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Citations de Jean-Michel Maulpoix (402)


Le monde



Extrait 3

  Il n'est pas sûr que ces traces durent longtemps.
Il faut, pour en garder mémoire, beaucoup plus que
des tas de pierres ou des livres rangés dans des
bibliothèques. Il faut des hommes qui s'en souvien-
nent et des enfants pour les apprendre. Beaucoup
de silhouettes penchées sur des pages, avec un cra-
yon, une plume ou un pinceau.
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Une incertaine église



Extrait 4

Quand les dieux toussent, elle change le ciel de place, net-
yoie la chambre, secoue les tapis, déménage les meubles,
vide les tiroirs et brûle des paquets de lettres.

Elle attend, elle est là. Fidèle et proche, profonde et bleue.
Prête semble-t-il à se donner toute. Il suffit de partir. Il
n'y a rien à dire de plus. Les portes sont ouvertes. À cha-
cun d'y entrer. De s'y perdre, d'y croire ou de s'en défier.
D'y plier ou non les genoux. De s'y laver ou non les
mains. L'infini est une affaire d'homme.

p.56
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APHASIE


« Je ne sais plus parler » écrit Arthur Rimbaud dans le poème « Matin », à la fin d'Une saison en enfer.
C'est qu'il a conduit sa propre écriture, à travers des dérèglements successifs, jusqu'à un point où, saturée de vision et d'images violentes, elle s'étrangle. Voilà que la poésie est menacée d'aphasie, en ce qu'elle a trop déréglée la langue et rôdé aux abords de l'insensé. Un tel risque résulte de l'intensité même de l'expérience poétique, et c'est dans la modernité, à partir de Baudelaire, (qui s'effondre lui-même en 1866, frappé d'aphasie, à Namur), qu'il se fait jour: discordante, l'écriture poétique doit être conquise contre la parole quotidienne dont elle se détache et à quoi elle s'oppose. À mesure, que l'on avance dans la modernité, le poème devient de plus en plus cette parole étrange, absolument singulière, qui, comme l'écrit Paul Ceylan dans « Le Méridien », « montre à l'évidence, une forte propension à se taire ». L'aphasie s'avère la tentation même du poème moderne qui vient heurter le silence et rechercher auprès de lui sa légitimité. Aussi Rainer Maria Rilke en propose t-il dans une lettre cette définition :

« Le bruit léger d'un pan de silence se détachant en moi de la masse énorme de mon mutisme ».
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La poésie est une forme de l'intelligence : elle pose, par sa façon très singulière d'approcher les objets à travers des formes verbales, la question de la compréhension.
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Il neige
Et la blancheur s'accroît
À cela rien d'étrange

C'est vitesse
C'est lenteur
Et c'est répit pour la parole

Le retour de minutes perdues
En blancheur le temps
Nous revient

(extrait de "Giboulées (interlude)"), p.55
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La couleur du poème

La couleur du poème dépend de la quantité de lumière
Qui se réverbère en son encre.
Elle change au gré de l'heure, de l'âge et de la langue.

Incolore au commencement, quand il n'est encore
qu'une aspiration vague.
D'un blanc de page vide,il tend vers le gris en rêvant
son encre prochaine.
Aube indécise sur le papier. Tels brouillards ou fumées
qui montent.
C'est pourtant vers le bleu qu'il s'élève le plus souvent
accroissant son ciel et son eau, entrouvant sur la page
une vague idée d'azur.

Noir, si rien ne le tire hors de soi, prisonnier
qu'il demeure des signes.
Rouge, quand il accélère, s'enfièvre, circule et bat .
Or d'étincelles ici et là en son ballet de feuilles mortes.
Vert en mai devant l'arbre, blanc de décembre sous la neige,
Mais d'une couleur indistincte quand s'y penche un
visage aimé.


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Ce que je nomme idéal, absolu, ou azur, n'est après tout rien d'autre que mon espérance de naître enfin ici-bas. J'ai prêté des noms contraires à la réalité qui me manque et où je vis comme un absent.
(La beauté aurait pu être heureuse, fraîche et vive : une femme aux épaules rondes, aux boutons d'oreille en or. Ce monde, j'y aurais trouvé goût, si ma faim avait jamais pu s'y rassasier d'un fruit.)
Il y a belle lurette que les gonds du rêve ont sauté.
L'époque survit à la beauté.

L'instinct de ciel, II, p. 197
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Rien d'autrui ne nous est plus secret ni plus proche que son abandon ou sa faiblesse.
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Mais où s’en va le bleu du ciel lorsque tombe la nuit ?
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Nous écoutons monter en nous le chant inépuisable de la mer qui dans nos têtes afflue puis se retire, comme revient puis s'éloigne le curieux désir que nous avons du ciel, de l'amour, et de tout ce que nous ne pourrons jamais toucher des mains.
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Ecrire est une affaire de cicatrices et de sanglots.
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Ici comme là, beaucoup de fleurs, trop de fleurs, en bouquets ou en gerbes...Des retrouvailles, des bonjours, des mines. Dans l'église, les même bruits de chaises, presque les même toux. Près de l'autel, où tous deux se tenaient côte à côte, silencieux, elle de blanc vêtue, lui costumé de neuf, intimidés et attentifs, un peu transis, c'est une boîte à présent, couchée, recouverte de velours rouge. Quelqu'un n'y entend pas ce que l'on dit de lui, n'écoute aucun cantique ni ne voit couler aucune larme. Quelqu'un qui n'a rien à répondre. Quelqu'un qui s'en retourne d'où il est venu. Quelqu'un à peine ou déjà plus, ne pouvant serrer la main de personne, quelqu'un qui sortira de là sur des épaules, s'en ira dans un camion gris, sans klaxon ni ruban, pour passer sous la pierre sa première nuit de poussière.
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En été, le soir, sous les parasols rouges de la terrasse, comme sur le pont d'un grand navire, loin dans les tiédeurs de la mer.

Le soleil dans les yeux se couche, au pied du clocher flambant neuf. Les verres tintent et pétillent. Les voix racontent. Le temps s'attarde. Rien à craindre. Le malheur est loin. On oublie de mourir. On songe à des épaules. Chemisiers en rubans de couleurs. Lunettes noires et cigarettes blondes. Contre-jour : la chair est tendre sous le tissu. Le cœur fait des bonds dans l'alcool et les rires. Ce bonheur est pourtant étrange. Trop douce est la musique, trop sucrée. Une poudre d'os sur les cheveux. Tant de bleu. Tant de bière. Tant de couronnes et de corolles. Pour ceux-là qui parlent d'amour, en été, les beaux soirs, sous les parasols rouges, au pied du clocher neuf, un peu avant huit heures, jusqu'à la nuit tombée.
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Tard en automne, lorsque la pluie tombe à petit bruit, il me plaît de croire entendre le ciel pleurer. Ecrire ajoute alors ses larmes compliquées à la transparente coulée qui fait tinter le toit d'ardoise et le zinc du chéneau. Ecrire est un geste très doux, enfin presque tranquille. A cette heure et en cette saison, l'on ne brusque pas le langage, on s'y abandonne, sûr que pour une fois la justesse est en un tel acquiescement au murmure de la pluie et à l'obscurité de la fenêtre. On aimerait surtout, à ce moment, relire des pages peu sûres, depuis longtemps abandonnées, convaincu cette fois d'en retrouver l'émotion et d'en comprendre le sens. Et si l'on prend alors la plume, c'est moins pour découvrir que pour reconnaître, comme si l'on se penchait enfin au-dessus de son propre visage.

p. 110
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J'ai croisé dans le ciel des îles, traversé des déserts, des montagnes de suie, des banquises de vieilles lunes et de très vastes mers. J'ai perdu le nord et l'échelle, la perspective, le sens de l'en haut et de l'en bas. Et j'ai vu quelquefois ce que nul ne verra jamais : comment est fait mon cœur.
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Puisque les mains de l'homme sont vides, il lui faut les joindre, pour mieux sentir ce vide : qu'elles lui prêtent leur contour. On offre au silence un lieu où se loger, un endroit du corps où attendre, une précaire chapelle de sang et de chair. Et l'on espère à son contact, on prend patience. La langue aussi est une église.

p. 60
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S’effacer, lui laisser la place, il ne l’occupera jamais toute, il fait le vide autour de lui. Difficile à dire : il se concentre et se ramifie, un rien suffit à son visage, il en change, ne veut pas savoir, mais connaît des choses. Il va, passe, s’infléchit, se propage et parle à peu près sans rien dire, derrière les bouquets d’ortie, appelant avec peu de mots du fond d’un terrain vague.
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Le ciel est de tuiles blanches. La sieste de la mer creuse une longue cicatrice d’encre sur la joue de l’horizon où les voiliers tracent de grandes routes calmes et plantent leur amour d’oiselier d’un blanc très nu.

Des jardins superflus poussent plus haut vers le large, odorants de menthes, de myosotis et d’impatientes. Une rumeur de lilas dégringole vers la mer quand, sur les balcons de bois peint, le coeur des marins s’éclaboussent.
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Indéfiniment, le bleu s’évade.
Ce n’est pas, à vrai dire, une couleur. Plutôt une tonalité, un climat, une résonance spéciale de l’air.
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Épars dans la lumière du jour, le bleu attend son heure. Jamais il ne perdra patience, car il a tout le temps pour soi. Il mûrit sa couleur en d’interminables aurores. Il déchiffre sa propre histoire.
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