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Critiques de Marcel Gauchet (47)
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Robespierre : L'homme qui nous divise le plus

Encore !



Oui, encore un ouvrage sur Maximilien Robespierre...



Cet ouvrage présenté en six chapitres essaye "de proposer un libre essai d'interprétation de sa carrière révolutionnaire et de la trace qu'elle a laissée"



- L'Homme de la Révolution des Droits de l'Home



- Un moi-peuple



- De l'autorité des principes à la lutte pour le pouvoir



- Gouverner la Révolution : la règle et l'exception



- Gouverner la Révolution : la fondation introuvable



- Les deux visages de la Révolution et son héritage





Cet ouvrage outre qu'il est rédigé dans un style inabordable, lourd et non convaincant, n'apporte rien sur l'incorruptible, sa carrière politique et la Révolution française, autre que d'approuver la théorie de François Furet qui présente "la bonne révolution de 1789" et "le dérapage de 1793-1794" !



Il vaut mieux relire les excellentes biographies d'Hervé Leuwers et de Jean-Clément Martin.
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Pour une philosophie politique de l'éducation

Ce livre m'a mis en colère. Après un bla-bla abscons de chercheur de sciences de l'éducation, Marie-Claude Blais, avec un plan ( ? ), fait un historique intéressant sur le parallèle entre les partisans traditionnels de l'école républicaine et les pédagogues progressifs qui "mettent l'enfant au centre du système éducatif". Mais ceux-ci n'ont pas fait avancer le schmilblick, l'auteure a l'honnêteté de le reconnaître.



Pourquoi suis-je en colère à l'issue de ce livre ? D'abord le style est un discours de fac, avec des "postures", des "ruses", des "systèmes", du conformisme", bref, des concepts aux limites trop floues. Pourquoi un style aussi abscons et technocrate ? Eh bien, je pense que les les chercheurs en sciences de l'éducation (que je connais , puisque j'ai fait un DEA de didactique) voient un " progressisme" des enfants dans la liberté et leurs droits, sans contraintes. Je pense à Maria Montessori, à Alexander Sutherland Neill ("Libres enfants de Summerhill") ou à Ivan Illich ("Une société sans école"), qui m'ont certes influencé, et à mai 68 ("il est interdit d'interdire"). Je fais remarquer que, dans les trois écoles sus-citées, la population scolaire était particulière, et ne concernait pas la nation entière.



Pourquoi un style tellement flou ? Je pense que l'auteure est partagée entre les deux "écoles" ; elle ne prend pas parti. Les tenants de la démocratie sont des écorchés, très "à cheval", et toute attaque contre eux est susceptible d'être créditée d'autoritarisme, et de contrainte injustifiée. Donc, ce langage de chercheur a le mérite d'être accrédité dans les hautes sphères technocrates, et il permet de contourner les reproches éventuels de certains, mais il a l'inconvénient de n'être ni clair, ni direct : diable, appelons un chat "un chat" ! Mais dans notre milieu, on n'a pas le droit de dire les tabous. L'enfant est devenu roi.

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Dans le contenu du livre, l'auteure oppose l'école républicaine qui privilégie des savoirs, les contenus, à l'école des pédagogues, " laboratoire de la démocratie", dit-elle, qui se préoccupe des « besoins » des élèves.



Pestalozzi (1780), et Marion sont partisans des savoirs, ainsi que maintenant, après la révolte de 1968 pour tuer le père, Jacqueline de Romilly , Alain Finkielkraut, Elisabeth Badinter, Bernard Lahire.



Mai 68 a fait beaucoup de mal.



De l'autre côté, nous avons les partisans du puérocentrisme que sont Edouard Claparède, qui s'appuie sur la psychopédagogie (1900), et dans les années 1970, des chercheurs qui attaquent l'école républicaine : Pierre Bourdieu, Jean-Claude Passeron ("La reproduction" ...des élites par l'école), Christian Baudelot et Roger Establet ("L'école capitaliste en France"). La sélection est mise sur la sellette, et on baisse le niveau.

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Mais ce qui fait le plus de mal, c'est cette notion d'égalité. On sait qu'elle est impossible, et cependant les « pédagogues » s'y accrochent, et gagnent l'écoute du ministère, toujours fervent de récupérer les voix des parents, sans s'occuper des conséquences pour notre jeunesse.

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Au début, l'instruction des enfants partait d'un bon sentiment : Condorcet (1792) institue l'école primaire nationale. Guizot (1933) améliore le système scolaire, et Jules Ferry (1882) le rend gratuit, laïque et obligatoire.

Ces républicains, privilégiaient les savoirs, LES DEVOIRS et L'EFFORT.

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L'égalité : après la massification dans les années 1950-60, la réussite scolaire n'est pas au rendez-vous pour tous ! Cependant, sur le tabou "égalité des chances" qu'on n'a pas le droit de critiquer, les pédagogues ne veulent pas en démordre : on saute à pieds joints sur les propositions de John Rowles (1971): il faut de la discrimination positive ! Les bourses pour les élèves défavorisés, c'est bien, mais créer des ZEP en 1981, accepter l'enfant roi, et privilégier la parole des enfants et des parents sur celle de l'enseignant, est ce la solution ?

Je connais bien une REP+, je peux en parler.

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Les savoirs reproduisent-ils les élites ?

La réussite scolaire des élèves de base ne donnent pas les mêmes métiers gratifiants que ceux des élites ?

Les élèves s'ennuient ?

Alors vive les parcours diversifiés ! " La reproduction" a dévalorisé la république des savoirs : comme on n'arrive pas à l'égalité, on fait le procès du savoir, et aussi, parfois, celui de l'enseignant.



Puis l'auteure parle du métier d'enseignant qui a évolué.

1) La massification pose le problème d'enseigner avec hétérogénéité, étant tabou de faire des classes de niveau.

2) Les médias influencent les élèves : ils ont fasciné les enfants et pris le pouvoir par rapport aux familles et à l'école (Postman, Popper). Les jeux vidéo,peuvent engendrer la violence.

3) Il faut lutter contre l'ennui des élèves. Mais enfin, les enseignants ne sont pas là pour ça, enfin ! Nous ne sommes pas des "animateurs", ni des assistants sociaux !

4) L'auteure dénonce aussi la peur des autorités : les élites ont peur d'une bombe à retardement : ils ont peur de "la fracture sociale".

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Mais la CULTURE, bon sang ! Il faut prendre compte des racines ! On dirait qu'on a honte de notre histoire, d'être Français !



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En fin de livre, l'auteure consacre un chapitre à l'éducation civique.

Depuis la fin du XXè siècle, les pédagogues se sont enfin aperçus que certains élèves faisaient des incivilités, et même des violences. Tiens donc !

Alors pourquoi pas un peu de morale, cette « nouvelle-ancienne matière » ?On ne va quand même pas déterrer la morale, c'est un fossile !

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Erasme et Montaigne, vers 1500, savaient prendre les choses à l'endroit. de même, Arnaud Berquin, vers 1780, prévu pour éduquer Louis XVII, écrivait :



"Rosalie prit le billet et lut :

"Pour une petite fille grognon, qui reconnait ses défauts, et qui, en commençant cette nouvelle année, va travailler à s'en corriger."

-- Oh ! c'est moi ! c'est moi ! " s'écria t-elle en se jetant dans les bras de sa mère, et en pleurant amèrement.

Madame de Fougères versa aussi des larmes, moitié de chagrin sur les défauts de sa fille, et moitié de joie sur le repentir qu'elle en témoignait."



Ils savaient, par maints exemples, remettre les enfants dans le droit chemin, apprendre le contrôle de soi. On ne sait plus l'éduquer.

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De nombreux parents, pour de multiples raisons, n'éduquent plus leurs enfants dans le RESPECT. Ce mot a mauvaise presse en France.

Donc, nos pédagogues du « vivre ensemble », qui ont "gagné" sur les républicains, sont pris à leur propre piège : ils n'arrivent pas à s'en sortir, avalés par leur flou et leurs contradictions : leur maître mot est "pas de contraintes pour les élèves !"

Mais comment éduquer les enfants avec leurs seuls droits et sans aucun devoir ? C'est l'hôpital qui se moque de la charité ! On fabrique des révoltés.



L'auteure pose la question : l'apprentissage de la démocratie dès le primaire, est-ce la solution ?

Il y a peut-être d'autres priorités.

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Puisque l'auteure et les pédagogues n'ont aucune solution, je propose un cours d'éthique obligatoire et important, qui consiste par exemple en :

1) Au primaire, apprendre et appliquer les règles de politesse.

2) Au collège, apprendre la prise de conscience de son propre état (colère, agitation), maîtrise de soi, autonomie.

3) Au lycée, apprentissage de la démocratie.



En fait l'auteure, et je pense qu'elle n'est pas seule, confond éducation et instruction. Notre travail, c'est d'instruire, et là, sans moyens supplémentaires, nous sommes aussi obligés d'éduquer : nous faisons le grand écart !
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Macron, les leçons d'un échec

L’auteur est sans aucun doute un des meilleurs, si ce n’est le meilleur, analyste de la politique et plus généralement de la société française. Présenté sous forme d’interview (ce qu’il a été réellement) le livre balaie le quinquennat du foutriquet, s’en tenant aux faits. Les différents domaines sont examinés, depuis l’élection miraculeuse, les discours, la com, les brassages d’air et le rien, comme force est de le constater au bout de cinq ans de non-action. Auteur de nombreux livres qui analysent la société française et son évolution depuis des lustres, il ne surprendra pas les lecteurs un peu au faîte des événements de ces décennies. Son objectivité et la pertinence de ses analyses en ont fait la cible des censeurs de la gauche terroriste intellectuelle, avec par exemple, la tentative de l’interdire de parole aux journées de l’histoire de Blois, par une petite m… qui pérore sur France-Inter régulièrement. Ceci confirmant cela. Donc à lire pour comprendre “le malheur françaisˮ sous-titre d’une série d’ouvrages sur le sujet.
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Le désenchantement du monde

A ma première lecture de cet essai lors sa parution en 1985, l’abstraction du sujet et la complexité de la langue m’avaient contraint à l’abandon assez rapidement . Je prends donc la lecture achevée ce jour comme une preuve de maturation intellectuelle ( c’est flatteur) ,de patience acquise et surtout comme résultat du temps libéré par la retraite . Le projet de l’auteur (« une histoire politique de la religion ») m’apparaît plus clairement même si je ne prétends pas en avoir saisi la totalité et j’en saisis mieux l’aspect original , une bonne partie étant tout à fait contre-intuitive. J’en retiens des analyses intéressantes sur notre époque ( même si je ne les partage pas toutes) . Si vous aimez les vues « aériennes » de l’histoire humaine et ne craignez pas d’affronter un langage un peu jargonnant par volonté de rigueur , ce livre vaut d’être lu.
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Macron, les leçons d'un échec

En lisant Stefan Zweig louangeant Maxime Gorki à mon étonnement, parce que c'est le premier prosateur russe issu du peuple à écrire sur les siens, sur la misère des petites gens, et à accéder à la notoriété dans son propre pays, ce qui fut vrai d'ailleurs, mes divergences ne portant pas là-dessus, mais plus sur la qualité de celui qu'il nomme de génie intérieur à la rencontre de son peuple avec une empathie extraordinaire.



On ne peut s'empêcher d'établir des passerelles avec le passé d'il y a un siècle fût-il russe vu par un bourgeois autrichien et je me dis qu'on n'a même pas ça nous, même pas un écrivain aujourd'hui qui écrit sur le peuple français dont il est issu, peuple sur le chemin du même désarroi, humilié plus que jamais par le pouvoir macronien jacobin, non personne. On écrit contre, on n'écrit pas pour, mais une grande voix du sérail qui s'élève avec éloquence et force pour soutenir le peuple : nada ! PG 18 09 2022
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L'avènement de la démocratie, tome 4 : Le nouve..

Ça ne se lit pas comme un polar, il faut bien l’avouer ! Assez “techniqueˮ et étonnamment bien construit (comment fait-il ?), Gauchet conduit son lecteur dans la richesse de son argumentation avec un remarquable sens pédagogique. La vision de notre actuelle société s’en trouve lumineusement éclairée, elle devient, presque, préhensible. A la fin de l’ouvrage, somme toute optimiste, on s’étonne tout de même de son argumentaire basé fortement sur la disparition de l’emprise religieuse, l’hétéronomie du religieux, quand on voit la barbarie musulmane s’instiller dans tous les ressorts de notre pays, profitant de la démocratie pour en pervertir les institutions, la vie commune, l’être-ensemble.
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Que faire ?

Le spécialiste de Platon, fidèle à sa jeunesse maoïste, déroule dans ce long texte sa vision sur le monde d’aujourd’hui. Malgré la crise de 2008, le capitalisme n’est pas mort : il se redéploie dans des formes plus autoritaires, juge-t-il.
Lien : https://www.nouvelobs.com/id..
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Macron, les leçons d'un échec

« Macron, les leçons d'un échec. » poursuit un premier ouvrage « Comprendre le malheur français ». Sous forme d’échanges avec Eric Conan (journaliste à l’hebdomadaire Marianne) et François Azouvi (philosophe et historien), Marcel Gauchet présente son analyse du quinquennat d’Emmanuel Macron. Paru en 2021, il est à resituer en un temps où le mandat du président se termine. La lecture demande donc à s’abstraire de la campagne 2022. L’intitulé éclaire d’emblée le propos : Marcel Gauchet analyse l’échec et en propose les causes, les effets... Il souligne l’ambiguïté de l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 ; la vie politique traditionnelle explose alors que le président élu représente un groupe social dominant. Pour l’auteur, les contradictions entre les discours (sur l’Union Européenne, sur la place de la France …) et leur accueil dans le concert européen et mondial fondent les déceptions au terme du mandat présidentiel. Déceptions sur les bilans écologique, éducatif, social…Les crises des Gilets Jaunes, de l’épidémie éclairent le décrochement de la France et exacerbent les ressentiments. Marcel Gauchet a un regard aigu sur le fonctionnement de la société. Il approfondit et nuance les propos de ses interlocuteurs. Certes, ses positions eurosceptiques voire europhobes demandent un recul (éventuel…) à la lecture. Mais le propre d’un tel livre est de susciter une réflexion sur une période troublée. Le lecteur exerce son esprit critique…..
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Macron, les leçons d'un échec

Une analyse très lucide des problèmes de notre pays, et du décalage entre les élites et les désirs et besoins du peuple.

Une critique acerbe des politiques menées depuis 30 ans.

Une grande connivence entre Eric Conan et Marcel Gauchet.

In fine cependant pas de proposition très concrète pour définir une autre voie
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Macron, les leçons d'un échec

Le philosophe Marcel Gauchet complète une analyse entamée par le tome I de Comprendre le malheur français. L'ouvrage est davantage un "traité" de philosophie politique qu'un livre purement politique. Autrement dit partisan. Assez loin des clivages simplistes, l'auteur analyse dans ses profondeurs le malaise politique de la France contemporaine. D'une élection hors norme jusqu'à la crise du Covid, le dernier quinquennat est critiqué sous un angle assez large, celui de l'immense frustration politique qui plonge le pays dans un marasme inquiétant. Au delà de la figure présidentielle, de nombreux ressorts de la société civile et politique qui sont ici analysés et débattus. La lecture de cet ouvrage est un éclairage salvateur pour la compréhension de notre société et de son fonctionnement.
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Macron, les leçons d'un échec

Je n’aime pas les livres écrits à quatre mains, chacun d'eux intervenant dans un registre parfaitement maitrisé.

L’un questionne, voilé une apparente neutralité, et l’autre répond dans un registre tout aussi convenu.

On réalise peut-être, un inventaire exhaustif des errements du dernier quinquennat, mais sans l’ombre d’un éclairage singulier et imprévu.

Rien de mieux, en fin de compte, qu’un mémorandum de notre histoire politicienne récente.
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La droite et la gauche

Dans son dernier livre, Marcel Gauchet juge que le clivage droite-gauche n'est pas mort. S'il s'est brouillé et complexifié, il demeure envers et contre tout.
Lien : https://www.lesechos.fr/idee..
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Macron, les leçons d'un échec

Dans son dernier ouvrage Marcel Gauchet passe en revue quelques crises des dernières années et nous emmène à non seulement douter du macronisme mis aussi des capacités du gouvernement à faire face à sa mission. L’amateurisme de certains ministres et surtout des députés est bien décrit. Mais le chapitre le plus intéressant est celui ayant trait à l’immigration et l’islamisme en France. Le constat est particulièrement sévère et là encore la crainte de l’opinion médiatique et d’une hypothétique crise en banlieue font fi de la volonté générale de l’opinion. « Le raisonnable fonctionne en politique », répond-il, mais cela génère des frustrations chez certains qui trouvent alors que la politique s’éloigne trop de la situation qu’ils vivent et peuvent alors se révolter. On est très loin du président de la rupture brouillant le clivage gauche-droite.

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Transmettre, apprendre

À travers ce livre, les auteurs se livrent à une réflexion sur le fait d'apprendre et de transmettre et remettent en cause la maïeutique issue des années 70 où l'élève « devait être au centre du projet éducatif » et où tout devait partir de sa propre expérience. Mais quel contenu transmettre alors ? Depuis Yvan Illich et sa « société sans école » où l'institution était vue comme aliénante, jusqu'à Piaget ou Vygotski, la façon de transmettre des savoirs a subi bien des vicissitudes.

D'abord à quoi « sert » cette transmission ? Pourquoi, en gros les enfants doivent-ils aller à l'école ? On remet tout à plat :

« Il y a transmission dans les sociétés humaines parce qu'elles sont historiques, et que le transfert des acquis, d'une génération à l'autre est, pour toute société, la condition de survie dans le temps. »

Deux écoles s'opposent donc dans cette façon de transmettre. Celle qui pense que la connaissance individuelle doit s'acquérir à l'instar de l'évolution de l'humanité, la théorie évolutionniste qui consiste à valoriser l'enfant qui se construit par rapport à la nature et essaie de trouver le bon geste ou la bonne solution. Mais cette théorie a pour inconvénient d'individualiser l'enfant qui ne se projette pas forcément dans une société et son histoire et n'accepte pas l'autorité puisqu'il estime qu'il n'y a « rien avant ni au-dessus de lui. A celle-ci s'oppose (ou plutôt devrait se compléter) l'idée du maître tout-puissant qui inculque un contenu pas forcément compréhensible.

Derrière ces belles idées, il y a aussi le dénigrement de l'école qui semble ne plus jouer son rôle mais aussi, les auteurs montrent combien le rôle des parents –si besoin était- est essentiel :

« le mathématicien Laurent Lafforgue, revenant sur son parcours scolaire après l'obtention de la médaille Fields, dit à quel point l'adhésion sans réserve de ses parents à l'institution scolaire lui a permis de trouver du sens aux apprentissages, même quand leur « utilité » n'était pas perceptible. »

On pourrait reprocher aux auteurs de tirer leurs exemples de l'exception mais on notera l'idée d' « utilité » perceptible en repensant à Colette qui lisait Balzac à sept sans tout comprendre et s'appropriait des mots comme « presbytère ». :

« …certains parents pratiquent devant leurs enfants ces jeux de mots et calembours dont les petits sont friands. Tout en les amusant, ils les initient ainsi à la prise de distance avec les unités du langage, lettres, mots et sons, ce qui suppose un énorme travail d'abstraction par rapport au flux de l'oral, et qui, de plus, anticipe sur les attendus scolaires en matière d'apprentissage de la lecture et de l'écriture. »

Au savoir apparemment « inutile » s'est substitué un savoir qui se voudrait « utile » puisqu'il faudrait que tout soit clair et compréhensible dès le départ. le statut du maître en prend un coup alors qu'il reste le rouage essentiel de tout apprentissage qui demande de l'effort –aspect assez occulté de l'éducation, surtout depuis « le sacre de l'apprenant » :

« le maître est très exactement celui qui ne se contente pas d'être au-dedans, mais qui sait ce que veut dire être au-dehors, et qui, de ce fait, est en mesure d'assurer le passage, de dissiper l'étrangeté, de fournir la clé de déchiffrement des idiomes cryptés, de rendre intelligible ce qui se présente de l'extérieur comme un système opaque, bouclé qu'il est sur lui-même. »

Enfin en opposant deux conceptions radicalement différentes –Piaget et Vygotski –on montre que la théorie « évolutionniste » a ses limites et qu'à un moment donné, il faut transmettre de la connaissance, ne serait-ce que la difficulté d'écrire.

« Vygotski tient à montrer que l'un ne peut aller sans l'autre : l'apprentissage des fonctions psychiques supérieures, écriture et concepts scientifiques en premier lieu, ne put se faire que dans le cadre de l'enseignement scolaire et avec la médiation des adultes. Telle est sa première idée-force. »

L'ouvrage se termine par des considérations plus ou moins inactuelles sur l'apprentissage à l'heure d'internet où encore une fois –bien que cela soit devenu un truisme – le maître est celui qui dirige les recherches, sait et apprend à faire le tri.

Ce genre de livre devient nécessaire et remet un peu les pendules à l'heure dans cette époque où l'éducation est devenue un peu un fourre-tout et l'école responsable ou en tout cas éponge de tous les maux. Quand on regarde un peu honnêtement de l'intérieur comme de l'extérieur, le contenu des apprentissages, on a de plus en plus l'impression d'avoir soit affaire à des produits allégés, soit d'un concentré impossible à traiter. Un juste milieu est toujours possible. Personnellement, je deviens de plus en plus réactionnaire en ce qui concerne le système éducatif français. Peut-être est-ce l'âge.

Anecdote savoureuse : j'ai lu ce livre juste après « Eddy Bellegueule » d'Edouard Louis. J'ai ensuite appris la polémique récente– à mon sens ridicule- qui l'a opposé à Marcel Gauchet, un des auteurs de ce livre. Me voilà rassuré sur mon éclectisme !

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Robespierre : L'homme qui nous divise le plus

Robespierre est assurément la figure la plus controversée de la Révolution française. D'un côté, il incarne une fidélité aux principes de la Déclaration de 1789, une probité, un désintéressement qui lui ont valu non sans raison le surnom d'Incorruptible ; de l'autre côté, il est devenu après sa chute en 1794 l'incarnation du tyran, pour certains une préfiguration des dictateurs du 20ème siècle. L'essai de Marcel Gauchet n'est pas une biographie de plus sur Robespierre mais un essai qui cherche à restituer la cohérence de la carrière du révolutionnaire.

L'auteur rappelle que Robespierre a exercé en fait très peu le pouvoir, et encore moins de façon solitaire (ils étaient une dizaine au Comité de salut public dans lequel il n'est entré qu'au bout d'un an). C'est par le verbe (plus de 1000 interventions dans les diverses assemblées où il a été élu, en 5 ans) qu'il a exercé son magistère moral et intellectuel sur nombre de ses contemporains.

Dans les premières années de la Révolution, on découvre un homme déterminé dans ses principes, mais hésitant quant à la forme de gouvernement que doit adopter la France. Il défend la liberté de la presse, combat la peine de mort, il est hostile au suffrage censitaire, mais il ne fait pas partie des audacieux comme Condorcet qui défendent le droit des femmes. Il reste en marge du combat pour la suppression de l'esclavage.

Même après le retour sous escorte du roi après sa fuite stoppée à Varennes (juin 1791), Robespierre n'est pas favorable à la République. Pour lui, les mots république et monarchie ne s'opposent pas : "une nation peut être libre avec un monarque". Comme ses compagnons au sein du club des Jacobins, il est en butte à un obstacle épistémologique. Par quoi peut-on remplacer le roi ?

C'est à la fin de l'année 1791, dans le grand débat sur la guerre, que son art oratoire se cisèle face à son adversaire Brissot qui veut confondre le roi en déclarant la guerre aux monarchies européennes. Robespierre redoute une agrégation contre la Révolution des forces qui lui sont hostiles : les monarchies à l'extérieur ; les adversaires de la Révolution à l'intérieur. L'avenir lui donnera d'ailleurs raison. La Terreur, qui est aussi une conséquence de la guerre, n'est donc pas imputable au seul Robespierre, même si ses discours enflammés et la loi des suspects vont envoyer de grosses charretées de citoyens et de ci-devants à la guillotine.

A partir de 1792, les discours de Robespierre prennent un tour plus personnel, voire "égolâtre" selon les mots de Gauchet. Il affirme le caractère surnaturel de la Révolution, il confond son destin personnel avec celui du peuple, il adopte la posture victimaire employée 2 décennies avant lui par Rousseau dans ses Rêveries. Ses contemporains sont frappés par sa propension à se mettre en scène.

En 1793, les événements s'emballent et les discours de Robespierre aussi. Les Girondins sont exécutés après une mascarade de procès (octobre 1793), les Enragés (mars 1794) puis les Indulgents (avril 1794) sont exécutés. Dans cette lutte entre factions, Robespierre doit composer avec la Commune de Paris et les sections révolutionnaires. En juillet après une période d'absence, Robespierre revient à la Convention et annonce une nouvelle conspiration contre la République : ses allusions ne prennent pas. Cette fois-ci, ceux qu'il vise, parmi lesquels se trouve Fouché, prennent les devants et retournent la Convention contre Robespierre.

"Si le ressort du gouvernement populaire dans la paix est la vertu, le ressort du gouvernement en révolution est à la fois la vertu et la terreur : la vertu sans laquelle la terreur est funeste ; la terreur sans laquelle la vertu est impuissante. » Dans cette phrase tirée d'un discours de février 1794 résident toutes les contradictions de Robespierre. Décidé à faire triompher la Liberté une fois la victoire acquise, il était prêt à en suspendre le cours le temps qu'il fallait.





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Robespierre : L'homme qui nous divise le plus

Avec « Robespierre : L'homme qui nous divise le plus », Marcel Gauchet reprend le débat sur la responsabilité de l’Incorruptible dans la Terreur de 1793-1794. Depuis plus de deux siècles , la période a opposé de nombreux historiens, politiques … et ouvert des points de vue irréconciliables. Ici, point de biographie . La trame chronologique sert de marqueur sur le chemin d’une pensée convertie en actions tragiques.

A partir des discours, textes …de Robespierre, l’auteur suit la mutation du défenseur de la Déclaration des Droits qui, entré au Comité de Salut Public, se veut le gardien inconditionnel des droits de la Nation. Au nom de la Vertu, il soupçonne des complots au sein de tous les rouages de la République. Sans pouvoir réel sur les organes du pouvoir exécutif, il n’est pas le tyran présenté par ses adversaires. Ses armes sont la parole et les mots, dans un style aujourd’hui disparu. Marcel Gauchet insiste sur ce « mimétisme » entre l’homme Robespierre et la Nation, investi d’une mission d’intérêt général, il impose des lois liberticides au nom de la Vertu et de la Liberté . Cette contradiction sera au cœur des débats et des révolutions des XIX et XXème siècles.

Marcel Gauchet a déjà écrit plusieurs ouvrages sur la notion de démocratie, les problèmes et les difficultés à appliquer ses principes. Le style suit son raisonnement, il nécessite (parfois) une relecture… « Robespierre : L'homme qui nous divise le plus » est un livre utile dans une période où le collectif et l’individuel retrouvent le champ des débats.

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Robespierre : L'homme qui nous divise le plus

Je viens d'écouter sur France Inter la rediffusion d'une émission de "La Marche de l'histoire" consacrée au livre de Marcel Gachet sur Robespierre: "Robespierre, l'homme qui nous divise le plus". Les propos de l'auteur font écho à la lecture du livre, que j'ai achevée il y a un peu plus d'un an, je le ressort de mes rayonnages pour vous en dire quelques mots:

Notre histoire politique fait de Robespierre le parangon de la terreur et s'arrête majoritairement à ce constat. Ses partisans, quant à eux, peinent à se défendre d'un procès en "autoritarisme".

La force du livre de Gauchet c'est qu'il reste à l'écart de ces divisions et se place d'emblée au plus près des textes, pour faire parler ce personnage singulier que fut Robespierre. Il réussit ainsi à nous faire le portrait d'un homme complexe, victime en fait des contradictions de son époque:

Ce conventionnel qui commence sa vie politique sur les bancs des Etats Généraux, est profondément pétri des idées des lumières et parmi celles ci , c'est la Liberté qui retient son attention, cette liberté qu'incarne le peuple souverain face à un roi dont il faut réduire le pouvoir.

Il n'est pas révolutionnaire dans ses propos, pas d'égalitarisme, des réticences à taxer les marchandises, de la méfiance vis à vis des sans culottes,

Mais face à l'Europe monarchique armée contre la Révolution, il a le souci de tout mettre en oeuvre pour que la Révolution gagne. La centralisation du pouvoir pour y arriver devient un enjeu. Le Robespierre du Comité de Salut Public ne ressemble plus à celui des Etats Généraux, médiocre orateur, détestant l'ambition politique, il va prôner une vertu révolutionnaire, et légitimer pour y parvenir, des moyens extrêmes , mais ce n'est pas un projet politique, c'est plutôt une "dérive" dicté par les circonstances et dont il n'est pas, de loin, le seul partisan.

Un livre intéressant, qui donne à penser aux valeurs dont la vie politique se réclame, en posant une question centrale: quels en sont les acteurs? où le peuple se situe t-il?
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Robespierre : L'homme qui nous divise le plus

Gauchet/Robespierre. Pour certains, cela a du être vécu comme un blasphème et énervé les thuriféraires de l'homme de 1793. Soyons clair, j'ai une franche animosité pour le personnage et j'ai du mal à comprendre la passion qu'il engendre. Il n'empêche que sa personnalité reste un mystère. Gauchet nous propose une grille de lecture.

J'ai toujours appliqué à chaque homme politique celle de Freud dans Président Wilson. "Robespierre aimait la compagnie des femmes mais pas le commerce avec". Il est clair qu'il a orienté toute sa libido sur la politique, qu'il n'a trouvé d'épanouissement qu'avec le pouvoir. Le verbe dans lequel il excellait a été son organe.

Mais il y a un aspect qui m'avait échappé Cela m'a paru évident avec Gauchet, c'est la dérive Christique. Robespierre aurait fort bien pu déjouer le complot dirigé contre lui. Il se sacrifie et donne son corps pour que la Révolution lui survive.

Et Napoléon vint.

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Comprendre le malheur français

On n’est pas obligé de partager toutes les opinions et conclusions de l’auteur pour apprécier la qualité et la lucidité de son analyse sur la situation sociale et politique de la France fermement appuyée sur une irréprochable culture historique . En un temps où l’on veut faire passer des batteurs d’estrades , des imprécateurs médiatiques , des experts auto-proclamés pour des intellectuels ,il est bon de se confronter à un texte clair , riche et cohérent qui nous aide à penser le présent.
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Robespierre : L'homme qui nous divise le plus

Le livre est intéressant dans la mesure où il est complémentaire d'ouvrages généraux sur la révolution, mais en contrepartie il suppose une bonne culture sur le sujet.

On perçoit bien à la lecture de ce livre très documenté, comment la personnalité de Robespierre et sa capacité à s'insérer dans les événements et les jeux de pouvoir ont pu lui donner cette dimension et cette influence déterminante pour la réussite de la révolution et la longévité de ses idées.

Un très bon travail d'enquête et de synthèse, une lecture tres pertinente de cette periode clé de la révolution (1791-1794) où tout était possible. Le style aurait gagné à être plus direct (beaucoup de phrases demandent de l'attention alors même que le propos est relativement simple, et les citations sont trop noyées dans le texte, ce qui les rend très difficiles à identifier et à comprendre)

Peut-être aurait il été intéressant également d'avoir en annexe quelques textes importants de Robespierre.
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