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Critiques de Jean Carrière (54)
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Achigan

Rencontre d'un homme retrouvé ficelé dans une couverture dans les hauteurs des Cévennes et d'un médecin psychiatrique. Relation complexe car l'homme a perdu la parole et son unique signe particulier est un tatouage sur le coeur mentionnant "Achigan". Carrière sombre une fois de plus dans son univers onirique avec son pessimisme merveilleux, il nous livre une histoire originale dans les décors austères des sommets cévenols qu'il décrit avec un talent toujours renouvelé.
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Achigan

« Il en était arrivé à conclure que ce n’est pas parce qu’on possède une famille et qu’on foule tous les jours du pied une terre maternelle, qu’on sait vraiment d’où l’on vient, qui l’on est, où l’on va, et pourquoi. » (746)



Un roman court. Un personnage qui s’intègre parfaitement dans l’univers de Jean Carrière, peut-être trop. Qui correspond à une image qu’on a de ses écrits mais finalement ne fonctionne pas. Le miroir, cette fois-ci, n’est pas habité. Le sujet prend le pas sur le souffle, les réflexions sur Dieu sentent le réchauffé, les symboles sont trop marqués pour que la chair s’incarne.



« Il passa au large d’un troupeau de dinosaures qui broutaient l’herbe rase des pentes. » (759)



Jean Carrière voit « les formes lourdes de pachydermes immobiles » sur les pentes de l’Aigoual, des écailles de poisson sur les toits des maisons, des genêts sournois comme un cancer, voraces comme la lèpre qui grignotent le moindre carré de terre laissé libre. Ce vieil Aigoual qu’il aime tant, pourtant…



Le roman n’est touchant que par la liberté que laisse Jean Carrière à son personnage d’exister sans mémoire… une tentation, sans doute, une réalité de son expérience, peut-être, dans son combat au corps-à-corps avec l’inexistence de la réalité.
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Jean Giono

Jean Carrière fut un écrivain estimable et , un temps , proche de Giono . Son ouvrage consacré au maître de Manosque tire son prix de cette proximité mais aussi du fait qu’il n’est d’aucune manière tenté par l’hagiographie . Il sait à quel point Giono fut un fabuleux fabulateur et ne se laisse pas trop prendre à ses tours de passe-passe. Par contre son admiration pour l’œuvre et la connaissance qu’il en a font le prix de ce livre , le meilleur avec celui de Pierre Citron ( et aussi certains textes de Pierre Magnan ) . 6 chapitres : Ulysse/Moby Dick/Le guérisseur/L’économie du bonheur/Mort d’un personnage/Entretien Giono/Carrière/ plus des annexes et de nombreuses photos.
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Joseph, Noémie, Célestin et autres paysans d'Ar..

Editées en 1976, de très belles pages de l'écrivain Jean Carrière et du photographe Michel José qui rendent hommage aux derniers paysans montagnards de haute Ardèche, au courage tranquille, ces êtres à l'écorce pourtant bien trempée, pour qui la vie est rude, du lever du soleil à son coucher. De superbes photographies à l'atmosphère des peintures de Brughel.
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L'âme de l'épervier : Retour à Uzès ; L'Epervier de..

Les éditions Omnibus ont fait un beau travail d’édition avec cette anthologie des romans de Jean Carrière. L’occasion pour moi, après l’éblouissement né de la lecture de “L’épervier de Maheux” de plonger complètement dans l’univers de cet écrivain qui répond intimement à toutes mes attentes littéraires. Lire Carrière et mourir…



Un format pratique pour une anthologie qui renferme pas moins de 5 livres. Mais papier bible et petite typographie – attention les yeux !



Deux préfaces ouvrent la lecture. Elles se réfèrent toutes deux au milieu de l’édition. J’aurai préféré quelque-chose de plus simple, de plus tendre, de moins professionnel, qui nous parle de l’homme. Mais ce premier volume est résolument axé autour du prix Goncourt.



Le passage entre “Retour à Uzès”, publié en 1967, et “L’épervier de Maheux”, de 1972, est stupéfiant. On assiste à la naissance d’un écrivain. Du flot libre de sensations à l’incarnation construite et mise en scène, l’écriture n’en acquiert que plus de force. Passage du narcissisme au don d’un roman au lecteur, à une histoire signifiante, à une sortie de soi-même, à des personnages.



L’ensemble donne une impression de grande cohérence. La vison intérieure de l’écrivain chemine, se développe, sombre parfois, mais surnage toujours. L’homme semblait habité d’une grande intégrité et d’un espace intérieur riche et constamment en mouvement – bien que souvent difficile à gérer.



Les doubles pages introduisant les différents livres, les documents additionnels et la chronologie très détaillée de la vie de Jean Carrière qui ferme le volume, complètent l’ensemble avec bonheur. On referme le volume avec la sensation d’avoir approché l’écrivain de près. Un bel hommage.
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L'empire des songes

Roman qui au premier abord parait simple, de lecture aisée, intéressant.... mais qui en fait est un vrai noeud, une pelote, une spirale plutôt où se cotoient différents temps du même personnage, sans que l'on sache jamais si ce qu'on est en train de lire est en train de se dérouler, va se dérouler ou s'est déjà déroulé; et en même temps, si ce qu'on lit est la réalité ou le monde fantasmatique du héros Emmanuel.



L'histoire, s'il faut la résumer, tient en une phrase : à l'âge de 10 ans, le père d'Emmanuel l'emmène en randonnée pour gravir une montagne qu'il nommera "le mont Sinaï", mais l'expédition echouera; cet échec hantera Emmanuel toute sa vie, et il ne cessera de vouloir revivre cette expérience (en rêve et puis en vrai, avec son propre fils) pour la mener à bien.



C'est habile, car le roman part de l'idéalisme un peu fou du père, des névroses de la mère pour les choses qui ont rapport à la sexualité, deux personnages qui du départ ne sont pas bien "dans les clous"; à côté de ça une grand-mère modèle, et voilà l'environnement pas très épanouissant du petit Emmanuel qui est posé, et qui lui déclenchera à lui aussi de drôles de réflexions (sur Dieu notamment), prémice d'une sorte de folie, d'une confusion continuelle entre la réalité et le rêve qui fait que toute sa vie, il passera à côté de la sienne (sic!).



Au-delà de la confusion volontaire des époques, des lieux et des personnages grâce à laquelle on plonge progressivement dans la folie du héros, l'écriture peint une nature riche (même si les descriptions n'égalent pas les Giono et autres!)



Au vu de mes connaissances bibliques (néantes...) il m'a fallu aller rechercher ce qu'était le Mont Sinaï (vu que c'est quand même, dans le roman, un point fondateur ("nous avons tous notre Mont Sinaï", comme un rêve intime, une quête) et donc là j'apprends que c'est là que Moïse reçut ses 10 commandements (allons bon, encore un truc à aller chercher!). Nul doute qu'il ne faille faire une analyse un peu plus poussée sur ce thème...Mais là va falloir que je bosse!



En tout cas c'est un livre déroutant... J'irai voir ce que ce monsieur a écrit d'autre...
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L'épervier de Maheux

Un livre puissant, authentique et sans concession. Il est difficile de croire dans notre société moderne qu'il n'y a pas si longtemps en France que la vie puisse être aussi difficile. Bravo à l'auteur de rendre hommage à tous ces hommes et ces femmes qui ont façonnés notre beau pays
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L'épervier de Maheux

Une certaine lecture d'une région des Cévennes riche en bruyère sur ces coteaux fin août, terre farouche du côté de Trabassac, haut-lieu des Camisards de Jouany et Roland.

Épopée rude et aride d'un monde de lumières accablantes et ténébreuses des tourments d'êtres mi-homme, mi-bête, obstinées, butés enfouis dans les profondeurs insondables de leur détresse d'être né en un monde hallucinatoire ...
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L'épervier de Maheux

Prix Goncourt de Littérature 1972



ISBN : 2 253 00111 2



"... Et Reilhan le Taciturne engendra Abel,

Puis il engendra Joseph Samuel,

Et ensuite il mourut loin de tout secours,

Une grâce que Yahveh lui accorda

Parce qu'il s'était toujours soumis à Sa Volonté.

Et Abel engendra une fille qui mourut à la naissance.

Et Joseph-Samuel n'engendra personne.

Parce que, à l'inverse du Taciturne,

Abel osa défier l'Eternel

Et parce que Joseph-Samuel

0sa se poser trop de questions sur Ses Voies.

Ainsi Jehovah les brisa tous deux

Comme l'homme brise de simples noix,

Car telle était Sa Volonté,

Que celle-ci soit faite à jamais."



Cette courte litanie, entièrement de mon invention (et qui ne vise pas à la rime), résumerait assez bien "L'Epervier de Maheux" et le destin abominable de ses héros. Autant vous recommander, dès le début, de n'offrir cet ouvrage ni à un dépressif, ni à un pessimiste. A moins que Jehovah ne vous ait soufflé de les pousser au suicide, bien sûr. Et même dans ce cas-là, méfiez-vous du retour de bâton ...



Ce jugement, que j'estime lucide bien qu'impitoyable, ne m'empêche en rien d'approuver la remise du Goncourt 72 à Jean Carrière. Son "Epervier de Maheux" est l'un des textes les plus puissants que j'ai pu lire sur la vie rurale. Et l'on voit bien, dans la poésie de son style et le naturel apparent de ses descriptions de ces terribles Cévennes où se déroule l'action qu'il ne fut pas pour rien le secrétaire du grand Giono. Mais là où Giono maintient l'espérance, Carrière laisse son lecteur nu, livré à lui-même aussi bien dans la sécheresse atroce de l'été que dans la glace infernale de l'hiver, le tout sous l'oeil d'un Jéhovah tout-à-fait fidèle à son profil biblique : hostile, perpétuellement courroucé, indifférent à la souffrance, et l'encourageant même, d'un orgueil luciférien et doté d'un mépris envers ses créatures que Zeus lui-même n'afficha jamais.



Les Reilhan, comme la plupart de leurs voisins, sont protestants. Je serais même tentée, sans preuve aucune, d'ajouter calvinistes purs et durs. Passons sur les persécutions que subirent leurs ancêtres dans les siècles passés : si cela explique peut-être certaines de leurs lâchetés, cela ne justifie en rien leur passivité révoltante face celui qu'ils nomment l'Eternel. C'est bien simple : plus ledit Eternel se révèle hargneux et injuste envers eux, plus ils le glorifient . Puisque l'Eternel le veut, laissons-nous piétiner et, si possible, trouvons le moyen de nous piétiner nous-mêmes ...



Chez Reilhan Père, surnommé le Taciturne, qui n'a trouvé à se marier qu'en recopiant sans vergogne - et donc, en mentant à celle qui espérait en lui - les modèles de lettres trouvés dans un antique paquet de "Veillées des Chaumières", le piétinement de soi, l'écrasement volontaire sous la volonté soi-disant divine, se manifestent par un attachement quasi obsessionnel à sa terre. Si encore il s'agissait d'une terre relativement normale, comme celle de "La Terre", ce roman de Zola (peut-être le plus dur, à bien y réfléchir, de la saga des Rougon-Macquart), mais non : la terre du Taciturne fait toujours des siennes. Aussi maussade que le Dieu vénéré par son propriétaire, elle se dessèche à plaisir, ou alors se convulse avec volupté sous des pluies qui tuent les éventuelles récoltes. Ne parlons pas des mois les plus terribles de l'hiver où tout gèle, glace et expose tout un chacun à grelotter dans son coin en avalant son assiettée de bajara - un mélange de lait et de châtaignes. Quand encore il y a du lait ...



Reilhan aurait pu, avec un peu d'effort et un peu plus de jugeote, vivre avec plus de dignité. Mais bon, puisque Jehovah a voulu que ce soit ainsi, n'est-ce pas ? ...



Joseph-Samuel, son second fils, prendra avec le temps celui de s'interroger sur ce Dieu si sévère. Sa mère rêve de le voir devenir pasteur mais il devra se contenter, grâce d'ailleurs à l'appui du pasteur de Florac, le hameau voisin, lequel a de la famille en Suisse, de devenir vendeur dans une librairie religieuse, au pays du chocolat et des montagnes, des vraies. A la fin du roman, on se demande encore si Joseph croit ou non en un Dieu, quel que soit Celui-ci. On sait en tout cas que, s'il s'est fait à l'idée de reposer un jour à côté des membres de sa famille, dans le cimetière qui jouxte les bâtiments délabrés de Maheux où il passa sa jeunesse, jamais il n'acceptera de revenir vivre là en attendant la Camarde.



Ainsi, en quelque sorte, Joseph parvient à s'échapper. En est-il plus heureux ? Un peu sans doute. Mais à peine : le Dieu terrible de son enfance et de sa jeunesse, les conditions dans lesquelles il a grandi, l'abandon dans lequel il a laissé sa mère, laquelle a pourtant tout sacrifié pour lui, le mépris qui est né en lui envers tout son passé à Maheux et ses origines paysannes, ce reniement presque total en fait l'en empêcheront à jamais d'abord parce qu'il possède une certaine sensibilité et ensuite parce que, bien que le plus intelligent des deux frères, ce n'est tout de même pas une flèche.



Abel, lui, par contre, esprit beaucoup plus simple (pour être franc, les gens de Maheux apparaissent souvent au lecteur comme des êtres primitifs perdus en plein XXème siècle), se satisfait de son mode de vie. Jusqu'au jour où, pour qu'elle s'occupe de sa mère, laquelle a perdu la raison, la malheureuse, après le départ pour la Suisse de son cher Joseph (son préféré de toujours), il épouse Marie la Noiraude, la fille d'un ami de son père. Au début, la jeune femme met de l'ordre et essaie d'arranger les choses. Mais, née et élevée plus bas, chez un fermier plus riche, moins soumise également (les femmes ne sont-elles pas des créatures du Démon ? ) à la Loi de l'Eternel, elle se rend très vite compte que le sempiternel combat d'Abel est perdu d'avance. Et le jour arrive où elle le quitte pour retourner chez son père ...



Je passe sur la fin : vous n'aurez pas grand mal à la deviner mais vous en aurez peut-être plus à imaginer l'abominable tour que Jéhovah, toujours lui, joue au malheureux Abel, lequel, en une scène de révolte que j'ai beaucoup aimée bien que sachant qu'elle venait trop tard, hélas, tant pour Abel que pour le lecteur, refuse enfin de se coucher devant celui qui lui a donné des dés pipés pour jouer sa vie.



Âpre, sans concession, le style de Carrière, derrière lequel on devine, en parallèle à l'influence de Jean Giono, les démons personnels de l'auteur, nous donne probablement l'un des plus grands romans de la littérature française - non, je n'exagère pas - et l'une des remises en question les plus incisives et les plus implacables de la religion et de Dieu, particulièrement le "Dieu de Colère" du protestantisme. On y décèle aussi la révolte personnelle de l'écrivain face à la passivité, encouragée, et pour tout dire imposée, par cette religion haineuse (désolée mais je vois mal quel adjectif utiliser à la place) à un peuple à qui il voue une tendresse et une admiration profondes mais auquel il en veut tout aussi profondément de se soumettre sans protester à une parole qualifiée de "divine" alors qu'elle ne cesse d'humilier et d'amoindrir la créature au profit de son supposé Créateur. le seul avantage reste la déresponsabilisation, en tout cas envers les vivants, des gens de Maheux. (Mais ils n'en demeurent pas moins responsables de tout devant leur cher Eternel, cela va sans dire .)



Un avantage aussi ténu en vaut-il la peine devant la Folie qui les guette tous et qui finit par les toucher, un jour ou l'autre ? D'ailleurs, cet épervier qu'Abel ne cesse d'apercevoir, tournoyant au dessus de lui et de ses travaux divers (et qui échoueront tous) pour donner satisfaction à son épouse, n'est-il pas le symbole de cette Folie, de ce Mal qui le guettent comme ils ont guetté son père, sa mère et tant d'autres ? Et n'est-ce pas au moment où il le croit enfin mort qu'Abel est, sans le savoir, pris au piège de son destin ? Et pour finir, cet épervier est-il réel ou n'est-ce qu'une hallucination engendrée par un cerveau très simple, harassé de soleil et de fatigue, et qui n'aspire plus qu'à libérer une fois pour toutes l'esprit, si simple soit-il, qu'il abrite ? ...



A vous de vous faire une opinion. Mais accrochez-vous bien : "L'Epervier de Maheux", avec son rythme lent et l'horreur larvée et aussi vieille que le monde qu'il nous dépeint, est un roman redoutable. ;o)
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L'épervier de Maheux

Merci de ne pas passer à côté de ce très beau petit livre, qui ne s’avantage pas et qui se mérite.
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L'épervier de Maheux

L’Épervier de Maheux nous invite dans le Haut Pays Cévenol, au « commencement de hautes solitudes », quand « brusquement tout change, les torrents disparaissent, les sources se raréfient, le schiste et le granit cèdent la place au calcaire marin, le sol s’éclaire et clapote comme une vieille toiture, l’air acide nettoie les sous-sols clairsemés où le ciel apparaît avec les derniers fayards.»

« De l’os partout, un soleil africain, des ombres qui ont la fraiche amertume de l’Armorique : voilà le Haut Pays. Les vieux meurent, les enfants s’en vont, les maisons ferment : voilà son histoire. »

Le lecteur partage avec les personnages «  (…) un continuel tête à tête avec un monde abandonné à sa torpeur géologique. »

Les femmes y « passent sans transition d’une adolescence fanée (…) à une sécheresse active et sans âge. » ; et « Il n’est pas de maîtresse branche ni de poutre à portée de main qui n’aient offert au moins une fois la tentation d’y accrocher une bien vilaine corde. »

« À Maheux (…) Ni grandes joies, ni grands malheurs : des emmerdements à n’en plus finir, ça oui, mais tant que les châtaignes ont assez de goût dans l’assiette, on a sa place dans le monde. » Et, « Joseph Reilhan a bouffé sa part de vache enragée : du corbeau pour tout dire. »,  pense : « Quand le présent montrait tant d’exigences, qui se serait soucié du futur.» ?

« Ce n’était pas exactement la misère ; c’était une frugalité traditionnelle avec laquelle on avait l’habitude de s’entendre et de faire bonne figure, puisque tout le monde, ou presque, était logé à la même enseigne. »

Un roman hallucinant, végétal et minéral où l’humain ne trouve sa place qu’en acceptant « l’harmonie imposée » par la nature. Où, « ce que l’on faisait aujourd’hui, on n’était pas sûr de pouvoir le refaire demain. »

Comme une avalanche, l’écriture de Carrière nous ensevelit sous un déluge de sentiments contradictoires, colère-nostalgie ; rage-désespoir ; fureur-compassion ; impuissance-admiration ; peur-renoncement.

À plusieurs reprises le lecteur se prend à évoquer la chanson de Jean Ferrat, pourtant que la montagne est belle, où la résignation des personnages le dispute à la majesté de la nature immuable que l’humanité ne peut qu’humilier en essayant de la réduire à un rôle d’esclave. Piteuse vengeance.

Très louable initiative du journal Le Figaro et sa collection « Le meilleur du Prix Goncourt ».

Un livre à lire et relire.

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L'épervier de Maheux

Un livre âpre, difficile, qui ne se donne pas facilement au lecteur. Les Cévennes sont rudes, y vivre ressemble à un exploit que la famille Reilhan va tenter d'accomplir sur deux générations. Maheux c'est le lieu-dit où ils vivent, où ils survivent, car leur existence est marquée par une misère subie comme une malédiction.

Le père Reilhan, le taciturne, épouse par correspondance une jeune fille qui pensait trouver là, dans ce lieu isolé, un ciel bleu, une nature accueillante et une autre vie que celle de la mine et de la poussière. Ce sera plutôt pour elle des privations, un silence hostile et de la duplicité. Deux garçons complètent la famille Abel et Joseph-Samuel. on les suit donc d'avant la seconde guerre mondiale aux années cinquante.

Le récit ne se déroule pas d'un façon linéaire, disons plutôt qu'il met en avant des scènes capitales et frappantes passant plus vite sur le reste ou l'éludant complètement, c'est un peu déroutant et alors on ne peut pas s'attacher aux personnages, sans doute est-ce volontaire, ils n'auront même pas eu droit à notre empathie, leur désespoir n'en est que plus absolu; donc on assiste à des moments clés : la chute de Joseph, son passage en Suisse, la mort du père ( sous les étoiles en sorte de régression bénéfique, c'est poignant et très beau), l'arrivée de l'épouse d'Abel, la recherche désespérée de la source...

Maheux est hors du monde, là où la nature semble se fermer où vivre est forcément une lutte contre les éléments marquée par une fatalité. La mère subit cette fatalité et son attitude avec joseph, le gâtant à l'insu des deux autres le gavant alors que le père et l'aîné se nourrissent de châtaignes, cette attitude donc est une toute petite victoire, une façon de penser échapper au destin sordide de mourir de faim et de solitude.

Abel croit pouvoir lui aussi s'en sortir et se lance dans la captation d'une source pour pallier la sécheresse, il s'y épuise mais y puise aussi la force d'affronter une forme de désespoir.

Tout est si sombre, si dur, si pessimiste, le texte , par sa beauté et son exigence, compense la noirceur de tout cela.
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L'épervier de Maheux

Même si le lecteur déplore quelques longueurs, L’épervier de Maheux est un très bon moment de littérature. Le style, la dimension mythologique et biblique, le cadre donnent une puissance au récit. Nous sommes dans les années 50 dans le Haut-Pays cévenol : « Les vieux meurent, les enfants s’en vont, les maisons se ferment : voilà son histoire. », un milieu très hostile tant par son relief que par ses écarts de température, on y voit la misère des choses, « roman de l’homme face au silence de Dieu ».

Depuis 1808 , les Reilhan, des huguenots, se sont fixés à Maheux, un hameau qui se dépeuplera. Reilhan le Taciturne né en 1895 épouse une lointaine cousine séduite par les lettres enflammées de son cousin. Les désillusions suivent. L’épouse découvre que son fiancé a tout simplement recopié des formules piochées dans de vieux journaux. Abel naît en 1922, Samuel-Joseph en 1931.Le père est mobilisé, revient de la guerre, les Cévenols entrent en résistance. Abel Reilhan sauvage et solitaire se cache des Boches pendant de longs mois dans une borie. Les Reilhan ont à trouver des réponses immédiates aux problèmes quotidiens de survie, ils sont enfermés dans le concret et se méfient de l’abstrait, la mère devient « une créature silencieuse » , complice toutefois avec Joseph, longtemps alité après sa chute. Tandis qu’Abel épouse Marie Despuech ,Samuel-Joseph est au service d’un pasteur. L’incompréhension est grande entre Abel qui s’obstine à faire des tâches inutiles et Joseph beaucoup plus ouvert au monde.
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L'épervier de Maheux

Le chef d'oeuvre de Carrière, couronné par le Goncourt qui lui apporta plus de perturbations que de gloire qu'il ne recherchait d'ailleurs pas. Son écriture pose parfaitement les personnages, principalement celui d'Abel que l'on suit au long du roman, dans ses errances cévenoles, au fond de ce village de Maheux, sous l'oeil de l'épervier qui tournoie dans l'azur. Les landes des Cévennes brûlent sous le soleil, comme la Provence de Giono, idole de Carrière, et comme la cervelle d'Abel. Ouvrage d'une amplitude unique qui méritait largement sa récompense.
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L'épervier de Maheux

Rudesse cévenole.



Les derniers vestiges d'une humanité immémoriale se tapit encore dans les Cévennes des années cinquante. Malgré les ravages de l'exode rural, des êtres attachés encore à cette terre ingrate vivotent dans un paysage minéral.

La dernière génération reste tiraillée entre le confort relatif promis par une fuite vers une vie plus douce et ce lien multiséculaire avec ce pays austère et implacable.

C'est l'histoire de la fin d'un monde, avec toutes ses contradictions et ses souffrances existentielles...
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L'épervier de Maheux

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L'épervier de Maheux

Il faut s’accrocher pour démarrer. Les phrases ne sont pas simples. Jean Carrière nous offre une langue râpeuse, rude et tellurique, toute de cailloux et de douleurs. Le pays est lourd, âpre, peu enclin à la présence humaine. C’est un endroit où « il n’est pas de maîtresse branche ni de poutre à portée de main qui n’aient offert au moins une fois la tentation d’y accrocher un bien vilaine corde ». Une peinture du pays cévenol qui sort des sentiers touristiques.



Le vieux Reilhan, taiseux lunaire, trouve sa consolation dans la « navigation à travers les grands espaces » « avec enfin le ciel immense pour lui seul » quand il peut emprunter un cheval pour labourer ses champs hauts. Samuel, le benjamin, cultive son handicap par mollesse et se débat avec une mère omniprésente. Abel, l’aîné, est un ours des montagnes buté. Il s’acharne à « tirer avec un mauvais fusil sur une cible inaccessible ». Les personnages secondaires ont autant de densité que les personnages principaux. Ils marquent, frappent l’imagination de leur réalité.



Le médecin, surtout, personnage cynique, cultivé, au regard distancié, parsème le roman de ses commentaires, témoin désabusé mais aimant à sa façon. L’irréalité des apparences matérielles face à la vie de l’esprit, la valeur dérisoire de l’être humain écrasé par les parois de la montagne, la superficialité de la vie courante, l’habitent à le hanter.



« Il vaudrait mieux être une pierre que ce nous sommes. » (315)



Un de ces bouleversements littéraires qui remuent l’intérieur comme il en arrive rarement. J’ai été soufflée.
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L'épervier de Maheux

le 21 novembre 1972, le Nîmois Jean Carrière, 44 ans, obtenait le prix Goncourt pour son deuxième roman, « l’Epervier de Maheux »,

Il a eu plus de mal que de bien.

--Le bien tout d'abord , Ce livre à eu un succés énorme et une vente très grande , normal car pour moi

c'est un livre plus que du terroir c'est un homme qui est à la recherche de soi dans une nature aride et dure .

j'ose le dire un chef d'oeuvre!

-- Le mal ? pourquoi ? il est catalogué '"écrivain régionaliste ",cela le chagrine!il ne le supporte pas

Il sombra dans la dépression, (difficile à comprendre ) c'est une gratitude envers lui qui à tourné à la malédiction –

c’était, dit-il, le prix à payer: Il confie : "L'écriture devient inabordable. On ne peux plus écrire

car on ne peut plus vivre et pour moi vivre et écrire c'était une seule et même chose...

On est perdu pour la littérature mais on est perdu pour la vie

Et il pensa même à se suicider en se jetant du haut de l’Aigoual.



Tout ça pour dire que moi même je ne sais pas ,c'est pour moi une énigme ! sa jeunesse peut être ? mais bon !

La trame de ce livre précieux, pour moi, classé dans ma biblio comme un des meilleurs.

Il y a un homme ,un épervier ,une famille qui vit dans la pauvreté (etait ce la sienne ? ) dans une région rude ,les Cévennes loin de toutes les commodités .

C'est une histoire tragique , une écriture superbe qui relate des évenements des personnages vivant là ou la vie est difficiles , des paysages tristes ,sombres.

J'ai trouvé quand même , des notes poètiques et philosophiques ,dans ce récit que nous livre Jean Carrière ,

avec une telle profondeur que pour s'y intégrer , j'ai eu une disposition d'esprit s'inclinant à porter une bonté indulgente à tous les membres de cette famille le père,la mère le fils ainé ,le fils cadet. On les voit ! au travers des mots , on les comprend .

J'ai pensé aux "âmes grises "de Philippe Claudel

En définitive ,c'est un livre que une fois commencé on ne le lache pas !

alors lisez et plonger vous dans les Cévennes ,rude et sauvage ,riche dans son histoire grandiose.

Suivez le vol majestueux de "l'épervier de Maheux"
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L'épervier de Maheux

Je suis tombée sur ce livre dans une brocante, et c'est le bandeau (à l'époque, imprimé directement sur la couverture) "Prix Goncourt" et la date, 1972, qui m'ont décidé à l'acheter. J'étais curieuse de lire un auteur de cette époque où je n'étais pas née, qui plus est récompensé. Et particulièrement sur le sujet en question ici, on ne peut plus actuel. Quel dommage que Jean Carrière soit mort au début de ce nouveau siècle et n'ai pu témoigner de ce qu'il décrit si bien? Les descriptions du paysage sont magnifiques, elles nous donnent envie tant d'y être que d'en fuir à toutes jambes. J'ai mieux accroché à la deuxième partie, mettant en scène cet homme qui va creuser dans la montagne pour fuir son quotidien stressé par la productivité monnayée et retrouver la terre. La terre, la nature, sa violence et sa grandeur face à l'homme qui est tout petit et qui s'y plie. Voilà, pour résumer, de quoi il est question dans ce roman. L'homme, face à elle, ne peut que s'adapter, ou partir. C'est magistral, indispensable.
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L'épervier de Maheux

Un roman poétique et sordide tout à la fois. L'histoire d'un homme solitaire et farouche qui vit dans les Cévennes, territoire rude mais d'une extrême beauté. Prenant.
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