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Citations de Jean-Michel Maulpoix (395)


Vivants, ils vont les mains devant.

Ils essaient de palper la forme de leur vie. Ils racontent tout haut leurs soucis, expliquent leur misère, découpent des images, inventent des histoires, chantent à tue-tête et se trémoussent sur des musiques. Ils fouillent parfois dans leur mémoire pour y chercher un mot qui se puisse murmurer à l'oreille d'une femme dans la nuit, ou pour soi seul, juste un nom de peu de syllabes, clair et nu dans la bouche, un mot qui sonnerait juste, qui permettrait de se quitter, de se rejoindre...En vérité, ils ne savent pas, mais disent qu'on les attend là-bas, de l'autre côté de l'horizon, avec des paniers de fruits rouges et des bouquets de fleurs. Ce soir, ils dormiront au large, rassasiés d'écume et de bleu.Ils s'éveilleront demain dans un corps neuf. Ils auront tout le temps qu'il faut , tout le loisir d'apprendre des gestes inconnus, et des passions violentes à ne savoir qu'en faire. Cette espérance les tient en vie. Ils s'y réchauffent et s'y endorment. Ils soufflent sur sa braise quand l'hiver leur glace les épaules. Ils s'efforcent d'y croire...Mais le tic-tac de leur cœur ralentit d'heure en heure. Bientôt on ne l'entendra plus. La nuit a l'âge de leurs pensées.
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PETIT JOUR
  
  
  
  
Cœur fripé l’amer du sommeil dans la bouche
Tous ensemble ils arrivent par le tram de sept heures
Le bleu sent la javel la terre sent le goudron

Palmiers de ferraille et palmiers de suie
Des débris d’images couvrent leurs paupières
Les poulies du ciel grincent à grand bruit

Avançant sur le quai jusqu’à l’extrémité de la fatigue
Ils n’iront pas plus loin que ce monde-ci ce wagon-là
Du soir qui se lève au jour qui se couche.
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Celui qui marche sur la neige marche sur du ciel tombé. Il traverse des pays effacés, des lointains devenus très proches, et s'en retourne vers une enfance plus vaste que la sienne.
( p. 20)
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La chair oublie, mais ces mots essaient de se souvenir d'une traversée de pages blanches. Cette neige est un goûter d'enfants. Ces phrases sont la dernière partie de cartes d'une aïeule aux bas noirs, avant qu'elle pose ses lunettes cerclées d'or sur la commode et monte lourdement se coucher... Et toujours, au passage, l'odeur des grappes de tilleul épandues sur un drap dans le salon.
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Je ne me souviens guère de mon enfance. C'est une flaque d'eau qui a séché, ou somnole en moi quelque part. Cela n'a guère d'importance; ce temps-là était voué à se perdre. Il me semble parfois reconnaître le son d'une voix, un silence, et des mots inespérés que je n'invente pas, mais que je retrouve. Voilà ce qu'il me reste.
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ARRIÈRE-SAISON
                         Pour Henri



I

L’araignée tombe sans parachute
L’horloge en berne marque six heures et demie
Les ongles du calendrier brûlent
Je ne me souviens pas

Il y a un petit ver blanc
Qui fait des trous silencieux
Dans le cercueil noir
De la musique

Une serviette d’or sur les genoux
Bas filés tête nue
Gouttes de rosée au bout des doigts
L’automne se désespère.


p.31
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UN POÈTE AU JARDIN



extrait 4

    Quand ainsi le livre s’entrouvre comme une porte ou comme une fenêtre sur un jardin, voilà que paraît s’accomplir la complémentarité inespérée du sensible et du sens. Les mots, qui ressemblent tant à des feuilles ou des fleurs séchées coincées entre les pages de ces herbiers que sont les livres, rencontrent autour d’eux leur floraison, leur sève, leurs couleurs, peut-être même leur parfum. Ils éclosent. Et voilà que la richesse du sens se fait complémentaire de celle de la nature. Un jardin est une chambre sans murs où l’on vient lire, non pour mieux s’endormir, mais pour mieux entrer dans l’intimité du monde.
...
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On la dit bavarde (l'hirondelle). Son chant n'est pas, comme celui du rossignol, un ruisseau de lumière qui s'écoule dans la nuit, un chant ivre de dryade dissimulée dans l'obscurité de la forêt. Mais elle a sa place dans le bestiaire des bêtes à Bon Dieu. Elle porte sur les ailes la vertu d'espérance.
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Ce bleu n'appartient à personne.

Il n'est ni le bien des hommes ni le royaume des dieux. Il
circule et se répand, distribuant partout la matière mobile
de son propre rêve. Le fini et l'inachevé échangent en lui
leurs vertus. S'il n'est point d'âme ni de principe, au moins
existe-t-il ce bleu, toujours près de s'entrouvrir dans la
grisaille des jours, offert à quiconque et pour rien, telle la
paume d'une main vide, et telle une promesse dont cha-
cun doit savoir qu'elle ne sera point tenue. C'est bien
ainsi : cette lumière sur notre misère, cette beauté proche
de notre mort. De quoi écrire encore des livres, peindre
des toiles, aimer, et composer de la musique. Pour essayer
de retenir contre soi le jour. Et pour toujours plus de
misère, mêlée avec plus de beauté. Aussi longtemps que
nous le pourrons, nous accompagnerons du bout des
doigts le temps qui passe.

p.55
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Son cœur est si petit, si frêle, qu’on ne pourrait l’aimer sans le briser, ni le voir sans y regarder à deux fois, avec des verres épais et beaucoup d’attention, comme quand on entreprend de lire une histoire compliquée, aux personnages et aux péripéties nombreuses, ou de déchiffrer un auteur qui prend plaisir à de longues phrases, imprimées en caractères minuscules sur du papier très fin 
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Un amour est ainsi : du temps qui brûle à l'état pur, d'une chaleur bienfaisante et d'une couleur très vive. Vous n'avez pas entendu craquer le sapin ni sonner l'horloge. Un matin, un grand froid vous a réveillé: les murs de la maison s'étaient envolés pendant la nuit ! Peut-être même avait-elle brûlé. Le lit était vide
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Il fait une nuit glacée d hiver
Dans la tête blanchie du vieil homme
Aucun printemps ne reviendra
Sur son visage de neige
La mer à gelé dans ses yeux.
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Puisque les mains de l'homme sont vides, il lui faut les joindre, pour mieux sentir ce vide : qu'elles lui prêtent leur contour. On offre au silence un lieu où se loger, un endroit du corps où atte ndre, une précaire chapelle de sang et de chair. Et l'on espère à son contact, on prend patience. La langue aussi est une église.
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C'est toujours le commencement, la même aventure incertaine. Ecrire guette, la page grisonne, peu de désir travaille. Clapotis de l'encre et du sang. Le jour tarde sous un entassement de feuilles et de fleurs de tilleul. Edredon de blancheur légère. On s'est allongé dans l'herbe, on a tout le temps de mourir. Ecrire est une affaire de cicatrices et de sanglots.
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ARRIÈRE-SAISON
                         Pour Henri



II

Le jardin est tellement plus vaste
Quand hiberne le monde
La beauté pour mourir
Prends de telles précautions

Le blé n’a plus de voix
Ni de bleuets
Le grêlon cisèle
Les abeilles meurtries
Le givre guette la rosée
Et la boue de la tombe

Remue obscurément
Personne ne passe sur la route.


p.32
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PROFONDEURS

Il y a des fleurs au fond de la mer
Qui ne poussent pas vers le soleil
Et dont aucun vent ne remue les feuilles
Mais le souffle de l'eau, le flux
Et le reflux du jour et de la nuit
Je cherche à dire et à nommer
Sans conclure, sans enclore
Sans preuve je cherche encore
Sans même un espoir de trouver
Creusés dans la terre noire
Où vont pourrir nos os
Il reste quelques puits d'eau claire.
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BOUCHOREILLE



    Ce mot-valise, fabriqué par Paul Valéry *, figure l’espèce de boucle qu’accomplit la poésie en ce qu’elle est à la fois un parler et une écoute. Écrire de la poésie, c’est faire exister une voix, émanant d’une « bouche d’ombre » ou de « voix intérieures » (Victor Hugo), mais c’est aussi écouter la langue, prêter l’oreille à son acoustique particulière.

    Attentive aux bruits du monde comme aux battements du cœur humain, la poésie peut être définie comme une voix qui écoute. Elle dit ce qu’elle entend. L’écriture y écoute la langue : à l’aide de cet instrument singulier qu’est le poème, elle en perçoit aussi bien les sons que le sens, sensible à la signification des mots, voire à leur vieille et longue histoire, attentionnée quand il s’agit de dire ce qui reste le plus secret et ne parvient au langage que par un accès douloureux. Le poète n’écrit pas seulement à la main, il écrit aussi à l’oreille, dans l’« hésitation prolongée » du son et du sens. La voix du poème est une voix réfléchie, curieuse de ses inflexions, et qui observe sa propre capacité articulatoire.


* J'ajoute que Paul Valéry a également écrit cette
fulgurante approche du poème :
" Le poème — cette hésitation prolongée entre le son
et le sens ".
(Paul Valéry, Œuvres compl, II, p.637)
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Le poème résiste au réel tout autant qu'il le cherche.
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Théorie du calamar: Je n'aurai pas tout à fait perdu mon temps, puisque de mon oisiveté et de ma solitude j'aurai fait de l'encre.
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Tu voudras t’asseoir au fond de la mer comme les dieux installés dans le ciel, en rond autour d’un puits dont ils remontent, de temps en temps, une âme, un regard d’homme, un cœur de femme, ou quelques livres très anciens dont l’encre violette a pâli.
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