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Critiques de Lionel Shriver (822)
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Il faut qu'on parle de Kevin

Voici peut-être l'un des meilleurs livres que j'ai jamais lus.

Pourtant j'ai détesté chacune de ses pages.

Il n'y a pas une lueur d'espoir dans ce roman. Dès les premières pages, on sait que Kevin a assassiné ses camarades de lycée. La longue narration de sa mère conduit inexorablement le lecteur vers un épilogue auquel il ne peut échapper - et qui s'avèrera plus cruel encore qu'on l'avait imaginé.



Lionel Shriver ose briser deux tabous. Le premier est celui de l'innocence de l'enfant. Les enfants commettent parfois des atrocités. On les en dédouane en en cherchant la cause dans une éducation inefficiente. Mais la cause est plus immédiate : ils font le mal car ils sont, parfois, mauvais.

Second tabou : l'amour maternel inconditionnel. Lionel Shriver ose décrire une mère qui n'aime pas son enfant, s'en méfie et mène avec lui une guerre de chaque instant.



Dans la société contemporaine où l'enfant est roi, ces sujets sont tabous. La littérature et plus encore le cinéma sont souvent englués dans une bien-pensance mielleuse sacralisant l'enfant et l'amour maternel.

"Il faut qu'on parle de Kevin" - magistralement porté à l'écran par Lynne Ramsay - constitue un puissant et douloureux antidote à ce conformisme bien-pensant.
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Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-hu..



Il court, il court le joggeur pendant que je furète le dernier roman de Lionel Shriver.

Le sport, c’est fatigant. Mais pas autant que les sportifs. Le pitbull des lettres américaines s’est trouvé un nouvel os à ronger : le culte du corps et de la performance.

Serenata, la narratrice, perfusée à l’ironie féroce, doit supporter la dernière lubie de son mari qui vient de se faire virer de son emploi: courir un marathon. Comme son bonhomme a la soixantaine et n’a jamais fait de sport, elle prend d’abord cela pour une résolution de réveillons. Mais le pépère s’obstine et cette capitulation à des défis à la mode qui font sensation dans les dîners fragilise le couple, d’autant que de son côté, Serenata a tellement martyrisé son corps en galopant depuis son enfance qu’elle a les genoux qui grincent comme les portes d’un vieux manoir hanté.

La situation s’aggrave quand son Remington de mari décide de se faire aider par une coach dont le prénom, Bambi, résume bien le programme, et un groupe de camés de la dopamine qui préparent un triathlon de type Iron Man. Pour Bambi, il suffit d’un peu de volonté pour ne pas vieillir. Le mot d’ordre est je cours donc je suis… et je sue aussi !

Le dépassement de soi pour flatter le moi. Coluche disait qu’il n’y avait pas plus con que le vélo comme sport. Je ne sais pas ce qu’il dirait de ceux qui pédalent dans la semoule une centaine de bornes après avoir barboté plusieurs kilomètres en eaux troubles avant de crapahuter pendant quarante kilomètres en plein cagnard.

Lionel Shriver ne s’en prend pas qu’à la secte du lycra dans son roman. L’insupportable fille du couple a rejoint « la brigade de Jésus » et enchaîne les leçons de morale à destination de sa mère pour la rendre responsable de tous ses échecs. Les évangiles pour se venger.

Mais à mes yeux bigleux à défaut d’être bleu, le véritable moment d’anthologie de ce roman se situe dans le récit par l’absurde d’un conseil de discipline qui aboutit au licenciement du mari. Lionel Shriver qui n’en est pas à sa première controverse, ridiculise ici le wokisme de façon brillante.

Comme Babelio a dû repérer que je n’aimais pas trop les romans à l’encre trop sympathique, je ne peux que dire merci pour cette masse très critique car le ton acerbe de Lionel Shriver a cajolé mon mauvais esprit.

Rien ne sert de courir, point !

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Il faut qu'on parle de Kevin

We need to talk about Kevin

Traduction : Françoise Cartano



En raison d'un article lu sur un blog et qui reprochait à ce livre de culpabiliser la mère à outrance, j'ai longtemps tardé à lire ce roman dont le thème central est la recherche des causes de la violence adolescente, surtout lorsque celle-ci débouche sur des meurtres de masse similaires à la tuerie de Columbine, aux USA. J'ai tardé donc mais, une fois que j'en ai commencé la lecture, je n'ai pu me séparer de ce roman avant d'en avoir lu la dernière page. Pourtant, je tiens à le préciser, certains passages, dans lesquels la mère décrit elle-même son narcissisme et son égoïsme, et ceci sans aucune complaisance, ont de quoi déclencher la colère, l'antipathie et le malaise du lecteur.



Lionel Shriver a en effet choisi de ne nous donner que le point de vue de la mère de Kevin Khatchadourian. Point de vue fatalement partial, dépourvu d'objectivité, dira-t-on. Sans doute mais celui des autres acteurs de la tragédie eût-il été moins subjectif ? On accordera à cette mère qui s'interroge et déballe tout pour mieux comprendre comment son fils et elle en sont arrivés là, le mérite d'un franc-parler qui dérange, inquiète, blesse mais qui, jamais, ne tombe dans l'auto-complaisance.



Le roman se présente sous forme de lettres que Mrs Khatchadourian adresse à son mari, Franklin. Ce parti pris aurait pu rebuter des lecteurs qui ne sont plus habitués aux romans épistolaires mais le style dense, d'une précision d'analyse quasi clinique, et particulièrement soutenu utilisé par l'auteur agit comme une spirale hypnotique, accrochant et rivant le lecteur à une intrigue qui dévoile lentement une structure complexe et particulièrement travaillée. Bien qu'il s'agisse d'un récit d'introspection, il n'y a aucun temps mort : à partir du moment où l'on se plonge dans l'histoire, on veut aller jusqu'au bout, quel que soit le prix à payer pour ce faire.



Ce serait faire injure à l'habileté souveraine avec laquelle Lionel Shriver a mené sa barque que de résumer "Il faut qu'on parle de Kevin." Tout ce que vous avez besoin de savoir, c'est que Kevin s'est bien rendu coupable d'un massacre dans son lycée, qu'il a prémédité le fait et l'admet avec une curieuse bonne grâce, et que, à l'issue de son procès, sa mère est la seule personne qui vienne le voir au parloir de la prison. Le reste ne se raconte pas, il se lit.



Ce livre se double en outre d'une critique impitoyable des méthodes d'éducation laxiste qui, après avoir fleuri aux USA, ont envahi l'Europe. Non que Lionel Shriver soit pour les châtiments corporels : elle se contente de rappeler que le sens des limites et des garde-fous ne se communique pas en laissant faire à un enfant ses quatre volontés.



En ce qui concerne la culpabilisation de la Mère que certains ont voulu voir ici, j'affirme ne pas avoir compris comment ils en étaient arrivés à cette conclusion. Shriver met en évidence, de façon parfois insoutenable, c'est vrai, le lien privilégié et presque fusionnel qui s'établit entre la mère et son enfant. Force est de constater que, en dépit de tout, en dépit de ce que lui-même professe, c'est avec sa mère que Kevin a le plus d'atomes crochus. Comme Eva Khatchadourian, il fait preuve, dès le berceau, d'une personnalité désagréable, voire insupportable mais en tous les cas puissante et déterminée. Et, le livre refermé, l'on se surprend à s'interroger sur ce qui serait advenu si l'amour maternel avait été présent dès le premier souffle de Kevin.



Car l'amour maternel n'est pas inné. Cette idée, que véhicule tranquillement "Il faut qu'on parle de Kevin", a dû en choquer plus d'un aux USA et même ici, dans notre vieille Europe. L'affirmer haut et fort, sans pour autant accabler celle chez qui il ne se développe pas ou alors, chez qui il ne se développe que tardivement, c'est transgresser un tabou : jusque dans cette fonction qu'elle est seule à pouvoir assumer, la maternité, la Femme reste prisonnière d'étiquettes et de préjugés forgés par les mâles.



A la fin du roman, à la fin également d'un long, douloureux et sanglant parcours, Eva Khatchadourian aura appris - sans tomber dans le mélodrame, je vous rassure - à aimer son fils. Parce qu'elle aura compris que, dès son premier souffle, la seule, l'unique personne qui ait jamais compté pour Kevin, en dépit de tout, c'était elle, sa mère. ;o)
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Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-hu..

Tellement fan de cette autrice américaine, que je crains de ne pas être objective. Il n’empêche que ce nouvel opus de Lionel Shriver, Quatre heures, vingt deux minutes et dix huit secondes est un coup de coeur, un vrai !

Le thème abordé a quelque chose d’universel, le vieillissement, inéluctable à moins d’avoir quitté cette vallée de larmes avant de pouvoir constater les dégâts insidieux du temps !



Le couple vedette a récemment rejoint le club des sexagénaires, Remington vient d’être licencié, et Serenata souffre d’une arthrose avancée des genoux, et reste très réticente à confier ses articulations défectueuses aux bons soins d’un chirurgien orthopédiste. Dur pour cette sportive qui ne souhaite pas du tout ajouter le qualificatif d’ancienne à cette définition d’elle-même.



C’est ce moment compliqué que Remington choisit pour se consacrer à une nouvelle passion, le running, et pas en coureur du dimanche : il vise ni plus ni moins le marathon, même si sa première tentative l’a péniblement transporté à huit cent mètres de chez lui !



C’est le début d’une escalade qui met à mal le couple et ce qu’il reste de leur famille !



Lionel Shriver a le don pour camper des personnages très représentatifs , auxquels il est possible immédiatement, sinon de s’identifier, au moins de reconnaitre dans ces portraits les anonymes de la vraie vie, que l’on a forcément croisés un jour.



C’est l’occasion de dénoncer la société de consommation, car, ce qui fut gratuit naguère, avec une paire de chaussures de sport basique, est devenu un business florissant, proposant matériel, appli et tarifs d’inscriptions aberrants !



Plus encore, le fonctionnement des aficionados regroupés au sein de club a tout de la secte, vouant un culte au corps.



On apprécie aussi le constat d’échec éducatif de nos héros, dont les enfants ont opté pour des parcours peu banals !



400 pages addictives : j’attends le prochain !
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Big Brother

Une fois de plus séduite par le roman de Lionel Shriver, qui rejoint inexorablement le podium de mes auteurs américains préférés.



La narratrice est une femme de la middle class, qui a monté sa propre entreprise avec succès, souffre d’un léger embonpoint qui, s’il occupe une partie de ses réflexions quotidiennes ne motive pas la mise en place de mesures efficaces pour le combattre.



Lorsque son frère la contacte, visiblement mal dans sa peau, elle n’hésite pas à lui proposer de l’héberger chez elle, c’est à dire avec son mari et les deux enfants de celui-ci. Comment aurait-elle pu imaginer que l’homme qu’elle attendait à l’aéroport était celui dont elle venait d’entendre la critique acerbe par d’autres passagers, envers cet homme obèse qui a incommodé ses compagnons de vol? Edison a triplé de volume. Oeuf ou poule, cause ou conséquence , avec les kilos qui se sont accumulés, le succès de sa carrière de jazzmen n’est plus qu’un lointain souvenir.



C’est le début des enquiquinements, la cohabitation est complexe, particulièrement avec Fletcher, le mari, qui se conduit comme un ascète de la diététique. Tout est conflictuel, des détails triviaux aux incompatibilités étiques. C’est pour Pandora le moment de prendre une décision radicale.



Portrait sans concession d’une Amérique qui s’éloigne à grands pas de son rêve, au delà du problème l’obésité, Lionel Shriver analyse avec subtilité ce qui fait la complexité du vivre ensemble, en couple, en famille, en société dans un milieu où les codes sont de plus en plus restrictifs.



L’entreprise qu’a fondée Pandora est à elle-seule une bonne idée pour le scénario du roman : elle fabrique des marionnettes caricaturales qui peuvent restituer des expressions de la victime, de ces phrases toutes faites qui finalement nous définissent et nous identifient.



Le roman est agréable à lire du fait du rythme enlevé, de l’humour qui malgré tout tire son épingle du jeu de ce récit dramatique





Encore un vrai bonheur de lecture.
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Il faut qu'on parle de Kevin

Ayant vu et été marquée par le film servi par de très bons acteurs (Tilda Swinton, prix du cinéma européen de la meilleure actrice et Ezra Miller), j’ai voulu pour une fois lire le roman même si j’en connaissais les liens et aboutissements. Si le film m’a laissé ko, le livre quant à lui m’a laissé de marbre. Il n’apporte aucun élément de réponse sur le côté psychopathe de ce Kevin qui la veille de ses seize ans, tua neuf condisciples de classe dans le gymnase de son école à l’aide de son arbalète.



Kevin depuis tout bébé est un enfant qui fait horreur et qu’aucune mère ne pourrait souhaiter à sa pire ennemie. Kevin ne veut pas du lait maternel, Kevin pleure sans arrêt quand sa mère est là, Kevin est atone, désintéressé de tout, l’ambition de Kevin c’est d’être chômeur plus tard, Kevin porte des langes jusqu’à six ans, Kevin martyrise les enfants de l’école. Depuis tout petit Kevin est un gosse machiavélique, méchant, bref un vrai merdeux poussé à son paroxysme.



Si le film m’a percuté dés les premières minutes, il a fallu attendre au-delà de la deux centième page pour que dans le livre Kevin apparaisse. Très très long. On suit les lettres de la mère, Eva adressées à son mari Franklin qu’il ne lira jamais. Le ton est froid, sobre, trop clinique. Si le titre fait référence à l’urgence de parler Kevin, non je n’ai pas reconnu l’urgence entre toutes les parenthèses très longues à gauche et à droite. Eva parle de beaucoup de choses sans lien direct ou indirect avec Kevin. Ce qui rend le livre assez lent et dispersé. Eva est une mère carriériste qui aurait préféré ne pas avoir ce premier enfant. À peine né, elle le reconnaît, cet enfant ne génère chez elle aucune émotion. Au fur et à mesure que Kevin grandit, le couple se complaît dans une nonchalance assez effarante. Si la mère constate très vite un problème avec son fils, son père fait l’autruche. Il n’y a jamais de réaction pour recadrer l’enfant futur tueur. Du côté de la mère, ça manque d’amour mais en même temps comment aimer un tel enfant, une créature aussi néfaste ? Et de l’autre, le père est collant et déborde d’amour pour son fils. Un déséquilibre glaçant qui ne m’aura pas permis de m’attacher à qui que ce soit. Le seul être qui semble normal dans cette famille c’est la petite sœur Celia.



Il y a certainement une accumulation de faux pas dans l’éducation de Kevin pour comprendre comment un jeune de bientôt seize ans en arrive à tuer sans scrupules autant de monde. Le côté inné semble aussi questionner puisque Kevin semble être né méchant. Difficilement compréhensible d’imaginer un bébé aussi sournois néanmoins.



Sur 730 pages, j’attendais à retrouver l’énergie émotionnelle du film, le ton clinique des confidences de Eva dans ses lettres m’a posé problème. Je n’ai pas ressenti comme dans le film l’urgence de parler de Kevin, la rage et la colère d’avoir enfanté un être aussi diabolique, je n’ai pas adhéré à cette façon d’abdiquer devant son caractère néfaste, de rester bras croisés.

Beaucoup trop descriptif comme livre, sans émotions, des émotions qui auraient pu souligner honte, rage, déception, bref toute une panoplie de sentiments humains justifiables ici.



Pour une fois, c’est le film qui gagnera la palme d’or en terme d’électrochoc, le livre ici me semble personnellement moins pertinent que le film. J’ai adoré le jeux des acteurs dans le film où l’on retrouve le côté froid du personnage de la mère mais le côté diabolique et malsain de Kevin est parfaitement maîtrisé dans le film alors que le livre semble atténuer cette face monstrueuse. Mitigée donc sur ce livre que j’aurai peut-être perçu autrement sans avoir vu le film au préalable.
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À prendre ou à laisser

Le soulagement l’emportant sur le chagrin lorsque son père succombe (enfin?) à dix terribles années de démence sénile, Kay se rallie à la résolution de Cyril, son mari. Hors de question de passer un jour à leur tour par une telle déchéance, d’encombrer leurs enfants et de peser sur le chancelant système de santé britannique : cette infirmière et ce médecin d’un hôpital public londonien se suicideront préventivement aux barbituriques dès que sonneront leurs 80 ans, dans trois décennies d’ici. Mais, quand survient la date fatidique, le passage de la théorie à la pratique s’avère bien plus compliqué que prévu…





On est alors en 2020 et le couple, toujours très actif et en parfaite santé, se déchire, à l’image de toute la société britannique, à propos du Brexit et du confinement. Est-ce bien le moment de partir ? En écho malicieux au titre original « Should I Stay or Should I Go » emprunté aux Clash, et sur le ton au vitriol avec lequel, de livre en livre, elle s’attaque au prêt-à-penser de tout poil, l’auteur décline la réponse en douze versions cyniquement jubilatoires, entrelacées de scènes familiales et de tableaux de la classe moyenne anglaise aussi justes que féroces.





Vieillesse précaire ou épanouie, entourage prévenant ou maltraitant, hospice sordide ou établissement haut de gamme inabordable : le livre sonde tous les sujets sensibles avec une joyeuse absence de retenue, pointant les irrationalités nées de nos terreurs face à la mort, soulignant les égoïsmes générationnels et cette étrange conviction que la décrépitude n’arrive qu’aux autres, s’aventurant dans la dystopie et la science-fiction pour explorer un futur post-cryogénisation ou les conséquences qu’aurait sur le monde la découverte d’un élixir de jouvence.





Il en résulte un texte original et décapant, souvent drôle, tendre aussi, pour une conclusion paradoxale et pourtant évidente : c’est son inévitable échéance qui donne toute sa valeur à la vie.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-hu..

Qui trop embrasse, mal étreint … à vouloir aborder tous les sujets dans le même récit, ce roman m'a égaré et finalement déçu.

Ciblant les drogués du sport, passant du marathon au triathlon pour échapper à l'inéluctable déchéance physique et intellectuelle, en courant derrière un couple de retraités, Serenata et Remington, Lionel Shriver dérive vers les dérives sectaires dans lesquelles ont sombré leur fille Valéria, puis dénonce les mises en retraite anticipées, l'éclairage LED, etc.

La romancière, dont j'apprécie le combat contre le poison woke, jongle avec l'humour, l'ironie et le sarcasme mais abuse des dialogues, que la mise en page complique malgré le talent de la traductrice.

Quatre heures, vingt deux minutes et dix-huit secondes de lecture semblent longues, mais j'apprécie l'épilogue qui montre deux amoureux au crépuscule de la vie, goutant paisiblement leur existence impactée par « l'obsolescence programmée ».

L'Age a aussi ses bons côtés !
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Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-hu..

Dans le couple, Serenata était la sportive. Mais l'usure de ses genoux l'a contrainte à renoncer à la course à pied. Alors quand Remington, son époux, plutôt sédentaire et mis en retraite anticipée, lui annonce qu'il va courir un marathon, elle ne sait trop que penser... Incrédulité, jalousie, colère, ses sentiments se bousculent. D'autant qu'après un marathon couru dans la douleur, Remington se laisse convaincre par une coach de se lancer dans un triathlon !



Lionel Shriver nous livre un roman sur la transition entre une vie active (professionnelle, sportive, etc.) et une retraite pas toujours désirée, ni même choisie. C'est rédigé avec beaucoup de tendresse et une pointe d'humour et d'exagération, qui édulcorent sans les cacher les peurs, les angoisses et les colères.

Il est difficile de s'identifier à Serenata ou Remington, car leurs comportements sont exacerbés et mis en opposition par l'auteure : deux époux qui perdent presque simultanément un travail dans lequel ils s'étaient investis, l'une devant de plus renoncer à presque toute activité physique tandis que l'autre décide de combler le vide de sa vie en se lançant des défis sportifs qui paraissent insensés. Le sujet n'est pas facile. Lionel Shriver le traite avec tact mais sans complaisance.

L'objet du roman ne se prête pas aux multiples rebondissements, ou à une écriture très dynamique. Pourtant, le livre se lit facilement. Cela est du à une écriture assez simple et directe (merci à la traductrice). Lionel Shriver sait également entretenir des petits suspenses, sur des décisions inattendues ou des comportements surprenants.

Pas tout à fait un coup de cœur, mais un très bon roman.
Lien : http://michelgiraud.fr/2022/..
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À prendre ou à laisser

Lorsque Lionel Shriver s’attaque à un thème, elle ne donne pas dans la demi-mesure ! Cette fois, elle aborde avec brio une période délicate de la vie, le grand âge.



Ses deux personnages principaux Kay et Cyril approchent de leur quatre-vingt printemps. Le père de Kay a vécu une fin dégradante, et la résolution du couple, à l’initiative de Cyril est de se suicider lors de l’anniversaire des quatre-vingt un an de Kay. Le Séconal est dans une petite boite au frigo, leur rappelant la résolution à chaque fois qu’il en ouvrent la porte.



Mais pour traiter ce sujet, Lionel Shriver ne s’en tient pas à un déroulé unique. Elle décline de multiples issues à cet engagement mutuel, n’hésitant pas à se projeter dans un avenir extrêmement lointain, dans la version où les époux ont choisi de se faire cryogéniser.



Ces alternatives variées permettent d’argumenter l‘affaire et réussissent de plus à ne pas plomber l’ambiance. Après tout, libre au lecteur de choisir son dénouement préféré.



Lionel Shriver n’hésite pas à s’auto-citer, par le truchement d’un échange entre les deux époux ! Cet artifice n’est pas le seul trait d‘humour présent dans ces pages .



Le roman est aussi l’occasion d’égratigner les options politiques récentes de l’Angleterre, à savoir le Brexit, sur lequel le couple s’oppose et de critiquer ouvertement le système de couverture sociale anglo-saxon, dont elle projette le futur avec un malin plaisir, et sur les conditions d’hospitalisation en psychiatrie, qui ne semblent pas avoir évolué depuis Family Life. Tout cela n’est pas sans conséquence sur la vie familiale . Il y a du Ken Loach derrière les propos de l’autrice.



Nous avons donc sous les yeux un roman foisonnant, imaginatif mais sérieux. Lionel Shriver m’a une fois de plus éblouie !



288 pages Belfond 19 janvier 2023

Traduction (Anglais) : Catherine Gilbert

#LionelShriver #NetGalleyFrance


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Les Mandible : Une famille, 2029-2047

Etait-ce vraiment une bonne idée que de lire ce roman de (proche) anticipation en une période où les peurs plus ou moins rationnelles gouvernent nos quotidiens? Pas sûr, quelques cauchemars ont complété l’effet diurne de cette lecture terrifiante.



Les Mandible, en 2027 ont déjà subi la catastrophe de « l’âge-pierre » : une cyber-attaque a privé les américains d’internet avec toutes les conséquences que l’on peut aisément imaginer.

Mais cinq ans plus tard, c’est un autre cataclysme qui s’abat sur cette nation autrefois arrogante, et imbue d’elle-même. De sombres tractations financières internationales confèrent au dollar une valeur de roupie de sansonnet, à moins d’abdiquer en adoptant la monnaie internationale, le bancor.



Le refus du président entraine la faillite complète de tous les possesseurs de devises, comme en 29, et met la nation entière sur la paille. Comme on peut s’y attendre, l’instinct de survie fait ressurgir des comportements de violence incontrôlables et plus accessoirement des ruées sur le papier toilette!



La famille Mandible qui lorgnait sur l’héritage du doyen comprend que ses rêves sont caduques. Commence pour eux une descente aux enfers dramatique.



Le roman insiste sur les mécanismes du marché de la finance mondiale , de façon fort adroite puisque l’un des personnages, Lowel, est prof universitaire en économie. Malgré cela, j’avoue être aussi ignorante après qu’avant, tant le fonctionnement de ce bazar m’est obscur. On en comprend cependant aisément les conséquences et la fragilité d’un tel système.



C’est écrit avec l’assurance de quelqu’un qui possède son sujet et les personnages suscitent une grande empathie , malgré leur limites et leurs petites mesquineries. J’aime particulièrement Enola, la grand-mère qui avec une constance parfaite, sur les 40 ans que dure le récit, effectue ses séries de jumping-jack et refuse de se séparer d’une caisse de livres qui lui restent de son passé de romancière à succès.





C’est brillant, glaçant, et ça nous pend au nez.



Challenge Pavés Babelio 2020


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Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-hu..

Serenata a toujours été soucieuse de son corps, mais de récents problèmes de santé ont mis fin aux joggings qui rythmaient sa vie depuis plus de trente ans. Aussi voit-elle d'un oeil sarcastique mêlé de jalousie la décision de son mari de courir un marathon. Lui qui n'a jamais fait de sport, est-ce l'ennui lié à une retraite anticipée, la peur de vieillir ou encore la jolie coach qu'il a embauchée qui le motive ? À moins que Remington soit tout simplement tombé dans ce culte du corps et de la performance qui est le nouveau mantra de beaucoup de ses contemporains. Toujours est-il que ce nouvel état de chose remet en cause l'existence même du couple de sexagénaires jusque-là complice…



Dans ce récit souvent caustique et drôle où chacun peut à un moment ou à un autre se retrouver, Lionel Shriver décortique à merveille le refus de vieillir, une obsession de notre époque. Et pour faire bonne mesure l'auteure du très réussi Il faut qu'on parle de Kevin, fille de pasteur presbytérien, s'en prend aussi à d'autres ferveurs qui prolifèrent dans la société américaine, les églises et sectes religieuses. Des attaques en règle qui ne manqueront pas de déplaire aux exaltés, grenouilles de bénitier comme sportifs à outrance…



Merci à Babelio et aux Éditions Belfond
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Il faut qu'on parle de Kevin

Ah Kevin, un sale petit bonhomme dès sa plus tendre enfance. Du genre à crier sans cesse, à refuser le sein maternel, à faire fuir toutes les nounous, même les plus motivées. Disons-le sans détour : Kevin n'est pas aimable, Kevin a toujours été repoussant. Alors peut-on légitimement imaginer qu'Eva sa mère ait une quelconque responsabilité dans la folie meurtrière de son fils pour ne pas l'avoir vraiment désiré et s'être sentie incapable de l'aimer ? Son absence d'amour maternel est-il la cause de tout ou Kevin est-il né foncièrement mauvais ?



A ces questions Lionel Shriver tente des réponses en remettant en cause magistralement le rôle qu'une mère est censé remplir et les sentiments qui doivent l'animer, faute de quoi, elle risque de voir ses enfants devenir des détraqués. Pourtant chacun sait, ou presque, que l'amour maternel ne va pas toujours de soi. C'est un lien qui souvent se tisse (ou pas) au fil des jours. de même on sait certains enfants « indomptables », des graines de voyous, voir des incarnations du mal (cf Rosemary's baby), en dépit de toute l'affection dont ils sont l'objet.
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Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-hu..

Fortement autobiographique, ce nouveau livre d'une Lionel Shriver qui, plus que jamais, a beaucoup de choses à nous dire, devrait pas mal diviser, moi compris, un peu étourdi de ces quelques heures de lecture contrastées… et de ne pas oublier de remercier Belfond et Babelio pour cette avant-première.



Quand la pensée atteint un paradoxe, en tout cas en sciences humaines, c'est qu'on est sur une bonne voie… En faire ici la pseudo-démonstration reviendrait à une longue roulade dans une flaque, le dos piqué par de nombreux et impatients gravillons. Avec Lionel, on tient une bonne cliente pour ce qui est du franc-parlé, et d'idées qui pourraient sembler contradictoires au bloc gentiment huilé des « progressistes ». On peut se réjouir qu'elle ait de plus un solide sens de l'humour-tragique, surtout quand il s'agit de nous en conter sur la vieillesse, et de son éternel querelle des anciens et des modernes… et d'en profiter pour régler quelques comptes.



Avec ce prétexte du monde en plein essor des sports d'endurance extrêmes, elle en profite pour dézinguer ce type de troupeau d'égocentriques, liés par les codes et valeurs usuels d'un groupe délimité, mais chacun isolé par sa quête de performances individuelles. En corollaire, on peut y voir cet agacement face à la prise de pouvoir des émotions et ressentis personnels dans le débat public, et bien-sûr, la progressive sanctuarisation du particulier face à l'universel, bref cette chère Lionel n'est pas là pour se faire aimer de tous, ses apparentes ambivalences bousillant toute position manichéenne.



Mais le problème vient selon moi de la forme. Comme d'autres critiques ici et là, je trouve que les dialogues, en particulier à l'intérieur du couple, sont trop longs, un peu alambiqués, parfois ennuyeux, voire excessifs, nous sortant à coups de pied de l'histoire. La pagination/mise en page est austère, voire inexistante dans ses capacités structurative et esthétique.



La majorité des personnages sont de très gros clichés, et plutôt bas de plafond.

Le stéréotype est un paradoxe éclatant : facilement identifiable, car ayant une véritable existence, il est aussi rejeté voir combattu par une frange idéaliste que l'auteure aime à brocarder. Mais il n'y a pas dans ce livre de réel questionnement à ce sujet, dommage… on en reste à une utilisation convenue, pas très éloignée du tout-venant à gros tirage, les exemples pleuvent sans que je ne daigne me mouiller… Probablement plus facile à utiliser pour transmettre un message unanimement compris, ils nivellent au bulldozer le chemin des possibles… Soit !



L'auteure se fait grave plaisir avec cette retranscription imaginée d'une session d'un comité arbitral interne à une administration, saisie pour des accusations de violences racistes et sexistes par une dirigeante despotique mais intersectionnelle, «digne d'un rond-point en sept sorties », envers le mari de l'héroïne. Une bonne bataille de 38 tonnes, qui ne ferra changer d'avis à personne; la raison humaniste magnifiée face à l'ignorance particulariste moralisée. Un bon plaidoyer à charge et sans décharge, du coup inopérant sur nos consciences de lecteurs, mais asséné par une auteure qui peut se permettre davantage qu'un commun renvoyé vers les marges puantes des extrêmes pour ce genre d'idées.



Les noms de ses personnages…? Hum… disons qu'un stage chez l'inaccessible Thomas Pynchon pourrait aider, lui le spécialiste des patronymes sortis de nulle part, souvent chargés d'un sens plus ou moins caché, alors que ceux de Shriver tombent dans le gadget. Quitte à faire des comparaisons, je ne retrouve pas dans ce livre les qualités d'écriture d'un Franzen, ses « Corrections » pouvant avoir une certaine parenté de thèmes, tout en offrant une qualité de lecture générale beaucoup plus haute.



Donc merci chère Lionel D être là, et surtout d'ouvrir ta gueule au milieu des couinements. Ton crédo est très important pour nous qui — comme toi sans doute si tu parlais français — pensons que le mot « autrice » est juste dégueulasse; qu'à force de tout réduire aux sensibilités de chacun et à un relativisme bon ton, aux sacramentaux « goûts personnels » face à une éducation par ses pairs, à l'illusion du choix et de son éternel inassouvissement, nous courrons vers une société ou la notion même d'apprentissage se retrouve en danger…

De la défiance des nouvelles générations, jetant le bébé-boom avec l'eau des chiottes, nous laissant hurler au besoin de personnalités complexes et tranchées comme toi, si seulement ta plume était à la hauteur de tes ambitions…
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Propriétés privées

De quelques pages à la novella, le genre est décliné avec une belle palette, autour de la notion de propriété.



Pas de politique, encore que la dernière novella soit bien ancrée dans l’Irlande des années de feu, mais une analyse fine de ce concept qui s’étend à bien plus que l’utilisation de quatre murs et d’un toit en toute liberté. On peut posséder bien autre chose qu’une maison ou un appartement, mais dès lors qu’un objet est possédé, il semble exercer sur son propriétaire une influence extraordinaire. Toutes les faiblesses de l’âme humaine semblent se révéler avec le sentiment du bien à protéger : la radinerie, l’égoïsme, le mépris même des principes de base jusque là respectés.



Et c’est avec des histoires très variés que Lionel Shriver parcourt le thème, des parents prêt à tout pour déloger leur fils trentenaire de la maison familiale, un américaine pointilleuse envahie par une sous-locataire sans-gène, un facteur qui tourne le courrier de leur destination , un arbre invasif en plein coeur de Londres…chaque nouvelle est un univers en soi, et la promesse de s’immiscer au coeur d’une tragi-comédie originale. Le thème central est pourtant bien identifié.



Il y a ceux qui possèdent et ceux qui profitent de ce que les autres ne sont pas disposés à leur confier. Il y a ceux qui réduisent leur champ des possibles autour d’un lieu ou d’un objet. Avec cette conscience ou pas de la vanité de l’avoir.



Toutes ne se terminent pas en drame, les situations peuvent même créer des effets plutôt comiques, Mais toutes sont réjouissantes pour le lecteur.





Coup de coeur pour cette découverte de l’auteur .



#Propriétésprivées #NetGalleyFrance


Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Propriétés privées

Si vous n’êtes pas SDF, alors vous comprendrez Lionel Shriver qui, dans ce recueil de nouvelles, nous parle de propriété, de location, de quitter notre nid, d’en retrouver un autre qui ne veut pas de nous, de déloger des hôtes indésirables – fussent-ils nos enfants - , de partir pour mieux revenir, d’entrer en conflit avec nos voisins à cause d’un arbre tentaculaire, et j’en passe.



Toutes ces nouvelles d’une vingtaine de pages chacune (sauf la première et la dernière, des « novellas » de cent pages) ont donc un point commun : le sentiment de posséder quelque chose, de l’immobilier en l’occurrence, et son corollaire, tous les ennuis possibles et imaginables qui accompagnent ce sens de la propriété.



Mais elles ne se limitent pas à cet aspect matérialiste, loin de là ! Lionel Shriver est pour moi une experte en psychologie, et tel un médecin des âmes, elle analyse, psychanalyse, décortique, soulève le sparadrap des bonnes manières et découvre le pus de toute relation.

Tout y passe : les couples, les parents vieillissants, les enfants déjà adultes ; le divorce, les pique-assiettes, le veuvage, le célibat, les jeunes autocentrés, les trop riches, les sous-locataires sans-gêne, les douaniers pointilleux des aéroports, le train de la vie qui passe et ne revient pas…



Un style un brin sophistiqué aux phrases plantureuses et aux mots recherchés nous force à examiner tous les problèmes engendrés par la possession ou tout simplement l’attachement.

De cette auteure américaine, j’avais lu l’excellent « Big Brother ». « Il faut qu’on parle de Kevin » patiente dans mon pense-bête. Il deviendra bientôt ma propriété. Privée, cela va sans dire.



Merci à Babelio pour cette occasion de tester mon instinct de propriétaire à l'occasion d'une Masse Critique spéciale, et aussi aux éditions Belfond, bien entendu !
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Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-hu..

Serenata, 60 ans, voix off pour des jeux vidéo et des livres audio, et son mari Remington (comme les machines à écrire), 64 ans, récemment viré de son poste au Service des Transports d'Albany, vivent paisiblement à Hudson, petite ville un peu décrépite de l'Etat de New York. Paisiblement, jusqu'au jour où Remington, qui n'a jamais réellement pratiqué d'exercice physique et encore moins un vrai sport, décide de courir un marathon. La réaction de Serenata est ironique, certaine qu'elle est qu'après avoir couru 5 minutes, son mari rendra les armes. Elle va pourtant déchanter, puisque Rem s'accroche et s'entête et prend même goût à l'effort. de l'ironie, Serenata passe à la frustration et à l'amertume, d'autant plus qu'elle-même a toujours pris grand soin de sa musculature, enchaînant les kilomètres de jogging et de vélo et les séances d'abdos et de pompes sans en faire tout un plat, jusqu'au jour (récent) où ses genoux perclus d'arthrose ont demandé grâce, au point de la pousser prochainement sur le billard. D'autant plus qu'après le marathon, Rem se met en tête de participer à un triathlon, désormais entraîné par Bambi, bimbo svelte tout en muscles, coach sportive grassement payée pour être impitoyable et convaincre ses clients qu'être un "iron man" n'est qu'une question de VOLONTE.



Désormais Serenata ne voit plus son mari qu'en coup de vent, entre deux entraînements, ou quand il ramène à la maison ses potes du club de "tri" (dont Bambi) pour festoyer après l'effort. Laissant évidemment le soin à Serenata – qui de toute façon "ne peut pas comprendre" – de nourrir et abreuver ces nouveaux héros.



Ambiance dans le couple, où chacun accuse l'autre d'égocentrisme, d'abandon conjugal, de jalousie, d'arrogance et de condescendance, au fil de dialogues d'autant plus mordants qu'ils sont feutrés, chacun s'efforçant malgré tout de ne pas anéantir (tout de suite) 30 ans de vie commune somme toute plutôt heureuse. Mais jusqu'où vont-ils tenir ?



Culte du corps et de la performance sportive comme manière d'affronter ou de nier la vieillesse, voilà le thème principal de ce roman féroce et hilarant. L'auteure force le trait en faisant de ses personnages des caricatures, mais qu'est-ce que c'est jouissif ! Elle dézingue la recherche de la perfection du corps, du dépassement de soi, du record pour le record, pour montrer qu'il ne s'agit que d'une tentative désespérée de remplir le vide d'une vie. Les religions évangéliques en prennent largement pour leur grade, au même titre. En passant, l'auteure aborde également le déclin de la lecture, et la masculinité désorientée par #Metoo. Derrière la potacherie, on lit cependant une réflexion plus profonde sur la vieillesse et le déclin physique qui l'accompagne inexorablement, sur ce qu'elle implique comme renoncements, et sur leur acceptation ou non. le roman parle aussi du couple, de ce qui le lie et le défait, et comment ces ingrédients résistent au temps qui passe, précisément à l'approche de la vieillesse.



Avec ses dialogues incisifs et sa plume trempée dans la plus pure ironie, ce roman caustique et (donc) savoureux m'a beaucoup plu.



En partenariat avec les Editions Belfond via Netgalley.



#LionelShriver #NetGalleyFrance
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Il faut qu'on parle de Kevin

Je ne serai pas à la hauteur de ce que j'ai éprouvé en lisant ce livre mais je vais tout de même essayer de pondre trois lignes dont je pourrai dire dans quelques années , c'est vrai , c'est un putain de bon livre.

Eva correspond avec son mari Franklin et remonte le cours de son existence de l'époque où elle parcourait le monde pour écrire des guides de voyage pour fauchés jusqu'au JEUDI, ce jour où leur fils va massacrer une partie de la communauté de son collège.

La conception du roman est remarquable, avec ce qu'il faut de changement dans une chronologie trop linéaire et une part de suspens non négligeable . C'est remarquablement écrit, les phrases font mouche, la vision des travers de la société américaine est d'une acuité exceptionnelle. Mais cela, Lionel Shriver le fait dans tous ses romans .

J'ai même cru qu'ici elle usait de son artifice préféré, exagérer pour mieux convaincre.

Possible , mais pas sur. Ce roman , d'une noirceur abominable, laisse planer l'ambiguïté sur le fautif : L'amour que la mère refuse à son fils , ou le cas désespéré de ce dernier. Tout y contribue, les pages s'enchainent , le malaise installé depuis longtemps s'émancipe et le lecteur s'interroge , aimerait ne pas prendre parti et laisser l'auteure l'amener à son bon gré. Remarquable , je vous dis.



Bien entendu, l'Amérique et sa société à bout de souffle se font dézinguer dans leurs travers et choisir les massacres d'ados par des ados dans les écoles est sans doute un des biais les plus convaincants.

Une société qui fait de l'extraordinaire son lait nourricier et qui ne se rend pas compte du dégout qu'elle engendre hors de ses frontières.



Voilà, en plus des qualités innombrables de tous ses romans que l'on retrouvent ici , avec certes un peu moins d'humour ou d'ironie, Lionel Shriver nous offre la thérapie d'une mère lors d'un face à face époustouflant avec son fils .

Absolument inoubliable.
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Il faut qu'on parle de Kevin

Il existe une peur dont on ne parle jamais. Elle est pourtant latente chez de nombreux futurs parents, insidieuse comme le venin d’un serpent : et si je n’aimais pas mon enfant ? Et si mon enfant ne m’aimait pas ? Et si cet amour si naturel que l’on dit spontané n’était pour moi ni l’un, ni l’autre ? Eve Khatchadourian, reporter auprès d’un magazine de tourisme, n’a quant à elle jamais désiré de fils – la grossesse, la maternité, la dépendance, tout ceci lui répugne et l’effraie à la fois. Mais lors d’une nuit d’angoisse, terrorisée à l’idée de perdre un jour l’homme qu’elle adore sans rien conserver de lui, elle prend un risque malavisé… Neuf mois plus tard, Kevin naît. Et Eve ne l’aime pas. Elle ne parvient pas à l’aimer. Rongé par la culpabilité, elle tente pourtant de donner le change, couvre le bébé de marques d’affection, mais Kevin est un étrange petit garçon, curieusement apathique et totalement hermétique à la moindre tendresse.



Le petit garçon silencieux devient un enfant trop calme, aux yeux froids et absents. L’enfant devient un adolescent introverti – un gamin comme les autres selon son père, mais un manipulateur sans scrupules selon sa mère. Car non seulement Eve n’aime pas son fils, mais elle en a peur : peur de sa maturité glaciale, si peu conforme à son jeune âge, peur de son effrayante atonie, peur de la rage froide, contrôlée, gigantesque qu’elle sent parfois frémir sous cette enveloppe trop lisse et qu’elle semble être la seule à percevoir… Et un jour, fatalement, les choses tournent mal. Très mal. Un drame terrible, sanglant, d’autant plus terrifiant qu’Eve elle-même répugne à en parler, ne l’évoquant que sous le terme « l’affaire ». Dix-huit ans après la naissance de Kevin, voici donc Eve seule, abandonnée de tous et confrontée à ce monstre inconnu : son fils. Enfermée dans son appartement, elle va coucher par écrit l’enfance de Kevin, revivre étape par étape l’évolution de leur relation jusqu’à « l’affaire », dans l’espoir de parvenir à comprendre, à lui pardonner et peut-être – et c’est là le plus difficile – à se pardonner à elle-même.



Etonnant comme un livre peut à la fois vous fasciner au point d’en dévorer les pages à toute vitesse, tout en créant une sensation de malaise telle que chaque ligne lue laisse une sensation d’aigreur au fond de l’estomac. Il faut reconnaître que « Il faut qu’on parle Kevin » accumule les sujets tabous, écorchant méchamment l’idéal familial américain au passage : l’absence d’amour entre parents et enfants, la culpabilité qu’elle entraine, les mauvais traitements physiques et psychologiques au sein de la cellule familiale, la malveillance enfantine et bien d’autres sujets tout aussi affriolants. Cette dissection sans merci d’une relation mère/fils s’avère pourtant incroyablement prenante, le genre de récit qui vous prend littéralement aux tripes et ne vous lâche plus avant la dernière page (surtout que cette relation n’est pas entièrement fondée sur le rejet, comme on pourrait le croire : il y a quelque chose d’intensément fusionnel dans le lien qui unit Kevin à sa mère, peut-être même un embryon d’amour déçu…) Le style employé y est pour beaucoup : précis, analytique, acide, presque clinique par moment, car Eve Khatchadourian n’est pas une femme facile et pas toujours une narratrice très sympathique.



Le tout donne un roman noir, glaçant, passionnant qui ose véhiculer cette idée honnie : non, l’amour maternel n’est pas inné – ou du moins pas toujours et pas pour tout le monde. L’amour maternel se construit, se forme, se déforme… Et naît parfois d’étonnante façon. Au terme de son récit, Eve Khatchadourian finira par confesser « Après dix-huit ans moins trois jours, je peux finalement annoncer que je suis trop épuisée, et confuse, et seule, pour continuer de lutter, et que, serait-ce par désespoir, voire par paresse, j’aime mon fils » Mais à quel prix cet amour venu trop tard ?



(Et j’en profite pour recommander très chaudement l’excellente adaptation au cinéma de Lynne Ramsay d’une beauté visuelle époustouflante et portée par deux acteurs magnifiques de justesse et de tension. N’hésitez pas, les gens !)

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Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-hu..



Courir le marathon tracé par Lionel Shriver fut long et pénible, et l’idée de prendre les chemins de traverse m’a effleurée.



S’il ne s’agissait que de l’histoire de ce couple qui ne vit plus sur la même longueur d’ondes depuis que l’un d’eux découvre les joies (et les souffrances) de l’activité physique intensive. Lionel Shriver ne se prive pas de faire un constat amer de la société américaine de cette décennie en abordant notamment le culte du corps, l’endoctrinement, les relations familiales ou la discrimination dans le monde professionnel (ce dernier point est en particulier bien montré). Parmi les personnages secondaires intéressants, nous retiendrons Tommy, la jeune voisine, et le fils qui, grâce à son détachement et son flegme apparent, prend à contre-pied l’éducation prônée par ses parents.



Le ton est acide, pas particulièrement drôle, sauf quelques répliques bien trouvées. La dernière partie relève malheureusement du ridicule. Ce roman trop long n’apporte rien de bien nouveau.





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