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Citations de Liviu Rebreanu (82)


- Si vous dites des choses pareilles c'est que vous ne connaissez pas le paysan roumain ! Ou vous le connaissez par les livres et les discours et c'est encore pire car vous vous le figurez martyr quand il n'est en réalité que bête, méchant et paresseux !
Ilié Rogojinarou s'était tu, suffoquant de conviction. Il épongea sa docte calvitie avec un immense mouchoir à rayures colorées, tira sur les pointes de son épaisse moustache tombante dont quelques poils le démangeaient au coin des lèvres. C'était l'intendant du domaine d'Oléna-Dolj. Rondouillard et ventripotent, avec un cou de taureau et une tête ronde, il avait des yeux vifs et marron, un visage jovial apparemment voué à une éternelle gaieté.
Il regarda ses compagnons de voyage, vit qu'il n'en avait convaincu aucun, suffoqua de plus belle. Alors Simion Modréanu, directeur au ministère de l'Intérieur, très élégamment vêtu, toussota pour s'éclaircir la voix et dit sentencieusement:
- Mais enfin, cher monsieur Rogojinarou, une chose demeure indiscutable: c'est que tous autant que nous sommes et sans exception, nous vivons du labeur de ce paysan bête, méchant et paresseux, pour reprendre vos propres termes !
L'intendant fut si surpris qu'il en resta coi. Il ressortit son mouchoir pour se tamponner les tempes. C'est alors que survint le contrôleur demandant les billets pour Bucarest avec tous les ménagements dus aux voyageurs de première classe. Rogojinarou se ressaisit aussitôt comme si l'homme était son sauveur:
-Comment ça, chef ? On est arrivés ? Alors là, bravo ! On a pas lambiné, y a pas à dire...
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Lundi 1er août, j'ai enfin trouvé la phrase salvatrice qui allait ouvrir La Révolte: Si vous parlez ainsi c'est que vous ne connaissez pas le paysan roumain". Pour moi la première phrase décide du rythme spécifique et singulier d'un roman

C'est ce que déclare Liviu Rebreanu à propos de son deuxième chef d'oeuvre après ION (éditions Non Lieu) et Adam et Eve (éditions Cambourakis)
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La machine fonctionne en France, non sans grincer un peu, mais sans soubresauts notables. L'organisation sociale est si solide que la politique politicienne dans le sens où elle est pratiquée chez nous, avec sa clientèle qu'elle doit nourrir, n’a guère l'occasion de prospérer. Le Parlement discute, se querelle, les gouvernements tombent, se réforment–et les gens vaquent à leurs affaires. On a l'impression que tout ce spectacle est donné pour un public restreint dans la mesure où le peuple n’y participe, lui, que très périodiquement, en votant. Le peuple demande la paix, la tranquillité et de quoi vivre de manière décente. C'est seulement lorsque tout cela est menacé qu'il se produit des troubles inquiétants.

(pages 176, extrait de « Paris, 1927, la démocratie internationale »)
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Les Roumains voyagent peu, mais quand ils s’aventurent au-delà de leurs frontières, c’est inévitablement vers Paris qu’ils se dirigent. Le mirage parisien attire d’ailleurs de tous les points du globe terrestre tous ceux qui souhaitent entrer en contact avec ce que la civilisation a donné de plus raffiné. Le consensus est universel sur ce point. Paris est aujourd’hui ce que Rome a été à l’apogée de sa gloire, la Capitale du Monde. Sans être, de quelque point de vue que ce soit, la Ville par excellence, elle n’en reste pas moins celle dont tout le monde rêve toujours, la métropole–lumière et celle de la civilisation.
Notre wagon est parti bondé. Je m’étais dit que notre nombre irait en se réduisant en cours de route. J’ai dû constater, au moment où nous franchissions la frontière, que nous allions tous à Paris. Un plein wagon de Roumains !

(pages 133, extrait de « Paris, 1927, un plein wagon de Roumains »)
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Les Roumains, en tout cas, font des efforts colossaux pour oublier qu’ils sont roumains. Ils modifient leurs noms pour donner l’impression qu’ils sont francisés et se donnent toutes les peines du monde pour devenir plus parisiens que les Parisiens. Il n’y a que nos Juifs qui se contentent d’être roumains et revendiquent avec fierté cette qualité. Tous les Roumains que j’ai rencontrés à Paris regrettent de devoir rentrer bientôt au pays. Il n’y a qu’un Juif, un homme simple, un petit commerçant qui m’a dit d’une voix émue : « Je rentre demain au pays et Dieu merci, parce que je commençais à languir terriblement de notre pauvre petit pays ! »
Cela m’a d’autant plus ému que quelques heures plus tôt, un Roumain pur sang, intellectuel connu en Roumanie, m’avait déclaré en se plaignant amèrement :
– Quand je pense, mon cher, que dans deux semaines je vais devoir retourner dans notre bazar balkanique plein de Tziganes, j’ai presque envie de me pendre de dégoût !

(pages 166, extrait de « Paris, 1927, cosmopolis »)
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Au restaurant chinois proche de mon hôtel, il y a de la joie quand il n'y a pas de rixes. J'ai l'impression que seule l'enseigne et les serveurs sont chinois. Les clients sont de tous les pays.
Le vrai restaurant chinois pour les Chinois est très modeste et se trouve dans une petite rue à l'écart, près de la Sorbonne. Même chose pour le restaurant japonais. Dans le coin il y a aussi un petit restaurant roumain dont le nom et, naturellement, pour faire plus vrai, « Le Lion et le Saucisson»; les Roumains du quartier s'y retrouvent et notamment les étudiants. Le restaurant chic et représentatif, pour les gens bien et au portefeuille bien rempli se trouve tout près de l'Opéra pour être à portée de main des amateurs. Il y a aussi un restaurant viennois, un hongrois, un russe ... Je n'ai je n'en ai pas encore vu d’allemand; les Allemands ont probablement des problèmes plus graves à résoudre que de monter un restaurant.

(pages 165, extrait de « Paris, 1927, cosmopolis »)
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En général, le voyageur roumain voit en rose tout ce qui est étranger et en noir tout ce qui est roumain. Et ce faisant il se croit très occidental et très civilisé, ce qui ne l'empêche pas, tout le temps qu'il côtoie les merveilles de la civilisation étrangère, de songer avec une profonde nostalgie aux mititei* nationaux.

*rouleaux de viande de mouton passés au grill ; spécialité culinaire roumaine (note du traducteur)

(p. 15)
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L'intérêt se porte tout spécialement sur ce que l'on ne saurait trouver ni dans les journaux ni à travers des photographies, ni en écoutant la radio, ni dans les statistiques ou autres livres savants, à savoir les petits détails, les instants fugaces, tout ce qui parle, de près ou de loin, de la manière de penser et de sentir des gens, tout ce qui peut traduire, de manière plus ou moins caractéristique, l'âme d'un peuple.

(p. 14)
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Dans l'agitation fiévreuse d'une métropole, au cœur de l'inconnu et de l'inédit, on voit mieux et plus profondément en soi-même.

(p. 16)
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Aujourd'hui encore, les fils les plus authentiques de la nature, les paysans, ne s'inclinent que devant la terre cultivable. Et tandis que les excursionnistes venus des villes s'extasient au spectacle de rochers dénudés, le paysan qui les guide soupire mélancoliquement et se dit :« La belle affaire, il n'y pousse même pas un brin d'herbe. »
(p. 13)
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Les gens s’intéressaient en effet aux changements de gouvernement et aux luttes politiques en général comme ils se seraient intéressés à un spectacle de théâtre ou à une compétition sportive. La politique constituait pour tous une préoccupation de chaque instant parce que c’était elle et elle seule qui permettait d’obtenir un emploi et divers avantages matériels ou moraux. Aussi longtemps qu’avaient alterné, à la tête du pays, deux grands partis, on avait pu continuer à croire qu’une certaine justice et que la sélection par le talent étaient possibles. Mais dès l’instant où le pouvoir avait été confié à un parti qui n’avait pas un grand nombre de cadres, l’équilibre avait été rompu. Voulant démontrer au monde qu’il n’était pas si petit que ça, le parti en question s’était vu obligé de placer à des postes de responsabilité des hommes sans réel talent ou n’en ayant d’autre que celui d’être des militants, et il avait ainsi contribué à dévaloriser du même coup toute la direction du pays. Des gens auxquels leurs seuls talents n’auraient jamais permis de devenir de simples chefs de bureau, s’étaient retrouvés du jour au lendemain préfets, maires, députés… On avait dès lors assisté à un émiettement des partis puisque n’importe quel mécontent un peu ambitieux, soutenu par une petite cour de partisans improvisés, pouvait légitimement espérer se voir appeler un jour à la direction suprême du pays…

(p. 296-297)
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[…] lorsque la politique en vient à utiliser la matraque comme argument et à convaincre au moyen du revolver, il faut lui tordre le cou sans tarder avant qu'elle n'ait entraîné le pays à sa perte !

(p. 492)
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Chaque matin, en sortant, et même si je suis pressé, je m’arrête un instant à la librairie du coin. C’est une modeste boutique, comme la plupart des librairies parisiennes dont les vitrines s’ouvrent jusque sur le trottoir et proposent leurs livres sur de fragiles tréteaux. C’est justement ce qui fait son charme, leur charme. Elle va ainsi au-devant des passants les plus indifférents. La moitié de la clientèle quotidienne est faite de ces gens pressés qui passent sur les trottoirs et qui, sans ça, ne seraient jamais entrés acheter. Entre les étals, il y a toujours une foule de curieux. Ceux qui passent le plus de temps sont les étudiants qui n’ont pas les moyens d’acheter et lisent ici le livre convoité. Mais il y a bien d’autres assoiffés de lecture, jeunes et vieux ou pauvres qui se nourrissent ainsi l’âme de lectures impossibles autrement. Les livres aux pages non coupées exigent des efforts tout spéciaux pour livrer leur contenu. Certains passionnés font même appel au libraire et il coupe les pages demandées. D’ailleurs, lorsqu’il n’y a pas d’acheteurs, le libraire lui-même et ses vendeurs se mêlent aux lecteurs clandestins et lisent comme eux.

(pages 158, extrait de « Paris, 1927, la cité du livre »)
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Nulle part au monde le livre n'est plus apprécié qu'en France. On lit peut-être plus en d'autres pays, en y imprime peut-être plus de livres. Ici le livre est une réalité vivante, un facteur social à l'influence considérable.

(pages 158, extrait de « Paris, 1927, la cité du livre »)
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Ion avait deviné que son beau- père voulait chercher à s’entendre avec lui et redoutait une nouvelle manœuvre de sa part. Il aurait bien aimé lui tirer les vers du nez mais il était si troublé qu’il ne trouvait pas les mots… D’ailleurs Vasilé Baciou ne disait rien non plus, il grognait seulement comme un ours qu’on aurait tiré de son sommeil hivernal. Il regrettait déjà d’avoir eu envie de lui donner tout son bien. (….) Le vent soufflait de face et semblait lui suggérer de reprendre ses esprits avant qu’il ne soit trop tard.
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La vie passe sur les vieux et les faibles. La vie appartient aux jeunes et aux forts. L’égoïsme est le fondement de la vie.
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On n’y peut rien, la vie est faite de questions sans fin qui nous hantent...Il faut aller là où elle nous mène, obéir à ses ordres !
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Un vieux soleil d’automne souriait dans le ciel, enveloppant la campagne dans une lumière jaunâtre, paisible, qui vous réchauffait de la plus agréable manière. Sous la douce caresse de ses rayons, la terre endormie semblait respirer plus fort, les arbres ouvraient leurs feuilles rousses avec plus de ferveur.
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Quand on n’est pas seul à souffrir, on souffre moins.
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C’était comme si toute la nature avait revêtu des habits de fête pour célébrer sa victoire. Un beau printemps s’installait comme toujours sur la campagne. Les arbres bourgeonnaient, l’herbe poussait plus verte de jour en jour comme une robe magique venue dissimuler la noire et jaunâtre nudité de la vieille terre, les forêts qui se couronnaient de frondaisons nouvelles.
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