Citations de Ingrid Thobois (178)
Dans la tradition berbère, l'impolitesse réside dans le fait de refuser l'hospitalité, non de l'accepter.
Tout ce qui lui apparaissait hier comme dû devient à ses yeux un trésor: être entourée par une famille, vivre protégée au milieu des siens, avoir un toit, de quoi manger, être assurée du lendemain.
Quant à Kader, il avait senti qu'Eric n'avait rien à voir avec ces touristes qui consomment le monde au lieu de le découvrir, prenant en photo ce qu'ils n'ont même pas regardé.
Rien n'arrêtera Milosevic et Karadzic. Prendre la ville serait un jeu d'enfants. Mais leur objectif est de nous mettre à genoux, de nous affamer, de nous terroriser et de nous rendre fous pour qu'on finisse par s'entredévorer. Et ce jour-là, on aura tout perdu. Quand les manoeuvres militaires ont commencé sur les collines, on a été les derniers à comprendre ce qui se passait. Le lendemain, sous les tirs des paramilitaires, il a fallu qu'on se définisse comme on ne l'avait jamais fait : croates, serbes, musulmans. Et c'en était fini d'aller aux mariages et aux fêtes des uns et des autres, sans souci de religion ou d'origine. Dans les Balkans, le vivre-ensemble était une notion vaste. Komsiluk. On veillait les uns sur les autres. On se prêtait les enfants, on les nourrissait et on les berçait sans distinction de confession, de nationalité. On était de tous les anniversaires et de tous les enterrements. Et quand un étranger frappait à la porte, on l'invitait à sa table. On lui préparait un café sucré et un lit. Le lendemain matin seulement, au petit déjeuner où s'étalait tout ce que l'on avait à offrir, on s'avisait de lui demander son prénom. Nous étions bosniens. Mais si cette guerre ne se termine pas rapidement, personne ne le sera plus jamais.
On ne conserve jamais que des traces de nos expériences fondatrices, des clichés flous, des images en apesanteur, si fragiles qu'à s'en saisir on risquerait de les pulvériser. Faute d'étalonnage au moment de les vivre, elles dérivent dans la mémoire et peinent à s'y fixer.
Les gares ne disent rien des villes qu'elles desservent. Elles en sont les portes d'entrée, les façades, les issues. On y arrive, on en repart, on s'y donne rendez-vous, on s'y croise par hasard, on s'y manque, on s'y perd et l'on s'y attend, parfois très longtemps.
Voyager, c'est choisir d'aller à la rencontre de l'inconnu,
découvrir le monde, proche ou lointain. On explore
de nouveaux horizons, on apprend, on rencontre des gens.
Ça permet de se rendre compte à quel point, entre ici et là-bas,
tout est à la fois très différent et très semblable. Parfois,
ça aide à mieux comprendre, à être plus tolérant.
Ensuite, on rentre chez soi la tête pleine de couleurs.
Je me fiche d'être malpoli. Ta copine, elle n'est pas halal du tout, il n'y a qu'à regarder sa jupe à paillettes, et sa fille non plus, il n'y a qu'à regarder sa robe de chambre. Je suis sûr que dans la rue ni l'une ni l'autre ne portent de foulard. Elles aussi, on va les lapider.
Lorsque je t’ai trouvé à terre, tu fouillais le ciel de tes yeux grands ouverts, très bleus, très clairs, d’autant plus bleus et clairs qu’ils contrastaient avec une flaque sombre allant en s’élargissant autour de tes cheveux blonds. Je t’ai souri et j’ai continué à te sourire comme s’il avait été en mon pouvoir de retarder l’instant où tu allais comprendre, de différer celui où je serais forcée d’admettre. Mais tu étais déjà en train de lire dans la crispation de mon visage le reflet trouble de ton accident.
Je m'efforçais d'écrire, comme on rétablit la ponctuation là où la vie a oublié d'en mettre, parce qu'il faut bien inventer une logique aux invraisemblances de la vie.
On raconte que ses tout derniers mots ont été : Maintenant, repos...
- Pays riches, pays riches... mais riches de quoi ? demandait-elle, écoeurée par les comportements de certains touristes. À Boulmane, ils pouvaient se montrer tellement radins, à marchander la moindre datte sur le marché, le moindre sachet d'épices, alors que cela ne représentait pour eux que quelques centimes d'euros !
- Ça, des gens riches ? Des radins, oui !
Le chagrin ne s'allège pas toujours d'être partagé. la tristesse, c'est aussi quelque chose d'intime que l'on peut vouloir garder pour soi. Il faut simplement accepter de la traverser. Ne pas lutter. Attendre que le courant nous redépose sur le rivage. Attendre que passe le nuage d'orage.
Kader les emmenait ensuite dans de minuscules restaurants où ils étaient reçus comme de princes, et mangeaient divinement : tajines, couscous, salades d'orange à la cannelle et cornes de gazelle, le tout accompagné de thé à la menthe versé avec adresse depuis un bon mètre de hauteur dans des verres guère plus grands que des dés à coudre.
Quant à Kader, il avait senti qu'Éric n'avait rien à voir avec ces touristes qui consomment le monde au lieu de le découvrir, prenant en photo ce qu'ils n'ont pas même regardé.
Dans la vallée sans réseau, de grandes publicités pour des téléphones, que très peu de gens peuvent se payer, se déploient sur des panneaux de trois mètres sur quatre : " Nokia, l'élégance aux couleurs de l'Afrique. " Les multinationales ont conquis jusqu'aux zones les plus reculées, et la vallée de Dadès n'échappe pas à la mondialisation.
elle avait entendu parler du risque énorme que prennent les migrants en traversant des dizaines de pays, de cols, de déserts, de mers sur des rafiots dont la place est plutôt au cimetière marin!
On demeure à jamais étranger là où l'on n'est pas né.
Le chagrin ne s’allège pas toujours d’être partagé. La tristesse, c’est aussi quelque chose d’intime que l’on peut vouloir garder pour soi. Il faut simplement accepter de la traverser. Ne pas lutter. Attendre que le courant nous redépose sur le rivage. Attendre que passe le nuage d’orage.
Lorsque l’arête d’une marche éclate à une dizaine de centimètres de son pied, son cœur bat si fort qu’il l’entend. Une part de sa personne le cloue au sol. L’autre lui commande de vivre. Il ignore qu’une balle met 0,4 seconde à franchir trois cents mètres. Il ignore qu’il faut à un tireur en position 0,3 seconde pour appuyer sur la détente. Il ignore que toute personne, dans sa situation, dispose donc de 0,7 seconde pour courir se mettre à l’abri. De toute façon, dans ce laps de temps, harnaché comme il l’est, Joaquim n’aurait aucune chance. Mais il faut croire que les miracles existent.