Citations de Jules Verne (2145)
Le mince croissant de la lune, délié comme une faucille d'argent, avait disparu presque aussitôt après le coucher du soleil. Des nuages, venus de l'ouest, éteignirent successivement les dernières lueurs du crépuscule. L'ombre envahit peu à peu l'espace en montant des basses zones. Le cirque de montagnes s'emplit de ténèbres, et les formes du burg disparurent bientot sous le crêpe de la nuit.
Il y avait nécessité immédiate de devancer les cavaliers uzbeks sur la route d’Irkoutsk et de mettre l’Obi entre eux et lui. Mais, pour cela, il fallait fuir avant que le bivouac soit levé.
Il n’y avait donc pas un instant à perdre. Il était une heure du matin. Il fallait profiter de l’obscurité que l’aube allait chasser bientôt, pour quitter le petit bois et se jeter sur la route ; mais, bien que la nuit dût la favoriser, le succès d’une telle fuite paraissait presque impossible.
Michel Strogoff en rampant sous l’herbe, s’approcha de son cheval, qui était couché sur le sol. Il le flatta de la main, il lui parla doucement, il parvint à le faire lever sans bruit.
En ce moment ― circonstance favorable ― les torches, entièrement consumées, étaient éteintes, et l’obscurité restait encore assez profonde, au moins sous le couvert de mélèzes.
Michel Strogoff, après avoir remis le mors, assuré la sangle de la selle, éprouvé la courroie des étriers, commença à tirer doucement son cheval par la bride. Du reste l’intelligent animal, comme s’il eût compris ce que l’on voulait de lui, suivit docilement son maître, sans faire entendre le plus léger hennissement. Malheureusement, au moment où Michel Strogoff allait franchir la lisière du taillis, le cheval d’un Uzbek, le flaira, hennit et s’élança sur la route.
En vérité, le docteur eut été capable de mettre le tonnerre en pilules.
On rencontra des gens ivres, et, parmi ces gens ivres, souvent des notables.
- Vous avez le temps... mais attention votre montre retarde ! Vous avez gardé l'heure de Londres, qui retarde de deux heures sur Suez. Ayez soin de remettre votre montre au midi de chaque pays.
- Moi, toucher à ma montre ? Jamais ! une montre de famille qui vient de mon arrière-grand-père.
-Eh bien, elle ne sera plus d'accord avec le soleil.
- Tant pis pour le soleil, monsieur ! C'est lui qui aura tort !
Quelquefois aussi, l’accordéon de Garnett laissait échapper une de ces harmonies écœurantes que le malencontreux mélomane « soufflait » avec une conviction regrettable.
Trois secondes avant l'arrivée de la lettre de J.B. Hobson, je ne songeais pas plus à poursuivre la licorne qu'à tenter le passage du Nord-Ouest. Trois secondes après avoir lu la lettre de l'honorable secrétaire de la marine, je comprenais enfin que ma véritable vocation, l'unique but de ma vie, était de chasser ce monstre inquiétant et d'en purger le monde.
J'ai commencé ce voyage; je l'accomplirai jusqu'au bout, ou je n'en reviendrai pas.
A quoi bon, répondit le capitaine Nemo, chasser uniquement pour détruire ! […] Je sais bien que c’est un privilège réservé à l’homme, mais je n’admets pas ces passe-temps meurtriers. En détruisant la baleine australe comme la baleine franche, êtres inoffensifs et bons, vos pareils, maître Land, commettent une action blâmable. C’est ainsi qu’ils ont déjà dépeuplé toute la baie de Baffin, et qu’ils anéantiront une classe d’animaux utiles. Laissez donc tranquilles ces malheureux cétacés. […] [S]ans compter l’homme, les baleines ont assez d’autres ennemis naturels. Celles-ci vont avoir affaire à forte partie avant peu. Apercevez-vous, monsieur Aronnax, à huit milles sous le vent ces points noirâtres qui sont en mouvement ? […] Ce sont des cachalots, animaux terribles que j’ai quelquefois rencontrés par troupes de deux ou trois cents ! Quant à ceux-là, bêtes cruelles et malfaisantes, on a raison de les exterminer.
Mais, en ce moment, mon attention fut distraite par l'entrée d'un jeune ménage qui semblait être sous l'impression d'un précoce ennui.
"Ce sont des Péruviens, mon cher monsieur, me dit le docteur, un couple marié depuis un an, qui a promené sa lune de miel sur tous les horizons du monde. Ils ont quitté Lima le soir des noces. Ils se sont adorés au Japon, aimés en Australie, supportés en France, disputés en Angleterre, et ils se sépareront sans doute en Amérique !
Que l'on veuille bien se reporter de quinze jours en arrière au début de ce drame.
Un homme vient d'apparaître sur la rive du lac Peipous. Pendant la nuit, il s'est jeté à travers les glaçons dont la surface du lac est hérissée. Une ronde de douaniers, croyant suivre la piste de quelque fraudeur, s'est lancée sur ses traces, et, au moment où il se dissimulait entre les blocs, elle a fait feu sur lui. Cet homme n'a pas été atteint et a pu se réfugier dans une hutte de pêcheurs, où il a passé la journée. Puis le soir venu, il s'est remis en marche, a dû fuir devant une bande de loups, n'a trouvé d'abri que dans un moulin d'où un brave meunier a favorisé son évasion.
Ces qualités, il les tenait de sa mère comme tous ces Touareg qui suivent le sang maternel. Parmi eux, en effet, la femme est l'égale de l'homme, si même elle ne l'emporte.
Et, d'ailleurs, qui sait si la terre ne sera pas trop petite un jour pour ses habitants dont le nombre doit atteindre près de six milliards en 2072 - à ce que, d'après Ravenstein, les savants affirment avec une étonnante précision ?
Si, par bonheur, on ne doit pas prendre contact avec les bandits, c'est que cet estimable type a totalement disparu de l'Ouest-Amérique, ou qu'il s'occupe alors d'opérations financières sur les marchés de l'ancien et du nouveau continent !
Lamentations d'un poil de cul de femme
Il est dur lorsque sur la terre
Dans le bonheur on a vécu
De mourir triste et solitaire
Sur les ruines d'un vieux cul.
Jadis dans une forêt vierge,
Je fus planté, sur le versant
Qu'un pur filet d'urine asperge,
Et parfois un filet de sang.
Alors dans ce taillis sauvage,
Les poils poussaient par mes sillons,
Et sous leur virginal ombrage,
Paissaient de jolis morpions.
Destin fatal ! un doigt nubile
Un soir par là vint s'égarer,
Et de sa phalange mobile
Frotter, râcler et labourer.
Bientôt au doigt le vit sucède,
Et, dans ses appétits ardents,
Appelant la langue à son aide;
Il nous déchire à belles dents.
J'ai vu s'en aller nos dépouilles
Sur le fleuve des passions,
Qui prend sa source dans les couilles,
Et va se perdre dans les cons.
Hélas ! l'épine est sous la rose,
Et la pine sous le plaisir
Bientôt au bord des exostôses,
Des chancres vinrent à fleurir.
Les coqs de leur crête inhumaine
Se parent dans tous les chemins :
Dans le département de l'Aine
Gambadent les jeunes poulains.
Mais, quand le passé fut propice,
Pourquoi songer à l'avenir ?
Et qu'importe la chaudepisse
Quand il reste le souvenir ?
N'ai-je pas vu tous les prépuces,
Avoir chez nous un libre accès,
Alors même qu'ils étaient russes,
Surtout quand ils étaient français.
J'ai couvert de mon ombre amie
La grenette de l'écolier,
Le membre de l'Académie,
Et le vit du carabinier.
J'ai vu le vieillard phosphorique,
Dans un effort trop passager,
Charger avec son dard étique,
Sans parvenir à décharger.
J'ai vu – mais la motte déserte
N'a plus de flux ni de reflux,
Et la matrice trop ouverte,
Attend vainement le phallus.
J'ai perdu, depuis une année,
Mes compagnons déjà trop vieux,
Et mes beaux poils du périnée
Sont engloutis dans divers lieux.
Aux lèvres des jeunes pucelles,
Croissez en paix, poils ingénus.
Adieu, mes cousins des aisselles,
Adieu, mes frères de l'anus !
J'espérais à l'heure dernière,
Me noyer dans l'eau des bidets,
Mais j'habite sur un derrière
Qu'hélas on ne lave jamais.
- Il eut parlé longtemps encore,
Lorsqu'un vent vif précipité,
Broyant, mais non pas inodore,
Le lança dans l'éternité.
Ainsi tout retourne dans la tombe,
Tout ce qui vit, tout ce qui fut,
Ainsi tout change ainsi tout tombe,
Illusions… et poils du cul.
(Les taureaux d'Argentine) sont d'ailleurs d'humeur douce, et n'ont pas cette horreur instinctive du rouge qui distingue leurs congénères européens.
"Cela vient sans doute de ce qu'ils paissent l'herbe d'une république !" dit Paganel, enchanté de sa plaisanterie, un peu trop française peut-être.
Et moi, qui avais naïvement demandé à notre hôtesse, vieille Picarde à tignasse rebelle, s'il n'y avait pas de puces dans son dortoir !
"Oh non ! m'avait-elle répondu... Les punaises les mangeraient !"
Qu'eut dit un de nos ancêtres à voir ces boulevards illuminés avec un éclat comparable à celui du soleil, ces mille voitures circulant sans bruits sur le sourd bitume des rues, ces magasins riches comme des palais, d'où la lumière se répandait en blanches irradiation, ces voies de communication larges comme des places, ces places vastes comme des plaines, ces hôtels immenses dans lesquels se logeaient somptueusement vingt mille voyageurs, ces viaducs si légers.
"La forêt n'est brûlée que par ses propres arbres",
disait-il, sans se douter qu'il citait un des plus beaux proverbes arabes.
- La science, mon garçon, est faite d'erreurs, mais d'erreurs qu'il est bon de commettre, car elles mènent peu à peu à la vérité.