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Critiques de Jakob Wassermann (30)
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L'affaire Maurizius

Qu’est-ce que la justice ? Où la trouve-t-on dans ce vaste monde ? N’a-t-on pas tendance à la confondre avec le désir de vengeance ?



Maurizius est en prison depuis plus de dix-sept ans pour le meurtre de sa femme, Elli. Son père, persuadé de l’innocence de son fils, harcèle le procureur qui s’est occupé de l’affaire, le baron Andergast, afin d’obtenir une grâce. Le fils du baron, Etzel, en veut à son père car il l’empêche de voir sa mère, Sophie. Féru de justice et d’absolu, après avoir rencontré le père de Maurizius, il quitte la maison dans l’espoir de retrouver un témoin de l’affaire, Grégoire Waremme, qui se cache à Berlin sous le nom de Warshauer.



À partir d’une affaire d’erreur judiciaire, Jakob Wassermann écrit un roman tragique, source de réflexions que j’ai trouvées fort justes sur la condition humaine.



La quête de justice d’Etzel se confond avec son désir de vengeance mais est-ce cela la justice ? Se servir de cette occasion pour exprimer sa colère, sa révolte.



Quant à Waremme-Warshauer, il a beaucoup voyagé : juif qui a renié sa judéité, il est parti aux États-Unis où il a, entre autres, était le témoin malheureux du lynchage d’un ami Noir et rencontré une perle rare, un M. La Due, généreux et altruiste. Ses diverses pérégrinations l’ont amené à conclure que celui qui cherche la justice dans ce monde effectue une quête vaine.



Etzel, devenu l’élève de Waremme, ne peut accepter ce cruel constat et cherche du réconfort intellectuel auprès d’un philosophe et écrivain qu’il admire, Melchior Ghisel :



« Que faire ? Qu’est-ce que c’est que la justice, si je n’arrive pas à la faire triompher ? » lui demande-t-il.

« Je n’ai rien d’autre à répondre que ceci : pardonnez-moi, je ne suis qu’un homme, un faible roseau. »



Un roman puissant, une tragédie qui fait écho à la vie de Jakob Wassermann, né en Allemagne en 1873 et qui dut s’expatrier à cause de la montée de l’antisémitisme, contre lequel il prit position. Il dut quitter l’Académie prussienne des Arts parce qu’il était juif, ses livres furent brûlés par les nazis et il mourut en Autriche d’une crise cardiaque en 1934. L’Affaire Maurizius connut en 1928 un succès mondial. Jakob Wassermann est un écrivain allemand du début du XXe siècle fort talentueux et son œuvre mérite, selon moi, amplement d’être découverte – ou redécouverte.
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L'or de Cajamalca

Un récit sans complaisance sur les agissements des Espagnols en Amérique au XVI siècle. La folie de la richesse, la convoitise de l'or et des pierres précisieuses, tout est décrit avec justesse. La religion reste en arrière plan le vecteur qui justifie la cupidité des hommes de cette époque et de leurs outrances. C'est à nos yeux une abomination, on se sent révolté à la lecture du massacre du peuple Inca. Mais ces faits remontent à plus de 600 ans et il est toujours dangereux de juger une époque avec des idées d'une autre.

Le passé et l'histoire sont aussi là pour mesurer avec la barbarie de nos ancêtres le degré d'évolution accompli, et doivent nous permettre de nous situer dans un monde transformé ou théoriquement ces méthodes ne devraient plus exister. hélas l'actualité nous livre chaque jour des faits, qui n'auraient choqué personne il y a 600 ans, comme quoi nous n'évoluons pas tous au même rythme!
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L'or de Cajamalca

Il faudrait commencer par lire ce livre, ce livre de Jakob Wassermann. Lorsqu'on enseigne aux enfants ce que fut le massacre des Incas, ce que fut l’anéantissement de leur Culture, il faudrait commencer par ce livre pour en expliquer la cause. L'effroyable et abjecte cause.

Un récit que je connaissais, mais un récit que Wassermann a su, grâce à son récit, réactiver, rendre brûlant, et si vivant.

Il s'appelait Atahualpa, l'Inca.

Astrid Shriqui Garain

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L'or de Cajamalca

Ce court roman est simple et lumineux. Nous sommes en 1532, les caisses de l'Espagne sont vides et ses sujets ruinés. Ces derniers abordent le Pérou après une terrible traversée de terres inhospitalières, désespérés et rongés par une soif ardente : il s'agit de piller l'or des incas auquel ces derniers attachent peu de valeur. Parvenus dans la petite cité de Cajamalca, au pied des Andes, ils saccagent la part de lumière que recèle le coeur de l'homme en mettant à mort dans des conditions iniques, après massacres et trahisons, le chef solaire des incas, Atahualpa, véritable figure christique. Atahualpa est brulé vif après un dernier repas qu'il parvient à organiser en compagnie de ses ancêtres morts au nombre de vint-quatre, douze hommes et douze femmes. Ce repas n'est pas sans évoquer la Cène avec cette représentation du nombre douze répété deux fois : l'auteur restitue en effet la lignée féminine presque toujours oubliée dans les grands livres. Ce récit fondé sur l'Histoire est aussi un conte allégorique : le soleil c'est la divinité, l'or en est l'image dégradée dans le coeur d' hommes avides et sans spiritualité.
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L'or de Cajamalca

Je partage certains avis sur le placement de cet ouvrage en "jeunesse". La lecture de ce livre sans complaisance pourrait sans nul doute profiter à bien des adultes.



Cela dit, pour une fois la 4è de couverture nous renseigne fort bien... Une citation de Thomas Mann nous prévient: "Le plus beau livre écrit en langue allemande du XXè siècles".



Je ne connais pas assez la littérature allemande, et l'or de Cajamalca a été écrit en 1923... donc il est possible que quelques ouvrages plus récents soient meilleurs que le récit de Jakob Wassermann.



Récit sans complaisance, disais-je, d'un épisode connu/méconnu de l'Histoire. La rançon exigée par Pizarro en échange de l'Inca Atahualpa. Je ne pense pas spoiler la fin en disant que Pizarro n'a jamais tenu sa parole. Pire, il s'est acquis le soutien d'une église catholique avide de possessions terrestres. Nous sommes en 1532, quelques années avant la Controverse de Valladolid... autre "grand moment" de la colonisation de l'Amérique du Sud.



Wassermann raconte la duperie de Pizarro, il raconte l'Inca, son statut de dieu, la passivité des armées indiennes largement supérieures en nombre... Mais surtout, il raconte avec pudeur et retenue une mise à mort guidée par la soif de l'or. Dans un registre plus trash, on regardera Aguirre avec Klaus Kinsky...



Jakob Wassermann, procédant par petites touches, nous amène à une réflexion sur le sens de la vie, la place des gens, la société, l'esprit de gain, la compétition à tout craint... car dans la société que vont démonter les Espagnols, il y a l'entraide, le partage, la solidarité. Le bien-être d'une société est celui du plus faible, pas du plus riche. Et Wassermann le fait sans moralisme, sans longs discours. Il le fait simplement, dans une langue que l'on devine très belle, ciselée et pudique (mais sans fards quand même) malgré la traduction. A mettre entre toutes les mains.
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L'affabulateur

Voilà un texte magnifique ! Ernst, le conteur, "l'affabulateur", séduit les gens qu'il rencontre tel le joueur de flûte d'Hamelin, au fur et à mesure des histoires qu'il invente, qui expriment à travers la tradition du conte et l'inconscient collectif dont il est porteur, toute la beauté et la richesse de la vie humaine. Malheureusement pour lui il tombe entre les mains de l'Inquisition, qui voit en lui un suppôt de Satan, parce qu'il oppose la sagesse, la liberté et la connaissance de l'imaginaire aux superstitions et au fanatisme. Mais où est donc la vérité ? Dans une vision du bien statique et définitive que nous pensons devoir défendre jalousement, où dans ce mouvement de vie toujours en évolution où le bien et le mal se confrontent sans cesse à travers nos émotions, nos pensées et nos actes ? N'est-ce-pas le mensonge du conte, l'affabulation, (comme en toute oeuvre issue de l'imagination) qui nous disent le plus profondément les vérités qui sont les nôtres ?

Ce livre qui raconte l'histoire d'un conteur est lui-même un conte, un peu comme dans ces mises en abîme où on voit une image reproduite dans une autre image etc. Par ce jeu habile de miroirs où le vertige ainsi crée donne au récit une profondeur de sens troublante, la réalité n'est décrite que par les remous qu'elle provoque, un peu comme ceux d'une pierre jetée dans l'eau.

S'ouvre alors un profond questionnement sur le respect de l'autre, la tolérance et la nécessité d'un regard autre que celui de la raison pure.

Et c'est ce regard qui, parce qu'il perçoit plus que l'apparence et qu'au-delà de la simple réalité il entrevoit quelque chose de plus grand, c'est ce regard quasiment prophétique du conteur (sauvé par tous ceux qu'il a aidé à vivre en leur offrant rêve et beauté) qui, ouvrant l'avenir, sortira vainqueur des forces de la mort :

"Je vais vous raconter une histoire... l'histoire du damoiseau Ernest d'Ehrenberg. Mais pas aujourd'hui, peut-être dans un an, dans deux ans peut-être. Ayez juste un peu de patience, je ne vous demande que cela, juste un peu de patience...



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L'affaire Maurizius

C'est un grand livre qu'a signé Jakob Wassermann (1873-1934). Premier livre d'une trilogie L'Affaire Maurizius (1928) est suivi de Etzel Andergast (1929) et de Joseph Kelkhoven (1934) . C'est un pavé de 624 pages si on compte la postface d'Henry Miller.



L'Affaire Maurizius est une erreur judiciaire. Leonard Maurizius a été condamné à perpétuité pour le meurtre de sa femme. Il  croupit en prison depuis 18 ans. Il a toujours clamé son innocence. Seul son père se démène pour une révision du procès. 



Etzel Andergast, 16 ans, fils du procureur qui a obtenu la condamnation de Maurizius entre en contact avec le père de Leonard. Elève brillant, garçon docile, il est élevé de manière très rigide par son père qui le tient éloigné de sa mère coupable d'adultère et interdite de contact. Arrivé à l'adolescence, Etzel recherche sa mère. L'Affaire Maurizius lui fait prendre conscience de la personnalité de son père et de sa situation familiale singulière:





Etzel, intelligent, révolté par l'injustice avait déjà manifesté, enfant, en camp de vacances des talents de justicier :



Il avait innocenté ce jeune juif, victime des menées antisémites de ses camarades en fournissant des preuves après une enquête judicieuse.



Etzel part à Berlin, sur les indications du père de Leonard Maurizius à la recherche d'un témoin capital de l'assassinat dont le témoignage a été déterminant dans la condamnation de Maurizius. Il envoie une lettre à son père lui expliquant sa démarche mais sans lui donner d'indice permettant de le retrouver.



"Il y a encore quelque chose dont il faut que je te parle, c’est de l’abominable quantité d’injustices qui vous viennent tous les jours aux oreilles. Il faut que tu saches que l’injustice est la chose du monde qui m’inspire le plus d’horreur. Je ne peux pas t’expliquer ce que je ressens quand je suis témoin d’une injustice, à mon égard ou à l’égard des autres, n’importe."



La fugue de son fils est un véritable choc pour le procureur qui ressort le dossier Maurizius et va même le visiter en prison. 



Cette intrigue compliquée fourmille de personnages complexes. L'auteur analyse tous les aspects psychologiques, les personnalités et leurs contradictions, leurs évolutions. Seul bémol d'ailleurs que cet approfondissement de chaque situation, chaque protagonistes. Je me suis parfois perdue.



Aucun manichéisme si ce n'est la rigidité du juge, et d'ailleurs ce dernier évolue avec l'histoire. Etzel, le jeune garçon qui poursuit la justice craque à la fin du roman. Cherchait-il la justice pour Maurizius ou la vengeance vis-à-vis de son père. Maurizius offre lui-aussi divers aspects pas toujours sympathique de sa personnalité. Et que dire de la duplicité de Waremme-Warschauer, juif renégat qui se lie avec les pires nationalistes puis revient à ses origines, manipulateur, séducteur et menteur, mais sensible au racisme...



"Warschauer contre Waremme, comprenez-vous ? Là-bas, comme ici, deux antagonistes. L’Europe et le passé,

l’Amérique et l’avenir "





Ce roman est d'une grande richesse. Enigme policière. Roman à tiroirs : chaque protagoniste apporte son histoire. On navigue des salons universitaires au quotidien des forçats à la prison où est incarcéré Maurizius. Là, on découvre un personnage touchant : le gardien Klakusch rempli d'humanité.  



J'ai dévoré ce pavé. Il me reste encore les deux autres livres de la trilogie!
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L'or de Cajamalca

L'or de Cajamalca de Jakob Wassermann (édition Medium), c''est l'or des Incas que convoitent les Espagnols conduits par le général Pizarro. A Cajamalca (= ville gelée en quechua) le grand Inca Atahualpa, est fait prisonnier par traîtrise. C'est un duel moral qui se joue entre lui et Pizarro. Deux mondes s'affrontent ici...

L'auteur: Jakob Wassermann, né à Fürth (sud de l'Allemagne) en 1873. Jeunesse misérable, fait des petits jobs (rédacteur...) mort en 1934. Ses livres ont été brûlés par les Nazis.. A propos de ce livre, Thomas Mann aurait dit que c'était le plus beau récit en langue allemande du siècle..

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L'or de Cajamalca

Ce livre est édité en collection jeunesse, mais il pourrait tout aussi bien être chez un éditeur pour adulte. En effet, d'une part l'histoire est celle d'un épisode véridique de l'arrivée des Espagnols au Pérou au XVIè siècle, d'autre part le style est superbe, précis, le vocabulaire riche et évocateur. L'auteur, un allemand mort en 1934, a eu à souffrir de l'antisémitisme. Il était considéré par Thomas Mann comme un des grands romanciers du XXè siècle.



Dans ce récit, les Espagnols, pour assouvir leur soif d'or, ont l'idée de faire prisonnier le "Grand Inca", Atahualpa, pour l'échanger contre de l'or. Les Incas ne comprennent pas cette fièvre qui s'empare des Européens dès que de l'or est en jeu. Alors que ceux-ci devraient être des êtres modérés qui apportent la civilisation (et aussi le catholicisme), ils se comportent comme des Barbares. Les scènes sont vues par un chevalier espagnol qui comprend peu à peu à quel point les moeurs espagnoles sont cruelles. Le pire est atteint quand, bien qu'Atahualpa ait donné tout l'or promis aux Espagnlos, il est tué par ceux-ci.



Le style donne à ce récit une profondeur et une universalité étonnantes. Et rappelons-nous que Atahualpa Yupanqui, célèbre chanteur sud-américain, a pris ce nom en hommage au sacrifice du "Grand Inca".
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L'or de Cajamalca

Plus que le mythe du "bon sauvage", nous entrons ici dans une présentation du "sauvage" raffiné et humaniste en opposition au chrétien européen brutal, primaire et inhumain. Tout en finesse, l'auteur nous conduit sur ce chemin-là, sans doute, à juste titre. Ouvrage court, facile à lire, pour tout type de lecteur.
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L'or de Cajamalca

Excellent, touchant et révoltant ! Un bel exemple de choc des cultures ! Quand la conquête du nouveau monde révèle la soif de l'or et une vision du monde ethnocentrée où seule une religion compte ! Que ne fait-on pas au nom du dieu de cette religion "dominante" ? Un bout d'histoire de la chute de la civilisation inca qui donne à réfléchir. L'auteur a écrit ce roman historique et philosophique au tournant des 19 et 20 ème siècles. Cet écrivain juif allemand est mort en Autriche en 1934, a souffert de l'antisémitisme et a vu ses livres brûlés sur la place publique par les nazis. La concordance des temps entre l'époque des conquêtes occidentales du nouveau monde et la montée du nazisme vécu par l'auteur interpelle !
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L'or de Cajamalca

Un court récit qui relate de façon métaphorique l'opposition de deux mondes. Celui – avide, intégriste et égoïste – des conquistadors contre celui de l'empire inca, qui vit ses dernières heures.



Une réflexion sur le sacré, sur la richesse et sur le respect qui - s'il n'est pas peut-être pas, comme le disait Thomas Mann, le plus beau récit en langue allemande du XXème siècle - n'en est pas moins digne d'intérêt, quel que soit l'âge du lecteur ou de la lectrice.
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L'or de Cajamalca

L’or de Cajamalca retrace les derniers jours de l’ultime Empereur Inca renversé par les conquistadors espagnols en 1532. Le point de bascule de l’absurde conquête des immenses territoires de l’Amérique du Sud par quelques aventuriers crotteux, poignée de mercenaires qui mirent à bas une dynastie qui se croyait l’égale du soleil. Il existe des témoignages de première main de ces événements, notamment le passionnant Récit de la découverte et de conquête des royaumes du Pérou par le conquistador Pedro Pizarro. Ce dernier est d’ailleurs proche du narrateur imaginé par Jakob Wassermann, Domingo de Soria Luce, chevalier retiré dans un monastère de Lima qui conte ses souvenirs quelques années après les faits.



Par la bouche de ce dernier, mais en réalité depuis l’Allemagne en crise des années 1920, Jakob Wasserman reconstitue avec brio la capture d’Atahualpa par Francisco Pizzaro, le massacre de sa cour royale, la rançon insensée d’une pièce remplie d’or du sol au plafond exigée par les Espagnols puis obtenue, jusqu’au procès factice de l’Inca qui conduira à sa mise à mort. Mais c’est bien le procès des Conquistadors qu’il dresse en creux et à travers eux le notre, celui d’un occident décadent, sans moral, cupide, avide d’or à en tuer.



Jakob Wassermann rédige L’or de Cajamalca dans une période de curiosité pour la civilisation inca, portée par la redécouverte du Machu Picchu quelques années plus tôt et l’essor de l’indigénisme dans la littérature, la peinture, la photographie, et la politique. La vision égalitaire, sans doute idyllique de la société inca de Wasserman n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle décrite en 1928, dans Sept Essais d’interprétation de la réalité péruvienne par José Carlos Mariategui.



Le meurtre d’Atahualpa ne sera bien sûr pas le dernier des crimes commis à l’égard des Amérindiens. A l’époque où Jacob Wasserman rédigeait son ouvrage, les industriels du caoutchouc asservissaient encore des dizaines de milliers d’entre eux pour récolter la précieuse sève vendue ensuite en Europe. Mais le pessimisme de l’auteur se nourrit probablement plus de son vécu de romancier juif allemand, ayant vécu l’horreur de la première guerre mondiale, et témoin impuissant de l’explosion de l’antisémitisme en Europe.



Son livre annonce la critique radicale de la colonisation, relue non plus comme le triomphe de la civilisation européenne mais comme son tombeau, une suite de crimes avilissants qui firent des Européens les barbares qu’ils prétendaient combattre. Il raconte – comme le proposait son contemporain Walter Benjamin – l’histoire du point de vue des vaincus. Un puissant renversement de perspective qui n’a rien perdu de sa charge subversive. Car la question qu’il pose est vertigineuse: et si c’était nous les méchants?
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Etzel Andergast

Après le remarquable "L'affaire Maurizius", ce gros roman apparaît comme étonnamment brouillon malgré toute sa subtilité, cherchant désespéramment à se saisir des ressorts psychologiques de son époque, à décrypter l'âme de ses contemporains. Paru en 1931, ce livre intuitionne ce qui vient dans une sorte de panique sans issu. Mais est-il vraiment possible de se saisir d'une époque qui se caractérise principalement par sa confusion et son incohérence. Où est le brouillon. Les livres de Wasserman seront tous brûlés par les nazis.
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L'affaire Maurizius

On ne peut limiter cet ouvrage à l’étude d’une injustice particulière : c’est bien l’ensemble de l’institution judiciaire qui est ici dénoncée dans sa parfaite inadéquation aux réalités humaines.

Institution qui, dès que l’on envisage sérieusement sa mise en œuvre, se révèle être essentiellement, à travers ceux qui en sont l’instrument, une machine à broyer aveugle et inefficace, propagatrice à tous ses niveaux d’une injustice palpable, aux effets sociaux désastreux.

C’est à travers l’étude approfondie de ses quatre personnages principaux et de leurs motivations, que Jakob Wasserman en fait la démonstration ; les péripéties de «l’affaire», qui nous seront progressivement révélées, restant finalement à coté, presque subsidiaires.

Ce n’est donc pas là que réside le mystère mais bien plus dans l’extraordinaire tendance des êtres humains à s’illusionner ; comme s’il s’agissait de l’essentiel de ce qui à la fois les différencie et les réunit.

« Une fiction avec laquelle on a résolu de vivre est un tyran qui se refuse à voir et entendre. »

Ainsi, de cette pertinente remarque du baron Wolf d’Andergast, qui rebondit constamment dans le cours du récit ; lui-même semblant incapable de comprendre à quel point elle le concerne directement, lui qui symbolise justement toute la puissance aveugle d’ «une institution qui ne possédait plus qu'un simulacre d'existence; sortie des pandectes poussiéreux, elle survivait seulement en effet dans la tête de quelques hommes qui ont tiré de formules artificielles les concepts avec lesquels ils ont contracté une symbiose de fantômes.»

Mais face à l’aveuglement du juge répond, en miroir, le monde fictif de l’accusé Léonard Maurizius, bien trop indifférent au monde réel et engoncé en son univers pseudo-romantique pour être capable du moindre discernement sur les motivations de ceux qui l’entourent.

Autre personnage clé, Grégoire Waremme, piégé dans le reniement de sa propre identité et réduit à gâcher son talent et son intelligence dans des agissements de « deus machina » de pacotille, tirant sa triste gloire de son pouvoir de manipulation sur les autres.

Mais il y a aussi, fort heureusement, la frêle mais volontaire silhouette du jeune Etzel d’Andergast qui illumine le récit de sa droiture et de son intelligence sensible sans jamais s’illusionner sur lui-même : «On n'a pas l'âme assez simple, se dit-il gravement; il faudrait qu'elle le fût davantage; on ressemble à un crayon trop finement taillé dont la pointe se casse dès qu'on se met à écrire.»

On regrettera par contre que les intéressants portraits de femmes, portants sur des caractères très différenciés, aient juste été entamés et nous laissent donc quelque peu sur notre faim.

On ne pourra oublier de replacer tout cela dans le contexte historique de cette fin des années 20 en Allemagne : cet ouvrage figurera en effet sur les listes de livres que les nazis désignèrent comme étant à bruler en priorité, cinq années après sa parution en 1928.

Il n’était alors déjà plus question de traiter des problèmes humains.
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L'affaire Maurizius

J’ai découvert « L’affaire Maurizius" au hasard d’une table chargée d’ouvrages chez mon libraire, je me suis souvenue qu’il était cité dans une de mes précédentes lectures pour illustrer l’erreur judiciaire comme un processus, une mécanique, dont il réussissait à démonter certains ressorts. Effectivement, la structure du récit repose sur la condamnation d’un homme pour un crime dont il se défend être l’auteur. Néanmoins le roman de Jakob Wassermann ne peut être enfermé dans le genre des chroniques judiciaires dont l’objectif serait de dénouer la vérité à la façon d’une enquête revenant sur les faits afin que la justice triomphe. Au delà des apparences effectivement, la justice ne triomphe pas et le génie de l’auteur repose sur la qualité de sa démonstration.

Il construit sa narration sur deux personnages en opposition, un père le procureur Andergast et son fils de 16 ans Etzel. La force du récit repose sur l’analyse de ce duo que tout oppose, c’est à travers cette opposition que l’affaire Maurizius va prendre corps. Au delà même des faits et parce que la nature humaine ne se limite pas aux actes qui lui sont attachés, l’auteur excelle à mettre en place un drame dont les ressorts tiennent plus aux émotions et aux passions qu’au hasard des faits. Il réussit par ailleurs à montrer l’engrenage terrible que l’enfermement entraîne au-delà même de la question de la culpabilité. « L’affaire Maurizius est bien un livre virtuose pour la précision des portraits psychologiques, approfondis et justes, pour l’écriture, ciselée et riche, pour la construction de la narration, aux perspectives emboitées, qui met en relief les ressorts personnels de chacun. Il est dommage que Jakob Wassermann qui a l’étoffe d’un Thomas Mann ne soit pas d’avantage reconnu parmi les écrivains qui ont marqué le 20ème siècle.
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L'affaire Maurizius

Allemagne, début du 20e siècle.



Le jeune fils d'un procureur rigide et très conservateur découvre par hasard que son père est peut-être à l'origine d'une énorme erreur judiciaire qui fait croupir un innocent en prison depuis 20 ans.



Il se met alors en devoir de rétablir la vérité et, pour cela, fugue à la rencontre des témoins clés.

Cette fuite sera l'occasion pour son père de faire son propre examen de conscience.



Peut-on réparer une erreur judiciaire 20 ans après ?

Peut-on, déjà, en avoir la véritable volonté ? Qu'est-ce qui est vraiment en jeu ? La vie d'une personne, un principe, une institution, la cohésion de la société ?



Ce sont les questions posées par ce formidable roman, basé sur une erreur judiciaire réelle du début du 20e siècle.



Au-delà de l'intrigue finement ciselée, Jakob Wassermann y développe une profonde réflexion sur la notion de justice, en tant que concept et institution. Est-il par exemple possible de traduire un concept en lois et procédures ?



Wassermann fut un auteur de tout premier plan au succès mondial, l'égal allemand de Balzac ou des grands auteurs russes.



Pour autant, son œuvre immense a été méticuleusement effacée par les nazis, tous ses livres détruits. Depuis lors, elle a du mal à ressortir de l'ombre dans lequel elle est malheureusement tombée.

Comme souvent ceux de ses célèbres pairs, son texte est extrêmement dense, avec une construction d'horlogerie très précise qui se met lentement mais inexorablement en place.



Il faut s'y lancer en connaissance de cause : c'est un vrai pavé de 650 pages très remplies, très peu découpées en chapitres et avec peu de retours à la ligne.

Un bloc puissant qui nous emporte de toute sa force.
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L'or de Cajamalca

Un roman très intérèssant pour les 10-15 ans pour appréhender l'histoire des conquistadors et de la civilisation Inca. La folie de l'or, qui mène à la perte de l’humanité, constitue le cœur de l'intrigue.
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L'affaire Maurizius (suivi de) Réflexions sur..

Etzel Andergast a seize ans. Il n’a pas vu depuis dix ans sa mère, chassée de la maison pour adultère. Son père, procureur, est un homme froid, austère, qui ne montre pas d’affection à son fils. Convaincu du caractère sacré de la loi et de l’ordre, il applique à l’éducation de son fils les mêmes principes rigoureux qu’au rendu de la justice. Dix-huit ans auparavant, il a fait condamner à la prison à vie un jeune homme, Léonard Maurizius, pour le meurtre de sa femme dont il s’est toujours dit innocent. Le père de Maurizius demande au procureur une révision du procès, ce que ce dernier a toujours refusé. Etzel trouve là une occasion de se confronter à son père, pour satisfaire son sens aigu de la justice, et pour d’autres motifs plus obscurs. Il quitte la maison paternelle pour chercher la vérité. Cette rébellion ouverte d’Etzel ébranle l’édifice moral de son père et l’amène à reconsidérer l’ « affaire Maurizius ».



Léonard était un jeune professeur brillant et promis à un bel avenir. Après avoir couru d’aventure en aventure, il se marie avec une femme d’une quarantaine d’années, Elli, qui doit lui apporter la stabilité. Mais surgit dans la vie du couple Anna Jahn, la jeune sœur d’Elli, femme envoûtante et froide, belle et distante. D’abord réservés voire hostiles, les rapports entre Anna et son beau-frère se nouent peu à peu en attirance, puis en amour, au désespoir d’Elli. Un soir d’octobre 1908, Elli est abattue devant Léonard d’une balle dans son jardin, alors qu’Anna est dans la maison. Sur les lieux se trouve un autre personnage, Grégoire Waremme, intellectuel dilettante, charismatique et mondain influent, introduit dans la vie des Maurizius par Anna avec laquelle il entretient une relation ambiguë. La culpabilité de Léonard a été formellement établie lors du procès, malgré zones d’ombre et incohérences.



La vérité éclatera à la fin du roman, à la manière d’un polar classique. Mais ce qui capte l’attention du lecteur, c’est la psychologie des deux “enquêteurs” (Etzel et le procureur) et la révélation progressive des relations entre les quatre acteurs du drame au coeur du livre. Waremme, apparemment le moins concerné, semble tirer les ficelles. C’est cet homme, qui détient la clé du mystère, que part retrouver Etzel. Les confrontations homériques, faites de séduction équivoque et d’hostilité latente, entre un Etzel faussement ingénu et un Waremme diabolique comme sur le point de le “dévorer” à chaque instant, sont l’un des moments forts du livre.



Les entrevues entre le procureur Andergast et Léonard Maurizius, dans sa cellule, en sont un autre. Andergast, tenaillé par le doute pour la première fois de sa carrière, n’en sortira pas indemne. Le témoignage de Léonard révèle sa part de responsabilité dans le drame. La multiplication des points de vue (Léonard, son père, Waremme) sur l'affaire relativise la notion même de culpabilité. Ce qui amène aux questions soulevées par le livre : dans une vie en société, ne sommes-nous pas tous coupables ? un être humain a-t-il le droit d’en juger un autre ? qu’est-ce que la justice, est-elle possible, peut-on espérer l’atteindre jamais ? Ce roman intense et passionnant n’apporte pas de réponse. Même si l’action se situe dans le contexte particulier de l’Allemagne après la Grande Guerre, peu avant l’émergence du nazisme, ces questions n’en sont pas moins toujours d’actualité. Et sans doute à jamais.



« L’affaire Maurizius » est le premier volet d’une trilogie qui comprend également « Etzel Andergast » et « Joseph Kerkhoven ».




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L'or de Cajamalca

Un livre avec une écriture de grande qualité.

L'intérêt de ce roman est plutôt sur le côté historique : on croirait lire un témoignage d'époque : c'est très bien décrit, très bien expliqué mais ça manque d'action, de péripétie, d'empathie, de romanesque.

C'est éclairant, révoltant, on apprend beaucoup sur ce peuple et l'attitude des conquistadors mais ce n'est pas un roman où on tire plaisir de sa lecture.
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