Citations de Jean Anouilh (925)
Comprendre! toujours comprendre. Moi je ne veux pas comprendre je comprendrai quand je serai vieille.Si je deviens vieille !
GASTON : C'est une maigre référence pour savoir si je n'ai rien fait de mal ! J'ai dû chasser... Les garçons bien élevés chassent. Espérons aussi que j'étais un chasseur dont tout le monde riait et que je n'ai pas atteint trois bêtes.
Le Voyageur sans bagage
LA DUCHESSE 𝑡𝑖𝑟𝑒 𝑎̀ 𝑠𝑜𝑛 𝑡𝑜𝑢𝑟 𝑒𝑡, 𝑟𝑎𝑣𝑖𝑒 : Raté ! Quel bonheur ! Je suis toujours contente quand je rate un oiseau. C'est si joli un oiseau qui vole, si confiant, si heureux. Je me demande bien pourquoi on s'évertue à jeter, à dates fixes, des boulettes de plomb à ces malheureuses petites bêtes.
Léocadia
Voilà. Ces personnage vont vous jouer l'histoire d'Antigone. Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. Elle pense qu'elle vas être Antigone tout à l'heure, qu'elle vas surgir soudain de la maigre jeune fille noiraude et refermée que ne prenait au sérieux dans la famille et se dresser seule en face du monde, seule en face de Créon, son oncle, qui est le roi. Elle pense qu'elle vas mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien a faire. Elle s'appelle Antigone et il vas falloir quelle joue son rôle jusqu'au bout.
Enfin les trois hommes rougeauds qui jouent aux cartes, leur chapeau sur la nuque, ce sont les gardes. Ce ne sont pas de mauvais bougres, ils ont des femmes, des enfants, et des petits ennuis comme tout le monde, mais ils vous empoigneront les accusés le plus tranquillement du monde tout à l'heure. Ils sentent l'ail, le cuir et le vin rouge et ils sont dépourvus de toute imagination. Ce sont les auxiliaires toujours innocents et toujours satisfaits d'eux-mêmes, de la justice.
Elle est étendue maintenant sur un des petits lits jumeaux démodés, à la même place où tu l'as vue jeune fille un soir, et avec le même sourire, à peine un peu plus triste. Et s'il n'y avait pas cette large tache rouge sur les linges autour de son cou, on pourrait croire qu'elle dort.
Il faudrait ne jamais devenir grand.
« On n’est vieux que le jour où on le décide » ..
ORPHÉE : Cette nuit je pensais à toutes les chances qu'il nous avait fallu. Je pensais à ce petit garçon et à cette petite fille inconnus qui s'étaient mis en marche un beau jour, des années à l'avance, vers cette gare de province... Dire qu'on aurait pu ne pas se reconnaître, se tromper de jour ou de gare.
Eurydice
HÉMON:
Nous aurons d’autres soirs, Antigone.
Et d’autres disputes aussi. C’est plein de disputes un bonheur.
ANTIGONE
Tu es bien sûr qu'à ce bal où tu es venu me chercher dans mon coin, tu ne t'es pas trompé de jeune fille? Tu es sûr que tu n'as jamais regretté depuis, jamais pensé, même tout au fond de toi, même une fois, que tu aurais plutôt dû demander Ismène?
HEMON
Idiote!
ANTIGONE
Tu m'aimes, n'est-ce pas? Tu m'aimes comme une femme? Tes bras qui me serrent ne mentent pas? Tes grandes mains posées sur mon dos ne mentent pas, ni ton odeur, ni ce bon chaud, ni cette grande confiance qui m'inonde quand j'ai la tête au creux de ton cou?
HEMON
Oui, Antigone, je t'aime comme une femme.
ANTIGONE
Je suis noire et maigre. Ismène est rose et dorée comme un fruit.
HEMON, murmure.
Antigone...
ANTIGONE:
Vous me dégoûtez tous avec votre bonheur! Avec votre vie qu'il faut aimer coûte que coûte. On dirait des chiens qui lèchent tout ce qu'ils trouvent. Et cette petite chance pour tous les jours, si on n'est pas trop exigeant. Moi, je veux tout, tout de suite - et que ce soit entier - ou alors je refuse ! Je ne veux pas être modeste, moi, et me contenter d'un petit morceau si j'ai été bien sage. Je veux être sûre de tout aujourd'hui et que celà soit aussi beau que quand j'étais petite - ou mourir.
Le Commissaire
[...] J'ai une théorie, là-dessus...Quand le cœur cesse de battre et qu'on est mort pour la médecine, le cœur arrêté, une dernière pulsation irrigue encore une fois le cerveau, vous me l'accordez ?
C'est de la mécanique. On a donc encore une seconde d'images ?
Un dernier petit tour, les souvenirs, et puis s'en vont...
Toujours est-il que, pour une seconde, le cœur arrêté, on est à l'intérieur de cet instant...Et pourquoi voulez-vous qu'on en sorte, puisque aucun autre instant le remplace ?
C'est pour les autres que notre notion, sans doute très élémentaire de la durée, fonctionne encore...On se met à raidir, à se décomposer, on nous enterre...Mais nous, on reste à l'intérieur de notre dernier état de conscience, puisqu'il n'y a plus de durée pour nous...
(extrait de la première partie de l'édition parue chez "Folio" en 1986)
J'ai aimé ton monde noir,ta révolte,ta connivence avec l'horreur et la mort,ta rage de tout détruire..C'est toi qui as raison sans doute en disant qu'il n'est pas de raison,pas de lumière,pas de halte,qu'il faut toujours fouiller les mains sanglantes...Mais je veux m'arrêter,moi,maintenant,être un homme.Faire sans illusions peut-être,ce qu'ont fait mon père et le père de mon père et tous ceux qui ont accepté avant nous,et plus simplement que nous,de déblayer une petite place où tienne l'homme dans ce désordre et cette nuit..
Mais qu'est-ce que c'est que cette manie de vouloir que ce soit pour la vie, l'amour? Qu'est-ce que cela signifie d'abord: pour la vie? Les chapeaux,les chaussures,les bijoux,cela change;les maisons on en déménage. Demande aux médecins, ils te diront qu'au bout de 7 ans il n'y a pas une cellule de ton corps qui n'ait changé. On vieillit,on mijote son petit cadavre à feu couvert toute sa vie pour qu'il soit fin prêt le jour où les vers s'y mettront;on se décompose depuis qu'on est né et tu voudrais qu'il n'y ait que les sentiments qui ne changent pas?
CHARLOTTE : On marie ta fille dans trois semaines et toi, tu lis ?
ANTOINE : Oui.
CHARLOTTE : Qu'est-ce que tu lis ?
ANTOINE : Le code civil. Au chapitre des divorces. J'étudie les moyens de la tirer de là l'année prochaine.
CHARLOTTE : Tu es un monstre ! Ces enfants s'aiment !
ANTOINE : C'est ce qui me fait peur. Nous nous aimions nous aussi.
Je ne comprends pas qu'il y ait des gens pour accepter qu'on les commande ! Moi, j'ai toujours aimé être mon maître.
La tête, le cœur font mille bêtises. Les mains se trompent rarement.
FRANTZ : Oh mon Dieu, je suis un monstre. Les autres amoureux croient à l'éternité, à la chaumière et à l'eau fraîche. Pourquoi m'avez-vous donné cet amour puisque vous ne m'avez pas donné avec lui toutes les crédulités nécessaires ?
L'Hermine
La vie c'est un livre qu'on aime, c'est un enfant qui joue à vos pieds, un outil qu'on tient bien dans sa main, un banc pour se reposer le soir devant sa maison.
On ne s'aime jamais comme dans les histoires ; tout nu et pour toujours. S'aimer, c'est lutter constamment contre des milliers de forces qui viennent de nous ou des autres.