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Citations de Jakuta Alikavazovic (127)


C’est durant la guerre, en ex-Yougoslavie, dans les années 1990, que l’art classique - celui qui traverse le temps ; celui qui circule, qui est mis à l’abri ; celui qui se conserve et s’expose - a commencé à me paraître obscène. L’idée, même d’une valeur infinie de certaines oeuvres paraissait abjecte, puisqu’elle semblait suggérer que la valeur de certaines vies - certaines vie dont les siècles avaient fait bien moins de cas que ces bouts de Pierre, ces bouts de toile - ne l’était pas. Mais c’est aussi durant cette guerre que j’ai découvert l’art qui serait le mien. Un art peut-être activé dans mon cœur, dans mon cerveau, comme l’abstraction a pu l’être après la seconde guerre mondiale, par la peur. Cette peur intense qu’à la fois j’éprouvais et n’avais pas conscience d’éprouver alors.
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Mais comment parler à une enfant, une toute petite enfant, dans une langue étrangère ?comment parler à sa fille dans une langue neuve une langue dans laquelle on a même pas 10 ans de plus qu'elle? dans laquelle on ne voit pas les couleurs?
fallait-il renoncer à cela aussi, la douceur, l'affection, le naturel avec lequel les mots tendres, les mots d'encouragement, d'amour, montent aux lèvres ?ces mots qu'il me disait et qui était le seul lien qu'il avait gardé, et aimer garder, avec sa vie d'avant?
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L'amour de mon père était un ciel en moi, sa réalité aussi évidente que celle du ciel au-dessus de ma tête, que je le voie ou pas.
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Il ne voyait pas le mal dans le monde car il refusait de le voir . peut-être n'était ce pas conscient ,quelque chose en lui, disons, refusait de le voir. Il croyait qu'une identité pouvait s'inventer, se créer comme on crée une œuvre d'art et, comme une œuvre d'art, tout en étant créée de toutes pièces, ne jamais manquer de naturel. Il croyait que l'on peut se choisir des valeurs pour patrie. Les nationalismes lui répugnaient. Lui, il voulait vivre dans la beauté. Pour cela il était prêt à quitter son pays, sa famille, ses amis , sa langue celle dans laquelle il voyait les couleurs.
Je suis venu à Paris pour le Louvre, l'ai je souvent entendu dire.
Mais, s'il faut être honnête, je l'ai aussi entendu dire: je suis venu à Paris pour le steak tartare
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 J’ai jeté mon châle sur un lion de pierre, j’ai embrassé l’orbite de son œil-oui j’ai embrassé à pleine bouche l’orbite d’un fauve, qui peut en dire autant ? –mon manteau gît aux pieds de la Vénus de Milo-n’a-t-elle jamais froid ? jamais envie de se couvrir ?

J’ai défait la ceinture de mon jean, j’aimerais la faire claquer sur les dalles tels un fouet- la dompteuse d’absence, voilà mon rôle ce soir-quand je tombe nez à nez avec un agent d’entretien.
Il passe la serpillère, écouteurs dans les oreilles.
Je ne l’ai pas entendu venir. Il me regarde, regarde mes chaussures dorées, regarde ma ceinture et le rouge qui me vient aux joues –l’agitation ou la honte ?

Il est si tôt encore –plus rien, ici ne l’étonne ; il me sourit ; il hausse les épaules ; il continue sa route.

Dans moins de vingt minutes j’en viendrai à douter de la réalité de cette rencontre. 

(p. 41)
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 Sais-tu que ma mère s’est un jour déguisée en Vénus de Milo ?

Il suffit de mettre de hauts gants noirs et de se tenir contre un mir noir.
Les bras disparaissent, on tourne le menton, on trouve le bon angle, et voilà.

C’est d’une simplicité enfantine, d’être la Vénus de Milo.

Bien sur, ce n’est pas vrai, entièrement ; car avant cela, il faut être à l’aise avec soi, avec son ventre, avec ses seins.
L’exploit ce n’est pas le déguisement, c’était bien sur la nudité ; l’enfant que j’étais, si timide, si pudique le sentait bien.

L’exploit, c’était l’exhibition. 

(p. 28)
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Nous avons continué la visite ensemble, en nous embrassant nous guettions notre reflet sur les vitrines. Crânes lubriques posés en ombres et transparences sur les squelettes des grands singes figés dans un envol étrange, humérus très longs déployés dans les airs -un grand moment de mise en scène. Ravis, nous sommes allés projeter nos contours sur les pièces responsables fonctions de l’organisme, intestins de cheval, primates écorchés.
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Même si, bien sûr, ce n'était pas exactement le point de départ, car quelque chose avait eu lieu entre-temps ; et ce qui avait eu lieu, c'était la rêverie, la tendresse. Et c'était le temps.
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Notre passion du visible est devenue une passion de la visibilité.
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Peu importe nos differences
Et nos chemins d'avant
Si avec toi je danse
Et je vais de l'avant.
Elodie aime sourire àla vie
Elodie douce comme une mélodie.
I LOVE YOU ELODIE BEST IN THE BEST
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La langue est une source de lumière, au même titre que les lampes à pétrole ou l'éclairage au gaz. (p. 64)
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Leurs enseignants (sauf Albers) lui reprochaient tout et son contraire, d’être provocatrice et absente, sarcastique et indifférente, rétive. C’était peut-être vrai à la faculté, mais à l’hôtel c’était faux. À l’hôtel (ce qui, pour Paul, voulait dans l’intimité), Amélia était passionnée, attentive, drôle. Elle était aussi timide, et solitaire, mais si elle avait besoin d’isolement elle accueillait la compagnie avec avidité, avec gratitude, comme le font souvent les enfants uniques. Jusqu’au moment où ils en ont assez, où il devient impératif de s’absenter, de sortir du champ de vision d’autrui. Cela ne posait pas de problème à Paul car rien, d’Amélie, ne posait de problème à Paul. 
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Ici il n’y a rien, et c’est la guerre : cette combinaison, ce rien et cette guerre, est le seul milieu propice à l’épanouissement d’Amélia. Dans le risque, elle aime l’abstraction, et dans l’abstraction elle aime le risque. Elle ne pense pas à la vie qu’elle a abandonnée. Il n’est pas impossible cependant que cette vie pense à elle. Elle va mieux, nettement mieux qu’avant, mais ce mieux est une froideur, un retranchement. Un rapport plus géométrique qu’humain au monde.
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Elle n’est pas sans charme, sa beauté cependant est celle de la jeunesse et dès la petite trentaine Albers avait la tête qu’elle a quand Paul se fraye un chemin dans l’amphithéâtre, une mine asexuée, malicieuse, sans âge ; comme certaines recluses, certaines nonnes. Le moment où elle cesse de se faire passer pour un homme n’est pas clair, peut-être en doctorat ; peut-être plus tard. Dans les années 1960 et le désert américain, elle fréquente des artistes, de ceux qui creusent d’immenses fosses dans la poussière et appellent ça de l’art ; de ceux qui achètent des cratères d’où observer le ciel et appellent ça de l’art ; et qui, sauf exception, finissent mal.
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...il lui semblait évident que ce professeur qu’il cherchait était un homme. Voilà quel était au début son degré d’ignorance : il n’avait pas compris qu’Anton Albers était une femme. Une petite femme de rien du tout, d’âge impossible à deviner, que cependant elle ne cachait pas : elle était née à Buenos Aires, juste après la Seconde Guerre mondiale, fille d’un ingénieur aux sympathies nazies, correspondant de l’architecte Albert Speer et de Wernher von Braun, le père des fusées, accueilli à bras ouverts par les États-Unis ; les Albers, eux, optèrent pour l’Argentine, où Antonia Albers grandit avant de partir, seule, mineure, pour le Mexique, puis les États-Unis.
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À la cité universitaire certains soirs il était resté dans sa chambre, dans le noir ; à écouter les bruits dans le couloir, et toute cette agitation estudiantine lui donnait le mal de mer ; et si quelqu’un frappait à sa porte, il ne répondait pas, horrifié à l’idée que ce soit une erreur comme à l’idée que ce n’en soit pas une. Il avait craint que ça ne finisse jamais et, sans jamais finir, ça n’avait pour autant duré que deux semaines, trois peut-être, déjà c’était passé. Déjà il était, croyait-il, comme chez lui. Il avait des amis, des amis plus proches que jamais, qu’il aimait sauvagement, pour lesquels, se disait-il parfois, il aurait donné un bras. Pour lesquels il aurait donné un rein,mais parfois il oubliait leurs noms, et parfois il oubliait leurs visages, à trois, quatre heures du matin il se rendait compte qu’il n’y avait dans sa mémoire, à la place de cette personne, de cet ami ou de cette amie, qu’une vague silhouette. Et parfois il pouvait les confondre avec son propre reflet. Peut-être qu’au fond une partie de lui continuait à vivre dans le noir. Peut-être qu’une partie de lui continuait à ne pas être à sa place. À flotter, dans l’obscurité
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...il était obsédé par le sexe car à cette époque Paul était sous le coup d’une malédiction ou d’un sortilège, il n’arrivait pas à perdre sa virginité, toujours la fille disparaissait ou lui s’en allait ou quelqu’un arrivait ou on changeait de lieu ; mais plus étrange encore, même quand il faisait l’amour, et quelle que fût la définition que l’on donnât de l’acte, qu’elle fût commune ou pornographique ou légale ou para-légale, même quand il introduisait son sexe dans un sexe, même quand il y jouissait avec un tremblement malade impossible à contenir et qu’enfin ça y était, se disait-il, enfin !, le lendemain ou quelques jours plus tard, c’était comme si rien n’avait eu lieu, il était de nouveau vierge, et désespéré de l’être.
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Allongés sur le lit ils se tiennent peut-être déjà la main,
ou peut-être simplement que leurs jambes se frôlent, par l’un de
ces hasards simulés si délicieux qui ne sont pas encore une caresse
mais déjà du courage.
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Jakuta Alikavazovic
Je suis une Française de la deuxième génération. L'espèce de tour de France qu'il fait vivre à Maigret dans ses romans me livre en fiction une vision du pays dont je n'ai pas hérité par mon histoire.
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"Le temps comme une flèche, le temps de gauche à droite n'existait pas, et les choses pouvaient indifféremment se faire et se défaire."P.150
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