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Critiques de Judith Hermann (50)
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Certains souvenirs

l est toujours compliqué de rendre compte avec justesse d'un recueil de nouvelles, surtout si, comme celui de Judith Hermann, celui-ci rassemble 17 récits ayant pour point commun les sensations et des sentiments.

On a parfois l'impression qu'il ne se passe rien ou pas grand chose , mais en fait l'écriture d’Hermann résonne en nous parfois à contretemps , avec un léger décalage. Il faut laisser infuser les images suggérées par les textes, se laisser séduire par la subtilité d'une écriture cristalline.

Pas de coups de théâtre, pas de nouvelles à chute mais des ambiances, des moments de vie, souvent très courts mais décisifs, quoi qu'il en paraisse à première vue. Un plaisir délicat à ne pas manquer.
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Au début de l'amour

« C’est ainsi… » C’est par ces trois syllabes que commence le dernier livre de Judith Hermann : Au début de l’amour. « C’est ainsi ». Immédiatement, une certaine lassitude, une forme de renoncement et puis peut-être l’idée que ça aurait pu être autrement semblent vouloir faire surface.

Stella rencontre Jason alors qu’elle revient du mariage de sa meilleure amie, Clara. Elle ne se sent pas très bien ; les belles années appartiennent dorénavant au passé. Elle a peur et tremble dans ce petit avion à hélices et demande à son voisin si elle peut se placer à ses côtés et lui serrer la main. Et ça commence comme ça… Il était là, à ce moment-là, mais il aurait pu tout aussi bien être ailleurs et elle aussi. Elle aurait pu avoir un autre voisin et c’eût été une autre rencontre. Mais c’était lui. Et ce moment, qu’on le veuille ou non, a déterminé tous les autres. « Je ressens comme une injustice le fait qu’on ne puisse voir et comprendre qu’a posteriori l’enchaînement des choses. » se plaindra-t-elle.

Naîtra Ava, une petite fille. Et la vie s’écoulera, monotone et tranquille entre la maison dans le lotissement et son travail d’infirmière. Lui est absent, il construit des maisons.

Elle vit souvent seule, dans la nostalgie des années passées, imaginant ce qui aurait pu se produire si, s’interrogeant sur la contingence des faits, les hasards de la vie…

Elle échange peu avec Jason. C’est, comme on dit, un taiseux. D’ailleurs, se connaissent-ils vraiment ?

En revanche, elle appelle son amie Clara, souvent. Elle lui écrit aussi de longues lettres où elle lui raconte ses rêves, la nostalgie qu’elle ressent pour un mari qui existe encore et qu’elle pense parfois mort.

La jeune femme ne semble pas se sentir à sa place. Elle s’observe et regarde le monde avec une certaine distance comme si elle ne s’habitait ni ne l’habitait vraiment: « Elle voit une femme seule assise à une table sous une lampe, en train de lire. C’est moi, pense Stella. C’est moi. Stella. » Absente à elle-même. Les gens, les objets, la nature, le ciel demeurent comme extérieurs à elle. Stella se trouve dans l’impossibilité d’appartenir au monde, de faire corps avec lui et d’aller à la rencontre de ce qui l’entoure. Elle sent que quelque chose ne colle pas.

Et pourtant, la vie quotidienne fait son chemin, les mêmes gestes, à la même heure, à quelques détails près. Certainement la meilleure façon d’oublier : « Peut-être qu’il s’agit de disparaître. C’est possible » suggère-t-elle.

Jusqu’au jour où… un inconnu sonne à sa porte. Elle aimerait ouvrir mais se méfie. Elle l’interroge par l’interphone. Que veut-il ? Parler, répond-il, s’entretenir avec elle. Si elle a le temps. C’est tout. Mais on sent déjà qu’il y a quelque chose d’essentiel dans cette quête, de vital peut-être… Non, répond Stella, elle n’a pas le temps, vraiment pas. Dommage, répond l’homme puis, il repart. Il reviendra, chaque jour, plusieurs fois par jour… Inlassablement

La tension monte au fur et à mesure des pages mais pour autant, nous ne sommes pas dans un roman policier mais au cœur des êtres, dans cette zone intime où ils s’interrogent sur ce qu’ils font là où ils sont. Une zone secrète où il ne fait pas toujours bon traîner. C’est risqué. Le voisin va tirer Stella de son petit confort, de sa maison, de ses objets, de ce quotidien en apparence paisible pour la placer face à elle même, dans l’analyse plus ou moins consciente de son mal-être, de ce rapport distancé au monde, de sa solitude et de ses désirs qu’elle ne souhaitait peut-être pas s’avouer. Il lui tend un miroir, cet homme dont elle dira : « Il paraît tout à fait normal, comme nous tous, mais on sent autre chose en dessous, un épuisement, une déchéance, une tristesse profonde. ». Le voisin, un double d’elle-même, une âme en peine ou tout simplement un homme avec qui un autre début aurait été possible si elle avait dit oui, si elle avait ouvert la porte et si… ?

Un très beau texte poétique et sensuel où la tension des êtres est palpable à chaque page. « Comment j’ai pu atterrir ici ? » s’interroge Stella, persuadée qu’il est trop tard, qu’ « il y a peu de chances que certaines choses se produisent encore. » tandis que son amie Clara lui écrit : « Autrefois, j’ai pu m’imaginer de temps en temps que j’étais quelqu’un d’autre. Aujourd’hui je suis réduite à moi-même. » A quoi finalement ? Des gestes mécaniques, des sourires forcés et des sentiments morts.

Stella dira au sujet de son voisin : « Il est bloqué, un jour dans sa vie quelque chose s’est coincé, il est resté pris dans une boucle temporelle ». Comme elle. Prisonnière du non qu’elle a prononcé, du renoncement dans lequel elle s’est cloîtrée, de ce que les autres - la collègue, la meilleure amie, le mari - lui ont dit de faire.

Une Emma Bovary qui n’a pas ouvert sa porte, qui n’a pas tenté de fuir, qui s’est contentée de regarder au loin, derrière sa baie vitrée…

Tragique, vraiment. Profondément tragique…




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Certains souvenirs

Judith Hermann maitrise l’art de la nouvelle, son premier recueil connu un succès important dans son pays, l’Allemagne avec Maison d'été, en 1998, puis continuera avec d’autres recueils, Alice en 2011,en autre et aussi publiera un romans, Au début de l'amour en 2016. Cette auteure Allemande aime la nouvelle et avec Certains souvenirs, elle continue comme un architecte, ce kaléidoscope de souvenirs diverses des 17 nouvelles, à construire cet édifice d’émotions et cimenter les petites choses qui bouscules des destinées. J’ai aimé plonger ma critique dans toutes ces petites histoires pour capter au plus profond le nectar même de l’écriture de Judith Hermann et emprisonner ces 17 nouvelles dans mes griffes et vous les faire partager et vous donner envie de vous y plonger.

Charbon, première nouvelle de ce recueil respire à merveille la poésie diffuse de Judith Hermann. Tout débute par le déchargement du charbon, cet or noir pour se chauffer, 7 tonnes à véhiculer à l’intérieur, à la main, ces anonymes dans l’effort au cœur de leur ferme travaillent lorsque cet enfant à vélo rompt cette cérémonie pour dévoiler la trame nouvelle, cette dramaturgie absconde. Une tendre douceur sombre enveloppe cet enfant, celle de sa maman, morte par amour, s’isolant en elle-même pour s’éteindre, laissant cet héritage lourd à son fils unique de 4 ans, devenu orphelin utérin, adopté par ces travailleurs où soudain leur charbon se transforme en hosties dans les mains de cet enfant.

Fétiche est une douceur étrange, comme un souffle de vent léger transportant cette petite histoire légère de ce jeune garçon de sept ans, venant près du poêle de cette roulotte où attend Ella dehors dans la pénombre du soir tombant lentement sur ce paysage statique. Dans ce décor, trône au loin cette maison solitaire, des drapeaux fades Tibétains, usés par le temps sont accrochés aux arbres, avec des autres roulottes inconnues côtoyant celle d’Alla qui attend toujours son Carl, cet homme mystérieux. De cette longue attente dans cette roulotte de cirque, cette petite maisonnette à l’effluve des deux corps de ce couple ou pas, Alla et Carl, naitra cette rencontre. Une curieuse conversation s’installe entre ce petit garçon est cette femme seule attendant, puis cette photo mystérieuse de ce garçon désirant l’offrir à tout le monde, que tous refus comme Ella pour devenir une flamme incertaine et furtive, comme cette rencontre, Ella et ce garçon unit dans cette nuit près du feu, comme une brulure tendre s’évaporant dans l’incertitude du moment, devenant un rêve, un mirage, une rencontre.

Solaris est un conte étrange, les mots sont comme fuyants, cet empilement savant de phrases embrase l’incertitude, comme un rêve de petites filles avec cette promesse enfantine de rester toujours ensemble dans cette demeure d’étudiante. Deux jeunes femmes Ada et Sophia, la première étudie la photographie, le seconde le théâtre à l’école supérieur d’art cohabitent un appartement aux couleurs de leur âmes différentes, séparé par une porte à deux battants, coulent deux vies opposées, pour s’éteindre par la vie d’une séparation mais toujours des nouvelles entre des ces deux femmes. Solaris semble être un conte, un rêve, un souvenir, une atmosphère de songe caresse cette nouvelle, les décors, les personnages sont comme des fantômes, les années s’évaporent, Ada et Sophia se retrouvent, chacune vivant sa vie, elles sont devenues mères, chacune de trois enfants puis le théâtre les réunis, Solaris est la pièce où Sophia jouera, où leur vie se bouscule encore une fois.

Poèmes, reste une prose curieuse de la relation d’un père âgé au bord de la folie, perdu dans un asile et sa fille lui rendant visite avec des gâteaux achetés à la pâtisserie du bas du bâtiment où son géniteur rode dans son mal être poétique. Subtil, cette nouvelle absorbe l’errance névrotique invisible et loufoque de la peur des poèmes, de cette fièvre rongeant ce père à la dérive sous le regard de sa fille et de son mari.

Lettipark trouble de son intemporalité, de cette petite histoire légère d’une rencontre visuel de deux femmes Elena et Rose, au passé commun d’un homme Page Shakusky. Ce décor banal, une caisse d’un magasin, des courses sur le tapis, une caissière puis ces deux femmes avec leurs hommes respectifs, un Indien pour Elena, l’autre Paul, de cette rencontre silencieuse, Rose n’oublie pas leur stigmate charnelle, puis cet album photo du Lettipark pour Elena, confectionné par amour par cet homme Paul, coureur de belle fille comme Rose aussi qui l’avait éconduit. L’amour est ce rêve d’un visage, hantant les soirs, le souvenir se grave en soi, pour séduire encore et encore notre force d’aimer. Rose n’oublie ce moment d’avoir été pour Page ce visage et imagine Elena dans Lettipark, son passé, cette rencontre sans mots est troublante d’émotion.

Témoins est une petite scène dans un décor de café populaire avec deux couples, l’un au bord de la crise Ivo et la narratrice, l’autre, Henry et Samanta, cette dernière doit remplacer Ivo à son poste à l’institut. Ce repas coule les anecdotes de chacun, sur le poisson, la lune, leur rencontre et Neil Armstrong. Celle de l’homme de la lune est si belle, si poétique, si agréable qu’elle enchante la narratrice d’un émoi tendre.

Avions en papier à cette magie enfantine de rompre cette réalité humaine, celle d’un entretien d’embauche celui de Tess, mère célibataire de deux enfants, Luke malade et Sammi aux prémices de la maladie. Alors la jeune maman se prépare avec ses deux enfants, demande à un ami, Nick, sans préciser s’il est son petit ami de venir garder les deux malades en herbes, il aime ces deux enfants, même s’il n’est pas le père, une tendresse s’installe, dans la relation entre cette femme et cet homme, un jeu savoureux, comme un vieux couple, chacun connaissant l’autre. Pour émerveiller les deux garçons, ils fabriquent des avions en papier avec leur nounou pendant que leur maman se trouve à cet entretien pour ce travail dans un service de psychiatrie. Ces avions amusent les enfants, devenant source de défit, battre le record de durée de vol. Toujours cette poésie des petites choses venant adoucir la réalité troubles, tel un entretien d’embauche !

Îles est une réminiscence du passé, d’une photo Iris se reconnait plus jeune avec Martha puis vagabonde ses souvenirs pour faire resurgir l’histoire de cette image. Judith Hermann avec cette douceur même erre dans le passé pour sublimer l’éphémère essentiel. Martha et Iris semble vingt plus tard prisonnière de cette photo et de ce passé où les souvenirs s’estompent.

Pollen de peuplier reste une nouvelle sur un moment précis qui à la base semble insignifiant, une anecdote dans un souvenir plus vaste, une visite où le vin s’ouvre et les petits amuses bouches s’ensuivent. Un couple unit depuis vingt-sept ans, Robert et Bojana que rend visite la narratrice Selma, séparé depuis peu de Markovic, frère de Bojana, l’ambiance est agréable, les conversations sont usuelles. Le souvenir de cette soirée se grave dans cette minuscule anecdote du pollen de peuplier à la combustion facile, provoquant un feu de fumée faisant intervenir les pompiers, mais dans le souvenir de Selma cette réflexion perdure, elle se dit l’amour pourrait être une combustion instantanée, mais l’idée même est instable, et la rejette. L’instabilité semble être l’adage de cette nouvelle, l’amour se meurt et les personnes se quittent, même Bojana et Robert.

Certains souvenirs est le titre du recueil de Judith Hermann, il exprime avec exactitude l’esprit de ce livre, le lien du passé gravant ces lettres de noblesses dans cette empreinte de la vie qui creuse ce sillon incertain que l’on dirige selon nos rencontres, nos choix et notre volonté. Maude loge dans une chambre chez Greta, une veuve octogénaire, âgée de plus trente ans, elle travaille dans un restaurant mexicain comme serveuse, depuis six mois, elle vit dans cette maison avec cette vieille femme, entourée des souvenirs de cette dame, de ces livres qui habillent le décor du séjour, et comme une étincelle, un moment passé s’éclaire dans l’esprit de la vieille femme, celui au lac d’Iseo, lieu de vacances où doit partir Maude pendant deux semaines, laissant Greta toute seule avec sa vieillesse et sa solitude. Ce souvenir étrange, dramatique, comme une protection, de l’inquiétude de Greta qui essaie de protéger maladroitement Maude.

Cerveau est une nouvelle plutôt étrange, la parcourt d’un couple Philipp, quinquagénaire et sa compagne Déborah, quinze ans sa cadette pour avoir un enfant, décide d’adopter dans une agence qui accepte ce couple hors sociétale, un père trop âgé, qui confie que des enfants d’origine russes. Mais cette petite histoire se fissure lentement, le cerveau devient le personnage centrale, comme un fantôme venant hanter ce couple avec leur enfant de trois adopté, cet enfant au doux nom slave Alexeï, rebaptisé Aaron plus tendre au goût des parents, statique de leur enfant sans saveur, autiste ou pas.

Lettre est escapade froide de vieux amis d’enfances vers un endroit appelé terre très lointaine, comme un pèlerinage. Walter et sa femme Edna, un couple âgé, lui ancien ophtalmologiste, devenu un « petit dingue », aimant ses racines germaniques pour s’abreuver de ces livres en langue allemande, il philosophe, il est ingénieur, il est très intelligent, nous aimerions être de sa famille pour le côtoyer et vivre sa générosité, comme la narratrice faisant un détour pour lui rendre visite.

Rêves est comme le titre de cette nouvelle, un songe lointain, deux amis l’une après l’autre se sont fait psychanalyser par le même professeur, le Dr Gupta, un homme énigmatique. La première Effi, pendant trois ans avait ce mystérieux rendez-vous, puis venait rejoindre son amie Teresa au café Youri Gagarine. Puis ce rêve d’Effi racontée à son amie, étant l’héroïne Teresa comme par un transfert épouse ce rêve et sombre pour avoir recours à ce Dr Gupta et de même rompre son amitié avec son amie pour l’éviter. Un ricochet tinte la nouvelle, l’une après l’autre elle se plie à cette psychanalyse pour se perdre dans ce rêve abscond ou réel.

Est est une nouvelle assez différente des autres, elle est au présent, pas une anecdote passée mais une petite scène actuelle à Odessa, ville Russe. A la sortie du train un couple Jessica et Ari sont à la recherche, non pas au grand dam de sa femme d’un hôtel, mais d’une personne proposant des chambres comme le souhaite le mari. Judith Hermann propose une situation cocasse, tendre et critique aussi, celle de ce pays pauvre face au confort occidental recherché par Jessica. Cette femme aime pouvoir avoir la joie d’un chambre à la hauteur de ses envies mais elle se retrouve dans les bas-fonds d’Odessa, une prostituée, un frigo poussiéreux, une chambre pittoresque cachée dans une sorte de bidonville silencieux, se fracture alors ces deux mondes, les autochtones pauvres et ces touristes d’un milieu financier aisé.

Retour éveille une romance lointaine, endormie dans l’oubli de la vie. Le retour de Ricco, ami d’enfance de la narratrice enfante les souvenirs de ces deux amis, de la maternelle à la fuite de Ricco vers sa destinée, laissant enceinte son amie, lui, trouvant refuge dans une carrière de solitude mais pécuniaire. Lorsque les souvenirs cachent une absence invisible, celle de l’essentielle, la pensée réelle d’une amie, l’amitié féconde unissant leurs âmes, leurs esprits, leurs êtres.

Croisements, encore une nouvelle surprenante sur la croisée des chemins, celui oxymorien de deux mondes s’affrontant, deux classes sociétales. Un propriétaire André, peu bavard avec ses voisins, Patricia et Vito, loue sa maison à une famille, plus ou moins spéciale, une tribu au sens morale inexistant, une mère détestable, deux filles étranges et un fils voyou, le père en prison de temps en temps après ces crises violentes conjugales. Ce passage de cette famille entrainera l’acquisition de cette maison par ce couple, comme une aubaine, André âgé ose vendre pour faire fuir cette famille destructrice. Un mal pour un bien, un mal pour un bien peut-être !

Mère dernière nouvelles de ce livre clôt avec tendresse et douceur ce recueil de vies. La famille semble aller au-delà du sang lorsque coule dans nos veines une amitié d’une vie comme la maman de la narratrice, avec sa meilleure amie Margo et sa mère. Une jolie nouvelle mélancolique, le secret réside dans le cœur de chacun, une vie s’épaissit des autres et leur amitié.



Bonne lecture à vous sera ma conclusion, merci à masse critique pour m’avoir choisi pour ce recueil et me faire découvrir Judith Hermann.

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Certains souvenirs

La Feuille Volante n° 1197

Certains souvenirs – Judith Hermann – Albin Michel.

Traduit de l'allemand par Dominique Autrand.



L'auteure renoue avec l'art de la nouvelle qui l'a révélée.

J'avoue bien volontiers qu'avant que Babelio et les éditions Albin Michel, que je remercie, ne me fassent parvenir ce recueil, je ne connaissais pas Judith Hermann. Je l'ai donc découverte et ce fut une surprise, surtout eu égard aux éloges de la presse.  Pourtant ce ne fut pas comme d'habitude et mon étonnement fut d'une autre nature. Ici, ce qui est décrit est plutôt un univers connu et quotidien, loin des fictions où on nous raconte que la vie est belle ou qu'elle est un long fleuve tranquille. Il suffit, pour s'en convaincre, d'ouvrir les yeux sur le monde, de prendre conscience de l'injustice, de l'hypocrisie et de la violence qui y règnent. Convoquer les mots pour le dire, même au moment de Noël où l'on préfère le merveilleux, ne me gène pas. Je dois le dire, j'ai été surpris par ces nouvelles, et notamment par le style, délibérément abrupt, simple, sans fioritures littéraires, presque brutal, avec un luxe de détails ou au contraire une sorte de précipité d'images sommaires, avec aussi parfois des moments poétiques d'autant plus appréciés qu'ils sont inattendus. Je respecte cette option puisqu'elle procède sans doute de l'effet cathartique de l'écriture qui est pour l'auteur une motivation essentielle.

Judith Hermann évoque effectivement des souvenirs, comme le font la plupart des auteurs qui puisent dans leur vie la substance de leur œuvre. Les mots servent souvent à décrire des situations ordinaires, banalement quotidiennes où règnent le désordre et même parfois la folie. Ils naissent de la mémoire sollicitée, de rencontres de gens qu'on a oubliés depuis longtemps ou que l'on croise. Parfois une photo ravive la mémoire et les personnages sur papier glacé s'animent pour un moment, avec la nostalgie, les regrets en prime et la prise de conscience du temps qui passe et qui nous donne le vertige quand nous tentons d'en remonter le cours. Tout cela suscite des dialogues convenus où l'on brasse des informations ou des évidences, où l'on évoque des moments souvent intimes, habituels, comme volés aux personnages, des tranches de vie décisives ou anodines, des conversations qui souvent sont banales, des échanges où chacun se cache derrière des paroles, des petits gestes, des instants fugaces qui font la vie simple et dont les mots et les phrases, simples aussi, rendent compte.

Ce sont dix-sept courts textes, des portraits et des situations vus à travers les yeux de la narratrice, une vie ordinaire, intime ou populaire, des mariages qui prennent l'eau et qu'on regrette amèrement, des familles qui se décomposent sous les yeux des parents qui auraient voulu inventer autre chose, des amours qui ne durent pas toujours, des vies qu'on a données parce que c'est le point de passage ordinaire et peut-être obligé de chacun, des circonstances dont on a du mal à comprendre comment elles se sont installées au fil du temps ou des événements, du chômage ou des petits boulots mal payés et dévalorisants qu'on recherche cependant, des familles monoparentales au quotidien difficile à vivre, de l'avenir qu'on imagine forcement meilleur, les apparences qu'on entretient au nom de la tartuferie ou d'une improbable amélioration, des jours gris qu'on repeint à grands coups de chimères ou d'alcool, parce que cela aide à supporter la vie et parce qu'il n'y a souvent pas d'autres réponse, et peut-être parce que les mots des autres ne servent plus à rien. Ces sollicitations de la mémoire entraînent l'imaginaire ou une démarche malsaine où l'on s’immisce dans la vie de l'autre pour le plaisir d'en savoir plus sur lui, sur ses fêlures, sur ses zones d'ombre et les interrogations qu'il suscite. Des êtres se rencontrent et d'autres se quittent, des couples se forment et se défont, moments cruciaux ou ordinaires où le bonheur n'est pas toujours au rendez-vous d'une vie qu'on voyait autrement, qui s'est souvent déroulée au rythme du hasard, de la malchance, qui aurait pu être belle mais ne l'a pas été, à cause des mauvais choix qu'on ne referait plus et qu'on déplore. Dans ce monde tel qu'il est évoqué, le temps passe aussi et c'est d'ailleurs à cause de cette fuite que naissent et se forment les souvenirs, mais aussi les regrets et les remords même si, inconsciemment nous faisons un tri pour n'en retenir que certains, bons ou mauvais, plus forts ou plus marquants que les autres, certains flous ou étonnamment précis. Cette lecture me laisse une sorte d'impression nostalgique, un malaise ou un mal-être un peu désagréable, une atmosphère de solitude, de mélancolie et de mort qui rode, mais quelque chose de forcément vécu, quelque chose d'humain.



Le livre refermé, je dois dire que j'ai été surpris par ce recueil, davantage par la façon de s'exprimer de cette auteure et que par les thèmes qu'elle a choisis de traiter. Malgré cela, malgré moi peut-être, malgré mon goût pour le beau langage, cette démarche ne me laisse pas indifférent, peut-être parce que cette manière d'évoquer le monde qui nous entoure, avec tout ce qu'il a d'abrupt, de violent, d'injuste, de révoltant ne peut laisser un lecteur indifférent. Ai-je compris le message ou suis-je passé à côté ?



© Hervé GAUTIER – Décembre 2017. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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Certains souvenirs

Je ne connaissais pas l’auteur allemande Judith Hermann, je la découvre dans ce recueil de 17 nouvelles. L’auteure explore des instants de vie, souvent décisifs dans la vie de ses personnages. Des moments-clés où ils prennent soudainement conscience de leur situation, de leurs envies, de leur intimité ou à l’inverse de leur isolement.

a prose de Judith Hermann est fluide, simple, douce et poétique. Un recueil écrit toute en finesse où elle révèle encore une fois ce que j’aime tellement chez les nouvelles : partager, en l’espace de quelques pages, des émotions et des sentiments universels à travers des récits de vie différents.



« Peintre des sensations et des sentiments » me dit-on en parlant de cet écrivain, et c’est tout à fait ça. Elle réussit à exprimer l’insaisissable à travers les pensées de ces personnages, souvent troublés et confus. Et puis soudainement, ils prennent conscience, se révèlent à eux-mêmes ou aux autres. Le fil conducteur de ces nouvelles est le temps, qui passe, qui s’égrène inévitablement. Ses personnages s’interrogent sur leurs vies, sur leurs relations, sur ces décisions qui peuvent donner un nouvel élan à leur vie ou au contraire sur leur décision de ne rien changer.



Judith Hermann pose des questions que l’on se pose un jour : quelle proximité avons-nous réellement avec les gens que nous aimons ? (famille ou amis) – qu’en est-il de nos désirs profonds ?

Si j’ai trouvé le recueil parfois inégal (certaines nouvelles m’ont moins touchée), j’ai adoré la nouvelle Poèmes où le personnage principal se rappelle sa dernière visite à son père, un homme affaibli par de nombreux séjours à l’hôpital psychiatrique. Une visite qu’elle aurait aimé pouvoir repousser. Un homme « incapable de réfléchir, de s’occuper de rien, tout le dépassait » qui vivait dans un minuscule appartement, un véritable capharnaüm et qui lorsqu’il voit sa fille apporter un gâteau aux prunes, lui tient des propos méchants et incohérents.



Toute cette nouvelle est sublime ! Elle évoque avec tellement de talent le besoin que les enfants ont d’aimer leurs parents, même adultes et de sentir qu’ils les aiment en retour. Même ces parents malades. J’ai aussi beaucoup aimé les dernières nouvelles et celle qui a donné le titre au recueil, Certains souvenirs. Judith Hermann y raconte la relation d’une vieille femme solitaire avec l’une de ses locataires, une femme adulte seule. Lorsque sa locataire, Greta, lui confie son prochain lieu de vacances près d’un lac italien, la vieille femme lui raconte avec froideur qu’un homme s’y était noyé devant ses yeux il y a des années.

Une jolie découverte, un moment de pure poésie, Judith Hermann possède le talent de la concision et maîtrise l’art de la subtilité. Une nouvelle preuve que le genre des nouvelles ne cesse de se renouveler et peut plaire à tout le monde.
Lien : http://www.tombeeduciel.com/..
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Certains souvenirs

Ces dix-sept nouvelles courtes comme des instantanés de vie mettent en scène des hommes et des femmes de tout âge dans des situations diverses. Je dois avouer que j’ai eu l’impression de rester en retrait de ces nouvelles sans avoir pu effleurer ou toucher du doigt les émotions des personnages. Avec une écriture d’où se dégage une certaine mélancolie, l’auteure dessine des atmosphères très vagues et justement ce flou m’a laissée sur le bas côté. Dommage car moi qui suis friande de nouvelles, je suis plus que perplexe après avoir tourné la dernière page avec cette sensation de n’avoir pas compris les intentions de l’auteure. Merci à Babelio et à l’éditeur.
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Au début de l'amour

Lorsqu'un inconnu vient sonner chez elle, Stella s'en voit bouleversée. Pourtant qui est-il ? Et que veut-il ? Après cette visite son quotidien change, elle-même change et vient à se poser bon nombre de questions sur sa vie, sa famille et ses habitudes.



Stella vit dans un quartier paisible, proche de son travail et proche de l'école de sa fille. Jason, son mari, est souvent absent et elle passe donc la majorité de son temps seule ou en compagnie de sa fillette de quatre ans. Menant une vie calme, sans extravagance, lorsqu'un inconnu frappe à sa porte la jeune femme panique. Surtout que celui-ci finit par revenir chaque jour, par lui laisser des lettres, des photos... Que lui veut-il ? Pourquoi Stella se met elle à douter sur ses choix et sa vie ?



La quatrième de couverture m'a de suite attirée, on se pose déjà bon nombre de questions à la lire. Que nous réserve vraiment ce roman ? On peut s'imaginer plusieurs possibilités... en tout cas les miennes étaient les mauvaises.



Judith Hermann nous livre ici l'histoire d'une jeune femme qui mène une vie bien calme, plus calme que ce qu'elle avait pu imaginer plus jeune finalement. Bien qu'heureuse, on sent que Stella s'ennuie dans cette routine et lorsque cet inconnu vient sonner chez elle, c'est d'ailleurs presque toute sa routine qui vole en éclats mais pas comme celle-ci l'espérait...



En lisant Au début de l'amour, c'est finalement dans un roman lourd, presque pesant qu'on plonge. M'attendant à un livre avec un suspens qui me tiendrait en haleine dès le début, il n'en fut rien et j'ai même eu beaucoup de mal à le terminer. Difficile même de classer ce roman dans un genre.



L'écriture de Judith Hermann est assez particulière. Entre le point de vue ou encore la construction des dialogues... Clairement il faut adhérer de suite à celle-ci sinon le roman vous semblera long. Pourtant l'idée était originale, on partait en s'imaginant tellement de possibilités. Je pense qu'avec ce genre d'écriture soit on aime, soit on n'aime pas et difficile d'avoir un juste milieu.



Néanmoins faites-vous votre propre avis ! Au début de l'amour de Judith Hermann est disponible aux Editions Albin Michel.
Lien : http://www.poleculture.net/c..
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Maison d'été, plus tard

Un recueil de nouvelles que j'ai commencé, tout en lisant un roman.

La première m' a un peu désarçonnée, je ne saurai pas la raconter, soit je n'était pas concentré soit elle est flou. Je la relierai.

J'ai passé la seconde qui m'a parue trop longue pour l'instant et j'ai lu "La fin de quelque chose". Terrible, pas seulement la fin mais toute l'histoire de cette grand mère dure comme du bois avec les siens. L'histoire est racontée par Sophie, sa petite fille dont on perçoit le malaise.

La musique de Hunter Thomson aussi est forte. Voilà un homme au bout de sa vie et qui va faire un cadeau extraordinaire à une jeune femme sans rien demander en retour, plutôt en fuyant, sans doute pour ne pas se laisser envahir par ses sentiments.

J'ai aimé les deux, Judith Hermann nous décrit des morceaux de vie brisée cassée avec beaucoup de force et de simplicité.

Je viens de finir ce recueil de nouvelles. Formidable ! Je ne vais pas les raconter toutes comme j'avais commencé à le faire, ce ne serai pas intéressant.

Ce sont à chaque fois des moments de vie, où un petit évènement arrive, une occasion se présente et un personnage passera peut être à coté de son rêve.

Il y a beaucoup de nostalgie et de tendresse dans ces histoires.

L'écriture est superbe.

Je pense qu'on peut relire certains textes plusieurs fois et y découvrir toujours un peu de nouveauté ou de mystère.

C'est peut être ce qu'il faut pour une île déserte. Je l'ai emprunté en bibliothèque, je vais me l'offrir.
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Alice

Quand on aime Judith Hermann et, en particulier, son dernier livre paru en France, Alice, on ne lésine pas sur les compliments : "Le talent de créer des atmosphères qui touchent profondément l'âme" (Neues Deutschland) , "Un livre impressionnant, typiquement nouveau dans sa forme et son style, et pourtant typiquement allemand au meilleur sens, romantique, du terme" (The Guardian). De quoi se sentir un peu coupable quand on n'aime pas, pas du tout même, ce livre. Un recueil de cinq textes, difficile en effet de parler de roman, voire de nouvelles, qui a pour constante la présence d'une femme, toujours la même, à des âges différents, et la disparition d'un homme (ami, mari, oncle qu'elle n'a pas connu) : cancer, suicide, vieillesse, bref ils ne sont plus de ce monde. C'est Alice au pays des morts veille. Non qu'il y ait de quoi rire car ces récits sont plutôt sinistres, écrits dans un style minutieux et riche en détails prosaïques censés créer une ambiance poétique et mélancolique. Apparemment, cela parle à certains et pas à d'autres, absolument pas touchés par l'écriture de Judith Hermann. Moins que de mort, le thème qu'elle travaille à l'infini est celui du vide laissé par un défunt et les souvenirs qu'il laisse derrière lui. Ce sentiment de vacuité, le lecteur le ressent aussi, à l'égard du livre, s'entend. Ce n'est pas charitable à dire, mais honnête.
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Une clarté dans le lointain

Au début de ce roman, la narratrice revient sur un épisode vécu trente ans auparavant. Une anecdote dont son esprit ne veut pas se débarrasser. À cette époque, un magicien rencontré par hasard lui propose un travail d’assistante. Un rôle qui consiste à s’allonger dans une boîte et à être sciée en deux.



Après cette expérience courte et troublante, le récit rejoint précipitamment le présent. La narratrice expédie en quelques phrases

le résumé de sa vie.



“J’ai rencontré Otis, nous nous sommes mariés et avons eu une fille, Ann. Ann est grande, et Otis et moi nous sommes séparés. Je vis depuis presque un an à la campagne, sur la côte Est, près de chez mon frère.”



D’emblée, on est frappé par l’immense liberté de l’écriture. Judith Hermann pose des questions sans s’encombrer de point d’interrogation, préfère les silences et les gestes aux sentiments, choisit des personnages superbement imparfaits : elle fait ce qu’elle veut.



Son héroïne également, elle qui a fait le choix d’une existence solitaire et rustique au rythme des marées, de la lune et des verres de schnaps. Elle jouit d’une liberté étrange, teintée de nostalgie, d’amitié, de renoncement - “presque tout dans la vie échoue.” De peur aussi. Jusqu’à installer un verrou à la porte de sa chambre et un piège pour la fouine qui l’inquiète.



Sur cette terre aride de fin du monde, elle apprivoise sa vie nouvelle, sans sa fille, sans son mari, auprès d’une voisine bizarre, de son frère amoureux d’une fille en cage, et d’un éleveur de cochons. Avec un verrou à sa porte, certes, mais qui peut rester grande ouverte.
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Une clarté dans le lointain

La narratrice, à l’aube de la cinquantaine, est partie s’installer dans une maison isolée au bord de la Baltique. Séparée de son mari, Otis, elle est aussi la mère d’Ann partie découvrir le monde et avec laquelle elle a des rapports très épisodiques et apparemment compliqués. Dans le village où elle a trouvé refuge, elle travaille comme serveuse dans le café de son frère qui, à soixante ans, entretient une relation quelque peu morbide et toxique avec une jeune fille d’une vingtaine d’années. A ces personnages s’ajoutent Mimi, une voisine avec qui la narratrice va nouer une amitié et le frère de celle-ci, Arild, qui va devenir l’amant de la narratrice.



La lecture de ce texte est une plongée dans un monde inconnu, un peu flou et dans lequel les actes des personnages ne paraissent pas avoir de motivations précises. Il ne se passe pas grand-chose dans ce récit qui est plus un roman d’atmosphère. Un voile de mystère semble toutefois flotter en permanence autour des personnages et en premier lieu autour de la narratrice dont on ne connait pas vraiment ce qui l’a conduite à cet endroit.



Au fil du récit, elle va se remémorer des bribes de son passé dont l'épisode qui ouvre le roman et qui semble avoir joué un rôle fondateur trente ans auparavant. Plus jeune, alors qu’elle travaillait dans une usine de cigarettes, elle a reçu l’étrange proposition d’un magicien pour devenir son assistante et l’accompagner à Singapour. Proposition qu’elle va finalement refuser.



Judith Hermann nous fait ainsi vivre au cœur de cette petite communauté de 5 personnages, que leurs failles et leur extrême pudeur rassemblent. Avec, en marge, les personnages d’Otis et d’Ann qui rattachent la narratrice à son passé.



C’est un roman tout en subtilité qui traite à la fois de différentes formes d’enfermement (dans un lieu, une relation, le passé, une caisse ou un piège...) et d’aspiration à la liberté (de l’esprit, des corps). C’est poétique, parfois cru mais étrangement toujours empreint d’une certaine douceur. Une auteure à part, à découvrir.

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Au début de l'amour

"Dérangeant et fort" "Un suspense sombre et palpitant" "Une anti-Bovary" "Une réussite"

Toutes ces critiques m'avaient lancée tête baissée dans cet achat et pourtant, comment vous dire... :

187 pages écrites au présent de descriptions de soins infirmiers.

0 action, pas de dénouement. Ne vaut vraiment pas le détour.
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Au début de l'amour

Pour lire ce lire il faut accepter le style.

Et voici le style selon Judith Hermannn : "des phrases simples, une histoire où il ne se passe rien. Une histoire sans chute, peut-être même sans émotion, une histoire qui parle de la suite égale des jours, qui dit que tout reste comme c'est."

Alors vous pouvez entrer dans l'univers Hermann, au présent, dans la tête des gens, sans fioritures et sans état d'âme, vous rencontrez Stella, Ava, Jason, leur premier pavillon qui est peut-être dans une boucle temporelle, un voisin indélicat ou harceleur qui se poste devant la maison comme dans un angle mort, la vie continue, les choses se passent, petit à petit, s'accumulent, s'étouffent, débordent.

Stella lit comme elle respire, lit pour respirer, voilà un personnage-peinture que l'on regarde dans un cadre.

C'est bien, très bien même.
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Certains souvenirs

Je dois dire que mon engagement à livrer une critique pour avoir reçu ce livre de la part de Babelio m’a forcé à réfléchir un peu plus en profondeur à ces nouvelles et à dépasser le stade d’une première lecture qui m’a indubitablement laissé perplexe. Car Judith Hermann nous livre une prose minimaliste et peu expansive, sans grande tension narrative et sans réelle aspérité, image d’un monde banal saturé d’ordinaire dans lequel les personnages sont occupés à rentrer le charbon, ou à faire la queue à la caisse du supermarché pour payer leurs achats, ou à imaginer comment régler le problème posé par des voisins insupportables, ou à organiser une fête d’anniversaire pour un enfant, ou encore à trouver une solution de garde des enfants pour s’absenter et aller passer un entretien d’embauche…



A la réflexion, la question qui vient à l’esprit c’est : ‘mais qu’est-ce qu’elle peut bien vouloir nous dire avec ces histoires?’.



Peut-être représenter l’image de la condition de l’homme contemporain exposé au temps qui passe, à l’absence de pérennité notamment dans les relations d’amitié ou dans la vie de couple qui souvent dans ces nouvelles se termine par une séparation?



Peut-être l’image de vies minuscules marquées par la mort , comme dans le cas du jeune orphelin de la première histoire, mais aussi par les joies, évoquées dans quelques scènes de rencontre amoureuse, ou dans la scène des avions en papier que font voler deux garçons sous la conduite d’un ami de leur mère, symbole d’un petit espace de rêve et de poésie préservé au sein d'un monde rugueux ?



Peut-être l’image d’un monde insaisissable ? Dans ‘Iles’, la madeleine de Proust qui envoie la narratrice Iris dans ses souvenirs est une vieille photo où elle figure avec une ancienne amie. Iris se remémore ce qui s’est passé au moment où la photo a été prise mais le sens en reste inaccessible ou a été oublié.



Souvent dans ces nouvelles, l’histoire fait de grands bonds dans le temps, que ce soit dans la passé lorsque les personnages se remémorent leurs souvenirs, ou dans le futur quand la narration nous décrit le devenir des personnages. Des liens existent entre ces temporalités mais on n’y voit ni déterminisme ni hasard. La communication entre les êtres est parfois vaine comme lorsque Jessica renonce à contredire son compagnon lorsque celui lui affirme qu’il n’a pas fermé l’œil de la nuit, parfois frustrante comme lorsque la narratrice de ‘Retour’ subit le discours à n’en plus finir de son ami Ricco, parfois impossible comme dans la dernière nouvelle où une fille réalise en lisant les carnets rédigées par sa mère qu’une part de la vie de celle-ci lui sera à jamais incompréhensible.



Dans ce labyrinthe de textes qui n’assènent rien et laissent le lecteur chercher son chemin en constituant une image de l’ensemble, j’ai trouvé quelques échos d’une nouvelle à une autre avec des images ou des motifs qui reviennent une deuxième fois: le rêve d’une femme qui met en scène une amie, une maison sur une île, la prostitution d’Europe de l’Est, le garçon surgi de nulle part, la profession de photographe, l'hôpital psychiatrique… Comme ces impressions de déjà-vu dont on ne sait jamais si elles font référence à la réalité ou à notre monde intérieur.

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Au début de l'amour

Un roman qui flirte avec le thriller et qui laisse un goût étrange en le refermant. Je m'explique , une femme lambda avec une famille sans histoire et somme toute assez classique, mari plutôt absent , une fillette sympa, un voisinage normal avec qui elle n'a pas trop de rapport. Elle vit sa petite vie entre sa famille et son métier d'infirmière , toujours les mêmes gestes, la même rengaine, ses journées se ressemblent. On a l'impression qu'elle est spectatrice de sa vie , ce n'est pas une grande bavarde mais elle observe beaucoup de loin, elle ne se fait pas remarquer, elle a des amies mais pas trop. On peut facilement s'identifier à elle que ça soit par tout ou par certains aspects de sa vie et ça la rend touchante. Sa petite vie bien huilée aurait pu continuer encore longtemps si un beau jour elle n'avait pas ouvert sa porte à un inconnu qui va insister pour lui parler et ne la lâchera plus, il sonnera chez elle tout les jours , lui laissera des messages dans la boite aux lettres. Elle va commencer à avoir peur et elle a raison car il lui fait des cadeaux , met son nom sur sa boite à lettres à elle et on se dit mais il va bien falloir qu'il se passe un truc qui va tout faire basculer, il va trop loin. Et puis, non il ne se passe rien d'incroyable et là on ne sait plus trop quoi penser.



C'est le bémol de ce roman, il est agréable à lire mais assez lent dans le déroulement des évènements, il manque pour moi un basculement, un petit quelque chose qui aurait donné du rythme. C'est une vraie tragédie et la tension est constamment palpable et c'est pour cela que j'ai eu du mal quand j'ai compris qu'il n'y aurait rien de spectaculaire.



Une lecture en demi-teinte donc je n'ai pas adoré mais je n'ai pas détesté.



VERDICT



A réserver aux fanas de littérature allemande contemporaine et d'aventure linéaire.
Lien : https://revezlivres.wordpres..
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Au début de l'amour

http://liliandtheworldofbooks.blogspot.com/2016/03/au-debut-de-lamour.html



Comme vous le voyez dans le résumé, Stella a une vie plutôt simple. Travail, famille, ménage et amie.

Elle, elle travaille comme infirmière auprès de personnes âgées à domicile et elle s'est attachée à eux. Son mari, lui il travaille énormément et rentre très peu chez lui. Heureusement qu'entre-temps elle a sa fille et sa meilleure amie. Comme je vous le dis une famille normale jusqu'au jour où sa vie va basculer.



Elle va être victime de harcèlement et je peux vous dire que cela donne froid dans le dos. Elle reçoit des lettres, des cadeaux, il sonne à sa porte et ne va pas s'arrêter là. Il va jusqu'à mettre son propre nom sur sa boîte aux lettres!!!!

Au fur et à mesure de ma lecture, je me dis jusqu'où il va aller et je peux vous dire que c'est un grand malade.



J'aime bien lire différents types de harcèlement afin de comprendre ce qui se passe dans leur tête, ce qu'il pousse à faire ça et en même temps grâce à la plume fluide de l'auteure, elle nous montre que cela peut arriver à tout le monde.



Enfin, bref, c'est un roman, que j'ai beaucoup apprécié. J'avoue qu'il est un peu lent, mais agréable à lire. Il est mystérieux comme il est intrigant à la fois. On se demande pourquoi il fait cela? pourquoi elle?...
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Au début de l'amour

Journaliste et écrivaine allemande, Judith Hermann se fait tout d’abord connaître grâce à ses excellentes nouvelles saluées même par Marcel Reich-Ranicki (célèbre critique littéraire). Le premier recueil, intitulé « Sommerhaus, später » (« Maison d’été, plus tard »), sorti à la fin des années 90, a rencontré beaucoup de succès, tout comme le deuxième « Nichts als Gespenster » (« Rien que des fantômes »), quelques années plus tard. Ces deux livres-là sont de véritables coups de cœur pour moi, je voudrais donc leur réserver une chronique bien à part.



Au début de l’amour est son premier roman. Dès le départ, on retrouve bien le style de Judith Hermann : en décrivant quelques objets dans la pièce et quelques gestes faits par Stella – le personnage principal du livre -, l’auteur nous invite dans son intimité. On se voit presque confortablement assis avec elle dans la pièce, dans un coin pour ne pas déranger, avec le sentiment de connaître cette femme depuis bien longtemps et d’échanger des confidences avec elle.



Trentenaire, mariée à Jason qui est souvent absent pour son travail, mère d’une petite fille, elle travaille comme aide-soignante auprès de personnes âgées auxquelles elle rend visite quotidiennement. Elle a une vie sans surprise ; même sa maison est une copie de toutes les maisons du voisinage. Avec Jason, ils vivent plutôt l’un à côté de l’autre qu’ensemble et ses journées se déroulent au fur et à mesure des horaires de ses visites et des déplacements de son époux. Jusqu’à ce qu’un jour, un homme inconnu sonne à la porte, ainsi que les jours suivants. Ainsi commence le harcèlement qui va sortir Stella de sa trajectoire bien tracée.



Même si le livre traite le sujet de stalking (harcèlement), on retient à mon avis beaucoup plus l’image d’une femme à un carrefour de sa vie. Elle hésite sur la direction à prendre, elle se remémore ses débuts avec Jason, entretient une correspondance avec sa meilleure amie…



J’ai apprécié également les passages sur ses visites aux personnes âgées où chacune représente une autre personnalité, un autre vécu. Cela m’a rappelé un excellent livre de Doris Lessing « Journal d’une voisine » (Les carnets de Jane Somers), qu’il faut absolument que je relise et dont j’aimerais vous parler un peu plus. On y évoque, là aussi, la vieillesse et la solitude.



En ce qui concerne l’oeuvre de Judith Hermann : si vous n’avez encore rien lu d’elle, je vous conseille vivement de commencer avec ses deux premiers livres qui sont pour moi beaucoup plus réussis. Je croise les doigts pour que le prochain livre soit à nouveau un recueil de nouvelles.



***Lire chroniqué par Eva***


Lien : https://etsionbouquinait.com..
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Alice

Chère lectrice, Cher lecteur,



Pour ma participation aux Feuilles allemandes, j’ai décidé de lire Alice de Judith Hermann. Cette année, je voulais découvrir une autrice contemporaine (cette dernière est née en 1970). Comme j’avais lu qu’il est surtout question d’ambiance dans les récits de Judith Hermann, je me suis dit que je pourrais sans doute aucun aimer ses livres.



Que raconte Alice?



Alice perd cinq proches à cinq moments différents. Qu’est-ce que l’autre emporte avec lui? Un sourire? Un objet? Une baignade un après-mdi d’été? Un amour? Autant de questions, autant d’étapes dans le parcours d’Alice qui n’a d’autre choix que d’accepter, que de lâcher prise sur le sentier de la vie.



Ce que j’ai pensé de ma lecture



J’ai eu de la difficulté à embarquer dans la première partie (Micha) et je sais que c’est relié au style d’écriture. Judith Hermann va droit à l’essentiel. Avec elle, il n’y a pas de fioritures, de longues descriptions à la Proust. L’écriture est sobre. Elle vise à créer, à mon avis, un détachement, malgré la lourdeur imposée par la thématique de la mort. Bien sûr il est question de mort dans ce livre. Je peux dire qu’elle la connaît la mort Alice! Mais, la mort se raconte sans larme, sans drame, sans artifice. Tout est dit à travers un objet, un regard, un geste.



«Et ce regard, pendant tout le temps qu’il avait duré, était parfait. C’était tout. » (p. 153)



Chaque partie porte le nom d’un homme (Micha, Conrad, Richard, Malte et Raymond) et elle relate la mort passée ou à venir de ce dernier. Il s’agit d’un homme aimé, d’amis, d’un oncle et du mari. Chacun possède une importance dans la vie d’Alice. Grâce à ces derniers, Alice expérimente la mort, son irréalité et son mystère. Par exemple, Alice, après la mort de son ami Richard, va se baigner dans un lac froid. C’est ce qui s’avère la chose à faire pour elle en hommage à son ami.



Tout au long de lecture, j’ai pensé aussi à ces êtres chers qui sont disparus de ma vie. J’ai ressenti de la nostalgie, mais une saine nostalgie, car je sais que j’étais dans le monde de Judith Hermann et non pas dans le mien. Dans le sien, il reste un objet qui raconte l’autre, un mot ou encore une activité et dans le mien, trop de douleur, trop de morts, trop de drame. Impossible à raconter, impossible à définir. Je lève mon chapeau à l’autrice qui a su si bien parler de la mort en abordant avant tout la vie.



«Alice leva les yeux vers les fenêtres fermées de Richard et se dit, dans un lit d’une chambre de cet appartement, dans cette maison de cette rue, un homme que je connais est en train de mourir. Tous les autres sont occupés à autre chose, Penser cela, c’était à peu près comme réciter un poème, les mots d’un étranger, rien qui puisse se concevoir. » (p. 100)



Bien à vous,



Madame lit




Lien : https://madamelit.ca/2021/11..
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Certains souvenirs

Prêté par une amie, je me suis lancée dans la découverte de ce recueil de nouvelles. J’aime lire des nouvelles, surtout lorsque mon quotidien est bien rempli car il me permet de stopper ma lecture avec plus de facilité. Etant dans une période chargée, j’ai donc été ravie de découvrir cet ouvrage dont la couverture matchait complètement avec la vue de ma fenêtre.



J’ai malheureusement assez rapidement déchanté. J’ai essayé de m’accrocher à chaque histoire, à chaque personnage en vain. J’aurai aimé me sentir portée mais je dois avouer m’être sentie perdue parfois ne cherchant pas où Judith Hermann souhaitait m’emmener. Je suis donc restée sur ma faim.



Ici tout est question d’impressions, de sentiments, j’aurai aimé en ressentir face à cette lecture mais malheureusement cela n’a pas été le cas. J’ai donc abandonné cette lecture en cours de route, préférant privilégier d’autres lectures plus palpitantes.
Lien : https://deslivresetdescoquel..
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Certains souvenirs

Je tiens tout d'abord à remercier Babelio et les éditions Albin Michel pour cet envoi!

J'ai beaucoup apprécié le format nouvelles, et le fait que le propos est sous-tendu par le style: on a vraiment l'impression de plonger dans des souvenirs, avec les non-dits et les flous que le souvenir implique.

J'ai adoré certaines de ces nouvelles (Charbon, notamment...); en revanche, j'ai trouvé dommage de ne pas avoir plus d'information sur les narrateurs et les personnages; j'aime pouvoir imaginer les personnes dont on me parle ou qui parlent... Et là j'ai ressenti un manque.

Mais si vous aimez les récits teintés de nostalgie et les histoires crues, sans fard, et sans paillettes, foncez!

On peut lire ce livre d'un trait, ou nouvelle par nouvelle, c'est l'avantage!
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