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Critiques de Karel Capek (177)
L'Année du jardinier

Ne vous fiez pas à cette couverture, elle ne correspond pas au jardin de l'auteur tchèque ,Capek.

Sous forme d'almanach, l'auteur dépeint le jardinier et son paradis terrestre avec les émois, les caprices et la patience d'un féru des plantes. Des positions incongrues du jardinier aux fleurs géantes, des catalogues aux va et vient des arrosoirs, seul le jardinier s'acharne devant son lopin de terre pour s'émerveiller devant ses efforts assidus.

Pas le temps de s'ennuyer quand on désire un joli jardin.

Le travail de ce jardinier m'a éreinté. J'ai transpiré, soufflé, pesté et admiré son coin de paradis.

Maintenant j'ai récolté un lumbago.

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La guerre des salamandres

Karel Capek est l’un des pionniers du genre littéraire de la science-fiction, puisque c’est même lui qui a inventé le mot « robot » en 1921. Peu adepte du genre, j’ai décidé de découvrir ce roman sur conseil d’ami et je ne le regrette pas. Mêlant le fantastique, l’humour et le roman social, ce livre est criant de réalisme.



Le roman est découpé en trois livres. Tout commence avec la découverte d’une nouvelle espèce de salamandre, immense, et humanisée. Le livre explore les enjeux sociaux, économiques, politiques, scientifiques, et moraux de l’exploitation de cette nouvelle espèce. En effet, elles peuvent facilement devenir une force de travail pour les hommes. Les salamandres se développent très rapidement, au point que le renversement de l’Humanité ne devienne inévitable. Il y a peu de personnages, donc on ne peut pas vraiment s’attacher à une personne en particulier, on suit l’Humanité entière, Hommes comme Salamandres.



L’écriture est fluide et addictive, avec beaucoup d’humour et de cynisme, pas mal noir. C’est une satire de la société et des rapports entre personnes, que Kapec a écrit en pleine montée du stalinisme, ce que l’on ressent beaucoup dans son écriture avec une critique de l’uniformité. L’addictivité vient également du réalisme du roman : le récit est entrecoupé de faux articles, dessins et schémas, comme si cela se passait vraiment. Il y a un fort ton journalistique.



Un chef-d’œuvre pour moi, qui mérite d’être lu. L’histoire est géniale, et très prenante !
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R.U.R. : Rossum's Universal Robots

Une très belle réédition d'un texte fondateur de la SF et plus particulièrement de la figure du robot (terme qui apparaît d'ailleurs dans cette pièce de théâtre pour la première fois).



Les robots Rossum ont remplacé les hommes au travail. Mais après plusieurs années de servitude, les robots - légèrement modifiés- éprouvent des sentiments et finissent par se rebeller...



Un texte qui fait penser à Metropolis ou plus récemment Westworld.
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Voyage vers le nord

Ce livre attire le regard tant la couverture est belle et mystérieuse. Avec ses pages intercalaires toute noires, et une impression parfaite, ce livre est très beau. Je remercie sincèrement l'ami qui me l'a offert. Je me rends compte qu'il me connaît bien car il m'a touchée sur un sujet que j'adore : les pays nordiques. Là, je peux vous dire que le Danemark, la Suède et la Norvège, vus par Karel Capek en 1936, c'est tout simplement magique. Je me suis laissée emportée par la grâce de ses mots, la franchise de ses croquis. Ses appréciations parfois ironiques et même acides tempèrent l'extase devant des paysages magnifiques à couper le souffle. J'ai eu l'impression de voyager à ses côtés et j'ai adoré. Triste d'être arrivée au bout de cette lecture et devoir atterrir dans ma réalité.
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Voyage vers le nord

Après avoir chroniqué L’année du jardinier de Karel Čapek, je m’étais promis de découvrir un autre titre de cet auteur tchèque majeur du XXème siècle. Je jetais donc mon dévolu sur un récit de voyage rédigé peu avant la Seconde Guerre Mondiale et le décès de l’écrivain, Voyage vers le Nord.



Le voyage vers le Nord conduit Karel Čapek vers le Danemark, la Suède puis les fjords de Norvège. Il effectue ce voyage seul, et même s’il nous gratifie de quelques rencontres plaisantes, c’est bel et bien la nature et les paysages traversés qui font office de personnage principal du roman et auxquels l’auteur n’hésite pas à s’adresser directement.



Il effectue d’abord un bref passage au Danemark, un pays propère où il fait bon vivre et où les gens se font confiance, décrite (comme toujours) avec le sens de la formule :



"Rien à dire, c’est un tout petit pays, quoi qu’il compte plus de cinq cents îles ; c’est une petite tranche de pain, mais bien beurrée. Loués soient ces troupeaux, ces granges, ces pis gonflés, ces clochers émergeant de la cime des arbres, ces ailes de moulins qui tournent dans une brise fraîche…"



N’oublions pas que ce voyage fut effectué en 1936, et Čapek est conscient de la montée de périls. Rédigeant dès 1924 une critique du communisme, il dénonce également le national-socialisme. Les nazis avaient d’ailleurs couché son nom sur la liste des personnes prioritaires pour la déportation après l’invasion de la Tchécoslovaquie. Sa mort prématurée en 1938 lui a évité cette ultime épreuve. Ainsi, dans ce livre, on trouve quelques allusions à la période troublée traversée par l’Europe.



Au fur et à mesure du récit, en concluant son périple et après avoir observé des gens évoluant dans une nature hostile, il perçoit le péril qui monte et la futilité des luttes en cours :



"Un jour, les hommes comprendront qu’aucune victoire n’en vaut la peine ; et, s’il leur faut vraiment des héros, ils pourraient élire ce petit docteur de Hammerfest qui va d’île en île sur son canot à moteur dans la nuit polaire, là où une femme est en train d’accoucher et un enfant de pleurer. Les tambours de la guerre dussent-ils cesser de battre un jour, il y aura toujours bien assez de place pour les hommes courageux et entiers."



Néanmoins, ces quelques lignes ne doivent pas vous détromper sur la nature première de cet ouvrage ; il s’agit d’un récit de voyage où l’on voit défiler devant nous des montagnes, des glaciers, des lacs… le tout servi par un langage très poétique, très imagé. Une lecture qui nécessite une présence de la part du lecteur, une certaine lenteur pour bien savourer. Ajoutons-y un sens de l’humour très développé (ce qui est très tchèque !), illustré ci-dessous par la façon dont il décrit un groupe appartenant à une congrégation chrétienne, ayant pris place sur le même bateau que lui :



"Ils pratiquent avec ferveur l’amour du prochain et s’exercent notamment sur les gens souffrant du mal de mer, les chiens, les jeunes mariés, les enfants, les marins, les autochtones, et les étrangers, en les accostant et en les encourageant, en les apostrophant chaudement, en les saluant, en leur souriant et, d’une façon générale, en les accablant de toutes sortes de prévenances ; ainsi, il ne nous restait plus qu’à nous barricader dans nos cabines pour y balsphémer tout bas, avec acharnement. Que le Dieu de miséricorde prenne nos âmes en pitié !"



Enfin, si L’année du jardinier était richement illustrée par son frère Josef, c’est Karel lui-même qui nous gratifie ici de très jolis croquis des paysages rencontrés.



Il m’a manqué peut-être dans ce livre une partie du charme que j’avais tant apprécié dans L’année du jardinier. Je vous conseille néanmoins d’aller découvrir ce livre en l’empruntant dans votre bibliothèque.
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R.U.R. : Rossum's Universal Robots

La curiosité m'a poussée à lire cette courte pièce de théâtre, écrite par un auteur tchèque en 1920. Qu'a-t-elle de si spécial, en effet ? Juste le fait que, pour les besoins de cette pièce de théâtre, Karel Čapek a inventé le mot "robot" (dérivé du tchèque robota, voulant dire corvée). Les robots décrits par Čapek se rapprochent cependant plus de clones que de machines. Ils sont en effet fabriqués en série à partir de matières organiques dans des usines isolées sur une île. Sur cette île prendra part l'intrigue de la pièce qui met en scène les quelques humains travaillant en tant que dirigeants pour l'usine. Ce qui m'a frappée à la lecture de cette œuvre, c'est qu'elle porte déjà en elle le cœur de ce qui donne corps à beaucoup d'intrigues tournant autour des robots : des être aux capacités sensitives et intellectuelles limitées, prenant conscience d'eux même et se révoltant contre leurs créateurs. Si l'auteur manie avec subtilité un humour cynique des plus réjouissants, la fin est convenue et peu intéressante. D'ailleurs, l'intrigue en elle même ne l'est que lorsqu'elle est remise dans son contexte : écrit dans les années 20, R.U.R. est un texte d'une effroyable modernité, qui, en plus de cet apport à lexicologie, énonce une critique virulente du rationalisme économique et pose les bases d'une des thématique centrale de la science fiction.…
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Lettres d'Italie

Je passe après lanard et LaSalamandreNumérique, qui ont à peu près tout dit sur ces Lettres d'Italie, et me voilà bien embêtée, d'autant que :

1) Je n'avais encore jamais lu Čapek de ma vie, malgré les tas de promesses que je me suis faites durant ces dernières années

2) Je ne suis jamais allée en Italie. Enfin, c'est pas tout à fait exact. Je suis allée vers l'âge de 12 ans dans une petite ville-frontière des Alpes italiennes le temps d'un après-midi, que j'ai passé à manger des glaces italiennes (une découverte marquante ; quand je pense qu'on nous fait passer pour des glaces italiennes ces cochonneries tortillonnées... Mais passons.) le seul autre souvenir que j'en ai, c'est qu'il y avait à côté du marchand de glaces un imposant bâtiment qui m'avait paru très laid et qui abritait une banque, et aussi que la ville était moche.





Tout ça pour dire que je ne partais pas avec tous les atouts en poche pour apprécier à sa juste valeur ces lettres que Čapek a adressées en 1923 au journal Lidove noviny pendant la durée de son voyage en Italie ; l'idée de départ, pour moi, c'était d'apprendre un peu à connaître Čapek.





Alors, est-il nécessaire de connaître Čapek et l'Italie pour lire ce feuilleton journalistique publié plus tard en recueil ? Pour ce qui est de l'auteur, je ne suis pas certaine que ça change grand-chose. Pour ce qui est du pays, c'est certainement beaucoup plus plaisant si l'on retrouve, à travers ce voyage, des villes, des oeuvres d'art, des paysages que l'on a soi-même vus sur place. Je suis forcément passée à côté de tout ce qui relève des réminiscences et de la nostalgie. Ce qui m'a permis en revanche de compenser mes lacunes, c'est mon intérêt pour l'histoire de l'art. C'est tout de même plus sympa de savoir qui sont les peintres auxquels se réfèrent Čapek ; le livre est bien annoté, mais j'imagine que c'est un calvaire que d'aller regarder les notes à chaque fois qu'un artiste est mentionné.





Toujours est-il que l'intérêt principal que j'ai trouvé à ces Lettres d'Italie, c'est l'humour de l'auteur et le décalage qu'il y instille sciemment avec les sempiternels discours des touristes et de leurs guides (le fameux Baedeker est d'ailleurs pris à parti) de 1923 - et d'aujourd'hui. Naples, c'est de l'arnaque. Venise, ouais, bof. Les ruines antiques, ouais, bof. Et le baroque, quelle horreur !!! Čapek utilise le terme à foison : baroque par-ci, baroque par-là, ceci est baroque, cela aussi. Il n'a aucune considération pour le baroque tel que défini par l'histoire de l'art. Est baroque ce qui est déplaisant, lourd, chargé, énervant. Tout ce qui est baroque n'est pas à jeter, mais il y a baroque et baroque, et souvent le baroque déplaisant se fait plus insistant que l'autre. de même, il existe pour Čapek un gothique beau et sobre, et un "gothique courroucé" (dans la traduction française), et ainsi de suite. La Renaissance en prend aussi pour son grade. Et puis il y a Giotto, qui est le plus grand de tous, mais finalement Čapek lui préfère Cimabue, mais non c'est Giotto qui dépasse tout le monde, sauf que Mantegna est le préféré de Čapek, et en fait non, on en revient à Giotto.





Et puis encore, il y a ces petits moments qui feront de toute façon écho chez tout un chacun : ce peut être les descriptions de petites scènes ordinaires, les images des rues encombrées, du linge étendu. Pour moi, ça été surtout deux choses. La consternation de Čapek voyant les palais transformés en banques, banques qui pullulent un peu partout selon lui - Ah ! Ah ! Ah !!! Mais c'est la description de ma ville, ça, et de toutes les villes françaises d'aujourd'hui ! Et l'évocation du mélange d'odeurs de fleurs, de poisson pourri, de fromage, de linge mouillé, de langes d'enfants, de crottin, de légumes pourris et d'huile rance - entre autres parfums - à Monreale. Et Čapek de conclure le chapitre sur Monreale ainsi : "Les beautés et les étrangetés du monde sont inexplicables".







Masse critique Littératures
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Lettres d'Italie

Ici comme dans ma critique précédente il y a un souci d'ISBN et la couverture n'est pas celle que je commente. Dommage. La trouver ici : https://www.lalibrairieniort.com/livre/14845423-lettres-d-italie-karel-capek-la-baconniere

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Il n'est sans conteste pas facile pour moi de commenter « Lettres d'Italie ». Je me trouve en effet dans la position somme toute peu enviable qui sait que son opinion ne sera partagée par quasiment personne. Je vais donc tenter de présenter d'une part mon point de vue très personnel et d'autre part un avis plus neutre.

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Je voudrais d'abord, plus vivement encore que d'habitude, remercier les éditions La Baconnière pour m'avoir offert cette masse critique. Cet ouvrage, pour paraître, a bénéficié d'une subvention du fonds de soutien à la publication de la littérature tchèque en traduction accordée par le ministère de la culture de la République tchèque. Cet éditeur bénéficie par ailleurs du soutien de la République et canton de Genève ainsi que d'une prime d'encouragement de l'Office fédéral de la culture 2020). Je précise ce qui précède pour indiquer que cet ouvrage n'a clairement pas pour objectif d'être vendu à 1 million d'exemplaires. le fait qu'il parvienne jusqu'à moi me semble même fort heureux. Je remercie au passage aussi Laurent Vallance, le traducteur en français de ce livre.

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L'objet livre m'a beaucoup plu. En effet sa couverture cartonnée, souple et non plastifiée, m'a rappelé de nombreux ouvrages hérités de ma grand-mère. Cela en fait sans conteste un objet plus facile à tacher que la moyenne, mais il a le grand mérite de ressembler à un ouvrage de l'époque de l'auteur. de la même façon l'image de couverture est un détail du tableau « martyr de Saint-Sébastien » datée de 1498 (Luca Signorelli). C'est bien entendu parfaitement adapté au sujet ; un voyage culturel en Italie. Mais ce détail, en même temps très graphique, fait immédiatement penser à l'art nouveau comme à son glissement progressif à l'époque vers l'art déco et contextualise ce propos dans son époque comme dans la Bohême. Ce choix, en plus d'être très esthétique, est donc particulièrement habile. Pour indiquer à quel point le travail réalisé a été sérieux je pense qu'il suffit de dire que le texte d'une centaine de pages est accompagné de 60 pages de notes diverses destinées à en permettre la parfaite compréhension. Enfin plusieurs pages blanches, à la fin de cet ouvrage, nous permettent aisément de pouvoir prendre des notes. L'ensemble est d'une très grande qualité, parfaitement pensé et montre une grande érudition. Tout est fait pour que le lecteur puisse profiter au maximum de la découverte de cet ouvrage.

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J'ai une très grande admiration pour Karel Čapek. Cet homme est, avec son frère, l'inventeur du mot robot. En 1922 il a écrit le roman « La fabrique d'absolu », très novateur, où il s'attaque entre autres à l'intégrisme religieux. Son oeuvre est déjà très satirique. En 1936 il publie son ouvrage le plus connu, « La guerre des salamandres ». Ce roman est l'une des dystopique les plus célèbres du XXe siècle. Elle est aussi une critique féroce des travers de son époque, une oeuvre touffue, complexe, d'une grande richesse et profondément imaginative. Elle comprend une critique virulente et drolatique du nazisme. Son ironie, à la fois souriante et féroce par rapport à divers travers de notre espèce, en font un ouvrage à la fois daté et humaniste du plus grand intérêt et un témoignage historique majeur. Cet homme mourra en 1938 d'un oedème pulmonaire quelques mois avant l'invasion de son pays. Il était alors le troisième sur la liste de la Gestapo des personnes à arrêter en priorité. Son frère n'aura pas cette chance relative et mourra au camp de Bergen-Belsen en avril 1945. Pour en revenir aux oeuvres de Karel Čapek, après avoir été brûlées par les nazis elles furent interdites par les communistes car anti totalitaires.

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J'étais donc très curieux de découvrir ces lettres d'Italie, publié en 1923. Elles furent à l'époque un relatif succès d'édition, déjà sans doute parce que l'auteur était connu. Depuis elles ont lentement sombré dans l'oubli. Je suis par ailleurs amoureux de l'Italie en général et de ses arts en particulier. J'espérais de cet ouvrage deux choses principales. Je voulais d'une part un peu mieux comprendre qui était l'auteur, et d'autre part profiter de son regard particulier sur les beautés artistiques de l'Italie. Dans les deux cas j'ai été pleinement satisfait. J'ai, en outre, été ravi de découvrir plusieurs phrases que j'ai trouvé saisissantes. Je voulais vous offrir ici quelques extraits choisis :

-« Je sais maintenant pourquoi je suis si remonté contre la beauté vénitienne. Il n'y a à Venise que des palais et des églises ; la maison de l'homme ordinaire n'est tout simplement rien. Nue, exiguë et sombre, sans corniche, sans petit portail ou colonnette pour la rythmer, puante comme une dent gâtée, n'ayant de pittoresque que son exiguïté de terrier, elle ne témoigne pas du moindre besoin de beauté. Rien ne vous réjouit quand vous vous promenez, ni le joli profil une frise, ni l'encadrement d'une porte, qui voudrait vous accueillir : c'est pauvre mais sans aucune vertu. de fait ses 100 ou 200 palais, ce n'est pas de la culture, mais juste de la richesse, ce n'est pas la vie dans la beauté, c'est de l'ostentation. Et ne me dites pas que c'est à cause du formidable manque de place ; c'est à cause d'une formidable nonchalance. »

- « Et j'affirme maintenant qu'ici le christianisme est mort au sud avec le style roman, au nord avec le gothique. Avec la pleine Renaissance et surtout avec le baroque, commence quelque chose de nouveaux et somme toute d'antipathique : le catholicisme. le christianisme ne peut nous parler que dans la langue primitive, sévère et sainte des premiers styles : il est grave, pur et plutôt simple. En comparaison la renaissance est païenne et le baroque, bigot, fétichistes, en un mot catholique. Culturellement c'est frappant : il y a là quelque chose de plus bas, par rapport à la pureté religieuse originale. Toute cette pompe folle, les marqueteries de marbre, les brocards, les stucs, les ors, les hôtels à pinacle, toute cette froide magnificence, religieusement parlant, est loin de vous dire le millième de ce qu'exprime, avec une gravité et une pureté sans égal, la chapelle de Giotto. »

- « le style, c'est tout, c'est plus que l'homme, car c'est par le style que l'homme atteint directement l'absolu. »

- À propos de Palerme : « C'est pourquoi la langue humaine est incapable d'exprimer les parfums et les puanteurs. Mêlez le jasmin, le poisson pourri, le fromage de chèvre, l'huile rance, les effluves des hommes, le souffle de la mer, l'essence d'orange et l'odeur de chat, et vous obtenez, dilué 10 fois, ce que l'on respire dans l'une des rues du port. Sans oublier les langes d'enfants, les légumes pourrissants, le crottin de chèvre, le tabac, la poussière, le charbon de bois et la pommade. Ajoutez encore le bois pourri, les eaux sales, le linge mouillé et la vieille huile de friture. Et le compte n'y est toujours pas. C'est inexprimable. Les beautés et les étrangetés du monde sont inexprimables.

- « Tu étais au bord des larmes sur la plage de Rimini, envahi d'une terrible nostalgie pour tout ce qui existe sur terre, tandis que les vagues, venaient l'une après l'autre s'échouer à tes pieds et y déposer leur écume irisée, n'y laissant que de la bave et de la vase, et que tu ramassais des coquillages en te remémorant tout ce qui était et ce qui avait été. »

- « Et croyez-moi nous ne comprendrons jamais la disparition de l'Antiquité superbe, tant que nous ne trouverons pas assez de vertu dans la simplicité de l'époque qui l'a dépassée. »

J'ai eu le plaisir de découvrir chez cet homme le démocrate nationaliste, l'homme de préjugés, l'individu parfois étroit et partial mais qui l'assumait. J'ai réellement l'impression d'avoir mieux compris qui était cet écrivain fascinant. Revisiter, grâce à lui, l'Italie que j'aime ainsi que de nombreux chefs-d'oeuvre picturaux et architecturaux, avec 1 siècle d'écart, m'a passionné. Enfin nous partageons le même amour pour la campagne italienne, que ce soit l'incontournable Toscane où l'Ombrie. Comme j'aurais aimé lire ses pages sur les Dolomites ou sur les Grands Lacs italiens !

*

Vous l'aurez compris, j'ai profondément aimé cet ouvrage et je ne l'échangerais pas contre l'ensemble des oeuvres de Musso et d'Amélie Nothomb réunies. Inutile de me proposer d'ajouter Fregni et Werber, la réponse est toujours négative, n'insistez pas ! Pour autant je sais parfaitement que la plupart des personnes mettront au maximum une étoile à ce livre si toutefois elles ont la curiosité, après avoir eu la chance de le croiser, de le feuilleter. Et je peux parfaitement les comprendre. Je ne conseillerais déjà pas ce livre à quelqu'un qui ne connaît pas très bien l'Italie, dans la diversité de ses villes, de ses églises, de ses époques artistiques, de ses collines... Dès lors que le sujet abordé est inconnu l'intérêt d'un regard original et ancien risque d'être pour le moins faible. Une partie du plaisir de la lecture est d'accompagner l'auteur dans des lieux qui nous évoquent intimement quelque chose.

Il est stimulant aussi de mettre en abîme deux aspects. le premier est de comparer l'Italie au début du XXe siècle et au début du XXIe siècle. C'est amusant de noter à la fois à quel point les différences sont considérables et à quel point d'une certaine façon l'âme de ce pays n'a pas du tout changé. le second aspect consiste, de la même façon, à mettre en perspective ce que le touriste du XXIe siècle que chacun de nous peut être a ressenti dans tel ou tel lieu par rapport à ce que pouvait écrire un européen tchèque cultivé de l'entre-deux-guerres devant le même tableau, la même église, le même paysage ou le même spectacle de rue. Les lieux et les époques pèsent sur nos façons de voir et c'est ici très sensible, donc intéressant intellectuellement et affectivement.

*

Je voudrais terminer cette critique en me réjouissant sans mélange du fait que certains livres, comme ici, peuvent encore échapper totalement à la logique commerciale. Ils ne prétendent à aucun élitisme par ailleurs, ils s'adressent juste un public très particulier et restreint qui va avoir alors le bonheur de pouvoir les rencontrer et en profiter pleinement. Combien d'autres supports culturels peuvent nous offrir cette même incroyable diversité ? Merci donc à tous ceux et à toutes celles qui, par le livre ou par d'autres supports, défendent la vision d'une culture à la fois protéiforme et ouverte à tous, non en recherchant le plus petit dénominateur commun mais en proposant au contraire des produits de qualité assez divers pour que chacun d'entre nous puisse trouver son bonheur et une façon de s'enrichir.

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Lettres d'Italie

Après les Lettres d'Angleterre, Les éditions La Baconnière publient Lettres d'Italie, le tout premier récit de voyage que Karel Capek ait publié. C'est lors d'un congé sabbatique (en 1923 il venait de démissionner d'un poste de dramaturge dans un théâtre) qu'il entreprend ce voyage dont la première relation a paru en feuilleton. Si avant ces Lettres d'Italie vous aviez lu les Lettres d'Angleterre dans lesquelles Capek vous régale d'un humour en parfaite harmonie avec son sujet d'observation, vous vous attendrez avec ce voyage au pays de Michelangelo et de Pirandello à la réjouissante alacrité d'un Lawrence Sterne dans le Voyage sentimental.

Or l'Italie où Capek a voyagé est un pays qui vient d'entrer sur la voie du fascisme. Il évoque très peu celui-ci mais on se demande si à travers le dénigrement de l'esprit baroque qu'il reprend tout le long du récit, ce ne sont pas les rodomontades fascistes qui sont visées.



Ces lettres composent une vision binoculaire de l'Italie dont la profondeur est donnée par le décalage entre la très grande érudition de l'auteur et la culture convenue du Beadecker qu'il semble n'avoir jamais lâché durant son séjour.



On ne sait pas trop la confiance qu'il faut donner au paragraphe liminaire de l'introduction ; "Avant mon départ, de bons amis m'avaient envoyé de gros livres sur l'histoire italienne, la Rome antique, l'art en général et d'autres sujets, en me conseillant vivement de tout lire. Je n'en ai rien fait, malheureusement, et ce petit livre est le résultat de ma négligence." S'il n'en a rien lu c'est probablement qu'il était déjà bien trop versé dans tous ces sujets là. Car ses pérégrinations italiennes sont truffées d'histoire de l'art jusqu'à saturation. Et il en semble lui-même le premier agacé.



Par ailleurs, il ne fait pas de doute qu'un esprit aussi prévenu contre les idéologies, qu'un homme qui avait anticipé très tôt les dérives tant nazies que communistes, avait bien identifié la nature du nouveau régime italien. En moquer les outrances lui eût été facile. Il trouva plus fin d'en esquisser une généalogie à travers une réinterprétation non conventionnelle de l'histoire de l'art.



En effet, Karel Capek développe une conception personnelle du baroque en assumant l'anachronisme qui le lui fait remonter à la Rome des Césars : pour lui, le gigantisme du Colisée relève du baroque au même titre que la pompe catholique de la Contre-Réforme. Admirateur enthousiaste de Giotto, Karel Capek s'agace du génie d'un Michelangelo dont il admire la maîtrise artistique aboutie tout en étant navré de ses démonstrations de force.



À ce baroque, perversion d'un art asservi au pouvoir des Princes, Karel Capek oppose un art contemplatif et humble; un art populaire dont il fait remonter la généalogie aux étrusques qu'il oppose aux Romains.

Il y a dans ce livre comme un échos inversé aux Regrets de du Bellay ; car quand celui-ci regrette la grandeur déchue d'une romanité fantasmée, l'autre s'éfare des fantasmes d'un pouvoir dont l'âpreté prend le masque populiste de la vertu. Au fantasme de la grandeur Antique, Karel Capek oppose la simplicité rustique et à ceux qui ne retiennent des siècles qui la suivirent que l'obscurantisme borné qu'on leur prête il affirme (p.94): "Et croyez-moi, nous ne comprendrons jamais la disparition de l'Antiquité superbe, tant que nous ne trouverons pas assez de vertus dans la simplicité de l'époque qui l'a dépassée."
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R.U.R. : Rossum's Universal Robots

Bonsoir, un genre différent ce soir pour mon retour de lecture une pièce de théâtre écrite en 1920. Je vous parle de R.U.R. Rossum's Universal Robots de Karel Capek. Il s'agit d'une pièce de science-fiction.Il s'agit d'un auteur tchèque classique très connu (1890-1938). L'intérêt premier de cette pièce est l'utilisation pour la première fois du mot Robot. Il a inventé ce mot à partir du mot tchèque robota qui signifie travail. La pièce est une pièce utopiste sur un monde où des humains ont fabriqué des robots pour se faciliter la vie et profiter uniquement du temps libre. Bien évidemment les robots fabriqués sont de plus en plus performants jusqu'à se rebeller. C'est aussi un conte philosophique sur la place de l'homme, la nature et la science. C'est une très belle découverte pour moi.

quatrième de couv.Rossum, un scientifique génial, invente un robot. Ses successeurs le perfectionnent et la société Rossants Unirersal Robots commence à les produire en masse. Les robots sont des machines capables de penser qui s'imposent comme une force de travail extraordinairement peu coûteuse, productive et sans prétentions, mais manquent de vie spirituelle et de sentiments. Des millions de robots remplacent progressivement les hommes, et la compagnie R.U.R. gagne des milliards. Les hommes devenus anachroniques et inutiles sont condamnés à l'inactivité et à l'oisiveté. L'humanité tombe vite en décadence. perd sa capacité à se développer, ne procrée plus. Les robots font les guerres et finissent par se révolter contre leurs maîtres, les hommes. Leur but est de tuer tous les hommes parce que les robots s'estiment beaucoup plus parfaits et ne veulent plus être commandés par eux.
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La guerre des salamandres

Quelle belle découverte. L'histoire de l'évolution remaniée ou anticipée? j'ai tout adoré de ce roman. Le style, très agréable et qui nous plonge dès la première page dans cet univers romanesque juste génial, entre l’île au trésor, le meilleur des mondes et un brin de "fleurs pour Algernon".

Les annotations, dessins, schémas, articles de presse et autres documents qui ponctuent le livre en font presque un objet précieux.

Les personnages, l'histoire et la réflexion sont bien poussés sans être trop et en restant parfaitement crédible.

Une pépite que j'ai découvert par hasard, comme un trésor précieux. :-)

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La Mort d'Archimède

Texte très court mais bien écrit
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L'Année du jardinier

Ecrit en 1929. Faut le préciser parce que sans doute la permaculture bouleverserait bien des propos du livre. Qui est fort précis dans les conseils, les techniques, et sur la personne du jardinier. Avec pas mal d'humour et d'autodérision appréciable.

A offrir aux amateurs des jardins.
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La guerre des salamandres

Cela fait longtemps que « R.U.R », la pièce à l’origine du mot robot dans son sens aujourd’hui universel, est dans la liste des œuvres littéraires que je veux absolument découvrir. Je n’ai pas encore eu l’occasion de la lire mais du coup le nom de Capek ne m’était pas inconnu. Alors quand, dans un vide-grenier, je suis tombée sur cette « guerre des salamandres » du même Karel Capek je me suis empressée de l’acheter. Il serait vraiment dommage de ne voir en Capek que l’auteur à l’origine du mot robot. La lecture de « la guerre des salamandres » m’a permis de découvrir un auteur vraiment très intéressant et dont l’œuvre entière semble mériter d’être découverte.



Quel curieux roman que cette « guerre des salamandres » ! Je ne savais rien du roman avant de le commencer, ce qui fait que la surprise a été totale. Il s’agit d’une lecture vraiment déroutante. En s’attaquant au récit de Capek, il ne faut pas s’attendre à un roman dystopique dans la lignée de « 1984 ». Peut-on même parler de roman ? Le récit se rapproche davantage d’une fable satirique. Il n’y a pas, comme dans un roman, de héros auquel le lecteur pourra véritablement se raccrocher. Même si la première partie du livre ressemble à un roman d’aventure exotique, le lecteur est vite dérouté par le fait que Capek délaisse assez vite le personnage du capitaine Van Toch pour narrer la rencontre entre les salamandres et des personnalités du milieu d’Hollywood. Mais Capek ne va pas s’attarder sur le producteur et la starlette et va s’intéresser au destin d’une salamandre savante. Après un interlude aux allures de publication scientifique, la 2ème partie consiste principalement à une succession d’extraits d’articles de journaux. De la même façon, la 3ème partie multiplie les angles de vue. Le schéma narratif n’est pas celui d’une fiction classique. La volonté de Capek est de proposer la forme la plus adaptée à son propos, ce qu’il réussit pleinement selon moi. Le propos est d’ailleurs riche et pertinent. Les thèmes abordés et les questionnements soulevés sont nombreux et stimulants.

Le style de Capek est terriblement efficace. Il fait souvent preuve d’un ton mordant et d’un humour acide qui renforcent l’impact de son propos. Tout y passe, la vacuité du monde du spectacle, la vanité des scientifiques, le nationalisme, le bellicisme, l’exploitation capitaliste, et j’en passe… C’est en fait la bêtise humaine que Capek pointe du doigt. Il n’est guère étonnant que les nazis l’aient considéré comme devant être le premier écrivain tchèque à mourir. Comme un ultime pied de nez à la laideur de l’humanité, Capek n’a pas laissé le temps aux nazis de le tuer, il s’est éteint avant son arrestation programmée.



Si ce livre n’est pas de ceux qui suscitent des émotions, il stimule l’intellect, pousse à la réflexion et s’avère brillant dans sa peinture des travers de l’humanité. Capek est incontestablement un grand auteur dont j’ai envie de découvrir l’ensemble de l’œuvre.

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Lettres d'Angleterre

Ces Lettres relatent le voyage que fait le journaliste tchèque Karel Capek en Angleterre, en Ecosse, au Pays de Galles et (à peu de choses près) en Irlande en 1924 : Lettres, parce qu’elles se présentent sous la forme de textes envoyés au journal praguois Lidové Noviny au cours de ce séjour. Ecrites à destination des lecteurs de ce quotidien lu par l’élite culturelle, leur ton est à la fois léger, amusant et faussement naïf. Capek, qui avait déjà fait de nombreux voyages mais dont c’était le premier sur les îles Britanniques, rend compte un peu en vrac de ses observations : sur les policemen londoniens « semblables à des dieux », sur les arbres centenaires dont il suppute qu’ils ont une grande influence sur le torysme anglais, sur la morosité des dimanches, la circulation dans la capitale ou encore sur les joueurs de cornemuse. Peut-être, s’il était envoyé aujourd’hui en voyage, Capek ferait-il le choix de faire son récit sous forme de story Instagram.
Lien : https://passagealest.wordpre..
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L'Année du jardinier

Quelle lecture jubilatoire!

Sous la forme d’un almanach plus que loufoque, l’auteur revisite les manuels de jardinage à l’usage des pro comme des néophytes.

Il en ressort contradictions, surréalisme et décalage.



Parsemé de poésie et de petites vérités sur les semences, les bourgeons, l’importance de la pluie ou encore l’impératif de la terre, ce court livre ravira les jardiniers en herbes, les cultivateurs du dimanche et laboureurs professionnels.

Publié pour la première fois en 1929, ce guide rustica d’un autre genre est toujours et plus que jamais d’actualité.
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La guerre des salamandres

J' ai bien aimé les 2 premiers tiers du livre notamment avec la "génèse" des salamandres et pas mal de trouvailles.

La fin avec la guerre des salamandres est plus laborieuse voire ennuyeuse...
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Le météore

Un homme, victime d'un accident d'avion, tombe littéralement du ciel. Il est admis à l'hôpital dans le coma, non seulement gravement blessé, mais aussi manifestement atteint d'une cirrhose alcoolique et de la fièvre jaune. Sa fin est proche et il n'a sur lui aucun papier : on ne connaît donc ni son identité, ni sa nationalité, ni la raison pour laquelle il a décidé de voyager en avion privé alors que cette partie du monde est traversée par un cyclone et que tous les vols ont été annulés. Des infirmières, un jeune médecin prétentieux et chevelu, un chef d'internat assez âgé, un chirurgien impatient, une religieuse compatissante, un voyant philosophe et un poète se relaient à son chevet.

A tour de rôle la religieuse, le voyant et le poète vont imaginer la vie de cet homme et les raisons pour lesquelles son parcours s'achève ainsi, solitaire dans un lit d'hôpital. Ces raisons, ils les rêvent, les déduisent, les ressentent, les expriment en fonction de leur personnalité propre, de leur philosophie, et de leur conception de l'art. Le météore est un livre à la fois agréable à lire et point trop facile. L'auteur y développe à travers trois points de vue différents (compassion et foi/philosophie/art littéraire) la destinée humaine dont l'inconnu (monsieur X), déserté de toute conscience et de tout souvenir, est le représentant idéal, parce que sans visage : un support vierge offert à la réflexion et aux ressentis de ceux qui l'accompagnent dans son agonie.

Et voilà que ces trois points de vue, tout en étant différents, ne s'excluent nullement, mais s'enrichissent mutuellement.

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Karel Capek est un auteur tchèque extrêmement important né en 1890 et mort en 1938. Opposant au nazisme qu'il a tourné en ridicule dans son roman "la guerre des salamandres", il est mort d'un oedème pulmonaire quelques temps avant son arrestation qui avait été programmée par le régime.



J'ai beaucoup d'admiration pour Capek : son imagination, sa rigueur et sa lucidité n'en faisaient pas un piètre adversaire pour le régime nazi et il est compréhensible qu'il ait été inscrit en priorité sur la liste des intellectuels à éliminer.



Il écrivit en 1920 une pièce de théâtre intitulée "R.U.R" qui le fera connaître du monde entier et dans laquelle il s' interrogea sur l'avenir d'une humanité livrée aux robots.

Et je cite Wikipedia : "Le terme robot apparaît pour la première fois dans la pièce de théâtre (science-fiction) de l'auteur Karel Čapek : R. U. R. (Rossum's Universal Robots). Le mot a été créé par son frère Josef à partir du mot tchèque « robota » qui signifie « travail, besogne, corvée".
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La fabrique d'absolu

La traduction par Jean Danès de La fabrique d'absolu n'est, je crois, pas très récente. Il me semble que traducteurs ne se permettent plus ce genre de chose depuis un moment : « Souhaitant éviter de décourager les lecteurs français, le traducteur a francisé le nom des personnages et a adapté le cadre du début en le transportant à Paris, "pensant que Capek aurait agi ainsi s'il s'était adressé directement au public français".» Mouais. Déjà, c'est prendre les lecteurs pour des imbéciles en partant du principe qu'ils seraient déstabilisés par un roman ne se passant pas en France. Ensuite, cela introduit le doute en permanence. On se demande régulièrement si ce que l'on lit a un quelconque rapport avec l’œuvre originale. Enfin, passons.



Les fabriques d'absolu, ce sont de nouveaux types de réacteurs qui ont la capacité d’annihiler l'intégralité de la matière. Conséquence : ils libèrent ainsi l’essence divine contenue dans toute chose. Et cette essence divine, cet Absolu, n'a pas l'intention de rester inactif. L'Absolu, c'est Dieu en version gazeuse. Les effets se font rapidement sentir : conversions en masse, illuminations, miracles... On pourrait penser que le monde n'est pas prêt pour une telle technologie, mais l'industriel Bondy est au-delà de ce genre de détail. Ce qu'il voit, ce sont des réacteurs extrêmement performants, et donc des bénéfices renversants. Les réacteurs envahissent donc le monde, et l'Absolu avec lui.



C'est l'occasion pour le futur auteur de La guerre des salamandres de multiplier les situations croustillantes :



« Oui, j'ai essayé toues sortes d'isolants imaginables pour empêcher l'Absolu de sortir de la cave : les cendres, le sable, les blindages d'acier, rien n'est efficace. J'ai essayé d'entourer toute la cave avec les œuvres complètes d'Auguste Comte, de Spencer, d'Haeckel, et de toutes sortes de positivistes. Pense donc que l’Absolu traverse même cela ! »



Alors que Dieu envahit le monde, la société humaine tremble sur ses fondations et Capek déploie tout son talent humoristique et satirique. Les religieux eux-mêmes ne sont guère enchantés de la venue d'un Dieu un peu trop réel, bien plus encombrant et difficile à gérer que celui, plus passif, dont ils avaient l'habitude. Petit à petit les hommes sombrent dans la fièvre de la piété, et si pendant un moment on peut imaginer un monde uni dans la bonté, la réalité se révèle toute autre :



« – Je le dis pour la deuxième fois : décampez, ou bien, au nom du Seigneur, je démolis votre baraque.

– Et vous, dit Jean Binder, rentrez chez vous, ou bien, au nom du Seigneur, je vous casse la figure. »



Eh oui ! Chacun s’approprie un petit morceau de la divinité et est persuadé de l'avoir toute entière. Dans la seconde partie du roman, c'est la guerre. La guerre totale. Capek a d'ailleurs un peu tendance à s'éparpiller. Si auparavant on restait vers Paris (donc Prague en version originale) avec quelques personnages récurrents, Capek passe ensuite à une échelle mondiale. Du coup, les chapitres n'ont que peu de liens entre eux et il est plus difficile de suivre et d’apprécier la situation. Malgré ce petit regret, La fabrique d'absolu n'est est pas moins une fable débordant d'intelligence et d'humour, une satire brillante des phénomènes religieux. Ceux-ci ayant tendance à ne guère changer au fil des époques, le roman de Capek possède une puissante dimension intemporelle.


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Récits apocryphes

Une trentaine de courts récits écrits entre 1920 et 1938 qui réinventent l'histoire et les mythes, de la préhistoire à Napoléon. Parmi les diverses époques explorées par Čapek, j'ai été particulièrement sensible à l'antiquité et aux balbutiements du christianisme, et un peu moins aux réécritures shakespeariennes. Mais quoi qu'il en soit, l'ensemble est remarquable. La plupart des récits prennent la forme de dialogues, et Čapek met en avant l'humain et sa parole. Souvent on est face à des personnages connus, mais d'autres fois ce sont d'illustres inconnus qui commentent leur époque. Et c'est pour le mieux, ces visions apocryphes sont délicieusement drôles. Par exemple, autour de Troie, les soldats se plaignent de « ce gandin d'Achille », « cette canaille d'Ulysse » et de ce « vague chanteur de foire, un dénommé Homère, ou je ne sais au juste comment s’appelle ce vagabond » qui « se laisse soudoyer avec quelques deniers pour chanter la gloire des plus grands traitres de la nation grecque ». Il est tentant d'évoquer chacun de ces petits récits tant ils ont pour la plupart leur propre force indépendante. Au-delà de l'humour terriblement efficace de Čapek et de sa maitrise de la langue, la façon dont il parvient à chaque fois en quelques pages à imposer une idée forte qui laisse à la fois troublé et souriant est impressionnante. En haut de cette édition on trouve le nom de la collection : classiques slaves. En effet, je veux bien croire que c'est un classique. Le genre de livre que l'on a envie de garder près de soi pour pouvoir en relire quelques pages régulièrement.



« — Il n'existe pas de vérité mienne, dit Joseph d'Arimathie. Il n'est qu'une seule et unique vérité valable pour nous tous.

— Et quelle est-elle ?

— Celle en laquelle je crois.

— Tu vois bien, prononça lentement Pilate. Cette vérité, ce n'est rien d'autre que la tienne. Vous êtes semblables à des enfants qui croient que le monde prend fin avec les limites de leur horizon, et qu'après il n'y a plus rien. Le monde est grand, Joseph, et beaucoup de choses y peuvent trouver place. »


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