Citations de Léonor de Recondo (1071)
Le silence de mes nuits transporte mon cœur engourdi vers l’aube incertaine.
La chevelure de pluie s'est défaite.
De l'orage naît l'espoir infini
D'un amour retrouvé
Qui s'arrache à l'oubli
Pour ressusciter la mémoire de l'enfant
Dans le cœur de l'homme.
Le sculpteur, aux mains douées d'un rare pouvoir, n'est pas dupe et se plaît à dire à ses semblables : " Ne regardez pas mon visage, il est laid. Regardez plutôt mes mains ! Elles sont si puissantes qu'elles façonnent la réalité, qu'elles donnent vie à la pierre. Dans le sillon creusé par mon ciseau, les veines du marbre se gorgent de sang. "
(Le sculpteur, Michelangelo )
Elle pense à ses compagnons comédiens, parisiens, chacun portant son histoire tordue, kyrielle d’amochés, souvent discrets sur leur passé, partageant parfois un souvenir si l’amitié le permettait. Magdalena s’invente dans ses personnages, n’évoque jamais le pavillon triste de ses grands-parents. On lui demande rarement d’où elle vient, mais toujours où elle va, ses projets, ses rôles, un futur si prégnant à chaque instant. Une fuite en avant, demain, demain, demain.
Ce soir-là, à bord de la gondole des Leoni, Ilaria contemple la beauté éblouissante de la lagune. Mauve à cette heure du jour, quand la jeune fille passe du boyau sombre au joyau étincelant, et que la campanile de San Giorgio Maggiore, flèche ocre, crève le bleu empourpré du ciel.
Magdalena épuisait le corps d’Antigone en s’immisçant dans son esprit. Elle s’appropriait l’exaltation, le courage, le mépris, les désillusions, la force et l’amour perdu. Elle se disait qu’en amour perdu, elle s’y connaissait et que si elle venait à mourir, qui de sa mère ou de son père s’en soucierait ? Et les larmes lui brûlaient les yeux.
(page 61)
Dans la rue ou quand des voisins passaient à la maison, ils ne disaient plus « comme tu as grandi ! », mais « comme tu as changé ! ». Les femmes la complimentaient, les hommes la détaillaient.
(page 35)
Je ferme les yeux, je vois les jardins d’Aranjuez où nous aimions tant nous promener. Je vois Irùn, la maison, Aïta, notre rencontre, son front si lisse et ses yeux perçants. Je vois la sage-femme qui entre chez nous avec sa chaise d’accouchement pliante. Trois fois entre ses mains se sont posés mes enfants, mes fils si silencieux ce soir.
J’abandonne une partie de moi-même là-bas, au pied des orangers, j’y laisse mes rêves et je prie pour que nous restions unis, en vie. Toujours libres.
Elle a beaucoup tourné au début de sa carrière, maintenant elle préfère la fugacité du théâtre. L’intensité du présent. Elle aime sentir la salle, les spectateurs, les tensions sur le plateau et en coulisses. C’est dans cette communion qu’elle est tout à fait vivante.
(page 43)
Boucles noires de jais, peau diaphane blanche, on lui a toujours dit ta peau de lait, pommettes hautes, nez droit, long, bouche charnue, lèvre supérieure saillante, et ses yeux vert très pâle, qui changent suivant les mouvements des nuages, la densité du ciel, la pluie, l’orage, les embardées de bleu. Sa beauté. On lui dit toujours, Magda, ta beauté.
Quoi, ma beauté ?
(page 14)
Personne n’est rien avant d’être aimé.
Ma bouche contre ton oreille, je te dis des mots qui ne s'écrivent pas. Des mots qui exigent la voix. Des mots de toi à moi, les derniers prononcés qui traversent ta peau devenue froide, qui parcourent tes oreilles, ton cerveau, tes veines et tout ton squelette pour rejoindre ton souffle, si ténu soit-il. Des mots d'amour, de gratitude, alors que déjà se profile l'incertitude de ne pouvoir jamais vivre sans toi.
Là, les familles se rencontrèrent et se jaugèrent. Tout le monde présentait bien, les mentalités s'accordaient, les portefeuilles aussi. Une ébauche de contrat fut discutée entre hommes, et la date du mariage arrêtée à deux mois plus tard.
Parfois, elle brûle, quand elle joue du violon. Ça part de son cœur, jamais de son esprit, elle insiste : de son cœur et ça se propage jusqu’à ses mains, elle a l’impression que tout s’enflamme, la touche, le violon, les cordes qui s’entortillent sous la chaleur, alors elle s’enfuit où elle peut, elle plongerait volontiers dans la lagune.
(page 168)
L’enfant pose le poids plume sur sa clavicule. Elle louche en regardant les ouïes, le chevalet, cette vue nouvelle qui deviendra son paysage intérieur.
Quatre cordes, et toute la musique sous ses doigts.
(page 33)
On a tous un paysage vers lequel on revient sans cesse, n'est-ce pas ?
Son corps avait changé ces derniers mois. Elle ne pouvait pas l’ignorer. Ses seins avaient poussé, elle avait même cru que ça ne s’arrêterait jamais. Elle ne savait pas quoi en faire. Elle les trouvait trop gros. Ça la gênait pour courir, grimper aux arbres, s’habiller, se cacher. On ne voyait qu’eux.
(page 33)
- Que se passe-t-il ?
La grand-mère tente de leur expliquer, de trouver les mots justes, mais, très vite, elle s'aperçoit qu'il n'y en a pas. Elle finit par leur dire tristement :
- La guerre, c'est cela : la haine, les cris, l'incompréhension, la peur, la mort.
Iduri l'imagine comme un monstre rampant à la gueule abyssale où s'engouffrent des tas de cadavres désarticulés. La guerre, c'est cela aussi : l'imaginaire d'un enfant qui passe de la lumière à l'ombre.
C'est pour ça que j'écris, je bois, je fais l'amour si voracement. Je veux sentir le corps vivant et m'abandonner pour jouir de cet éclair d'oubli, de cette joie miraculeuse. Je veux croire que le temps passera, estompera, polira, et je continuerai de faire l'amour, de caresser la peau vive, en la chérissant avec mes mains, mon sexe, ma bouche, ma langue. Transpirer, embrasser, lécher, mais ne surtout pas rêver.
Le corps est un mystère, ce pouvoir qu’il a de révéler ou de cacher la personne qu’il incarne me fascine. On ne connaît pas l’autre tant qu’on ne l’a pas vu se mouvoir, tant qu’on ne l’a pas vu habiter l’espace.