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Critiques de Karel Capek (177)
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R.U.R. : Rossum's Universal Robots

« R.U.R. » est une pièce de théâtre écrite en 1920 et originellement sous-titrée « Comédie utopiste en trois actes et un prologue ». La présente version en est la première traduction française, datant de 1924. Dans cette traduction, la version choisie pour l’extension du sigle est « Rezon’s Universal Robots » (il existe plusieurs traductions différentes). Le contexte : « R.U.R. » se déroule dans le futur, alors qu’une usine, dirigée par un certain Domin, vient de mettre sur le marché des humanoïdes, c’est-à-dire des machines ressemblant traits pour traits aux hommes. Ce sont des Robots. On peut sourire de ce terme aujourd’hui, en ayant vu défiler tant et tant. Pourtant, dans cette pièce, non seulement le nom prend une majuscule, mais c’est la première fois qu’il est publié ! En d’autres termes, le mot Robot est inventé dans cette pièce, même si l’idée de départ vient de Josef, le frère de ČAPEK.



Des humanoïdes donc. Fabriqués à des centaines de milliers d’exemplaires pour servir l’Homme, faire les besognes à sa place, les travaux ingrats. Les patrons se les arrachent car leur main d’oeuvre, et pour cause, est bon marché, de plus l’utilisation de Robots pourrait dans un proche avenir rendre l’homme oisif et jouisseur : « Avant dix ans, les Rezon’s Universale Robots auront fait tant de froment, tant de tissus et de tout, que nous dirons : les choses n’ont plus aucune valeur. Que chacun prenne ce dont il a besoin. Il n’y a plus de misère. Oui, ils seront sans travail. Mais il n’y aura plus de travail du tout, car les machines vivantes feront tout. Les Robots nous vêtiront et nourriront. Les Robots feront des briques et construiront des maisons pour nous. Les Robots écriront pour nous des chiffres et balaieront nos escaliers. Le travail sera supprimé. L’homme ne fera que ce qu’il aimera faire. Il sera débarrassé des soucis et de l’humiliation du travail. Il ne vivra que pour se perfectionner ».



L’usine R.U.R. est devenue une vraie curiosité. Ainsi, Hélène, la propre fille du Président du pays va visiter la fabrique. Seuls des Robots y travaillent, exceptés les décisionnaires, c’est-à-dire une poignée de dirigeants. Hélène est membre de la Ligue pour l’Humanité et, à ce titre, souhaiterait que les Robots soient traités comme des humains et non comme des machines. Pourtant les Robots ne semblent avoir ni âme ni sensations.



Ellipse. Dix années ont passé, les Robots ont été perfectionnés, ont même été armés. Ils ont participé à tant de guerres, tué tant d’humains, répondant à des ordres, soldats obéissants et efficaces. Ils ont envahi les lieux de travail. L’Homme devenu inutile a fini par s’ennuyer, la natalité a drastiquement baissé, rendant l’espèce humaine en danger. « On ne daigne même plus allonger son bras pour prendre la nourriture, on la leur met droit dans la bouche pour leur éviter de se lever. Ah ! Ah ! Les Robots de Domin se chargent de tout ! Les femmes n’engendreront pas pour les hommes qui sont devenus inutiles ».



Parallèlement, les Robots se sont émancipés, « humanisés », réclamant leur part de pouvoir, se montant en syndicats. Ils représentent un dixième de la population mondiale.



Le vent tourne. Les Robots se révoltent et leurs inventeurs, les dirigeants de l’usine R.U.R. doivent mettre fin à la jacquerie, alors que désormais les Robots existent depuis une trentaine d’années seulement. Le manuscrit de fabrication des Robots existe en unique exemplaire, or lui seul peut permettre de continuer à développer les humanoïdes…



Ne nous y trompons pas : « R.U.R. » n’est pas un simple récit de science fiction, il est surtout un pamphlet politique et social pacifiste. Écrit au lendemain de la première guerre mondiale, il se dresse contre les guerres, contre les ventes d’armes internationales. Il est une revendication humaniste allégorique et puissante. En somme, en quelques dizaines de pages, il peut être vu comme un petit chef d’oeuvre d’intelligence appuyé par une fin épique. Une dystopie, sans aucun doute, mais sur un ton drôle, qui cependant s’aggrave au fil des pages. Cette pièce de théâtre est un véritable coup de maître, l’un de ces textes qui changent la littérature, à l’instar d’un « Nous » du russe ZAMIATINE, dystopie sortie la même année, et qui pour sa part a influencé ORWELL pour son « 1984 » (écrit près de 30 ans plus tard !) et HUXLEY pour « Le meilleur des mondes ». « R.U.R. » est incontestablement une pierre à l’édifice de la future littérature contre-utopique. La version proposée est la numérique de la Bibliothèque russe et slave, à partir d’une traduction de 1924.



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La guerre des salamandres

16 ans après « R.U.R. », en 1936 ČAPEK reprend en quelque sorte son chantier, en format roman, c’est-à-dire plus ample, plus ambitieux, plus spectaculaire, plus varié aussi.



Le livre démarre comme un gentil petit roman d’aventures sans prétention. Un capitaine de cargo au long cours, Van Toch (que l’on pourrait penser échappé d’une histoire de Robert-Louis STEVENSON), alors à la pêche d’huîtres perlières, se trouve nez à nez avec des sortes de bêtes du diable près de l’île de Tana Masa. Bestioles d’allure hybride, un peu poissons, un peu mammifères, avec des caractéristiques tout humaines. Cette découverte va faire basculer le monde.



En plein été, et alors que la planète semble se reposer sur ses lauriers, deux journalistes partent en chasse de scoops afin d’alimenter leurs colonnes. Ils ont vent de cette découverte d’animaux antédiluviens par le capitaine. Sont-ce des lézards ? Quoi qu’il en soit, les reporters rencontrent Van Toch. Qui souhaiterait apprivoiser ces animaux. Qui par ailleurs ne va pas tarder à quitter le plancher des vaches. Alors que les animaux vont enfin être appelés salamandres.



Dans ces personnages hauts en couleur se distinguent quelques figures, notamment celle d’une femme de théâtre, dans un roman lui-même fortement imprégné de jeu théâtral. Elle assiste à l’évolution de ses salamandres, des êtres qui savent parler et apprendre par cœur, les journaux notamment. Un vaste projet de développement et d’exploitation de la main d’œuvre des salamandres est monté. Il va falloir fabriquer des salamandres qui accompliront les travaux les plus pénibles à la place de l’homme. Elles sont endurantes, solides et pleine d’ardeur. Des élevages vont se former un peu partout.



« Grâce à leur instinct naturel et à leur remarquable sens technique, les salamandres se prêtent surtout à la construction de digues, de levées et de brise-vagues, à creuser des ports et des canaux, à nettoyer les bas-fonds et à déblayer les voix fluviales ; elles peuvent contrôler et aménager les côtes, élargir les continents, etc. Dans tous ces cas, il s’agit de grands travaux, exigeant des centaines et des milliers de travailleurs ; des travaux si étendus que la technique la plus moderne ne s’y attaquera que lorsqu’elle disposera d’une main d’œuvre infiniment bon marché ».



D’un ton léger, aventurier, délicieusement kitsch, pas très éloigné d’un Jules VERNE aux accents H.G. Wellsiens, le récit se dramatise tout à coup, pour devenir parfois étouffant. Un certain Povondra a permis la publicité sur cette découverte majeure. Depuis, il collectionne chaque coupure de journaux en faisant état. Il possède une véritable encyclopédie chez lui et réalise pleinement l’essor des salamandres, leur potentielle révolte, car « Seuls les puissants de ce monde peuvent faire le bonheur des autres sans dépenser un sou ».



La prolifération des salamandres entraîne une refondation totale de la société. Elles se multiplient tellement qu’elles ont de plus en plus besoin d’espaces côtiers vitaux, donc elles rognent les côtes, font des canaux pour obtenir plus de place. Elles se comptent désormais en plusieurs dizaines de milliards d’individus, se rebellent contre l’homme, totalement dépassé par ce que pourtant il a développé.



ČAPEK sait se faire philosophe et sociologue : « L’homme est-il, a-t-il jamais été capable de bonheur ? L’homme certes, comme tout être qui vit, mais pas le genre humain. Tout le malheur de l’homme réside dans le fait qu’il ait été obligé de devenir l’humanité ou qu’il l’est devenu trop tard, quand il s’était déjà irréparablement différencié en nations, races, croyances, castes et classes, en riches et en pauvres, en hommes éduqués et en ignorants, en maîtres et en esclaves. Rassemblez de force en un même troupeau des chevaux, des loups, des brebis, des chats, des renards et des biches, des ours et des chèvres ; parquez-les dans un même enclos, forcez-les à vivre dans cette mêlée insensée que vous appellerez l’Ordre Social et à respecter les mêmes règles de vie ; ce sera un troupeau malheureux, insatisfait, fatalement divisé, où nulle créature ne se sentira chez elle ».



Ce récit, à première vue de science fiction, est en fait un puissant roman politique. En 1936, ČAPEK voit son pays la Tchécoslovaquie de plus en plus menacé par l’Allemagne nazie. Les salamandres du livre, c’est le peuple tchécoslovaque, le nazi étant représenté par l’homme. Dans cet ouvrage, ČAPEK imagine l’invasion du pays par les forces ennemies (qui se réalisera un peu plus de 2 ans plus tard). « La guerre des salamandres » est un pur chef d’œuvre tout en variations : de roman d’aventures quasi picaresque aux accents théâtraux, il se transforme en récit d’anticipation, allégorique sur la politique européenne de son temps, sous couvert de science fiction. Il se fait aussi visionnaire et en fin de volume, l’auteur Karel ČAPEK se met en scène dans un style d’essayiste : en effet, il s’interroge sur la chute de son roman, la jugeant trop dure, il fait part de ses pensées, ses ressentis. « La guerre des salamandres », pour tout ceci, est une clé majeure de la littérature dystopique du XXe siècle. Souvent réédité, il le fut par exemple en 2012 par les éditions Cambourakis.



Mais son histoire ne se termine malheureusement pas là. Les ténors nazis verront la moutarde leur monter au nez après diverses parutions de livres de ČAPEK, dont cette « guerre des salamandres ». Ils mettront tout en œuvre pour le détruire. En 1939, ils arrêtent ČAPEK, ignorant qu’il est décédé l’année précédente. C’est Josef, son frère, qu’ils traînent, croyant avoir à faire à Karel. Josef est déporté, il mourra en détention quelques années plus tard, pris pour son frère.



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La guerre des salamandres

Le capitaine J. Van Toch, en quête de nouveaux sites fournisseurs de perles va faire une rencontre étonnante : des salamandres, étranges, grandes, laides au possible mais dotées d'une étrange faculté d'apprentissage qui va conduire à un troc improbable : elles fourniront des perles au capitaine en échange de couteaux qui serviront à tuer les requins qui les dévorent.



Les années ont passées et les salamandres se sont multipliées car les hommes ont voulu toujours plus de perles.



Les années ont passées et les salamandres sont exploitées, étudiées et torturées.



Les années ont passées et les salamandres ont obtenu des droits, des devoirs aussi.



Les années ont passées et les salamandres...à vous de le découvrir !



Ce roman de l'auteur tchèque Karel Čapek est d'une très grande finesse d'analyse, d'une effroyable véracité sur l'homme et ses travers.



Le récit commence sur un ton presque absurde avec ce capitaine, spécialiste des coups de colère avant de passer à un ton professoral, journalistique, philosophique.



Tout ceci pour évoquer l'avilissement d'une espèce, son exploitation et le désarroi créée par un ennemi que l'on a,soi-même, fait entrer dans sa maison.



La typographie, les jeux sur les polices de caractères, les encadrés qui parsèment une partie du récit rendent celui-ci incroyablement atypique.



Ce roman est une très belle découverte qui, grâce à un vernis de science fiction parvient avec brio à dépeindre les travers humains : soif de pouvoir et de conquête, égoïsme.



C'est brillant, intelligent, divertissant et une vraie réussite.
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Hordubal

Hordubal est un roman court de l'auteur tchèque Karel Capek et fait partie d'une trilogie. Le roman est écrit en 1933 et raconte l'histoire d'un émigrant tchèque qui revient d'un séjour de huit ans aux Etats-Unis, où il a travaillé dans les mines de charbon pour entretenir financièrement sa femme et sa fille. Avant son départ, il élevait des vaches à son humble ferme. Pendant le voyage du retour, le lecteur suit ses monologues intérieurs. Hordubal est analphabète et ne savait pas parler l'anglais couramment. Une fois arrivé dans son village, il est accueilli par sa femme Polana avec froideur. Sa fille a même peur de lui. Et puis, il y a ce jeune valet de ferme qui a pris sa place. Dans le premier livre, l'histoire est racontée par Hordubal. Le langage est lardé de mots anglais et d'argot. Dans le deuxième et le troisième livre, qui sont courts et font office d'épilogues, les évènements sont racontés d'abord par la police et ensuite par le tribunal, où Polana et le valet sont jugés pour meurtre d'Hordubal. Capek parvient dans à peine 180 pages à nous peindre la réalité depuis trois points de vue. Ainsi, pour Hordubal, Polana reste la femme de sa vie, malgré son comportement peu respectueux à son égard. En revanche, le tribunal dépeint la femme comme laide et avide de l'argent d'Hordubal. La structure du roman me rappelle un peu L'étranger de Camus.
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La guerre des salamandres

La guerre des salamandres est un roman de science-fiction satirique de l'écrivain tchécoslovaque Karel Čapek publié en 1936. Un écrivain que, comme beaucoup, je ne connaissais que de nom pour avoir été le premier à employer le terme de « robot » dans sa pièce R.U.R.



Le récit narre la découverte dans une petite île du Pacifique d'une espèce de salamandre humanoïde par le capitaine van Toch (un sacré personnage). Ces salamandres sont sociables, paisibles, corvéables et montrent une certaine habilité à se servir d'outils. Très vite, le marin va comprendre l'utilité de ces braves créatures, oubliées de l'Évolution, et va passer un marché avec eux, elles récolteront des perles contre des couteaux, un marché "gagnant-gagnant" mais qui ne s'arrêtera pas là... Car après van Toch, les salamandres passeront sous la coupe du capitalisme de marché, des firmes transnationales heureuses de trouver là une main d'oeuvre quasi-gratuite pour exécuter tout type de travaux sous-marins, puis ce seront les États (Européens surtout) qui verront dans les salamandres la chair à canon parfaite pour préparer et mener leurs guerres... On le sent cette folie ne peut que mal finir et je ne vous en dis pas plus sur ce qu'il adviendra lors de la Guerre des salamandres.



On l'aura compris, l'histoire des salamandres constitue une illustration parfaite des nombreux péchés de l'homme moderne. On y revoit son histoire, L'Histoire, sur un mode accéléré et peu flatteur. Tout y passe : colonialisme, frénésie capitaliste et recherche acharnée du profit, bellicisme, xénophobie, égoïsme, futilité et mégalomanie... L'humour ravageur de Čapek frappe toutes et tous à divers degrés : des gouvernements européens (dont l'Allemagne nazi et les puissances coloniales française et britannique) aux organisations syndicales en passant par les grandes sociétés privées et bien sur les hommes et femmes eux-mêmes : marins, scientifiques, militaires, starlettes hollywoodiennes, fils et filles à papa, actionnaires et bien sûr le citoyen moyen, « l'homme du commun » qui ne relève guère le niveau.



Mais au-delà de la satire et de la critique politique de nos sociétés, c'est aussi un vrai roman (ce n'est pas toujours le cas et c'est une chose qu'on peut reprocher à quelques ouvrages de science-fiction comme par exemple Défaite des maîtres et possesseurs où la fiction n'est qu'un prétexte) rempli d'humour et très agréable à lire. le style est très au point et le livre fourmille de trouvailles de son auteur qui font mouche : Par exemple, à un moment du livre, une des salamandres apprend l'anglais uniquement en lisant des journaux, elle devient une caricature de l'anglais moyen qui énumère des phrases toutes faites (titres sensationnalistes, phrases de réclame etc.) et des idées reçues. Un passage très savoureux parmi d'autres. Les chapitres classiques sont alternés avec divers textes (articles de journaux factices, comptes rendus de réunions etc.) qui donne une occasion de plus à l'auteur de produire quelques pastiches plutôt drôles.



Le roman n'est pas parfait mais on lui pardonne très facilement ses quelques imperfections : un rythme qui s'essouffle un peu vers les deux tiers du roman et (c'est sans doute davantage un parti pris qu'un défaut en tant que tel) la quasi absence de personnages auxquels s'attacher : seul le truculent capitaine van Toch nous est sympathique mais il s'efface avant la moitié du roman, les autres individus, peu marquants et plutôt antipathiques sont, pour la plupart, davantage des représentants d'une classe sociale ou d'une fonction que de « vrais » personnages de roman.



J'ai beaucoup apprécié cette lecture, aussi bien pour ses thèmes abordés que pour son style très original et agréable. Je recommande chaudement ce roman aux amateurs de science-fiction comme aux lecteurs curieux. Pour ma part, je reviendrai avec plaisir découvrir un autre livre de Karel Čapek.
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L'Année du jardinier

e dois la découverte de cet auteur à Patrice et, comme lui, depuis, j’ai très envie de lire d’autres livres de cet auteur, pourquoi pas « Voyage vers le Nord » . Ce petit livre sur les amoureux des jardins est un petit concentré d’humour. Dès la première phrase, j’ai souri et je savais que je le lirai jusqu’au bout :



Il y a cent manières de créer un jardin : la meilleure est encore de prendre un jardinier



Ecrit en 1929, ce conseil me encore va très bien, derrière tout beau jardin bien fleuri se cache un jardinier compétent (ce que je ne suis pas) et qui doit passer cent pour cent de son temps libre à travailler la terre. J’adore les fleurs mais je déteste les cultiver. Pourtant, quelle merveille quand les roses s’éveillent et parfument l’entrée de la maison ! Dans ce petit livre, écrit comme un almanach, chaque mois, l’auteur précise les différentes tâches qui attendent tout bon jardinier. Tout cela est raconté avec un humour délicieux. Mais j’avoue que l’accumulation des noms de fleurs et de plantes a fini par me lasser. Karel Čapek aime le comique d’accumulation et cela m’a semblé un procédé trop répétitif. Surtout ne vous arrêtez pas à ce bémol, car dans l’ensemble vous trouverez que le jardinier de 1929 a beaucoup de points communs avec celui de 2020 . Et jamais, au grand jamais, vous n’accepterez de surveiller le jardin d’un ami qui part au mois d’août en vacances. Ce « presque rien que vous aurez à faire » peut se terminer par une vraie galère tous les jours. Le jardinier de 1929 écrivait une lettre par jour pour s’inquiéter de l’état de son cher jardin et donner ses précieux conseils, je vous laisse imaginer ce que le jardinier d’aujourd’hui ferait avec son téléphone portable grâce Facebook, Whatsapp et autres façon de s’inquiéter de ses trop chères petites plantes…
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Le châtiment de Prométhée et autres fariboles

29 courtes nouvelles ,29 excursions dans les mythes et l’histoire ,un casting d’enfer (Alexandre le Grand, Archimède, Loth ,Pilate, Dioclétien, Hamlet, Napoléon) , du beau monde mais aussi Jeannot le Cro-Magnon , Lucius dit Macer , soldat de César, un boulanger de Judée. Chaque nouvelle décentre notre regard de l’évènement « historique » vers une autre manière de le voir (le boulanger se plaint qu’en multipliant les pains Jésus va le mettre au chômage , le Cro-magnon regrette le bon vieux temps du silex ) , le héros ou le puissant révèle ses failles ( Hamlet se demande « être ou ne pas être comédien », Napoléon doute de lui-même..) .De l’humour subtil et savant mais aussi un reflet du monde des années 30 et de ses angoisses :procès politiques (« Le châtiment de Prométhée »,complotisme (Thersite) ,menaces d’invasion ou de guerre ( « La mort d’Archimède ») recherche de boucs émissaires ( « Attila ») , fake news ( « Ophir », « Romeo et Juliette ») . Et ces angoisses-là sont aussi les nôtres . Capek fait le choix de l’humain contre la loi des dieux (« Le Pseudo-Loth ») même si il ne méconnaît pas la mesquinerie et la vilénie de l’individu (« Iconoclasme ») . C’est remarquable de lucidité et d’intelligence.
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Le châtiment de Prométhée et autres fariboles

« Le châtiment de Prométhée et autres fariboles » de Karel Čapek. On trouve ici un ensemble de nouvelles joyeusement anachroniques, ironiques, sarcastiques sans jamais être cruelles ni idiotes. Il faut une solide culture classique pour apprécier pleinement cet ouvrage, sans la connaissance des mythes originels, on perd beaucoup du sel de l’écriture. Le style est fluide, la traduction impeccable... pour faire un parallèle, il s’agirait de court-métrages d’époque dialogués par Audiard, vous voyez le genre ? De plus, le regard sur les travers humains est d’une actualité mordante... un gros coup de ♥️ pour moi.
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L'avant-scène théâtre : La Guerre des salamandr..

J'ai découvert ce texte par l'adaptation théâtrale du roman de Karel Capek par Evelyne Loew et une mise en scène de Robin Renucci.



En 1936, alors que le fascisme monte en Europe, le Tchèque Karel Capek publie un roman satirique et d'anticipation : "La guerre des salamandres". Un capitaine de navire fait escale à Prague. Interviewé par un journaliste il parle d'une île proche de Sumatra où il a découvert des salamandres douées d'une intelligence remarquable qui sèment sur le sable des perles d'une qualité rare. Le capitaine Van Toch va proposer à l'homme d'affaires G.H. Bondy, ancien camarade d'école devenu millionnaire, d'investir pour exploiter ces salamandres. L'affaire grossi, le monde entier tire parti des qualités de ces animaux marins, jusqu'au jour où elles vont se révolter. Quel est dès lors l'avenir de l'être humain et du monde ?



J'ai beaucoup apprécié la mise en scène de Robin Renucci pour Les tréteaux de France. Relire ce texte m'a rappelé combien il était visionnaire. Cette lecture du roman de Karel Capek non seulement aborde la critique des extrêmes mais s'attaque au capitalisme, au militarisme, au journalisme, à l'industrie du cinéma et de la communication, mais se préoccupe aussi des enjeux écologiques du 21e siècle et questionne la nature de l'être humain. Un texte à plusieurs niveaux de lecture, qui pousse à la réflexion, et qui donne envie de lire le roman dans son intégralité.



L'édition de l'Avant-scène théâtre permet de découvrir un autre texte de cet auteur oublié : R.U.R. , pièce de théâtre d'anticipation publiée en 1920, dans lequel apparaît pour la première fois le mot "robot". On trouve déjà le questionnement de l'auteur sur l'humanité. Sur une île, une usine fabrique des robots proches de la vision que nous avons des androïdes. Dotés d'intelligence artificielle et de sentiments, comme les salamandres ils vont apprendre des êtres humains et se révolter contre leurs maîtres. Un texte d'anticipation (ce qui n'est pas si courant au théâtre) qui là encore se montre d'une lucidité effrayante tant il trouve écho dans notre société un siècle plus tard.
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Le châtiment de Prométhée et autres fariboles

Ces courtes nouvelles font appel à de grandes figures de l'Histoire et des mythes, détournées sur le mode burlesque. La forme du dialogue est privilégiée, et les descriptions sont minimalistes, si bien que ces « fariboles » s'apparentent à des saynètes. Voilà de quoi satisfaire Hamlet, qui fait un passage dans ce recueil et songe à tout plaquer pour devenir comédien, tout en se demandant si être artiste, c'est être (ou ne pas être) proactif contre le tyran qui a usurpé le trône de son père. Sans doute faut-il lire là-dedans un questionnement du rôle politique de l'écrivain, car Čapek rédige une bonne partie de ces textes dans les années 1930, alors qu'un autre tyran accédait au pouvoir en Allemagne. L'une des dernières « fariboles », parue en 1937 s'intitule « Alexandre le Grand », et met en scène la mégalomanie expansionniste du roi grec, trouvant ainsi un prolongement évident dans ce qui attendait la République Tchèque, dépossédée de ses Sudètes l'année suivante. Année 1938 où Čapek, dans « La mort d'Archimède », anticipe également le sort que les nazis avaient prévu pour lui, à l'image de tous les intellectuels ne souhaitant pas faire de compromis avec ceux qui veulent dominer le monde. Ces conquérants ne sont finalement que des enfants jouant à des jeux de guerre, comme le révèle Napoléon dans la faribole qui clôt le recueil. Et Dino Buzzati ne dira pas le contraire plus tard, avec sa nouvelle sur « Dolfi ».



Dans ces histoires intemporelles, qui mettent en perspective l'actualité angoissante de l'époque, Čapek ridiculise ainsi les travers puérils des adultes. Mais pas uniquement sous la forme que je viens d'évoquer, car tout y passe : jalousie de politiciens grecs face au don du feu à l'humanité par Prométhée, mesquinerie de Marthe voulant faire honte à sa soeur d'écouter Jésus lui parler (alors qu'aucune tâche domestique "nécessaire" à l'accueil de ce dernier n'a été accomplie), dogmatisme des vieux hommes des cavernes atterrés de voir les jeunes abandonner le travail de la pierre pour celui de l'os (signe irréfutable du déclin de la civilisation), lâcheté d'un Lazare ayant trop peur de mourir une seconde fois pour sortir de chez lui, égoïsme de Dioclétien qui utilise la raison d'État pour refuser de prendre au sérieux le point de vue des autres. Et cetera. L'humanité est ici une grande et méchante enfant… que Čapek ne peut s'empêcher de trouver attachante, à l'image du juste de Sodome qui préfère rester aux côtés de ses semblables, car il leur doit tout ce qu'il est. Avec le grec Agathon, Čapek critique l'intelligence (égoïste) et la raison (insensible) pour se placer du côté de la sagesse, qui prend chez lui la forme d'un humanisme iconoclaste : « j'aime mieux les hommes que leurs idées ». Sa philosophie relativiste s'appuie sur la fameuse question de Pilate à Joseph d'Arimatie « qu'est-ce-que la vérité ? », et nous invite à étendre figurativement le monde (par la fiction, par exemple) afin que chacune de nos réponses à cette question trouve la place de s'épanouir.
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R.U.R. : Rossum's Universal Robots

Le rideau s'ouvre sur Rumba, un robot chargé d'exécuter la noble tâche de faire le ménage, d'aspirer en lieu et place d'un homme de ménage pour le compte d'une maîtresse de maison. Rumba travaille, travaille, travaille mais Rumba ne sait que répondre lorsque sa maîtresse lui demande de danser sur un rythme afro-cubain et lorsqu'il chante, il n'émet qu'un désagréable bruit de moteur, au grand dam de sa maîtresse. Et cette dernière se renseigne auprès de la R.U.R. , une compagnie fabriquant des robots qui lui fait parvenir, sur demande, un catalogue répertoriant différents modèles de robots révolutionnaires. Les robots fabriqués par la R.U.R. ont cette caractéristique de ressembler aux hommes, d'être faits de la même matière. Ils sont tellement ressemblants, tellement réussis sur le plan esthétique qu'on aurait bien du mal à les différencier des hommes si les hommes et les robots devaient paraître, ensemble, dans une pièce de théâtre de Karel Capek. Ces robots peuvent et doivent travailler, bien sûr (labor !) mais certains modèles, plus élaborés, peuvent lire, écrire, compter, et pourquoi pas danser, rire, aimer ? Rumba, l'aspirateur, aspire, aspire, aspire, aspire à devenir un homme, lui aussi.
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La guerre des salamandres

Un chef d'oeuvre méconnu de la SF par un maître incontesté Karel Capek. Visionnaire et lucide, ce roman est d'une originalité inégalée dans la forme et le fond
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L'Année du jardinier

Il y a des livres qu’on aime lire et relire parce qu’ils sont intemporels et charmants.

Ce livre de Karel Capek fait partie de cette catégorie.



Il nous emmène dans un beau voyage au Pays du Jardin !

Se laisser guider par lui, ce passionné de jardinage, participer à ses émerveillements, ses étonnements, quel plaisir !



Que la nature est belle ! Oui, mais dans un jardin, il faut la maîtriser cette nature, sinon elle déborde vite de partout et elle vous envahit ! Karel Capek, lui, sait comment s’y prendre.

Il nous invite mois après mois, sous la forme d’un almanach, à cheminer par les allées, à prendre soin des plates-bandes.

Pas un mois où il ne se passe rien au jardin !



Ce ne sont pas des conseils ordinaires qu’il nous donne, il nous convie avec beaucoup d’humour à l’amour des plantes. Sa passion est communicative. On a envie de bichonner notre jardin avec lui !



Que vous ayez de l’expérience en matière de jardinage ou non, vous ne pouvez que tomber sous le charme de ce livre dont l’écriture est pleine de gaieté.

Il nous distille du bien-être, avec les parfums, l’esthétique des fleurs et le gazouillis des oiseaux.



Il ne faut pas aller bien loin pour faire de belles observations et de belles découvertes.

Avec ces temps de confinements et parfois de morosité ambiante, le jardin est tout indiqué pour s’aérer les poumons et l’âme en même temps !



Impossible de s’ennuyer dans le jardin de Karel Capek ! On ne tient pas en place, il y a toujours quelque chose à faire !



Mais c’est quoi un jardinier ?

Plusieurs réponses, vu la complexité du personnage !



Le jardinier est un homme qui parle par images.

Il aime dire que « l’hiver résiste aux assauts du printemps », et il se sent humilié de ne pouvoir « contribuer à la mort de ce tyrannique hiver ».



L’homme jardinier est d’humeur changeante.

Il peste contre le mauvais temps. Il « enrage comme un lion en cage », parce qu’il est contraint de « rester près du poêle avec un gros rhume ». Bref, il se met en retard pour la venue du printemps au jardin ! C’est alors que le jardinier prend conscience que « la patience est la mère de la sagesse ».



C’est un homme tourmenté : « Le quatrième jour, quand ce germe a poussé démesurément, le jardinier commence à se demander avec inquiétude si ce ne serait pas de la mauvaise herbe. »



C’est un homme bizarrement conçu !

« L’homme jardinier est indubitablement un produit de la civilisation et pas du tout de l’évolution naturelle. S’il avait été produit par la nature, il serait fait tout différemment ; il aurait des jambes de scarabée afin de n’être point obligé de s’asseoir à croupetons et il aurait des ailes » « pour pouvoir s’élever au-dessus de ses plates-bandes (On dirait du Pierre Dac). Quiconque n’en a pas fait l’épreuve ne peut se faire une idée de l’embarras que constituent les jambes pour un homme qui ne sait où les poser » « comme elles sont inutilement longues quand il faut les plier au-dessous de soi » « ou bien avoir des membres extensibles à volonté comme un pied d’appareil photo. » (Je vous invite à voir l’illustration correspondante qui est absolument hilarante !)



De nombreux dessins, de la main du frère de l’auteur, Josef Capek, très simples et enfantins, et malicieux à souhait, viennent illustrer de façon appropriée les textes de ce livre.



Et comment on prépare la terre à semences ?

C’est « un grand mystère » qui « comporte des cérémonies magiques. »



La vie du jardinier est pleine de changements et de volonté créatrice, mais il lui arrive souvent de sortir un peu de la mesure…

Bientôt « la convoitise du collectionneur » naît en lui, et il s’enlise de plus en plus profondément dans cette passion. Passion qui devient de la spécialisation, qui fait de lui un « maniaque exalté » qui ne vit que pour ses roses, ses orchidées ou encore ses dahlias !



Et on s’amuse avec des situations cocasses, qui surviennent à son insu.



La lance d’arrosage est un être qu’il faut apprivoiser : « elle se tord, fait des cabrioles », « se jette sur l’individu », « se roule autour de ses jambes : il faut alors qu’il pose le pied dessus ; mais elle se dresse et lui entoure la taille et le cou. Tandis qu’il lutte avec elle comme avec un python, le monstre tourne son bec de cuivre vers le ciel et dégorge un violent jet d’eau dans les fenêtres, sur les rideaux tout frais posés. »

Et on pourrait imaginer en arriver à la situation de « l’arroseur arrosé », comme dans le célèbre film de Georges Méliès !



Ce livre est très plaisant.

Le ton est enjoué et humoristique. L’écriture est joliment poétique.

Le texte est enthousiaste et exaltant.

Il foisonne d’émotions et de sensations !



C’est indéniable, il y a un sacré vécu dans ce que nous raconte Karel Capek.

Une chouette invitation à déambuler dans ces petits lopins de terre, à admirer, à observer, à pratiquer l’art de la patience, et à en « prendre de la graine » !



« Je ne vous révélerai pas le secret qui fait que les jardiniers se reconnaissent entre eux, je ne vous dirai pas si c’est par le flair, ou grâce à quelque mot de reconnaissance ou bien à l’aide d’un signe secret. »

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La guerre des salamandres

Un navigateur découvre une espèce de salamandres marines et intelligentes sur la côte d'une île du pacifique. Il va les en tirer parti pour la pêche aux perles et va les aider à se développer. On ne va pas s'attacher à un personnage en particulier, le récit raconte l'expansion de ses animaux, comme un rapport d'Histoire, mais ce qu'il faut surtout retenir de ce roman, c'est sa critique de la nature humaine. Karel Capek est très pessimiste sur cette nature humaine, ce livre est écrit dans les années 30 et publié en 1936, et il est vrai qu'à l'époque,elle n'est vraiment pas reluisante. C'est une sorte de conte philosophique, Karel Capek brocarde tous les travers de la société, dans tous les domaines : opportunisme à court terme du capitalisme, nationalisme destructeur, dérives sectaires, racisme, polémiques scientifiques futiles, médias, show bizz… C'est en lien avec les années 30, mais son propos n'a pas vraiment vieilli et son actualité est assez effrayante. Certains passages sont très drôles, le livre est monté comme un dossier, avec ajouts d'extraits de presse, des faits se suivent sans véritablement de liens entre eux, mais l'ensemble forme un tout très cohérent, c'est une fiction sur le thème “L'humanité disparaîtra, bon débarras”, d'un humour grinçant, détaché, et d'une terrible lucidité. Ce n'est que très récemment que j'ai entendu parler de cet auteur, il a été proposé pour le prix Nobel mais ne l'a jamais obtenu, La guerre des salamandres possède la dimension d'un classique, pertinent, drôle, indémodable, ça vaut le coup d'aller le découvrir.
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L'Année du jardinier

C'est la troisième fois que je lis ce livre, c'est tout dire !

Un ouvrage au style original, proche de Boris Vian qui nous fait vivre le jardinage avec un autre regard.
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La guerre des salamandres

Quel curieux roman ! Les points de vue et les protagonistes se succèdent rapidement au sein d'une narration tantôt sans recul (les dialogues sont omniprésents dans la première partie), tantôt très distanciée (les deux autres parties prennent la forme d'une revue de presse chronologique et d'analyses théoriques). le récit n'a donc pas de forme fixe. Il est en perpétuelle évolution, exactement comme les salamandres qu'il met en scène. Si bien qu'il est difficile d'appréhender ces salamandres, de les comprendre… C'est bien entendu l'effet recherché par Čapek : à l'image des premiers protagonistes, puis de l'humanité entière, nous assistons à la découverte et l'expansion d'une espèce à l'intelligence inédite depuis homo sapiens. Sans vraiment concevoir où nous allons. Entre surprise, enthousiasme… et angoisse.



Hé oui, que se passerait-il si une telle espèce apparaissait sur Terre et s'y multipliait ? Pas grand chose de bon, nous répond Čapek. Car malgré l'humour omniprésent, les résultats du contact entre l'humanité et les salamandres font souvent froid dans le dos : à l'altruisme de quelques-uns s'oppose la bêtise insensible de la masse, qui a tôt fait de réduire les nouvelles arrivantes en esclavage, dans une course effrénée au profit. Voilà une satire bien corrosive qui dresse un portrait d'une humanité aveugle et égoïste, où chacun poursuit ses intérêts dans son coin pendant que le bateau prend littéralement l'eau. Les salamandres endossent à la perfection le rôle de travailleuses presque robotiques (ce mot « robot », popularisé par Capek, est dérivé de « robota », synonyme de « travail » en tchèque) au point de se rendre indispensables : à l'image de tout progrès technologique, une fois qu'elles sont assimilées à la société humaine, on ne peut plus faire machine arrière, pour le meilleur, mais ici surtout pour le pire.



Outre la satire socio-économique, on trouve des parodies des principaux courants politiques de l'époque (les années 1930), en particulier le nazisme : un savant allemand se plaint par exemple de l'humanisme qui conduit à vouloir vivre ensemble au lieu de massacrer les minorités envahissantes. Et les salamandres elles-mêmes, par leur absence dérangeante de personnalité et leur homogénéité, font songer aux sociétés dystopiques, à commencer par les classes inférieures du Meilleur des mondes d’Huxley, ou encore l'humanité « opérée » de Zamiatine dans Nous autres. Deux sources que Čapek connaissait certainement.



Au-delà de ces multiples références et caricatures, Čapek démontre aussi l'impossibilité de coexister dès lors que l'on est trop nombreux. Même si l'on est bien plus débonnaire et conciliant que l'humain moyen. La croissance exponentielle des salamandres m'a paru à cet égard fortement révélatrice. En effet, difficile de ne pas y voir un reflet déformé de celle de l'humanité. de même que la volonté avide de leurs maîtres (et leur propre volonté de vivre) pousse les salamandres à se multiplier jusqu'au point de non retour, qu'arrivera-t-il à notre espèce bien moins docile quand elle se sera encore accrue (comme cela est prévu), de plusieurs milliards d'individus dans un monde où elle vit déjà à crédit ? Poser la question, c'est déjà entrevoir la logique implacable qu'elle recouvre, similaire à celle que Čapek met en oeuvre dans son roman.



Un fervent combattant de la surpopulation, du nom de Claude Lévi-Stauss, disait : « Il n'est aucun, peut-être, des grands drames contemporains qui ne trouve son origine directe ou indirecte dans la difficulté croissante de vivre ensemble ». Selon son point de vue, la haine de l'autre ne serait qu'un symptôme de ce problème, y compris la Shoah, dont Čapek était destiné à être victime (si sa mort naturelle ne lui avait pas permis de frustrer la gestapo). Čapek anticipe d'ailleurs quelque peu les ravages du nazisme, notamment à la fin du roman, . Sous ses aspect légers et fantaisistes, ce roman de Čapek interroge le sens de notre expansion en tant qu'espèce.
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La maladie blanche

Un virus inconnu en provenance de Chine provoque une maladie très contagieuse , incurable et mortelle. Ignorance, égoïsme, égo et panique règnent (tout ceci ne vous rappelle rien ?).

Heureusement un traitement est découvert par un obscure médecin. Mais ce dernier met une condition pour sa généralisation...

Cette pièce de théâtre ,écrite lors de la montée du nazisme, est une charge contre le nationalisme, le cynisme et la bêtise de la foule.

Un must qui a tant de qualités qu'il devrait être intégré dans le programme scolaire.
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La Mort d'Archimède



La mort d'Archimède est un conte philosophique de Karel Capek (1890-1938). L'écrivain tchèque invente un dialogue, d'une brûlante actualité en 1938, entre Archimède et Lucius, un légionnaire romain venu lui proposer de travailler pour Rome. le problème est le suivant : un savant doit-il accepter de participer au développement des armes de guerre ? S'ensuit un dialogue sur le pouvoir, intéressant, vif et enlevé.

A découvrir gratuitement sur le site de la bibliothèque russe et slave dans une traduction anonyme parue dans la revue Europe centrale, volume 15 en 1940. ( 8 pages ).
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La guerre des salamandres

La Guerre des Salamandres est une critique vindicative de notre société déguisée en livre de SF. L'auteur tape sur le capitalisme galopant, le racisme ou le nazisme.

Le roman est complètement WTF dans sa forme.

Ça commence comme un récit d'aventure, avec un capitaine cherchant des trésors dans les îles du Pacifique et découvrant une race de salamandres "évoluée" . Puis ça dérape en soap avec l'arrivée de jeunes wannabe acteurs américains complètement teubés. La presse en fait ses choux gras, la machine s'emballe. Les industriels s'y intéressent et exploitent les salamandres.

Et PAF, la deuxième partie du bouquin arrive, et c'est une collection d'articles de journaux, de rapports de réunions, de tracts politiques, sur l'amplification du phénomène mondial "salamandre".

La troisième partie embraye sur une autre forme jusqu'à un chapitre final inattendu.



La Guerre des Salamandres est très surprenant, d'autant plus que le ton est très drôle. Il y a un sarcasme grinçant qu'a surement apprécié Terry Pratchett. Karel Capek le décrit comme un "roman d'actualité", et il semble lucide voire visionnaire parfois sur l'avenir du monde et sur la guerre qui arrive (le roman est sorti en 1936). Étonnamment, son regard sur le capitalisme est encore d'actualité aujourd'hui.



Le défaut du livre, je le situerais dans cette seconde partie imbuvable, où les notes de bas de page prennent parfois 75% de la page et s'étendent sur 3 ou 4 pages (dans mon édition en tout cas). C'est clairement pas agréable à la lecture, on se retrouve obligé à faire des va et vient incessants. C'est haché, et rapidement pénible.



Malgré cela, c'est un livre que je recommande vivement car original, engagé et malheureusement méconnu.
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La Mort d'Archimède

Capek imagine cette joute oratoire. : Archimède et un soldat romain qui essaie de le convaincre de laisser Syracuse et de travailler pour l'ennemi. Texte très court (5 pages), arguments imparables.
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