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Critiques de Jean-Pierre Martinet (55)
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La grande vie

Une très court écrit, plutôt une nouvelle, se lit en une demie heure mais c'est fort percutant. Jean Pierre Martinet ne devait pas être un joyeux drille et son écriture est comme une bile amère et puante qui sort de lui dans un jet violent et sans artifice. L'histoire est celle de deux personnages sortis d'un film de Fellini, ayant une relation bizarre et des ébats sexuels plutôt particuliers... Il y a de l'humour très noir et beaucoup de désespoir dans ce texte. Ce préambule m'a donné envie de lire son chef d'œuvre :"Jérôme" paru en 1978. A suivre.
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La grande vie

Le narrateur de ce court récit (50 pages) m’a rappelé ce jugement de Jean d’Ormesson sur Montaigne :   « il trouve l’homme misérable et petit, et il s’en amuse. »

● Petit, Adolphe l’est, 1,38m, sous la toise. « Pauvre et calamiteux animal », cet avorton semble avoir servi de modèle à Vélasquez pour la série de portraits qu’il a consacrés aux nabots . Il est une espèce d’hybride entre Sebastian de Morra, le bouffon, et Péral, le nain le plus célèbre du cinéma.

● Sa voisine, Madame C, concierge de son état, en est la parfaite antithèse. 2 mètres, 180 kg. Un personnage rabelaisien, revisité par un San Antonio qui voudrait donner une « hénaurme » compagne à Bérurier et dont Botero aurait fait le portrait. Sûr et certain que Sully aurait été fasciné par ses grosses mamelles !

● Cette antithèse, Martinet va s’en amuser et le burlesque jaillir. La scène où Madame C. va, pour assouvir ses pulsions sexuelles et meubler sa solitude, se servir d’Adolphe comme d’un sex toy, l’enfouissant en elle, est d’un comique achevé.

● Tout n’est pourtant pas rose dans leur quotidien, rue Froidevaux, la bien nommée, métaphore de la misère et de la déchéance humaine. C’est glauque à souhait, et J.P. Martinet met sans cesse l’accent sur les notions d’étouffement et d’enfermement, d’ennui et de solitude. Elle, dans sa minuscule loge sans wc, lui, dans un immeuble qui menace ruine «  avec vue imprenable sur les tombes » du cimetière voisin près duquel il travaille et que son patron humilie sans cesse. La rue Froidevaux est sa prison, les morts ses seuls amis...et dès qu’il en sort c’est pour tomber dans les bras de la pachydermique concierge qui en fait son esclave sexuel et n’est « pas prête à lâcher sa proie ». Telle est sa misérable condition avec comme seule règle de conduite : « vivre le moins possible pour souffrir le moins possible ». On se croirait presque chez Cioran.

● Presque, en effet, dans le fond, mais si loin pourtant dans la forme. Si ses personnages essaient de survivre dans un environnement inhospitalier et désolant, il n’y a aucun abandon au pathos chez Martinet, rien de désespérant, aucun drame, « on n’est pas heureux, mais on se marre bien ». Et c’est cela qui fait la force et l’originalité de son récit. Son art lui permet de transcender le réel, de prendre ses distances avec l’amère réalité par l’humour et l’ironie, sans cesse présents, et cela, dès le titre : la Grande Vie. Vous avez pu juger de sa grandeur dans les lignes qui précèdent ! Je vous engage à ne pas manquer le récit que le narrateur fait de la séance de cinéma porno à laquelle il assiste en compagnie de Madame C. Elle mériterait de figurer dans une anthologie de l’humour, pas du tout noir, rassurez-vous !

● Je ne vais pas vous en dire plus. Simplement que notre petit homme, brisé par l’existence, va se révolter. Tel le Django de Tarantino , il va briser ses chaînes et «éprouver un sentiment de puissance qu{’il] n’ avai{t} jamais connu auparavant ».

● Penserez-vous, à la fin de votre lecture, que ce petit homme misérable crée par celui qui a vécu tout près des terres de Montaigne « porte en lui la forme entière de l’humaine condition » ? A vous de voir.





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L'ombre des forêts

Rowena, une ville où vivent quatre personnages.

Céleste, bonne au service de Monsieur, aimerai que son travail, parfois inutile, soit mieux reconnu par Monsieur, qu’il lui donne plus de directives, en vain.

Monsieur, quinquagénaire, héritier ancien écrivain, vivant dans une grande maison, passe le plus clair de son temps à ne rien faire, allongé dans sa chambre en regardant au plafond un globe sale qu’il ne veut jamais éteindre, même quand il est absent de la maison.

Rose Poussière, qui vit dans l’hôtel Saratoga, rescapée de la Shoa, traumatisée par les camps de la mort où ses parents ont été tués, veut oublier son ancien patronyme, est la risée des employés de l’hôtel qui profitent de ses peurs.

Le duc de Reschwig, aveugle errant dans les rues de Rowena, il s’est crevé les yeux avec des ciseaux suite à un refus de faire un film qui devait durer plus de soixante dix ans.



Au fil du livre, chaque névrose, traumatisme, dérive de chacun des personnages donne au récit une ambiance sombre, parfois angoissante.

Des dialogues surréalistes dignes du théâtre de Samuel Beckett, des images énigmatiques pouvant sortir d’un film de David Lynch.

La mort est latente, on se sent sur une barque au bord du styx, sans savoir auquel de ces fantômes il faudra donner une pièce d’or.



Un livre majeur ou on cherche l’ombre d’une forêt pour se remettre de la claque littéraire.
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L'ombre des forêts

Comment parler de L'ombre des forêts sans le réduire à son résumé, sans le limiter à ses personnages ou sans se contenter d'en qualifier la plume et le ton ? Comment tracer les contours d'un livre qui contient l'essence du pessimiste, la substance du désespoir et concentre à lui-seul la vision d'un auteur obsédé par la vacuité de l'existence... Peut-être en évoquant l'homme derrière le roman.



Jean-Pierre Martinet est un écrivain tourmenté dont les publications reflètent les infortunes d'une vie maussade. Digne héritier des intellectuels atrabilaires de l’entre-deux-guerres, il est guetté toute son existence par la folie qui inonde les pages de ses livres et finit par mourir jeune, dans la solitude et l'indifférence. Voici d'ailleurs la notice biographique qu'il avait lui-même rédigée avant son décès :



"Parti de rien, Martinet a accompli une trajectoire exemplaire : il est arrivé nulle part."



Si vous connaissez déjà l'auteur, ne vous faites pas prier et sachez que vous retrouverez ici tout son talent. Dans le cas contraire, je ne peux que vous conseiller de plutôt ouvrir Jérôme qui, à mon sens, fait preuve d'une plus grande ambition et atteint un niveau presque inégalé de noirceur. Ha, Jérôme... Quel chef-d’œuvre... Un roman qui vous propose de contempler la vie à travers le prisme déformant des lubies et des délires d'un personnage magnifique et misérable, entravé mais libre jusque dans ses grandes inaptitudes. Un chef d’œuvre. Un chef d’œuvre, vous dis-je ! Qui plus est écrit par un génie ! D'abord vous lirez Jérôme, vous prendrez une immense claque, de celles qui remettent les idées en place, puis vous en redemanderez et vous vous offrirez un petit plaisir d'humour caustique avec La grande vie. Enfin, vous viendrez à L'ombre des forêts et vous assisterez à son ballet grotesque.



Vous l'avez compris, ce livre s'adresse à ceux qui, si ce n'est déjà fait, comptent creuser l’œuvre de son auteur. Car, il faut être lucide, il n'a d'intérêt que s'il est accompagné de ses autres titres. C'est une porte - d'entrée ou de sortie, au choix. Une fois que vous l'aurez franchie, vous comprendrez pourquoi il est vain de résumer les livres de Jean-Pierre Martinet. Mieux vaut les lire.



Touchez mon blog, Monseigneur...
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La grande vie

Une petite nouvelle qui met en scène un personnage nommé Adolphe, de père colabo et de mère juive.

A la première personne, il nous raconte sa vie minable qu'il passe entre son immeuble situé à rue Froideveau et le magasin de pompe funèbre où il travaille, sa relation particulière avec la concierge, sa relation avec la société et, ses penchants pervers,



Je vous le conseille vraiment. Ce livre est rempli d'humour (noir), de descriptions hors du commun et il permet de voir la vie sous un autre angle.

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L'ombre des forêts

Étrange roman noir à deux personnages, Rose Poussière qui traîne son passé d’Edwina Steiner et ses souvenirs de Mauthausen et Monsieur, l’homme fuyant sa domestique Céleste et observé dans sa chambre par « Globe Sale », un plafonnier allumé jour et nuit, l’œil dans la tombe. Auxquels il faut ajouter le Duc de Reschwig dans sa poubelle et des serveurs de bar anonymes, hostiles et abuseurs, sauf un qui cite longuement Nabokov. Le décor : nuit, crasse et canicule. L’action : insomnie, errance, attaques de panique et cuites, homicide et viol, peut-être vécus, peut-être fantasmés, enfin l’apaisement dans le suicide.



Monsieur est l’auteur de « Quelques romans publiés dans l’indifférence générale, pas de lecteurs ou si peu, le noble travail du pilon, mais ce n’était pas le pire. Le plus intolérable c’était le sentiment de honte, et d’inutilité ». Autobiographie. La noirceur c’est long, surtout dans les dialogues, et la noirceur romancée, suspect. À lire pourtant pour des éclairs dans la dépression, dignes des poètes visionnaires (voir les citations).

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L'ombre des forêts

Dernière page du livre, un avertissement de l’éditeur tamponné à l’encre rouge :





« Service de presse.

Ne peut-être [sic] vendu que par un bon gros connard de soi-disant journaliste pourri bon pour la poubelle. »





D’accord. Je referme ma gamelle, un coup de flotte pour la rincer et éviter que des morceaux de gésier ne chutent une fois de plus au fond de mon sac à dos. Je sors du bungalow-réfectoire et j’entre dans le bungalow-chiottes pour me chercher une bouteille de flotte. En chemin, réfléchissant à cette énigmatique mention de l’éditeur, je me demande : Est-ce que revendre ce livre ferait de moi une journaliste ? La poubelle remplacerait-elle donc l’Enfer pour le moderne ? Je n’apprécie certes pas tous les charmes de la modernité mais si l’Enfer nous est perdu pour être remplacé par une benne à ordures, j’accepterais de reconnaître certaines vertus à cette époque.





Voilà qui est étrange : je n’avais pas encore pensé à revendre ce livre que l’éditeur me le suggère immédiatement. Suis-je en détention d’un livre dont n’importe quel lecteur aimerait aussitôt se débarrasser ? Il fait chaud dans le bungalow-chiottes. Au moins vingt-cinq degrés. L’eau croupit dans les bouteilles en plastique. Les règles dites de sobriété énergétique ne sont pas encore venues jusqu’au site industriel portuaire de Ternay. Je ne traîne cependant pas, car la lumière de ces toilettes me met mal à l’aise. Dehors, l’air est vif. [note écrite voici trois semaines] Ces écarts de température favorisent l’eczéma.





Evidemment, la maison d’édition L’Atteinte se fait défenseuse rétrospective de la mauvaise réception de son œuvre que subit en son temps Jean-Pierre Martinet. En 1987, nous dit la postface, Martinet a été occulté par les romans La fée carabine de Daniel Pennac, Le Filles de Geneviève Brisac et La nuit sacrée de Tahar Ben Jelloun. Quel niveau, me direz-vous. Aussi demandé-je : Martinet espérait-il vraiment plaire au tout-venant ? lui qui fait dire à l’un de ses personnages :





« Elle accéléra le pas. Elle fonçait, tête baissée. Les autres n’avaient qu’à s’écarter. Elle n’avait plus la moindre envie de sourire ni de s’excuser. D’ailleurs, ils n’avaient rien d’urgent à faire, eux. Manger, famille, travail, vacances, se reproduire en mammifères disciplinés, se distraire, jouir, les sales petites besognes, tout ce qu’elle avait toujours détesté. Elle n’avait même pas envie de leur jeter le moindre regard. De toute manière, elle ne s’était jamais senti un seul point commun avec eux. »





Je suis très contente que ce livre de Martinet soit réédité, mais est-il besoin de faire tout un tintamarre sur la supposée « littérature dangereuse » ? Je reprends le livre par le début et, cette fois, sur les premières pages, je trouve cette inscription :





« L’éditeur dédie ce livre à celles et ceux qui acceptent le danger, dans la littérature comme ailleurs. »





Le vrai danger serait plutôt de connaître habilement les règles de grammaire afin de s’éviter la redondante et démagogique formule « celles et ceux ». Quelle fatigue. Me voici renvoyée à mon adolescence. Le danger, ce fameux danger qui n’amène jamais rien que les ennuis habituels, mais dans des proportions toujours extravagantes. Le désagrément quotidien haussé à la criaillerie tragique du téléfilm.





Je me souviens à présent de ce formidable roman de Martinet que j’avais tantôt lu : Jérôme. Jérôme, qui m’avait marquée notamment par sa scène de masturbation dans un pot de yaourt, ensuite habilement repercolé pour être dégusté après le repas par un tiers. Il y aurait une psychanalyse à faire des scènes les plus marquantes que nous retenons de nos lectures, des années après les avoir achevées.





Je trouve dans l’ouvrage un petit mot adressé de Camille :





« Chère Alexandra,

Puisse cet ouvrage vous émouvoir autant qu’il l’a fait pour nous,

Au plaisir. »





Mon cœur frémit en même temps que mon regard balaie distraitement les caméras de sécurité, celles-ci m’assurant qu’aucune âme ne rode ici-bas. Je le reconnais : autour des ratés peut se débusquer la plus grande tendresse, le plus grand anéantissement, ainsi que le prouve ce petit message. En valait-ce pour autant le coup, de faire partie du sérail ? Je me dis bien que oui, mais l’avenir nous le dira. Aussi bien pouvez-vous lire ce livre si vous vous sentez également l’élan des ratés, et revendez-le ensuite si vous pensez pouvoir vous élever jusqu’à l’art du management.

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L'ombre des forêts

Un titre, un résumé, une couverture sombre et énigmatique... il ne m'en faut pas plus pour avoir envie de me plonger dans ce roman.



C'est un roman pour le moins très particulier, comme aucun autre. L'univers est très sombre et tourmenté, l'ambiance anxiogène, et on y évolue comme à tâtons, en suivant des personnages déjantés et désespérés (oui, étrange mélange)



J'ai surtout énormément aimé l'écriture de l'auteur : certes très noire mais aussi extrêmement poétique.



Il est certain qu'il faut avoir le coeur bien accroché avant de se plonger dans cet univers torturé, mais l'expérience en vaut la chandelle.
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L'ombre des forêts

L’Ombre des forêts, paru en 1987, six ans avant la mort de Martinet, est réédité : bienvenue en enfer. Ici, les vies sont rognées, les rêves ruinés, les plaies exaucées. Doit-on pour autant enfermer cet écrivain majeur dans l’évidente noirceur de ses ruminations narratives ?
Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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L'ombre des forêts

Je ne connaissais pas cet auteur et je le découvre avec ce roman vraiment particulier. Quatre personnages évoluent dans la ville de Rowena, chacun avec ses angoisses, ses peurs, ses manques et autres joyeusetés. Enfermés qui dans sa folie, qui dans ses obsessions. Ils traînent leurs misères et ne se connaissent pas.

On évolue dans un univers sombre, déganté, où ces 4 personnes, qui peuvent prêter à sourire parfois par leurs comportements sans queue ni tête, nous renvoie à cette humanité perdue, qui traîne sa carcasse dans un monde où elle se sent incomprise , elle même ne comprenant plus grand chose à comment être et vivre.

Honnêtement je n’ai pas accroché parce que cette vision qu’à l’auteur de certains humains ne me parle pas. Ils existent oui mais ce n’est pas cette vision que je veux garder à l’esprit, pas du tout. Sans doute que tout est trop décousu et perturbé à mon goût.

L’écriture est belle certes mais c’est beaucoup trop noir et désespéré pour moi



Merci à masse critique Babelio et aux éditions L’atteinte pour cet envoie.
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Ceux qui n'en mènent pas large - Au fond de l..

Comme l’annonce la couverture de Tardi, le livre n’est pas joyeux, notre personnage principal, Georges Maman est un alcoolique, drogué à l’occasion et surtout dépressif et acteur raté. L’autre personnage c’est Dagonard, « gros poings, grande gueule » assistant de cinéma. Le deux se rencontrent, et se noue alors une étrange amitié, un peu louche, un peu désorganisée mais une amitié quand même.

C’est un petit roman ou une longue nouvelle, « comme une noyade où chacun apporte à l’autre le secours d’une bouée de plomb », les personnages sont bons, aussi joyeux que chez Michel Houellebecq mais pas aussi profond. Ca se lit vite et bien mais mieux vaut être dans le même état que les personnages pour mieux l’apprécier sinon le risque d’ennui sera présent.

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La grande vie

La lecture de Martinet m'a été suggérée par une lectrice de la famille, lectrice que je remercie ici. J'accueille évidemment les suggestions avec bonheur même si, à cet égard, il peut m'arriver d'entretenir une attitude proche de celle qu'énonce Denis Lavant en préface de La grande vie : « Car si j’aime toujours recevoir un ouvrage inconnu, je rechigne parfois à être orienté trop ouvertement dans le choix de mes lectures. Préférant par habitude m’en remettre au hasard ou au seul ricochet poétique qui fait qu’un ouvrage en répercute d’autres et ainsi de suite comme une chambre d’écho ou un jeu de miroir, à l’infini… ».



J'avais été avisé, Martinet a une plume magnifique, mais une plume noire, une plume qui chamboule, une plume qui tourmente. Dans cette grande nouvelle, Adolphe, employé des pompes funèbres, un nain à la vie misérable, à la sexualité qui l'est tout autant, au passé familial trouble, fantasme sur les visiteuses du cimetière qu'il observe depuis son appartement. Il subit les avances de l'énorme Madame C., concierge à la sexualité insatiable qui le domine. C'est cet univers glauque que Martinet évoque en nous transposant dans la tête du narrateur, cet Adolphe qui peine à se relever et qui chemine sa vie à la limite du burlesque.



Voilà une étonnante lecture et je me promets bien d'explorer davantage l'oeuvre qui m'apparaît noire et pessimiste de Martinet.
Lien : https://rivesderives.blogspo..
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Jérôme

Le Dostoïevski des dingues et des paumés.

Un roman dans lequel on ne croise que des monstres humains qui naviguent entre la solitude, la misère, la violence, le néant et la crasse sexuelle.

Cependant, si l'une de vos passions est de rire des déséquilibrés mentaux et du malheur des autres vous avez ici le bon livre.

Je vous laisse découvrir Jérôme 1 mètre 90, 150 kilos, 42 ans, aucun but et vivant encore chez sa "mamane".





Attention aux yaourts il se branle dedans...
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Un apostolat

Tout lecteur aguerri sait qu’il ne faut pas se fier aux bandeaux vantant les qualités exceptionnelles d’un ouvrage, y compris lorsqu’ils sont inspirés d’avis d’un de leurs auteurs fétiches. Et c’est pourtant bien sur la seule foi de celui qui ornait le roman d’Albert t’Serstevens que j’en ai fait, sans l’ombre d’une hésitation, l’acquisition. Précisons tout d’abord qu’Un apostolat n’est pas une nouveauté, mais un texte de 1919 récemment réédité, et que l’auteur qualifiant Albert t’Serstevens, via le fameux petit bandeau rouge ajouté à sa couverture, de "grand écrivain scandaleusement méconnu", est décédé dans un anonymat quasi-total depuis près de trente ans. Partons par ailleurs du principe que je considère tout conseil littéraire de Jean-Pierre Martinet comme parole d’évangile (si vous voulez savoir pourquoi, vous n’avez qu’à lire ÇA).

Nous avons là un groupe d’amis emmenés par Chapelle, leur aîné, meneur charismatique et emphatique, composé d’un poète, Verd, et de sa petite amie, de Krabelinckx, peintre bruxellois, épicurien s’il en est -et accessoirement double de l’auteur-, de Firmin Lhommel, petit homme pusillanime et inquiet, besogneux jusque dans sa manière d’adhérer aux idéologies, et enfin de Pascal Marin, qui deviendra par la suite le personnage central de cette histoire.



Dégoûtés d’un monde corrompu, dominé par le capital et le profit, nos compères, influencés par l’utopie communiste et grâce à l’opportun héritage que Pascal doit au décès de son père, quittent Paris pour s’installer dans la Sarthe, où il créent un phalanstère, sorte de communauté basée sur le partage et la mise en commun des fruits du travail de chacun, où effacer les inégalités sociales. Las ! l’harmonie et l’enthousiasme sont bientôt pervertis par les premières discordes, l’incapacité du groupe à travailler la terre (et donc à acquérir son autonomie), et l’expression des individualités -le despotisme de Chapelle ou l’indépendance de Krabenlickx entre autres- qui les poussent à se dépouiller peu à peu de leurs valeurs libertaires.



Suite à cet échec, Pascal Marin part à Londres, grossissant la horde de prophètes -religieux, prosélytes et escrocs- qui haranguent les quidams sur la voie publique. Cette deuxième partie est particulièrement poignante, car consacrée à la perte de ses illusions par un homme qui réalise avoir été victime de espérances et mesure l’inanité d’idéologies fondées sur le postulat d’une égalité de fait qui ne résiste pas à l’épreuve de la réalité. La propension de l’individu à vouloir dominer et à rechercher le plaisir suppose que la mise en œuvre d’une doctrine fondée sur l’égalité s’accompagne d’une forme de tyrannie, qui par ailleurs s’emploiera à renier l’élan vital qui pousse l’homme à se démarquer par sa créativité, à se sublimer dans cet inutile nécessaire qu’est l’art, à renouveler sans cesse la marche de sa pensée. En somme, si l’utopie occulte les travers de l’être humain, elle le dépouille aussi de son meilleur.



La prise de conscience est douloureuse pour Pascal, qui avait espéré l’affection des masses, et réalise que l’homme ne s’apitoie que sur sa propre détresse… qui se moque de sa propre naïveté, et en même temps, de manière inconsciente, la regrette, car avec elle, il fait aussi le deuil de l’enthousiasme aventureux de la jeunesse, de la foi qui vous porte vers l’action et le partage. Et qu’est l’utopie, si ce n’est la jeunesse des idées ?



Vaincu, il finit par se ranger du côté de ce qu’il a combattu : l’argent, la mollesse et la veulerie.



"(…) tout être conçoit le paradis d’après ce qui lui manque, à la mesure de ses désirs".

J’ai vraiment aimé ce texte au propos certes triste mais porté par une plume à la fois élégante et alerte, coloré de descriptions comme croquées sur le vif et en même riches des détails significatifs captés par le regard acéré et non dénué d’humour d’Albert t’Serstevens, par ailleurs maître dans l’art de l’outrance pour caricaturer ses personnages et animer son récit.



"Ce fut avec une répulsion non déguisée que Chapelle pénétra dans ce charnier. Les habitués, sans honte aucune, déchiquetaient le corps sanglant d’animaux inoffensifs. L’un d’eux tenait entre les doigts un os à moitié rongé qu’un être barbare avait arraché de la poitrine d’un agneau ; un autre dévorait la cervelle d’un veau misérable. Le sang rougissait les assiettes et découlait, avec la sauce, aux commissures des lèvres. Et devant tous, des poisons alcoolisés remplissaient les verres.

Le propagandiste, surmontant l’horreur qui l’accablait, s’asseyait à la table de ces cannibales".



Et en plus, un bonus est offert ! La postface est à à lire (généralement je passe les pré comme les post)… Ecrite par MONSIEUR Jean-Pierre Martinet, elle est excellente, comme un récit à part entière, dans lequel on retrouve la patte de l’auteur de "Jérôme", son regard désabusé et sa sombre mélancolie, son absence de foi en la perfectibilité de l’homme. On l’y découvre lecteur, qui "s’enfouit dans les vrais tomans comme les enfants dans des cabanes de branchages, bien à l’abri de l’horrible monde des adultes". Il évoque l’été au cours duquel il a relu "Un apostolat", dans un Paris dont "Calet avait raison de dire que le gris est la couleur dominante", rêvant de rencontrer au détour d’une rue les héros de ses romans préférés, avec qui il imagine qu’une véritable communication, voire une communion, serait possible. Contrairement à ce qu’on croit, on les rencontre, d’ailleurs. Ils sont là, invisibles mais présents. La preuve, en ce lendemain du jour où il a terminé sa relecture, et qu’il est attablé dans un café, voilà Pascal Marin, juste en face de lui…


Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Jérôme

Livre monstre d'un personnage monstre. Jérôme "Bauche" est l'homonyme du peintre flamand Jérôme Bosch. Ses pérégrinations sur 24 heures nous font déambuler dans l'horreur et dans l'esprit noir et psychotique du protagoniste. Avec ce personnage de fils humilié par sa mère, pédophile, violeur et assassin réel ou fantasmé, Jean-Pierre Martinet nous prend par la main pour nous emmener en enfer. Il y a des échos avec d'autres livres, d'autres films mais en plus noir. Ignatus Rey de la conjuration des imbéciles fait figure d'un gentil cousin à côté de Jérôme. On sent aussi l'influence de Céline et même du cinéma où l'on retrouve des réminiscences du très beau "La nuit du chasseur". Une lecture qui peut être difficile tant la langue devient au fil des pages de plus en plus morcelée, essoufflée, confuse, souillée. Un livre vertige.

Janvier 2021
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La grande vie

Un excellent petit livre, très drôle, très noir.
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Jérôme

une version audio du premier chapitre est en ligne...
Lien : https://octavecrash.bandcamp..
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Jérôme

En week-end à Lille, à la libraire Furet du Nord, je croise un libraire loquace et sympathique. A un moment de la discussion, il me tend fébrilement un lourd livre à la couverture orange : « Il faut lire ceci, et rétablir le génie Jean-Pierre Martinet ». Convaincue par ses yeux brillants de passion littéraire, je l’achète. Avant de partir, il me glisse avec un sourire « enfin lisez le quand votre vie va bien, c’est mieux »



Et évidemment ce n’est pas ce moment-là que j’ai choisi. J’ai décidé de m’y plonger un moment où il me fallait un livre compliqué, qui ne me détournerait pas de mes révisions. Quelle erreur ! Je sors de cette lecture lessivée et un peu déprimée. Je suis soulagée d’avoir terminé mais je me sens esseulée. Jérôme Bauche est le livre qu’on est incapable d’abandonner et qu’on retrouve inquiet. Jérôme Bauche est le pire des personnages mais il est si vrai.



Je vais essayer de très peu en révéler. Le roman se passe pendant quelques jours, on suit Jérôme Bauche, 48 ans, obèse, fils à maman et simple d’esprit. Il est obsédée par Paulina une lycéenne, à laquelle il pense sans arrêt. On traverse ses élucubrations au bord de la paranoïa, ses fantasmes à la limite de l’obscène et ses quêtes sans logique.



Si vous recherchez du beau, du doux, du léger : passez votre chemin ce n’est pas pour vous. Le récit est cruel, écorché et aussi troublant, sensible. Il y a beaucoup d’humour mais qui ne fait jamais rire. On perçoit rapidement les obsessions de Martinet pour le politiquement incorrect et l’humiliation.



La plume est sublime, le rythme alterne sans arrêt. L’auteur nous balade, rentre dans notre crâne et fait de notre cerveau de la bouillie immonde. Il se paie le luxe de faire un pavé sans forme, sans mis en page, presque sans ponctuation dans un monde semi-fantastique.



J’ai l’impression d’avoir vécu une épreuve, je n’en sors pas indemne.



Réhabilitons Jean-Pierre Martinet ce génie du mal.
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La grande vie

Ce livre est écrit comme on pousse un cri d’exaspération, comme on tire une balle de fusil ou la chasse d’eau, comme on recouvre un cercueil d’une pelletée de terre. En y repensant pas trop à deux fois. Le pitch ? Adolphe est un nabot hideux issu d’un père collabo et d’une mère juive exterminée par les nazis ; il travaille aux pompes funèbres près du cimetière du Montparnasse et se fait baiser sans ménagement par la concierge qui le submerge quotidiennement de ses 120 kilos. Vous voyez le tableau ? L’esprit de ce récit est bien résumé page 25 : « A vrai dire, je ne désirais pas grand-chose. Ma règle de conduite était simple : vivre le moins possible pour souffrir le moins possible. Pas très exaltant, peut-être, comme précepte, mais terriblement efficace ». C’est un texte obscène et burlesque, beau comme un cauchemar. On y trouve l’humanité de Gary, le désenchantement de Cioran, la cruauté de Céline et l’ironie morbide des penseurs russes qu’on résumera à ce proverbe : « malheureux ceux qui ont passé l’hiver, il y a l’hiver prochain ». Je vous le recommande, c’est idéal pour un dimanche ensoleillé, ensuqué par la bienveillance et les bons sentiments. Ce chef d’œuvre d’humour noir m’a été recommandé par la librairie ICI que je remercie chaleureusement. Une belle découverte qui donne envie de lire « Jérôme » du même auteur. Alors oui ce livre n’est pas long, mais c’est un concentré de jubilation. Quitte à écrire un petit livre, autant que ça vous pète à la gueule (nous en reparlerons bientôt… car il y a beaucoup à dire sur le sujet).
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Jérôme

Il peut arriver qu’une œuvre vienne à éclore trop tôt. Mais trop tard, jamais ! A vous de découvrir la violence et la pureté d’un texte qui a gardé le goût du grandiose, du morbide et de la sédition. De la littérature comme outre-genre.
Lien : https://www.actualitte.com/a..
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