras d'un frère aîné
C'est très facile de ne plus aimer. Il suffit de ne plus jamais regarder. De ne plus jamais respirer. De ne plus jamais entendre.
A tutoyer des paysages de cette sorte, les mots se dérobent. Au faite du plaisir, des bataillons de frissons et des larmes en ruisseaux témoignent de ce qui, catégoriquement, se refuse a former une phrase.
Les fous sont seulement des gens éreintés que la nuit ne secourt plus.
Les guerres ne sont que d'horribles cauchemars qui s'ajoutent les uns aux autres mais qui ne résolvent rien.
Kini est aux anges. Elle qui s'ennuie mortellement en classe a trouvé dans la navigation une formidable école de la vie.
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Et d'une même voix, on a éclaté de rire:
- Faut être un peu zinzin pour appeler sa fille comme ça!
Les enfants de mon âge m'intéressent à peu près autant que la télé que je ne regarde jamais parce que c'est fait pour les crétins, m'a expliqué mon père.
La France, c'est un très beau pays, et qui offre de nombreux avantages .Mais beaucoup de gens qui migrent là-bas déchantent quand ils arrivent.C'est violent, la France. Tout coûte cher. La plupart des gens vivent repliés sur eux-mêmes. Seuls les migrants de moins de dix-huit ans sont pris en charge.Mais encore faut-il qu'ils puissent prouver leur âge! Pour ce qui est des adultes, le graal que représente le statut de réfugiés est de plus en plus difficile à obtenir.Il faut pouvoir prouver que, dans ton pays, tu es bel et bien menacé.Sinon, c'est la rue, la mendicité, le froid, la pluie, la perte de dignité
C'est dur l'exil. C'est laisser derrière soi toute sa famille. C'est vivre de trois fois rien, dormir dans des foyers d'accueil..
On ne peut pas cesser d'être photographe, de même qu'un écrivain ne peut rien opposer à sa porosité au monde, ni à ce double foyer qui lui sert de regard.
Eric s’est usé à essayer de lui expliquer qu’islam ne rime pas avec terrorisme, que le fanatisme d’une minorité n’est pas révélateur, et que la plupart des gens se content de vivre leur foi et aspirent à la paix.
Vingt ans plus tard, hélas, les barbus au front étroits et aux rêves de violence ont gagné du terrain dans le monde entier, et prolifèrent dans la vallée des roses. Dans la rue, dans le souk, le climat s’est dégradé. Pour un rien, on vous cherche des noises.