Citations de Jean-Christophe Rufin (2790)
Les criminels ne sont pas des gens normaux. Ils ont des idées saugrenues.
Benjamin Franklin se cala dans son fauteuil, les yeux mi-clos. Dehors, des tourbillons de vent faisaient voler les feuilles d'érable dans le jardin d'automne. Richard avait allumé un feu et posé une tasse de thé fumant devant les causeurs. Le parfum d'Aphanasie emplissait l'air tiède de la pièce. Pouvait-il y avoir, pensait Franklin, une plus parfaite image du bonheur sur cette terre ?
Jour après jour ,le marcheur a appris à connaître son vieux copain de Chemin.Il sait qu’il est humble,discret,bousculé par le monde moderne.
Il me semblait que j'avais éprouvé le pire. C'est que je n'avais pas connu la Sibérie. (...) On ne vit pas seulement séparé de ce que l'on aime, comme dans une prison, on lui devient étranger.
Les différences de date et de lieu qui definissaient chaque individu étaient fondamentales : c'était à elles que chacun devait d'être ce qu'il était. Et, en même temps, elles étaient si dérisoires, ces différences, si minuscules, qu'elles révélaient, mieux qu'un matricule, à quel point les hommes se distinguent par peu de chose. A ces notations près (un nom, une date de naissance...), ils constituent une masse indistincte, compacte, anonyme. C'était cette masse que la guerre avait pétrie, gâchée, consumée.
Mon ambition pour la France n'était qu'un rêve et mon véritable pays est celui des songes
Par contraste [avec les croisés], notre position de marchand, que j’avais toujours accepté de regarder comme la regardaient les nobles, c’est-à-dire triviale, matérielle et sans honneur, m’apparut toute autre. Nous étions les agents de l’échange et non de la conquête. Notre vocation était d’apporter à chacun le meilleur de ce que produisait l’autre. Nous avions, nous aussi, à notre manière, l’ambition de nous approprier la civilisation des autres, mais en contrepartie de ce qu’ils pouvaient désirer de la nôtre
J'aime, moi, le pouvoir tout brut que rien ne dissimule, celui des rois ou des riches négociants. Cette puissance-à, au moins, dit son nom. Elle se donne pour ce qu'elle est et à chacun revient de juger ce qu'il compte faire face à elle. Le pouvoir ecclésiastique avance,lui, sous le masque de l'humilité. Il n'agît ni ne frappe jamais sans invoquer la soumission de celui qui l'exerce à une force supérieure dont il feint d'être l'esclave. En somme, en face d'un religieux, on on sait pas à qui l'on a affaire: un maître ou un serviteur.
Depuis son enfance, il savait que les choses ne sont pas ainsi, que rien n'explique la haine, que la faiblesse l'excite, qu'il ne peut y avoir de pardon sans la force ni sans la victoire. (p. 349)
- La femme, s'emporta Villegagnon en redressant le torse, est l'instrument de la chute, le véhicule de la tentation et du mal. Pensez-y sans cesse et détournez-vous de la chair lorsqu'elle parait sous les espèces de la licence et du contentement.
Nous avons allumé un phare dans le monde, cette jeune femme a raison de le dire. Le phare de la liberté, et on ne peut faire le reproche à personne de le prendre pour repère. Il faut s'attendre que demain bien d'autres nous rejoignent ou fassent appel à nous pour conquérir à leur tour leur indépendance.
Le Chemin est seulement un des produits offerts à la consommation dans le grand bazar post-moderne
Nous étions à la fois délicieusement différents et, par l'amour, indéfectiblement solidaires.
Vous connaissez l'art qu'ont les Français de mettre en scène le pouvoir.
La pauvreté véritable peut être harmonieuse et même élégante. Au contraire, la pauvreté des riches, qui s'appelle l'avarice, provoque en moi un vif dégoût.
- La Providence n'existe pas ! répliqua-t-il avec colère. Il ne faut jamais se livrer à des fores prétendument supérieures. Il appartient à l'homme de prendre en main son destin et nul ne saurait le faire à sa place.
Il courait un assez grand nombre de ces histoires d'aventuriers qui se taillaient des empires chez les sauvages et vivaient parmi eux en satrapes.
En tout cas, le fait est que ma chère mère fut pour moi la principale compagnie que j’eus longtemps à Bolcheretsk. Ajoutez-y une femme de chambre et une coiffeuse et vous aurez toute ma société. Je passais mes journées à jouer avec deux petits chiens noir et blanc. Un chef indigène, pour s’attirer les bonnes grâces de mon père ou atténuer ses persécutions, lui en avait fait cadeau. J’avais aussi une boîte à musique appelée Serinette. Elle chantait comme un oiseau grâce à des tubes en étain et à un petit soufflet. Je restais des heures à tourner la manivelle qui l’actionnait.
C'est la grande sagesse du peuple, voyez-vous. Les gens ne se dérangent que pour les élections qui ont un sens.
Ma vie vécue fut tout entière effort et contraintes, combats et conquêtes. Ma vie revécue pour en faire le récit a repris la légèreté des rêves. De créature, je suis devenu créateur.