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Citations de Junichirô Tanizaki (471)


Ce que j’avais cru être un grillon ne l’était pas, puisque c’était le bruit de mon propre souffle. Ce matin, l’air était sec, ma gorge de vieillard archi-sèche, et j’étais vaguement enrhumé : un sifflement s’échappait chaque fois que je respirais. Apparemment, mon souffle faisait vibrer ma gorge ou peut-être mes fosses nasales, j’étais bien incapable de le préciser. (…) Vraiment, je n’arrivais pas à croire que mon corps puisse émettre une stridulation si adorable, et gardais l’impression qu’il y avait bien un insecte. Toutefois, il fallait se rendre à l’évidence : en inspirant et expirant à l’essai, je stridulais effectivement. Amusé, je répétai sans me lasser la même opération. Quand je respirai plus profondément, le volume augmentait d’autant, comme si j’avais été en train de jouer d’une flûte.

(p. 98)
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Il y a de cela deux ou trois ans, ma femme et moi avons reçu les noms bouddhiques que nous porterons après la mort. Mon nom est « Le-Pieux-Laïque-Intelligence-solaire-Méditation-aisée-résidant-au-Pavillon-de-la-Science-Acérée », celui de ma femme « La-Pieuse-Laïque-Guimauve-solaire-Clarté-sublime-résidant-au-Pavillon-de-l’Éclat-paisible », mais comme je n’aime pas la secte Nichiren, je pense demander à changer pour la secte de la Terre pure ou pour la Tendai. Si je n’aime pas la Nichiren, c’est essentiellement parce que leurs autels abritent une poupée d’argile coiffée d’un bonnet de coton, laquelle représente le moine fondateur Nichiren, que l’on se voit obligé de vénérer ainsi.

(p. 42-43)
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À peine installée sur le tabouret, et à peine la pose prise, O-Fumi-san se trouva métamorphosée en la femme dessinée par Kunisada. J’ai dit tout à l’heure à quel point il fallait être mince et souple pour prendre cette posture. (…) Sans la fière allure d’O-Fumi-san, il eût été inconcevable d’arriver à une si parfaite imitation de la femme de l’estampe. Elle avait, lorsqu’elle était geisha, la réputation d’être une bonne danseuse ; elle devait en être une en effet. Si elle avait été un modèle ordinaire, jamais elle n’aurait pu mouvoir son corps avec autant de souplesse, tout en imitant à la perfection cette pose difficile. Avec un sentiment d’ivresse et de ravissement, je comparais tour à tour la femme de l’estampe et O-Fumi-san. Je les regardais tant et tant que je ne savais plus distinguer le modèle vivant de la personne peinte.

("Le pied de Fumiko", p. 87)
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La plupart des vieilles maisons de commerce de la ville basse étaient construites sur le même modèle : une entrée étroite conduisait à des pièces assez spacieuses, mais plus on avançait vers le fond, plus la lumière du jour avait du mal à pénétrer, au point de donner l’impression, en pleine journée, d’être dans une grotte. La maison des Tsukakoshi n’échappait pas à cette règle. La chambre du Retraité, qui se trouvait tout au fond, était particulièrement sombre. Lorsqu’il faisait tant soi peu mauvais, on ne pouvait même plus déchiffrer le journal à trois heures de l’après-midi.

("Le pied de Fumiko", p. 77-78)
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Elle était à peine maquillée, chose rare pour une jeune femme de cette époque, de surcroît ancienne geisha. La blancheur de son teint diffusait une lumière diaphane comme dans un rêve. Seuls se yeux se détachaient, nets et vivaces, comme des scarabées sur une feuille blanche.

("Le pied de Fumiko", p. 74-75)
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Ainsi que je l’ai noté précédemment, Naomi était plus petite que moi de deux ou trois centimètres. Quant à la comtesse, plutôt petite pour une Occidentale, sa taille dépassait néanmoins la mienne ; peut-être à cause des hauts talons ? En tout cas, lorsque nous dansions ensemble, sa gorge saillante touchait presque ma tête. La première fois qu’elle me dit : « Walk with me ! » et qu’elle coula son bras derrière mon dos pour m’apprendre le one-step, quelle violence je me suis faite pour ne pas effleurer sa peau de mon visage noiraud ! C’était déjà beaucoup que de le contempler de loin, cet épiderme lisse et net ! Serrer sa main semblait déjà presque une impolitesse : alors être pressé contre cette poitrine avec le seul écran d’un tissu soyeux prenait l’allure d’un interdit. Et que d’inquiétudes ! Si j’avais mauvaise haleine ? Si le contact un peu visqueux de mes mains grasses lui était désagréable ? Quand de temps à autre une de ses mèches retombait sur ma joue, je ne pouvais m’empêcher de frissonner. Qui plus est, son corps exhalait une odeur étonnamment suave.

(p. 83-84)
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Pour moi, j'aimerais tenter de faire revivre, dans le domaine de la littérature au moins, cet univers d'ombre que nous sommes en train de dissiper. J'aimerais élargir l'auvent de cet édifice qui a nom "littérature", en obscurcir les murs, plonger dans l'ombre ce qui est trop visible, et en dépouiller l'intérieur de tout ornement superflu.
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Mais ce que l'on appelle le beau n'est d'ordinaire qu'une sublimation des réalités de la vie, et c'est ainsi que nos ancêtres, contraints à demeurer bon gré mal gré dans des chambres obscures, découvrirent un jour le beau au sein de l'ombre, et bientôt ils en vinrent à se servir de l'ombre en vue d'obtenir des effets esthétiques.
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Ils se regardaient droit dans les yeux, ce qui leur était exceptionnel. Le mari observait sa femme avec gêne. Lançant des ronds de fumée d'une mince cigarette à bout doré, elle masquait son embarras par une certaine rudesse. Sa façon de s'exprimer, ses jeux de physionomie ─ reflets peut-être de ses conversations avec Aso ─ se modifiaient à son insu. Lorsque Kaname voyait s'opérer sous ses yeux cette transformation, il ne pouvait s'empêcher de sentir, avec une acuité douloureuse, que Misako ne faisait plus partie de sa maison. Jusqu'ici, chacun des mots de cette femme, chacune de ses inflexions, portaient l'empreinte de sa famille ; or voici que peu à peu s'y substituaient des tournures nouvelles. Kaname, qui n'avait pas prévu que la tristesse des adieux lui viendrait de cette façon, imaginait le déchirement que lui causerait l'ultime scène désormais imminente. Mais à la réflexion, n'avait-elle pas déjà disparu de la face du monde, celle qui avait été sa femme ? La Misako qui se tenait devant lui n'était-elle pas entièrement renouvelée, détachée, sans qu'il s'en fût aperçu, de tous les liens du passé ? Il s'en affligeait, mais ce qu'il éprouvait devait être différent de ce qu'il est convenu d'appeler le regret. Peut-être avait-il à son insu déjà passé la dernière crise, celle qu'il appréhendait tant.
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En deux mots, on distingue les écrivains de l'objectivité et les écrivains de la subjectivité.
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Les lourds nuages de la saison des pluies qui allait commencer assombrissaient un bonne partie du ciel, laissant le reste à quelques étoiles ensommeillées.
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Car un laque décoré à la poudre d’or n’est pas fait pour être embrassé d’un seul coup d’œil dans un endroit illuminé, mais pour être deviné dans un lieu obscur, dans une lueur diffuse qui, par instants, en révèle l’un ou l’autre détail, de telle sorte que, la majeure partie de son décor somptueux constamment caché dans l’ombre, il suscite des résonances inexprimables.
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A l'époque féodale, la vertu d'une femme voulant qu'elle se soumette absolument à son mari, elle se serait pliée à tous ces désirs, aussi infâmes ou répugnants qu'ils soient, et n'aurait d'ailleurs pas pu faire autrement.
A plus forte raison dois-je l'accepter de mon mari qui, sans les stimulations que lui procurent ces jeux insensés, est incapable d'accomplir l'acte de façon satisfaisante pour moi.
(...)
Je ne fais pas que remplir mon devoir. D'un certain point de vue, je demeure une épouse vertueuse et docile et, en échange, j'obtiens de lui qu'il comble mes appétits charnels dévorants.
(...)
Cela dit, je me demande pourquoi mon mari ne peut se contenter de me mettre nue, mais veut en plus me prendre en photos et, sans doute pour me les montrer, les fait agrandir et les colle dans son cahier.
(...)
La passion violente que suscite la jalousie, l'exacerbation des pulsions sexuelles obtenues grâce au spectacle inépuisable de ma femme nue, tout cela me conduit à une folie qui ne connaît pas de limite.
(...)
Pour l'instant, je suis infiniment plus porté sur la chose que ma femme. Quand je pense que, nuit après nuit, je suis plongé dans une extase que je n'aurais même pas osé imaginer en rêve, je ne peux m'empêcher d'être reconnaissant du bonheur qui m'échoit, mais en même temps, j'ai le pressentiment qu'un tel bonheur ne saurait durer, que tôt ou tard je devrai le payer, que minute après minute je rabote mon destin.
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Eh bien, je trahirai le secret : tout bien considéré, ce n'est que la magie de l'ombre ...
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Le père n'avait eu que des filles, aucun fils. Dans ses dernières années, il s'était retiré et avait passé la direction de la maison au mari de sa fille aînée, Tatsouo, qu'il avait adopté. Il avait aussi marié sa deuxième fille Satchi ko, qui avait fondé une branche cadette. Quand la troisième, Youki ko, arriva à son tour à l'âge de se marier, son père n'était malheureusement plus là pour lui trouver un bon parti.
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Chaque fois que, dans un monastère de Kyôto ou de Nara, l’on me montre le chemin des lieux d’aisance construits à la manière de jadis, semi-obscurs et pourtant d’une propreté méticuleuse, je ressens intensément la qualité rare de l’architecture japonaise. Un pavillon de thé est un endroit plaisant, je le veux bien, mais des lieux d’aisance de style japonais, voilà qui est conçu véritablement pour la paix de l’esprit. Toujours à l’écart du bâtiment principal, ils sont disposés à l’abri d’un bosquet d’où vous parvient une odeur de vert feuillage et de mousse ; après avoir, pour s’y rendre, suivi une galerie couverte, accroupi dans la pénombre, baigné dans la lumière douce des shôji et plongé dans ses rêveries, l’on éprouve, à contempler le spectacle du jardin qui s’étend sous la fenêtre, une émotion qu’il est impossible de décrire. Au nombre des agréments de l’existence, le Maître Sôseki comptait, paraît-il, le fait d’aller chaque matin se soulager, tout en précisant que c’était une satisfaction d’ordre essentiellement physiologique ; or, il n’est, pour apprécier pleinement cet agrément, d’endroit plus adéquat que des lieux d’aisance de style japonais d’où l’on peut, à l’abri de murs tout simples, à la surface nette, contempler l’azur du ciel et le vert du feuillage.
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En un instant, il se trouva à nouveau en proie à des sentiments violents et sauvages.Il ramassa silencieusement la cordelette de chanvre qui traînait par terre, devant ses pieds, et en un éclair la passa autour du cou de la femme pour inscrire dans les faits l'acte qu'il venait d'accomplir dans sa tête.
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Extrait de "La complainte de la sirène" :

Au signal de la voix du maître, les sept concubines apparurent immédiatement par un passage au store orné de broderies, et vinrent se présenter l'une après l'autre, comme des tourterelles apprivoisées.
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Alors que nous sommes mariés depuis plus de vingt ans, que notre fille est en âge de se marier à son tour, formons-nous un vrai couple, nous qui, au lit, nous contentons d'accomplir la chose en silence, sans jamais échanger aucun tendre aveu ? C'est la frustration de ne pouvoir parler directement avec elle de notre intimité qui m'a décidé à consigner tout cela. Désormais, je tiendrai ce journal comme pour m'adresser directement à elle, en supposant - que ce soit ou non le cas en réalité - qu'elle le lit en cachette.
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Je ne connais pas d’autres hommes que mon mari, mais je me demande si tous les hommes sont aussi importuns ? Est-ce la coutume chez eux de se montrer aussi ennuyeusement collants pour se livrer à toutes sortes de jeux inutiles ?
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