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Citations de Jean-Michel Maulpoix (402)


Il est un point, difficile à atteindre, une espèce de terrasse à laquelle très peu accèdent, où la vie entière devient paysage. Pareil au voyageur qui a grimpé sur la montagne, le passant de sa propre vie se retourne et peut tout revoir: les chambres où il s'est endormi, le jour de sa naissance et celui de sa mort, ses noces, ses amours manquées, tous les chemins qu'il n'a pas pris et où poussent à présent mauvaise herbe et chardons.
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Le poète (Saint-John Perse) répète comme une exhortation ou une injonction : "S'en aller ! s'en aller ! Parole de vivant !" Il fait l'éloge d'une pure dépense d'énergies libres : "S'en aller ! s'en aller ! Parole du Prodigue." Son apologie du départ fait songer à Rimbaud célébrant dans "L'éternité" : "la mer allée avec le soleil". Mais là où Rimbaud va chercher son or vers le Sud, il s'agit plutôt ici d'un mouvement vers l'Ouest qui est par excellence celui de la conquête : des Européens porteurs d'une vieille culture se trouvent face à l'inconnu, au primitif, à l'élémentaire et à l'archaïque. A certains égards, ce mouvement rappelle par analogie les grandes traversées initiatiques : Odyssée, Enéide, Divine Comédie. Ainsi conserve-t-il une dimension épique.

p. 59-60
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Convalescence du bleu après l'averse...

Le ciel se recolore. Les arbres s'égouttent et le pavé boit.
La ville aussi essaie ses phrases. Rires mouillés et pluie de pieds nus.
On dirait que le paysage est tout éclaboussé de croyance.

On voudrait jardiner ce bleu, puis le recueillir avec des gestes lents dans un tablier de toile ou une corbeille d'osier. Disposer le ciel en bouquets, égrener ses parfums,tenir quelques heures la beauté contre soi et se réconcilier.

On voudrait, on regarde, on sait qu'on ne peut en faire plus et qu'il suffit de rester là, debout dans la lumière, dépourvu de gestes et de mots, avec ce désir d'amour un peu bête dont le paysage n'a que faire, mais dont on croit savoir qu'il n'enfièvre pas pour rien, puisque l'amour précisément est notre tâche, notre devoir, quand bien même serait-il aussi frêle que ces gouttes d'eau après l'averse tombant dans l'herbe du jardin.
( p 35)
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Sur tous les tons, les klaxons répètent : j'arrive, je suis là, laissez-moi passer. Mais ils se plaisent tellement à insister qu'on les croirait seulement désireux d'ajouter leur note pointue à la délirante cacophonie de la rue. Avertisseur et gouvernail, le klaxon infléchit les trajectoires et les sillages.
On ne s'arrête pas, on ralentit un peu, on serpente, on louvoie, on se frôle, on s'esquive...La souplesse évite les chocs. Rien de frontal ; tout va par courbes, glissades, oblicités. On anticipe, on est pas pris au dépourvu. On entre dans la danse, on prend le rythme au vol : 37, 38 km/h, on calque sa vitesse sur la température de l'air.
Parfois, on se regarde, on se sourit, on s'aime un peu, très vite, avec les yeux.

La rue a ses odeurs, ses humeurs, ses moiteurs, ses rides et ses blessures. Rivière ou rizière, tantôt elle circule, tantôt elle s'implante, établit son campement, avec ses étals, ses toiles, et son peuple accroupi de marchands. Rivière, elle coule comme le fleuve Rouge : elle est le bouillon de la vie.
37,38° : la température de l'air est pareille à la température du cœur.
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Bleue est la couleur du regard, du dedans de l’âme et de la pensée, de l’attente, de la rêverie et du sommeil.
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La page bleuit, s’étale, se déplie, s’allonge, bientôt plus vaste que la mer. Elle se lève et forcit. Elle prend vers le ciel son essor. On voudrait croire alors qu’elle n’est plus ce vain chemin d’encre qui se hasarde vers nulle part, mais le cœur retrouvé de l’amour.
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La pluie, dit-elle, lui fait don d’elle-même, ou lui rappelle ce côté tendre et méconnu de soi, ce libre mouvement de chute monotone, et cette sorte d’ondée légère qu’elle n’est plus depuis que le chagrin a fait main basse sur ses eaux.
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Nous écoutons monter en nous et chant inépuisable de la mer qui dans nos têtes afflue puis se retire, comme revient puis s’éloigne le curieux désir que nous avons du ciel, de l’amour, et de tout ce que ne pourrons jamais toucher des mains.
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Poéte, par quoi d'autre le devient-on que sa propre disparition ? Une espèce d'absence, là ou d'autres s'empressent et trouvent quantité de choses à leur goût. Ces enfants sont sans mère. qui dans la langue cherchent leur refuge. Quelqu'un leur a manqué. Quelqu'un qui leur ressemble. Ils tissent de tout leur corps sur le papier d'inutiles toiles d'encre avec l'espoir insensé que cet autre-là s'y laissera prendre. Alors peut-être sauront-ils de quelle nuit ils sont eux-mêmes venus
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"Je crois inventer, je me souviens. Tout s'effondre à mesure. Chaque jour, avec d'invisibles fils, il me faut ainsi repriser le tissu de ma propre vie."

"Je ne saurais jamais quelle sorte de vie eût été la mienne si l'écriture n'avait transformé en songe cette existence qui m'appartient si peu. A-t-on une vie à soi? Peut-être n'est-on que l'ombre portée de ses propres désirs? Le murmure à peine audibles de paroles murmurées par d'autres?"

"Déjà le poète remue ses ailes d'ange. On aperçoit le bleu du ciel en transparence. La langue à l'oeuvre, comme chair embaumée, seule sur l'escalier vide. L'encre prend plaisir à se perdre, tout occupée par ses trouvailles. "
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En vérité, la saison froide est une sorte de banquise qui s'enfonce et s'épaissit par en dessous. Le flot durcit, le froid s'étend. L'haleine de la mer est de plus en plus courte. Le vent glacé qui souffle au visage contraint à fermer les yeux. Les tempêtes d'hiver sont les plus cruelles. À la saison froide, on bat en retraite. On n'a plus la force, on se résigne. Plus d'issue, plus d'envie, plus de courage.

C'est alors que les animaux sauvages sortent de la forêt. Ils viennent prendre leur dû : c'est violence et rapines. La mort qui rôde montre son museau de pierre. À la saison froide, on revisite. On écoute grincer de vieux meubles dans la chambre aux regrets. Pas question de s'y blottir : inondée de nuit noire, elle n'est faite ni pour les caresses ni pour les songes. Les rideaux sont tirés. Dans les draps de l'insomnie, on se couche seule.
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Le ciel plait-il à entend re ce léger bruit du coeur qui craque ? Quand le bleu s'étrangle, lassé de battre, celui qui s'en va n'y voit rien.

Il gémit, laisse aller sa tête sur son épaule, mais ne comprendra pas la nuit qui d'un coup s'est faite, non plus que la lumière dont il s'absente. Son cri n'est pas de souffrance mais de résignation: n'être cette fois qu'un homme, et s'y tenir. Une miette d'homme que la glaise avale, un bout de honte et de désir qui s'évapore, ne dérangeant en rien l'amour que cette terre se porte à elle-même.
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L'homme qui regarde la mer est un enfant passible d'amour
L'Atlantique est une feuille qu'il macule ou chiffonne
Du matin au soir, il y trace de longues lignes tremblantes et malhabiles Il fait dans la chambre des gestes méticuleux pour s'arrimer à l'infini.
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"Les morts ont le cœur gros de chrysanthèmes. Il leur vient, sous la pierre, des désirs en retard et d insidieuses tristesses, à cause de ce parfum douceâtre mélangé de vœux chères. Des larmes encore voudraient couler de leurs paupières, des paroles filtrer de leurs lèvres, mais seul le gravier crisse et l ombre se rendort." (P. 120)
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Le coœur fait des bonds dans l'alcool et les rires. Ce bonheur pourtant est étrange. Trop douce est la musique, trop sucrée. Une poudre d'os sur les cheveux. Tant de bleu. Tant de bière. Tant de couronnes et de corolles. Pour ceux-là qui parlent d'amour, en été, les beaux soirs, sous les parasols rouges, au pied du clocher neuf, un peu avant huit heures, jusqu'à la nuit tombée.

P10
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Jean-Michel Maulpoix
Pour un lyrisme critique

A quelles conditions le lyrisme est-il possible ? On le dit aujourd'hui " de retour ". Dans la prose, comme dans les vers, il revient, il insiste. Turbulent, aggravé par l'époque, désireux d'en découdre. Pourtant plus larvaire que sublime. Se déguisant volontiers en ses contraires : le vulgaire et le prosaïque. Mordu par l'ironie, mécréant, équivoque, prompt à se fourvoyer.

Le lyrisme se prête à toutes les mésententes. Toutes les malversations pourrait-on dire. Puisque à travers lui s'amplifient le dérangement de la poésie et la culpabilité du poète. Ce pourquoi le philosophe fut tenté de le chasser de la cité : culte des images, soif inextinguible " d'autre chose ", emportement, fièvre de tout dire. Dans ses excès et ses leurres, le lyrisme est le nom d'une maladie de la parole. Le nom de ce sur quoi la poésie se fonde, et de ce à quoi il lui faut résister. De ce pour quoi elle cherche une issue. De ce qui sans elle resterait lettre morte.

" Caractère du style élevé, des inspirations solennelles " énonce Littré à son propos. Mais qui oserait à présent entonner des poèmes-cantiques ? On le sait au moins depuis Mallarmé : " Le Ciel est mort "; ce qui n'empêcha pas l'auteur d'Hérodiade de l'entendre revenir dans " les cloches bleues ". Voilà près de cent cinquante ans que " le tunnel de l'époque " a contraint les poètes à déchanter et en rabattre : dans leur superbe, leurs prétentions ou leurs illusions. Rabattu, l'envol. Ravalé, le cœur. Et " rendu au sol " le poète, plus que jamais boiteux dans l'ici-bas. Qu'on se le dise : il n'est plus temps d'instruire le procès du lyrisme. La sentence est tombée de longue date : travaux forcés à perpétuité. C'est plutôt l'heure de ressaisir son pourquoi. Scruter, déplier, expliquer. Si le lyrisme est encore possible aujourd'hui, c'est avant tout comme une question qui ne passe pas. Une question que la littérature se pose à elle-même dans la poésie. Une question aussi bien que la poésie pose à la société, à cette vie-ci, la nôtre.

Longtemps le lyrisme eut quelque chose à voir avec l'espérance. Il lui appartint d'en fabriquer. D'en " reprendre " jusqu'à l'ivresse. De s'intoxiquer de futurs et de " là-bas ". Le lyrisme fut le chant des lendemains qui chantent et des ailleurs plus beaux. Luxe et volupté de la langue " où les oiseaux sont ivres ".

Sans doute seront-ils toujours nombreux ceux qui lyriquement aiment à se payer de mots. On est tous passés par là. On y repasse encore. Inexorablement. Puisque lyrisme est le nom de cette " maladie sidérale " qui conduit chacun à préférer ce qui n'est pas à ce qui est. " Les corps carburent à l'idéal " (Pommier). Le poème volontiers prend ses vessies pour des lanternes. Au fond de l'encrier, il rallume comme il peut ses lumières.

Comment ne pas être dupe ? La question est d'importance. Surtout pour qui considère que la poésie n'est pas réductible à la pulsion et au symptôme, ou que sa mécanique formelle n'est pas tout. Ce travail au noir qui tire la langue au clair a quelque chose à nous apprendre sur ces phrases que nous sommes. Sur le désir qui nous anime, la contrariété qui nous disjoint et l'articulation qui nous occupe. Singulièrement et collectivement. Sur notre façon de tenir debout et de tenir ensemble. Sur les grincements de la charnière où s'ajointent âme et corps, le proche et le lointain, l'un et le multiple…

Lyre fut naguère le nom de l'instrument qui accordait les contraires et pacifiait les monstres infernaux. Cette magie-là n'existe plus. Le stylo troue la page à mesure qu'il la couvre : il en certifie la blancheur. Il accuse les limites de notre condition et de notre savoir. Il ne suture pas, il incise. Plus question de chanter sur le papier. Comment y donner de la voix ? Depuis que Baudelaire lui a fait rendre un son discordant de cloche fêlée, cette voix ne saurait plus remonter quelque Eurydice de ses Enfers. Mais au moins peut-elle dire encore " je me souviens ". Elle veille sur les dépouilles de ceux que nous avons aimés. Elle se fait un habit de ces " haillons de bleu " (Beckett) que nous gardons en tête. En elle, persiste la mémoire d'un désir de beauté. Pensif et testamentaire, tel est le lyrisme qui veut croire encore en l'obstination du souci, garant de la pérennité de l'œuvre.

Le lyrisme ne se résigne pas. Jusqu'à l'heure de notre disparition, il se souviendra que nous avons rêvé. Eperdument, dans les surfaces, il recreuse de la profondeur. Depuis toujours, il recommence lorsque " la voie droite " (Dante) est perdue. La crise est son temps, son espace. Crises de vers ou crises de sens, nos affaires de langue vont par lignes brisées. Rythmées d'envols et de chutes, comme nos histoires de cœur. Moins transportées par le souffle qu'aspirées par des trous d'air. Des trous qu'il s'agit de reconnaître nôtres. En prenant la mesure du défaut que nous sommes. Puisque " nous sommes nés troués " (Michaux).

Non, le ciel n'est pas mort, s'il n'est après tout que l'évidence bleue toute nue de la question à tout jamais posée. Une question avec laquelle nous faisons corps. Et que la poésie transporte. Le lyrisme s'inquiète : " Où sommes-nous ? ", " Quand sommes-nous ? " (Rilke). Faute d'ouvrir un accès à la vérité, il exige du sens. Il perd et demande son chemin. Dérapant parmi les mots, ou emporté par la musique, c'est un savoir qui se nourrit de nos méprises. Un savoir plus vivant qu'un autre. Menant vers une sagesse qui aurait traversé ce à quoi il lui faut renoncer. " Perdre, perdre vraiment, pour laisser la place à la trouvaille " (Apollinaire). Plutôt perdre vraiment pour garder une chance de s'y retrouver.

Recueillir " la croyance détruite, en son leurre et sa fragilité " (Deguy) exprimer " le conscient manque chez nous de ce qui là-haut éclate " (Mallarmé), voilà le travail contemporain du lyrisme critique tel qu'il refuse de s'agripper au réel " objectif " comme à la seule planche de salut. Apparitions et disparitions : les mêmes lumières clignotent dans l'existence et dans la langue. Elle aussi se connaît mortelle.

La poésie ne promet rien. Le monde n'est pas meilleur après elle. Mais il y est rappelé avec insistance que des êtres précaires perdurent, réclament et souffrent de diverses soifs.

Espoir, non, mais maintien. Quand l'homme a sur cette terre des mœurs arrogantes d'occupant, paradant avec ses indices de croissance, ses bilans, ses diplômes, ses armes et ses centrales nucléaires, boursicotant à qui mieux mieux et polluant, vautré dans ses " seuls appétits " (Mallarmé), excrémentiel jusqu'en sa langue, inondant la planète de sa diarrhée technologique, creux mutant aliéné oublieux de tout par indifférence.

Espoir, non, mais accusation, réclamation. Renversement des " idées mortes " (Novarina). Une plainte déposée dans la langue. Un recours. Acte d'accusation ou bref pan de mur jaune, le lyrisme force et colore le trait

Espoir, non, mais promesse " qui ne promet rien " (Deguy). Alliance, alliage de mots, le lyrisme est oxymorique. Il promet car il se souvient ; il promet de se souvenir.

Espoir, non, mais passage. Passant, passeur et passager, le poète s'en tient à " son transitoire ". Transi de finitude, il la donne en partage.

Espoir, non, mais mouvement. Lenteur ou vitesse, le lyrisme est affaire de régime. Mode de propulsion à énergies variables, il procède selon le jeu alternatif de l'exclamation qui interpelle et du développement où s'étagent perception et pensée.

Espoir, non, mais désir. Déchirer dans la poésie " le voile de laideur et d'insignifiance qui nous laisse incurieux devant l'univers " (Proust).

Espoir, non, mais conscience. Que la langue nous maintienne vivants, attentifs et scrupuleux. De son impuissance à dire ce qui est, aussi bien qu'à toucher l'idéal, le lyrisme fait sa raison d'être. Par l'échec, il assure sa prise. Dans le désespoir, il puise son " énergie " (Deguy).

Espoir, non, mais vigueur. Qui écrit un poème y veut voir jouir des figures. La poésie, c'est du sang noir accumulé dans un corps caverneux. " Bander ! tout est là ! C'est pour cela que j'aime tant le lyrisme " s'exclamait Flaubert.

Espoir, non, mais proximité. Appliquant ses forces à résorber l'écart, il n'est pas froideur mais chaleur, car il " fait fondre la distance " (Deguy). Son contraire est l'ironie.

Espoir, non, mais poignance. " L'organe du langage c'est la main " (Novarina). Le lyrisme est affaire de poigne autant que de toucher. D'étendue et de contenance.

Espoir, non, mais critique. Le lyrisme connaît ses leurres. Il retourne l'antique puissance de célébration en puissance d'examen. Horizontal, il a en vue le proche et le semblable plutôt que les lointains. Vertical, il transporte et transmet. Oblique, il sait que toute identité est traversée par l'altérité de l'intérieur. Ni messianique, ni prophétisant, il ne vole plus vers l'Idéal ni ne prétend ouvrir les portes de la " vraie vie ". Son attention, pourtant, se concentre toujours sur ce qui manque. Il en prend soin. Il l'interroge et le presse de se dire. En y mettant les formes.

Lyrisme critique : habiter, bien sûr, l'entresol (puisque nous ne sommes ni des oiseaux ni des plantes) mais reprendre de l'altitude. Ne pas se résigner à la boue du n'importe quoi. " Proportionner la vie à son néant par l'œuvre " (Deguy). Marcher sur le fil de la voix. Garder la main, tenir parole. Parler juste dans l'incertain. La poésie n'est pas une maladie honteuse.
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ADIEU



De vieux mots portent encore leur fardeau de poussière
Leur sac de neige et de vent, leur charge de sel et de pierre.
Ils bâtissent des maisons avec nos souvenirs

Qui sont ces oiseaux morts qui chantent dans la nuit
Ces oiseaux de nuits qui parlent entre eux des morts
Perchés sur la branche la plus basse sèche et noire à demi brisée
Sans mémoire d’une feuille ou d’un fruit ni d’un cœur gravé dans l’écorce
Pour qui ces chants aux ailes trop courtes aux mots de peu ?
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UN POÈTE AU JARDIN



extrait 3

    Souvenez-vous de la fenêtre « ouverte un peu sur le petit jardin » par où s’échappe l’air apeuré, « bien vieux, bien faible et bien charmant » que Mlle Mathilde Mauté joue au piano dans le dernier vers de la cinquième « Ariette oubliée » des Romances sans paroles de Paul Verlaine… Ou rappelez-vous la vieille porte, elle aussi entrouverte, que l’on pousse pour entrer dans le sonnet « Après trois ans », troisième des Poèmes saturniens :


Ayant poussé la porte étroite qui chancelle

Je me suis promené dans le petit jardin

Qu’éclairait doucement le soleil du matin

Pailletant chaque fleur d’une humide étincelle.
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Dire ensemble, au plus près l’un de l’autre, ce qui nous tient en vie et ce qui nous dépossède : lier le vivre et le mourir en une même gerbe de mots. La poésie est ce travail du langage qui illustre notre capacité à articuler notre finitude dans le temps qui est le nôtre.

Si elle appelle souvent à ses côtés la note, le fragment, ou l’essai, c’est qu’il lui faut sans cesse réajuster son propos à des objets qui se dérobent.

Poésie : les enjeux et les formes de notre destin dans la langue. Pas d’autre vie, pas d’autre monde : c’est sur cette terre que ça se passe !
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À la question souvent posée : « comment écrire après Auschwitz ? », je continue d’entendre la réponse apportée par Edmond Jabès :

Mes chants ont la friabilité des os sous la terre. J’ai célébré autrefois la sève et le fruit. J’accordais peu d’importance au vent.

Le ciel ferré de l’automne est notre lourd firmament.[9]

Cette réponse prend la forme d’une brève poétique qui vient confirmer le mot de Paul Celan : « Il y a encore des chants à chanter au-delà des hommes[10]. » Ces chants ne sont plus de célébration, ni d’élévation, puisque le ciel est « ferré » comme les lourdes bottes des militaires. Il ne s’agit plus de chanter la croissance et la fructification, mais de considérer l’invisible, qu’il soit celui d’un souffle ou d’une mémoire enfouie. Marquer sa fidélité, en une parole discontinue et fragmentaire, à ce qui a été et qui a disparu. Prendre soin de la finitude comme on prend soin des morts. En veiller la trace, en entretenir la mémoire. Demeurer le présent souci d’une souffrance passée. « Il faut écrire à partir d’Auschwitz, de cette blessure sans cesse ravivée[11]. »

[9] Edmond Jabès, Livre de Yukel, éd. Gallimard, p. 206.

[10] Paul Celan , Strette, éd. du Mercure de France.

[11] Edmond Jabès, Du désert au livre, éd. Gallimard, p. 104.
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