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Critiques de John Irving (1334)
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L'oeuvre de Dieu, la part du diable

Maine, au milieu de nulle part se trouve Saint Cloud's, un orphelinat dirigé par le docteur Wilbur Larch et deux nurses : nurse Angela et nurse Edna. Ce docteur ne se contente pas d'accueillir des orphelins en les mettant au monde (l'oeuvre de Dieu), il offre également aux mères la possibilité d'interrompre la grossesse (la part du diable).

Dans son univers, ne subsiste qu'une chose qui désarçonne cet homme au grand coeur : un jeune orphelin, Homer Wells qui malgré de nombreuses tentatives d'adoption préfère Saint Cloud's à toute famille. Notre docteur décide par altruisme (et aussi par une sorte d'amour paternel) d'initier cet enfant à son métier.

Les années passant, Homer Wells maîtrise l'art d'accoucher des femmes... et réprouve sans pour autant renier le travail de son mentor, l'acte d'avortement. Suite la rencontre avec un jeune couple, Wally et Candy, Homer décide de quitter l'orphelinat pour faire ses propres expériences...





Ce roman est tout simplement une merveille. 😊 L'auteur sans prendre parti pour ou contre l'avortement, nous propose ici de suivre les pérégrinations philosophiques des deux camps. D'un côté, le Docteur Larch incarne le docteur désirant avant tout respecter son serment de protéger et soigner, ce qui pour lui revient également à mettre fin à des grossesses non désirées... de l'autre, Homer Wells, pour qui foetus rime avec vivant. Malgré le sujet abordé de l'avortement, et les faits relatés comme la guerre, l'abandon, l'inceste, le viol, la prostitution , John Irving nous offre ici une ode à l'Amour dans un style magnifique, candide par moment et d'une grande pureté.





Un récit attachant avec des personnages touchants et complexes, qui malgré les années passant restent des enfants mal aimés. Le personnage de Melony, la brute épaisse fuit par Homer est un des personnages les plus touchants malgré le rendu qu'elle donne dans le récit. Cette jeune femme brutale reste en fait une enfant en quête de parents, de réponses à de nombreuses questions concernant les raisons de son abandon.





Un roman touchant où vous passerez du tragique au comique, du sérieux au burlesque en quelques pages. Une superbe découverte.😉

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À moi seul bien des personnages

« Le plus difficile dans l'ouverture d'esprit c'est la gestion des courants d'air »

Me revient en tête cette réflexion de... je ne sais pas qui, mais fort à propos car ce dernier roman d'Irving fait précisément dans la turbulence en matière de largeur d'idées.



Bisexualité, homosexualité, transgenre... avis de grand frais sur l'Amérique bien-pensante des années cinquante où ces thèmes inconvenants soulevaient – soulèvent encore – intolérance et sectarisme saumâtres.



« A moi seul bien des personnages », une fiction à tiroirs emmenée par ce titre habilement emprunté (pour la version française) au théâtre de Shakespeare, omniprésent au long des aventures de cet autre William qui en sera le narrateur. A lui seul, en effet, bien des personnages, bien des histoires d'amour et bien des introspections.



N'allons pas réduire néanmoins ce roman à un éloge primaire de la diversité sexuelle. Car Irving ici ne glorifie pas plus qu'il ne juge ou s'apitoie. Il raconte, simplement, avec humour et justesse. Il dit les sentiments, les désirs, le sexe, et les tourments universels qu'ils induisent. Ainsi, quelles que soient les ambiguïtés de ses personnages, c'est d'abord la quête d'identité, de tolérance et d'amour qui constitue à mon sens le coeur de cette oeuvre infiniment attachante et le point commun des âmes complexes qui escorteront l'ami William sur plusieurs décennies captivantes.



Alors à ceux qui nient la réalité des différences et la fatalité des émotions, ça ne peut pas faire de mal, essayez donc ce roman.



A ceux qui ont déjà tout compris... raison de plus, lisez-le aussi.






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Une prière pour Owen

Si je devais établir un classement des personnages littéraires qui m'ont le plus touchée, nul doute qu'Owen Meany y figurerait en très bonne place.



"Une prière pour Owen" est un roman brillant, tout simplement. Œuvre très personnelle pour son auteur mais dans le même temps totalement universelle tant elle peut toucher tout un chacun. Irving met toute son âme dans son roman, cela se ressent à chaque page, à chaque ligne. Et il partage cette intimité de façon si subtile que jamais le récit ne parait égocentrique. Au contraire, "Une prière pour Owen" est un grand roman humaniste.



Irving a mis beaucoup de lui-même dans le personnage du narrateur, ce n'est certainement pas un hasard s'ils ont le même prénom. Mais l'auteur a la finesse et la modestie de placer ce personnage en retrait, et cela même si on va le suivre tout au long de sa vie. John a beau être le personnage principal, le vrai héros du récit est Owen Meany. Toute l'existence de John ne semble se justifier que pour mettre en lumière ce personnage. Et quel personnage ! Owen n'a pourtant pas les atouts pour faire de lui un héros ; ce petit bonhomme bizarre, à la voix horripilante, illuminé, sûr de lui... Et pourtant, dès le début du roman, on s'attache à lui profondément. Et cet attachement, au fur et à mesure des pages, va se muer en admiration, en éblouissement. Owen Meany est un être lumineux. Irving doit être un peu magicien pour avoir su créer un si merveilleux personnage.



Le génie de l'auteur ne se résume pas à ce personnage. L'écriture est à l'avenant, magnifique, fine et sert un récit touffu mené de main de maître. Véritable roller-coaster émotionnel, "une prière pour Owen" vous fera passer du rire aux larmes, parfois dans la même phrase. Irving a un talent rare pour transmettre des émotions, il parvient à toucher le cœur et transporter l'âme.

Si vous vous laissez tenter, "une prière pour Owen" va vous bouleverser, je suis prête à prendre les paris.



Challenge Multi-Défis 2016 - 24 (Un livre présent dans ma PAL depuis plus d'un an)

Challenge Pavés 2016 - 6
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Le monde selon Garp

« Puis je voulus un enfant, sans être, pour autant, obligée de partager mon corps ni ma vie, écrivit l'infirmière Jenny.

Cela aussi me rendit, sexuellement parlant, suspecte. »



C'est ainsi que fut conçu Garp, fils du soldat mourant Garp et écrivain à l'instar de sa mère avec qui la relation fusionnelle inévitable laisse cependant un peu de place pour quelques petites amies, un mariage avec Helen et des enfants.



Pourquoi ais-je aimé, contrairement à Jonathan Coe et Jonathan Franzen?

J'aime l'imaginaire de Irving, sa capacité à nous surprendre, à alterner des thèmes graves avec un humour qui l'est tout autant, ses personnages (Seigneur! cette Jillsy Sloper!) et sa manière simple de nous l'écrire ce qui rend son récit assez crédible (L'idiot que je suis a même cherché sur Google l'existence des Ellen-Jamesiennes;-).

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Le monde selon Garp

Je ne m'attendais pas à cette vision du monde selon Garp, en ouvrant ce best-seller de 1978. le ton, certes plein d'humour, de John Irving, n'a rien à voir avec le film que j'avais vu quelques années auparavant, mettant en scène Robin Williams et Glenn Close dans un cadre tout aussi loufoque mais beaucoup trop léger.



La vie de John Irving, en revanche, traverse ce roman de manière évidente, depuis la conception de Garp, pratiquant comme lui la lutte gréco-romaine et mis au monde presque sans père par une mère d'exception, jusqu'aux succès d'un écrivain qui doute. L'environnement universitaire américain, les contrastes entre les villes progressistes et les campagnes reculées de Nouvelle -Angleterre, ou de Vienne dans la vieille Europe, sont aussi clairement ancrés dans le réel.



Bien qu'on puisse en effet trouver une tentative d'enchantement du réel par le roman et l'humour, bien que Garp puisse suscite l'affection par sa lutte d'enfant, puis de père de famille, pour exister autrement que dans la lutte contre autrui et contre soi, le film évoqué plus haut est pour moi clairement à contre-sens du livre.



Le monde de Garp n'a rien à voir avec Forrest Gump, et ne lasse aucune chance à son héros d'échapper à son destin, si ce n'est celui de l'accepter, aves les souffrances absurdes qu'il transporte : John Irving se situe résolument dans un veine tragicomique. le rire au vitriol se noie souvent dans les larmes et l'horreur du "crapaud du ressac" qui vient détruire les vies... c'est un livre violent, amer, concupiscent, profond et morbide.



Comme l'écrit Garp dans ses propres romans -romans dans le roman-, les ellen-jamessiennes à la langue coupée, les scènes de viols, d'accident de voiture et de membres arrachés sont là pour rappeler combien la réalité peut parfois rattraper la fiction... c'est d'ailleurs à force de vivre que Garp abandonnera la fiction et reprendra le flambeau du réel légué par sa mère, avant de mourir à son tour tragiquement dans la force de l'âge.



Socialement, le monde de Garp dénonce toute forme d'intolérance, renvoyant dos à dos les excès des féministes comme ceux du machisme ambiant, et l'on peut donc comprendre le succès de ce roman dans les années 80. John Irving y décrit crûment et largement le comportement de prédateur sexuel des mâles, que son héros lui-même devra combattre toute sa vie. Il y combat toutes formes de préjugés, au nom d'une condition humaine que l'amour seul permet de supporter.



Ainsi, une gravité angoissée sourd à chaque instant, cachée sous le burlesque parfois outrancier, laissant le lecteur dans un sentiment de malaise... malgré les apartés romanesques du héros qui ne mènent nulle part, et ne font que répéter le réel en le grimant, si ce n'est à des questions sans réponses.



Le héros et sa mère tiennent le lecteur en haleine. Le fil de leur destin se dévide imperturbablement, tandis que l'on cherche avidement et vainement dans la prochaine péripétie une suite logique, une raison d'être... qui ne vient jamais...



Bref , un roman à ne pas lire dans un moment de déprime, et avec beaucoup de second degré ; un roman plus compliqué que le laisse croire le film, un bon roman, révélateur d'une époque, d'une certaine Amérique, du mouvement de la beat generation, qui qui me rappelle à ma lecture inachevée d'Henri Miller, et au projet de m'attaquer à Jack Kerouac.



Cette découverte de John Irving ne restera pas dans mes préférés, manquant parfois de nuances, jouant d'un savant mélange d'intellectualisme et de crudité qui n'est pas de mon goût. J'en ai aimé le cynisme chaotique, mais pas les longues digressions autocentrées sur le statut de l'écrivain célèbre. J'en suis sorti groggy comme après un match de lutte gréco-romaine, écrasé par le poids d'un adversaire implacable et ruisselant de sueur, plus mort que vif... je n'ai pas aimé l'expérience, mais elle n'en fut pas moins édifiante...





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Dernière nuit à Twisted River

John IRVING fait partie de ces auteurs que je suis avec assiduité. Quand il sort un livre, je l'achète sans réfléchir, incapable d'attendre le sortie en poche. Il ne m'a jamais déçue même si j'ai un peu moins aimé Je te retrouverai. C'est donc avec délectation que j'ai ouvert son dernier-né: Dernière nuit à Twisted river.

Après un début un peu laborieux, le temps de me mettre dans l'ambiance d'un camp de bûcherons du nord du New Hampshire, je suis partie avec Dominic Baciagalupo et son fils Danny pour une épopée incroyable qui m'a fait voyager de Twisted river à Boston, en passant par l'Iowa, pour finir au Canada.

C'est un roman-fleuve, une histoire d'hommes, des pères, des fils, des amis à la vie à la mort, des constables rancuniers. C'est aussi une histoire de femmes particulières, celle qui meurt sous la glace ou à coup de poêle, celle qui tombe du ciel en tenue d'Eve, celle qui milite contre la guerre au Vietnam en offrant son corps. C'est aussi une histoire de l'Amérique, des années 50 au World Trade Center, de la guerre du Vietnam à celle d'Irak.

Fidèle à ses thèmes de prédilection (la paternité, la perte d'un être cher, le travail d'écrivain et plus anecdotiquement les ours et la lutte), John IRVING nous embarque dans un roman envoûtant, touchant, drôle et terriblement humain.

Un pavé qu'on ne lâche plus une fois commencé et qu'on referme avec regret.
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L'oeuvre de Dieu, la part du diable

La thématique est difficile- la naissance pour l’abandon, l’avortement, la moral dans les années 30-50- mais John Irving l’aborde avec la sensibilité qui lui est propre. Nul jugement dans ce qu’il l’écrit, à l’image de Wilbur Larch qui dirige l’orphelinat et œuvre aussi bien pour Dieu que pour le Diable, mais beaucoup d’amour… L’amour qu’il porte à ses personnages est palpable, et sous le talent de sa plume, je les ai aimés moi aussi.



Parce que même si cette histoire parle d’abandons, d’avortements, de silences, c’est avant tout une ode à la famille, à celle que l’on se construit au fil du temps et pas celle qui partage votre sang, à celle qui vous aime, et qui est prête à tous les sacrifices pour vous.



John Irving s’attarde sur le destin de personnages très attachants, Wilbur et son orphelinat, Homer, orphelin qui ne voudra pas être adopté parce que l’orphelinat est sa famille, Edna et Angela, les infirmières, seule source d’amour pour ces enfants, Melony, jeune femme brutale, perdue mais ô combien émouvante…



Il nous dépeint une fresque émouvante, un récit initiatique où nos choix nous construisent mais nous détruisent aussi, où l’on se perd, et où l’on se retrouve…



Véritable comédie dramatique (certaines scènes sont à mourir de rire), j’ai ri, j’ai pleuré, j’ai vécu en lisant ce roman.
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À moi seul bien des personnages

Quel plaisir de retrouver le grand Irving, celui du 'Monde selon Garp' ou de 'L'Hôtel New Hampshire', après ses derniers romans qui m'avaient paru un peu fades... Fade, 'À moi seul bien des personnages' ne l'est pas du tout, mais plutôt irrévérencieux, politiquement incorrect et pour tout dire assez barré. Et génial, en tout cas à mes yeux.



Comme quoi, Irving a le talent de transformer n'importe quoi en grand livre, y compris une vie de gentil n'importe quoi comme celle de Billy Abbott ou un texte de grand n'importe quoi comme celui-ci, avec sans arrêt des digressions, des sauts dans le temps et des analyses littéraires de Shakespeare ou Ibsen...



'A moi seul bien des personnages' est à la fois un roman d'apprentissage classique, celui du narrateur Billy, et un roman sur les différences sexuelles : homosexualité, bisexualité, travestissement, transsexualité. Car Billy est bisexuel, d'une part, et d'autre part côtoie toute sa vie des gens sexuellement hors norme, de sa famille totalement improbable à ses élèves 'en devenir', sans oublier ses amis, ses partenaires et ses mentors...



L'idée n'est évidemment pas de faire un catalogue des particularités sexuelles de chacun, mais de raconter l'amitié, l'humour, l'amour, le désir, les belles rencontres, les moments tragiques, les doutes, les souffrances. La vie comme elle est, en somme, même quand on est 'bêtement' hétéro comme moi, mais avec en prime une tranquille exhortation au respect et à la tolérance.



Un livre à lire pour tout ça, donc, mais aussi pour le plaisir d'apprendre à faire un duck-under comme les lutteurs, pour se rappeler qu'il faut penser 'préservatif' dans certaines circonstances, pour découvrir qu'on peut rencontrer l'amour de sa vie en lisant 'Madame Bovary' aux toilettes, pour savoir ce que devient le canard chez Ibsen, et pour rencontrer pêle-mêle Elaine, le grand-père, Miss Frost, Kitteredge, Larry, Tom, Donna, Gee, Richard et Muriel-de-quoi-j'me-mêle.
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L'oeuvre de Dieu, la part du diable

Je commence à être un lecteur régulier d'Irving. Après un début de parcours "original" (son autobiographie La petite amie imaginaire puis un roman pas parmi les plus connus Dernière nuit à Twisted River), je me suis attaqué au livre qui lui a valu le National Book Award le monde selon Garp. Dans ce parcours irrégulier, l'absence de logique m'amène maintenant à celui qui est sans doute son deuxième plus grand succès, celui qui est en tout cas le deuxième plus lu parmi les membres de Babelio.





Le sujet abordé ici par Irving est sensible et particulièrement aux États Unis. le livre est publié en 1985 et raconte une histoire qui se déroule dans les années 40... et la question de l'avortement est encore dans tous les débats actuels surtout depuis la récente décision de la Cour Suprême d'enlever au droit à l'avortement la protection fédérale. le récit d'Irving est donc engagé. En effet, même s'il présente le plus honnêtement possible les différentes positions sur le sujet, on ne peut pas ignorer le sentiment de l'auteur sur la question quand on découvre la ferveur des arguments du Dr Larch et la manière dont la narration nous montre l'évolution progressive des convictions de chacun.





Puisqu'on parle de narration, c'est je trouve la force principale du livre. L'auteur se joue régulièrement de nous, avec notamment un passage décrivant une coïncidence extraordinaire... qui finit par ne pas se produire et une ellipse de 15 ans qui nous prive d'un moment de tension dramatique annoncé et attendu. Ces contrepieds m'ont agréablement surpris car j'aime être déstabilisé !





J'ai été moins séduit par l'accumulation de notes de l'auteur, surtout au début, qui tend à relier son récit aux expériences vécues par son grand-père. Au delà de l'hommage touchant à son aïeul, on sent chez l'auteur l'envie de justifier de la crédibilité de son récit, quitte à l'alourdir. C'est d'autant plus étonnant dans un récit qui valorise le mensonge et l'intérêt de réinventer le réel, comme ne cesse de le faire le Dr Larch.





Et les passages obligés de chaque roman d'Irving, sont-ils bien là, me demanderez-vous ? Si la question de la filiation est au coeur du livre, si l'écriture est un fil rouge essentiel dans le récit, les apparitions habituelles de l'ours et de la lutte sont très furtives, vraiment anecdotiques. Comme si l'essentiel était ailleurs, comme si on ne pouvait risquer de diminuer l'importance de cette oeuvre de Dieu, cette utilité essentielle qui guide les personnages tout au long de leur destinée toute tracée.

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L'Hôtel New Hampshire

♬ Ha! ha! famille nombreuse

Famille heureuse ♬

L'Hôtel New Hampshire est le roman que je préfère de John Irving.

Je ne saurais dire pourquoi. Sans doute parce que longtemps dans une autre vie j'ai aimé les hôtels. Il m'arrive encore pour des raisons professionnelles d'en visiter certains aux charmes fous. J'évite de les choisir dans des zones industrielles anonymes, avec des enseignes internationales qui évoquent pour moi le pire. Régulièrement, je dors à Rennes dans un petit hôtel indépendant dans un quartier tranquille où le propriétaire est un fantastique collectionneur d'objets vintages, un vrai musée !

Sans doute ai-je aimé aussi ce roman parce que cette famille Berry évoque une famille...

Les Berry ont cinq enfants, comme la famille dont je suis issu.

Parce que longtemps j'avais imaginé qu'une famille ressemblait à cela. Un lieu empli d'humanité, mais aussi de quelque chose d'autre qui ne peut être défini avec de simples mots. Peut-être aurais-je voulu qu'il y ait un chien et un ours au sein de ma famille. Je pense que cela aurait été mieux. Ou les aurait-on mis dans ce jardin étroit de 300 m² ? Qu'importe, on se serait poussé un peu plus...

Ici ce n'est pas un hôtel, on dirait un paquebot magnifique emmené en mer vers les horizons les plus ultimes. Un hôtel en perdition à la dérive. Ma famille fut un bateau à la dérive, à certains endroits il y eut des secrets de famille, des entrées d'eau, il y eut des naufrages... Est-ce pour cela que j'ai aimé cet hôtel qui ressemble à un paquebot parfois en mer contre vents et marées ?

J'ai aimé cette famille loufoque, atypique, attachante, aux notes qui nous sont étranges, étranges à nous-mêmes, étranges aussi à leurs membres, différents les unes des autres, mais formant une véritable harmonie au final, dont on en rêverait tous. Il y a des drames aussi, forcément.

La force de ce roman est ce regard sur la singularité, éloge de la différence, dérision sur nos mondes, voyage entre légèreté, gravité et douleur.

Ah ! Comme j'ai adoré descendre à L'Hôtel New Hampshire où il me semble avoir toujours une chambre disponible.

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Avenue des mystères

Diantre, saperlipopette et juste ciel, quel bazar ! Plus de 500 pages et des heures à trainer sur l’Avenue des mystères, et pas moyen de trouver la porte d’entrée de ce joyeux bordel.



D’accord j’ai bien compris, victime de l’association pas toujours appropriée de bêtabloquants et de pilules bleues, dopant (entre autres) l’imaginaire et l’émergence des souvenirs, notre héros oscille en permanence et sans sommation entre un présent quasi onirique et un passé du genre bousculé.



De par le fait, protagonistes et situations aléatoires s’accumoncellent en strates insolites et baroques, mais moi je dis halte-là John, as-tu pensé à l’ami lecteur ? Parce que pour ma part et personnellement je me suis plus ou moins perdue moi, vois-tu ? Moult fois, en lisière de saturation, j’ai piqué du nez sur tes pages, calé sur le bizarre des phrases, tenté de reprendre le fil, souriant souvent, pourtant, à ce ton désinvolte et facétieux qui m’a fait tenir jusqu’au bout malgré tout.



N’empêche, quel bazar (oui, je me répète, mais quel bazar j’ai envie de dire).



Aaah John, « L’épopée du buveur d’eau » se trouve hélas trop loin dans mon souvenir, mais plus récemment « A moi seul bien des personnages » m’avait tellement plu, plus introspectif, plus touchant, plus structuré…

Sans doute aussi, pour arpenter cette Avenue des mystères, ne devais-je pas être assez bien lunée, et crois-moi j’en suis la première désolée.




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Un enfant de la balle

John Irving est un exceptionnel conteur et fin observateur des âmes humaines, ça, tout le monde le sait… à voir ses succès réitérés en librairie, et le très large public qu’il touche plus ou moins à chaque fois. Sa notice wikipedia reprend l’ensemble de ses thèmes récurrents dans un tableau, cochant ou non leurs présences dans chaque livre de sa bibliographie.

On sait donc plus ou moins à quoi s’attendre à chaque nouveau livre, agaçant ou confortant chaque lecteur, selon ses velléités pour l’innovation. Je ne vois pas où se situerait de problème, tant son univers foisonne d’interrogations dont il ne ferra jamais complètement le tour. Cette magie opère plus ou moins à chaque fois… avec ce livre, je le trouve au sommet de son art.



Présenté comme son livre le plus « compliqué » (toujours sur cet encyclopédie numérique gratuit), j’y substituerais « ambitieux », tant je n’y ai rencontré aucune difficulté; sa structure remplies de digressions est aussi évidente que ses nombreux personnages sont complexes, questionnant frontalement cette « réalité qui dépasse la fiction », ou son contraire…



Années 90, grande liberté de ton, que permettait l’époque, il avance sans condescendance, appelant un chat un chat, voyant à chaque fois l’ours dans les fromages que se racontent les gens. Champagne.

Amoureux des déracinés, des déclassés, des désorientés, sans jamais les prendre pour autre chose que des hommes et des femmes.

Personne ne viendra lui chercher des noises, tant ses livres suivants, certains plus consensuels, sont venus confirmer son farouche humanisme, témoin du monde, de ses différences culturelles parfois issues simplement de l’ignorance de l’autre.



Un docteur presqu’aussi inoubliable que le gynécologue de « L'oeuvre de Dieu, la part du Diable », de l’humour et d’habiles zones d’ombres… et cet avant-propos de l’auteur, précisant, pour mieux brouiller, l’intention de ce roman EN Inde et non pas SUR l’Inde…
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Une prière pour Owen

Prendre son temps. D’ailleurs, tu es pressé ? Pas moi. J’ai 700 pages et des poussières et quelques bières. Pas que ce dernier élément ait son importance, c’est juste pour la rime et j’en suis pas très fier, même pas de frime. Donc au départ, c’est une question de temps et de courage. Oui, il faut du courage pour assister à un match de base-ball. Tellement lent, tellement long, qu’il en faut du temps, autant que pour lire un roman de John Irving que pour boire quelques bibines.



Parce qu’il va s’en dire, que le John en question, lui il aime aussi prendre son temps. Il faut plusieurs centaines de pages pour planter le décor ou envoyer une balle de base-ball à son receveur. Surtout que là, ce sont les minimes qui jouent. Et pourtant de l’action, il va y en avoir. Imagine la plus belle des mamans, celle que tous les autres papas se retournent pour regarder ses hanches, son cul ! Et son sourire si craquant, ses cheveux au vent avec ses lunettes de soleil plantées dedans, et pan… La balle lui tombe sur la tête, une vengeance des Dieux peut-être, et re-pan plus de maman. Out. Ou home-run en jargon base-ballistique.



Et quand on imagine que le gamin qui tenait la batte de base-ball au moment de claquer la balle en question, c’était Owen. Une prière pour Owen. Paix à son âme et à celle aussi de la victime. Je prendrai bien quelques bières, avant la mise en bière. Facile me diras-tu, mais peu importe, blonde ou brune, je succombe. D’ailleurs étaient-elles brunes ou blondes, épicées ou amères ? Mais je m’égare, le regard perdu au fond de mon verre. Alors que si je vais au fond du roman, je prends mon pied. Une bière pour Owen. Ah non, désolé mon pote, t’as pas encore l’âge. Tu peux certes aller te faire massacrer au Vietnam, mais t’es encore trop jeune pour commander une bière au comptoir. Parce qu’en plus d’être un roman sur le base-ball, c’est surtout un grand roman sur le Vietnam. On touche la littérature américaine. Et même si c’était pas ma guerre, je continue à boire des bières au nom de tous ces soldats tués. Parce qu’on n’oublie pas cette époque. Elle vous hante à tout jamais. Tu essayes mais tu n’y arriveras pas. La mémoire reste là, planquée au fond de ta boite crânienne et même si tu t’évertues à vidanger quelques boites de bière, elle ressurgira toujours du fond du tréfonds, comme deux avions qui percutent un immeuble ou le souvenir d’une femme brune, ton évidence.



Alors oui, me diras-tu encore, il faut s’accrocher, comme face à l’amertume d’une bière. Mais passé un cap, ou une péninsule, on découvre, on s’asperge on s’immerge, pas que de bière – tu as de drôles de fantasmes, dis-donc – mais aussi de la Grande littérature américaine, - notes le G avec une majuscule comme le point -, avec ses thèmes de prédilections, ses guerres et ses défaites, ses amours et ses alcools. Et puis, plus on avance dans le roman, plus les petites pièces du puzzle s’imbriquent – là je vois ton esprit se souvenir de ta dernière partouze c’était au temps des hippies faites l’amour pas la guerre surtout pas celle du Vietnam - se mettent en place jusqu’à l’éjaculation finale, et ainsi on ressent la montée en puissance de cette émotion, jusqu’à la petite larme finale comme quand tu te rends compte que tu viens de finir la dernière goutte de ton meilleur bourbon. Moi, j’ai adoré tout simplement. Dommage que le John Irving, il fasse des longs romans…
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Mon cinéma

La genèse d’un roman pour l’adapter au grand écran, voilà ce que nous propose « Mon cinéma » de John Irving.

Le natif du New Hampshire raconte avec détachement, humour, cynisme aussi parfois les péripéties et les anecdotes lorsque le cinéma c’est penché sur son œuvre.

On retrouve la verve qui fait de Irving un des grands auteurs contemporains. Les incroyables rebondissements, tractations, compromissions, les « ne vous inquiétez pas, John ça va se faire » , les « rassurez-vous l’esprit du roman est bien présent », « les ok on le fait, ou non finalement ça tombe à l’eau on a pas pu boucler le budget ». Ces aléas, ces atermoiements, ces déceptions sont le thème central du récit d’ Irving. Avec le recul il s’en amuse, même si certaines pilules ont été difficiles à avaler.

La passerelle du roman à l’écran est un long chemin tortueux, Irving le démontre avec le talent qu’on lui connait.

Et si comme moi vous êtes fan d’Irving et fidèle des salles obscures, ce récit, très agréable à lire, vous intéressera forcément.



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L'oeuvre de Dieu, la part du diable

John Irving aborde dans ce livre l’abandon, les orphelins, l’avortement, un thème fort celui de « l’enfant non désiré », l’auteur ne porte pas de jugement , au contraire il revendique la tolérance : ne pas juger la liberté de choix de tout à chacun. C’est avant tout un roman qui abonde d’amour, qu’importe d’où l’on vient l’important c’est d’être aimé.



Dans les années 1920 Wilbur Larch, gynécologue obstétricien, traumatisé par les horreurs d’une société délabrée- tels que les viols incestueux, la prostitution, les avortements barbares - décide d’endosser le rôle de Sauveur de ces femmes enceintes et désespérées qui prennent le choix d’accoucher sous X ou d’avorter. Dans le Maine,Il met en place une institution « L’orphelinat de Saint Cloud » qu’il va diriger comme un patriarche et y pratiquer son métier « d’accoucheur » et « d’avorteur ».

L’œuvre de Dieu : la naissance, la part du Diable : l’avortement

Le docteur Larch ne juge pas et s’adapte à chaque histoire, il recueille les enfants abandonnés en vue de les faire adopter.

En parallèle, nous suivons donc la vie de quelques orphelins de Saint Cloud, Homer Wells le protégé du Docteur Larch, un garçon plein d’humanité et de tendresse, et Mélony une fille pleine d’aigreur, de blessures. Les deux enfants grandiront ensemble dans cet orphelinat sans jamais être définitivement adoptés. Ils quitteront Saint Cloud chacun de leur côté, et auront des destinées bien différentes mais tout aussi atypiques. Mélony très attachée à Homer, restera fidèle à la mémoire de son compagnon de jeunesse.

C’est une fresque avec beaucoup de personnages attachants qui trimbalent leurs joies, leurs peines à travers une Amérique décalée et controversée.



Je me fonds toujours dans les romans de John Irving, je suis une inconditionnelle de cet auteur, ce géant du burlesque. J’aime son univers fantasque, son audace, cette facilité à nous transporter dans la vie singulière de ses personnages dans une Amérique déjantée. Il nous enveloppe, nous emmène dans le tourbillon de son imaginaire, même si cela paraît invraisemblable, on y croit, on s’attache, on rit, on pleure, on vit dans ses histoires. Lorsque nous refermons un livre de John Irving, nous sommes pressés d’ouvrir le prochain.



« L’œuvre de Dieu, la part du Diable » est un livre qui rend honneur aux femmes, un souffle à l’amour, une implication sincère pour un sujet délicat sur l’enfant non désiré. Un thème qu’un homme tel qu’Irving a su exprimer et partager comme si il était concerné.



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À moi seul bien des personnages

Billy a quinze ans lorsque le récit de son histoire commence. Il voit bien qu’il n’est pas attiré par le même type de personne que ses camarades. La Nature s’est jouée des conventions et lui a attribué des goûts que la société réprouve, « Le terrible fléau de la morale publique », comme il le lira plus tard dans le roman « La chambre de Giovanni » de James Baldwin.

Il y a pourtant Miss Frost, la bibliothécaire, femme à la quarantaine énigmatique avec sa poitrine prépubère et ses épaules carrées dont il est secrètement amoureux. Elle pourrait être la parade à ses déviances même si elle est une femme d’âge mur, et l’aider à réaliser sa vocation : devenir écrivain.

Son père a fui le foyer dès son plus jeune âge pour des raisons que seul un « honteux » secret de famille saurait justifier. Le jeune Bill évolue dans une famille de théâtreux. Sa mère est souffleuse, pendant que son grand-père se travestit sur scène pour endosser les rôles des héroïnes des pièces qu’ils jouent.

John Irving narre avec toute l’humanité et la vraisemblance, les errances sentimentales et libidineuses d’un jeune homme.

Il est cet auteur dont la particularité est de commencer l’écriture de son manuscrit par la dernière phrase :

« Ne me fourrez pas dans une catégorie avant même de me connaître ! C’était ce qu’elle m’avait dit, et je ne l’avais jamais oublié. Faut-il s’étonner que je l’aie répété à mon tour au jeune Kittredge de toutes les certitudes, fils de mon ancien bourreau du cœur et amour interdit ? »

Phrase qui annonce bien toute la thématique de ce remarquable opus de l’œuvre de cet auteur.

Architecte des mots, John Irving battit cette histoire comme une cathédrale dédiée à la souffrance morale et au calvaire intérieur que vivent bien des personnes égarées par le propre de leur nature tourmentée. Comme tout lieu saint, le roman-sanctuaire de John Irving invite au calme du recueillement, à la réflexion et à l’introspection. Au loin s’entendent les cris de ces païens, étrangers à cette scandaleuse religion, sans jamais troubler, perturber les convictions de ces âmes perdues pour la société impie et moralisatrice.

« A moi seul bien des personnages » est un roman qui, sans jamais tomber dans l’écueil du drame, avec beaucoup de gentillesse et de bienveillance, transcende la notion de liberté individuelle. C’est un hymne au droit de chacun de disposer de sa vie comme bon lui semble et un camouflet aux hordes de hyènes « bien-pensantes », à cette couarde foule, cette meute de furies à la condamnation facile, cette horde d’individus sclérosés par leurs frustrations, cette ignorance mère de toutes les abjectes bêtises.

John Irving délivre un message de paix et d’apaisement face aux tensions qui agitent trop souvent une société qui ne tolère pas la cohabitation des différences.

La richesse d’une société comme d’une vie est dans sa diversité (dixit votre dévoué).

Traduction de Josée Kamoun et Olivier Grenot.

Editions du Seuil « Points », 590 pages.

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Avenue des mystères

Quand, en aficionado fidèle, on a lu toute l'oeuvre de John Irving depuis la traduction en français du Monde selon Garp (1980), est-il possible d'être étonné par le dernier roman du septuagénaire américain ? Le qualificatif le plus approprié serait celui d'admiratif, non que Avenue des mystères tutoie la perfection, mais à cause de l'énergie déployée, de la densité du livre, sans oublier la persistance des thèmes que l'écrivain s'ingénie à traiter dans un texte qui ne ressemble à rien d'autre qu'à du Irving tout en nous piégeant par des trésors d'imagination et un récit totalement débridé et décomplexé. Sexe, religion et mort : c'est cette trilogie familière qui tient le haut du pavé d'Irving. A en étouffer presque, si ce n'est que l'auteur réussit à habiller chaque scène qui pourrait paraître répétitive d'oripeaux nouveaux. Cela mérite des applaudissements. Même sentiment devant la maîtrise d'une narration qui se poursuit sur deux échelles temporelles : le présent, avec un voyage aux Philippines d'un écrivain d'âge mûr ; le passé, avec le même, alors adolescent dans une décharge publique au Mexique puis dans un orphelinat et dans un cirque. Impossible de synthétiser un roman aussi foisonnant où entre une fillette extralucide, un hippie américain, un couple composé d'un apostat et d'un travesti (sic), une mère et une fille obsédées sexuelles, deux statues de Vierges ennemies (l'une blanche, l'autre noire) et quelques lions et une multitude de chiens plus ou moins errants, la galerie de personnages marquants est impossible à énumérer. Bref, Avenue des mystères est un maelström incantatoire qui passe aisément du registre loufoque et délirant au dramatique sans oublier une touche de fantastique (moins convaincante). Le résultat est aussi détonant que le mélange de bêtabloquants et de viagra que le héros du livre, Juan Diego, pratique sans grand discernement. Sur 500 pages, Irving maintient le rythme sans faiblir. Le lecteur, lui, a parfois besoin de souffler sans que la possibilité ne lui en soit donnée. Mais à quoi bon faire la fine bouche, le caractère cinématographique de l'écriture, avec ses images "bigger than Life", le sens du suspense (si le sort de Lupe, la soeur de Juan Diego, est connue depuis le début du livre, il faut attendre les dernières pages pour connaître les circonstances) et le torrent de péripéties emportent tout sur son passage. Irving reste Irving et le temps va paraître long avant la parution de son prochain roman.
Lien : http://cin-phile-m-----tait-..
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Le monde selon Garp

Jenny ne voit pas d'un très bon œil la vie qu'on lui prépare : l'envoyer à l'université dans l'espoir qu'elle trouve un bon mari et... et c'est tout. Contre l'avis de ses parents, elle choisit de faire des études d'infirmière, pour le côté pratique du métier. Pendant la guerre, elle se « sert » d'un soldat sur le point de trépasser pour faire un enfant, Garp, qu'elle élèvera seule. Toute sa vie s'organisera autour de celle de Garp : elle acceptera un poste dans une école pour pouvoir y inscrire l'enfant plus tard, elle suivra elle-même les cours pour choisir les plus intéressants plus tard et l'aider dans les matières.



Quand Garp manifeste son désir d'être écrivain, elle s'attellera aussitôt à écrire son propre livre, basé sur sa vie, « Sexuellement suspecte », qui remportera un grand succès et fera d'elle, un peu contre son gré, une icône du féminisme. Rôle qu'elle assumera en accueillant les femmes qui ont besoin de son aide, même les plus extrémistes comme les Ellenjamesiennes qui se tranchent la langue pour protester contre les violences faites aux femmes.



Quant à Garp, après une nouvelle prometteuse, c'est un peu la panne sèche. Le temps que l'inspiration revienne, il devient homme au foyer, s'occupe du ménage, de la cuisine et des enfants. Son couple traverse quelques orages à cause des infidélités.



Comme dans tous les livres d'Irving que j'ai ouvert jusqu'à présent, j'ai beaucoup aimé le côté réaliste mêlé de quelques scènes totalement loufoques. Toutefois, même si le livre fourmille de thèmes, j'en attendais un peu plus au vu des commentaires. Peut-être les thèmes abordés (insémination artificielle, mère célibataire, féminisme) ont un peu vieillis et surprennent moins aujourd'hui ? J'ai eu aussi beaucoup de mal avec les romans dans le roman. À part la première nouvelle, j'ai passé tous les écrits de Garp, je n'arrive pas à changer totalement d'univers en cours de route.



Bonne lecture, mais je n'ai pa s trouvé le chef-d'œuvre auquel je m'attendais.
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À moi seul bien des personnages

Autant vous l’avouer même si j’en ai honte : j’ai frôlé la catastrophe. Un roman de John Irving, avec un si joli titre, et pourtant…j’ai bien failli m’y ennuyer. Je me suis demandé si j’allais le terminer, j’ai cru me perdre dans cette concentration invraisemblable de personnages sexuellement ambigus.

Heureusement, juste avant que je me résigne à chausser mes souliers de plomb pour aller au bout de ce pavé, la magie a opéré et je ne l’ai plus lâché.



Et donc, sous les auspices de Shakespeare et d’Ibsen, de Flaubert et Dickens, le rideau se lève sur le narrateur, Billy, jeune adolescent qui se cherche une identité sexuelle. Précisons que nous sommes au fond du Vermont, dans l’Amérique des années 60. La quête de Billy est donc par définition discrète et délicate, à une époque où l’homosexualité est encore considérée comme une maladie qu’il faut soigner. Déjà pas aidé par le contexte austère, Billy ne peut guère compter sur des repères familiaux solides : un père très vite volatilisé après sa naissance, une mère fragile voire hystérique, un grand-père jouant exclusivement des rôles féminins dans la troupe de théâtre amateur locale, une grand-mère et une tante (et même une cousine) castratrices.

Troublé par les « béguins » qu’il éprouve à la fois pour son beau-père, Miss Frost la bibliothécaire, et Kittredge, le lutteur-vedette du lycée, le jeune Billy ne sait plus à quel sein (non, ce n’est pas une erreur) se vouer.

Chronique d’une vie passée à se chercher, se cacher (années 60), s’affirmer (années 70), justifier ses orientations sexuelles (années 80), s’excuser presque de ne pas être mort du sida (années 90), puis enfin à s’épanouir (années 2000), A moi seul… déroute au début en zigzagant sans cesse entre les époques et les digressions.

C’est souvent cru, rarement vulgaire. Même si on trouve quasiment à toutes les pages le mot « sexuel » avec sa panoplie de préfixes (hétéro-, homo-, bi-, trans-), sans oublier la catégorie « travesti » et le sens nouveau (pour moi) des mots « actif » et « passif », on reste dans le grand style d’un grand écrivain.

Avec le théâtre pour thème secondaire, ce roman ne pouvait qu’osciller constamment entre comédie et tragédie : personnages et situations cocasses, chapitre bouleversant mais sobre sur le drame du sida.

Moins drôle que Le Monde selon Garp, carrément triste si on le compare à L’épopée du buveur d’eau, on retrouve cependant une férocité de ton quand Irving flingue l’intolérance de l’Amérique puritaine.

Ce n’est peut-être pas le meilleur Irving, mais à ce niveau-là, on est de toute façon bien au-dessus de la moyenne…

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Le monde selon Garp

The World According Garp

Traduction : Maurice Rambaud



Qui ne connaît pas « Le Monde Selon Garp » de John Irving ? (En tous les cas, moi, je l'ai longtemps ignoré ...)



Pour ceux qui ne l’ont pas encore lu et que j'envie, il s’agit d’un roman qui, par son ampleur et la série de « types » qu’il met en scène, évoque irrésistiblement un auteur comme Charles Dickens ou encore Thackeray. Mais, chez Irving, les bons sentiments, quand ils existent, sont toujours menacés par ce que le benjamin de la famille Garp avait l’habitude d’appeler « le Crapaud du Ressac. » C’est le Crapaud de l’Angoisse et aussi celui de la Mort qui, tôt ou tard, vient réclamer son dû.



Pourtant, on rit et l’on sourit beaucoup chez John Irving qui se fait ici une joie de renvoyer dos à dos tous les extrêmistes, que ceux-ci soient féministes ou machissimes. Sa peinture à la fois aiguë et burlesque des milieux féministes réjouira aussi bien les femmes que les hommes. Les anti-féministes sont, quant à eux, irrécupérables et si dangereux que l’un d’entre eux finit par assassiner la mère de Garp, l’intrépide Jenny Fields, laquelle, après la parution de son ouvrage autobiographique,



« Sexuellement Suspecte » - beau titre, n'est-ce pas ? - avait été revendiquée comme emblème par le mouvement féministe américain. Le sel de la chose, c'est que Jenny ne se sentit jamais féministe dans l'âme. Simplement, elle cherchait à "aider ceux qui en ont besoin."



Il est révélateur de constater que, si Irving accorde repentance et réhabilitation à la féministe complètement exaltée qui abat ensuite le fils de Jenny, il n’offre en revanche aucun salut à l’assassin de Jenny. Pire : il le fait descendre immédiatement par son propre beau-frère.



« Le Monde selon Garp », c’est aussi, imbriquée dans le roman, la première nouvelle vendue par le héros. Intitulée « La Pension Grillparzer » - Garp et sa mère se trouvaient à Vienne quand elle fut rédigée – elle apparaît comme un condensé de tout ce qui fait le charme et la profondeur du roman : humour, sens de l’absurde, compassion envers autrui, férocité pourtant, hantise de la mort aussi …



C’est encore la fantastique figure de Roberta Muldoon, ex-Robert Muldoon, ex-ailier des « Eagles » de New-York et qui, s’étant toujours sentie femme au plus profond de lui-même, choisit un jour de franchir le grand pas et de changer de sexe. Je n’en dirai rien d'autre : lisez et vous verrez bien.



C’est un enchaînement de situations et de personnages accompli avec une rare maîtrise. C’est un moment de grâce absolue dans la littérature du XXème siècle. C’est aussi une analyse précise de l'art d'écrire. Mais là où cela nous change agréablement de bien des sottises lues ici et là, elle est faite en toute humilité par un écrivain qui sait ce dont il parle et qui n'a que dégoût pour le snobisme sous toutes ses formes.



En bref, "Le Monde Selon Garp" est un grand roman. Lisez-le. ;o)
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