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Critiques de Marceline Loridan-Ivens (300)
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Et tu n'es pas revenu

Le récit de Marceline Loridan-Ivens met quelques mots sur ce chemin si douloureux d'une des rares rescapés de l'opération d'anéantissement des Juifs organisée par les Nazis, d'un retour chaotique dans un pays loin d'être préparé à entendre les abominations subies par ceux et celles chassés de chez eux. Au milieu des siens, l'absence de son père multiplie les souffrances de la jeune Marceline... témoin et victime qui n'est pas revenu.

Ce texte est à la fois très pudique et détaillé et sa lecture, aisée, est vivement conseillée "pour ne jamais oublier"...
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Et tu n'es pas revenu

Et tu n’es pas revenu est à la fois un témoignage et un cri désespéré à ce père qui n’est pas revenu.



Marceline Loridan-Ivens a quinze ans lorsqu’elle est déportée avec son père à Auschwitz-Birkenau. Il lui dit alors qu’il ne reviendra pas mais qu’elle, elle est jeune et survivra. Cette phrase prophétique est advenue.



Marceline raconte, dans ce récit très court, le petit mot que son père a réussi à lui faire parvenir au camp…. Elle se souvient de « Ma chère petite fille » qui le commençait et de la signature qui n’était pas « papa » mais le nom juif de son père… Le reste, le message, le plus important est oublié avec le traumatisme. Car dans le camp, ce qui vous ramène à l’amour doit vite être oublié pour s’endurcir et survivre.



Elle ne se remet pas d’avoir survécu et que lui ne soit pas revenu. Elle raconte l’après. L’entourage sourd à l’horreur vécue comme ce sera le cas encore longtemps après la guerre pour les survivants de la Shoah.



Un témoignage parfois percutant, souvent touchant. Un témoignage précieux, comme tous les autres, pour se souvenir. Toujours.



A noter que le récit est suivi d’un petit dossier réalisé par une historienne pour raconter le parcours de Marceline en le resituant dans le contexte historique.

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Et tu n'es pas revenu

Wieviorka.

En mars 1944, à quinze ans, Marceline a été déportée à Birkenau. Son père, son très cher père, a été envoyé à Auschwitz. Hasard ou chance, il a réussi à lui faire passer une ultime lettre, quelques lignes perdues dans la mémoire de la narratrice. Des décennies plus tard, obsédée par le souvenir oublié de ce message, elle répond à son père. À son papa. « Ce mot est sorti de ma vie si tôt, qu’il me fait mal, je ne peux le dire que dans mon for intérieur, surtout pas l’articuler. Surtout pas l’écrire. » (p. 15) Shloïme Rosenberg est le seul à ne pas être revenu et son absence meurtrit toute la famille, épouse et enfants. C’est un non-sens, une injustice hurlante. Shloïme, dit Salomon en France, aimait ce pays. Il y avait acheté un petit château, à Bollène, pour loger les siens et tenter de s’enraciner dans cette terre qui ne l’a pas laissé faire. « Tu n’es pas mort pour la France. La France t’a envoyé vers la mort. Tu t’étais trompé sur elle. Pour le reste, tu avais vu juste. Je suis revenue. » (p. 51) Au prix d’une volonté farouche de survivre, Marceline est revenue. Mais ô combien blessée, pour toujours marquée, à jamais différente. « J’ai été quelqu’un de gai, tu sais, malgré ce qui nous est arrivé. Gaie à notre façon, pour se venger d’être triste et rire quand même. » (p. 7) De toutes ses forces, elle a tenté de vivre, surmontant la difficulté d’avoir échappé à la mort. Fallait-il revenir des camps, demande-t-elle à la fin de sa lettre ?



Entre épitre intime et témoignage, le récit à quatre mains de Marceline Loridan-Ivens et de Judith Perrignon est un texte bouleversant, comme tous ceux parlant de la Shoah et de la culpabilité du survivant. On sait la vie de Marceline après son retour de Birkenau et les terribles marches de la mort. Si elle prend la plume à 80 ans passés, ce n’est pas pour accuser, ni pour regretter, peut-être pour se soulager un peu et se préparer à rejoindre celui qu’elle n’a jamais cessé d’attendre. « T’écrire m’a fait du bien. En te parlant, je ne me console pas. Je détends juste ce qui m’enserre le cœur. » (p. 83)



Le dossier final d’Annette Wieviorka met en perspective le récit de Marceline avec la grande histoire. Cet élargissement du point de vue ne rend pas les choses plus supportables, mais leur donne une dimension supplémentaire. L’antisémitisme administratif ne laisse jamais d’horrifier et justifie plus que jamais le devoir de ne pas oublier. « Car la mémoire, bien qu’elle se réfère au passé, se vit toujours au présent. » (p. 122)



De Judith Perrignon, je vous conseille les très beaux L’intranquille et Victor Hugo vient de mourir.

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Et tu n'es pas revenu



C’est une lettre d’une fille à son père.

Marceline a 86 ans et écrit à son père décédé des décennies auparavant…dans un camp de concentration.

Marceline et son père ont été arrêtés en même temps, déportés dans le même convoi. L’une est revenue, l’autre pas.

Ce récit est chargé d’amour et de tendresse pour ce père disparu, il raconte avec précision mais sans pathos (ce qui aurait été légitime) les conditions de survie du camp, le difficile retour à la vie « normale », la vie d’une femme sans enfant mais qui a connu l’amour, la création, l’engagement.

Une belle leçon de vie sur un ton qui exprime la douleur, le chagrin, le courage, la vie.

La conclusion est terrible.

Un très beau texte

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L'amour après

Biographie des amours de l'écrivain aux 90 printemps, rescapée des camps. J'ai aimé sa façon d'écrire avec la liberté qu'elle se donne. Je trouve dommage que sa prose ne soit pas à l'identique de ces interviews pétillantes. Vite lu, agréable, parfois étonnant.
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L'amour après

Années 50, Marceline Loridan-Ivens qui est "une fille de Birkenau" est rentrée en France et ne tarde pas à prendre son indépendance vis à vis de sa mère.

La jeune femme dont le corps a été figé dans l'adolescence par le camp a soif de vie et de culture. Elle enchaîne aussi les aventures amoureuses ,même si son corps ignore toute sensation de plaisir, de désir ,et restera à jamais "sec", c'est à dire stérile, sans que Marceline le regrette, bien au contraire.

La nudité reste attachée au regard d'un médecin décidant de la vie ou de la mort et Marceline aura toujours des difficultés à se dénuder, y compris dans un contexte médical.

Un récit rare qui évoque le corps, les sentiments d'une jeune femme fracassée par les camps mais qui est pleine d'ardeur, de vie, d'énergie et d'une formidable liberté.
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Et tu n'es pas revenu

Ceci n’est ni une nouvelle ni un roman, mais une longue lettre de Marceline Loridan-Ivens à l’adresse de son père, déporté avec elle mais qui, contrairement à elle, n’est pas revenu.

En somme, la prédiction qu’il lui avait faite s’est réalisée.

Elle lui fait part de sa vie, celle quand elle était déportée et que son unique but était d’essayer de survivre, celle qu’elle a essayé de bâtir quand elle est revenue : "Pourquoi une fois revenue au monde, étais-je incapable de vivre ?".



J’ai beau avoir lu Elie Wiesel ou Charlotte Delbo, les témoignages sur la déportation me remuent toujours autant, et celui de Marceline Loridan-Ivens, écrit à quatre mains avec Judith Perrignon, ne fait pas exception.

Est-ce parce qu’elle s’y raconte à cœur ouvert, qu’elle met à nu la moindre de ses pensées et le moindre de ses sentiments ?

Sans doute.

Elle y parle de la mort, de cette voisine toujours à rôder et toujours prête à sévir : "Nous ne vivions plus que le présent, les prochaines minutes. Plus rien ne pouvait nourrir l’espoir. Il était mort.", cette mort qui a anéanti le moindre sentiment chez ces survivants : "Survivre vous rend insupportables les larmes des autres. On pourrait s’y noyer.".

Mais ce qui m’a sans doute le plus bouleversée, c’est son récit du retour, l’incompréhension de sa famille et de ses proches qui refusent qu’elle parle de quoi que ce soit, la peur qu’elle suscite chez eux, la fascination qu’exerce cette période de l’histoire sur son frère qui pourtant n’a pas connu les camps de la mort et qui finira par se suicider à cause d’eux.

C’est l’histoire d’une femme qui a vécu de lourds traumatismes qui ne disparaîtront jamais et qui pourtant s’est battue, notamment aux côtés de son mari, pour changer le monde selon leurs idéaux.

C’est une femme qui avait une forme de revanche à prendre sur la vie, et qui l’a fait : "J’ai été quelqu’un de gai, tu sais, malgré ce qui nous est arrivé. Gaie à notre façon, pour se venger d’être triste et rire quand même.".

Et c’est là que réside tout le paradoxe de Marceline Loridan-Ivens, car pour la première fois elle se livre sous un jour différent que celui que le public lui connaît.

Mais c’est aussi une femme qui espère un jour pouvoir répondre positivement à la question de savoir si elle a bien fait de revenir des camps, parce qu’aujourd’hui elle n’est pas sûre de pouvoir le faire.

C’est à la fois violent et douloureux de lire une telle chose, parce qu’à ce moment-là on entraperçoit les répercussions qu’ont pu avoir l’internement dans les camps de la mort sur les personnes qui en ont été victimes.

J’ai aussi été frappée par le titre et toute la force de la douleur qui s’en dégage.

Mais plus que tout par l‘ensemble de cette confession de ce petit bout de femme qui a pourtant tout d’une grande.



"Et tu n’es pas revenu" n’est plus ni moins qu’un émouvant cri d’amour d’une fille envers son père disparu, un texte dur mais nécessaire pour tenter d’appréhender au plus près et au plus juste ce que fut la Shoah.
Lien : http://lemondedemissg.blogsp..
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L'amour après

Parcourir avec Marceline sa « valise d’amour » pleine de souvenirs au gré des écrits qu’elle passe sous sa machine à lire, c’est forcément un peu décousu… mais est-ce à cause de sa valise ou de ce qu’elle a connu adolescente… On découvre aussi ses deux amours dont elle aura conservé le nom, si différents et pourtant si nécessaires. Je reconnais que je me suis parfois un peu ennuyé ou perdu dans les pages mais il m’est bien difficile de critiquer un livre dont je ne me sens pas le droit de juger l’auteur.
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L'amour après

On ne peut qu'être émue en lisant un tel livre car au-delà du récit de ses histoires d'amours et d'amitiés, l'auteur nous livre un message fort et puissant : malgré l'horreur vécue, une vie peut se reconstruire dans l'amour et la liberté, deux forces vives qui ne font pas oublier hélas les tragédies mais qui réchauffent le cœur et font revivre le corps, en permettant de vivre une deuxième belle vie.
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Et tu n'es pas revenu

Pas facile de faire la critique d’un tel témoignage, Marceline Loridan-Ivens écrit une lettre ouverte à son père. Tous les deux ont été arrêté et déporté à Auschwitz-Birkenau, le père ne reviendra jamais alors que Marceline a survécu. Elle lui raconte sa captivité, son retour et sa vie jusqu’à aujourd’hui. C’est magnifique, bouleversant, un petit livre plein d’humanité, à lire vraiment.
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Et tu n'es pas revenu

L'histoire : A 15 ans, Marceline a été déportée avec son père et son petit frère. Son père à 40 ans, à Drancy il lui dit qu'elle reviendra, parce qu'elle est jeune, mais pas lui. Elle est déportée à Birkenau, son père à Auschwitz. Elle est revenue, lui non. Et dans ce témoignage, elle lui écrit, une dernière fois, pour raconter l'indicible, se remémorer les moments ensemble et ceux séparés, la vie au camp, la vie après.







Mon avis : un livre extrêmement émouvant, écrit bien longtemps après les faits, mais où on sent à chaque phrase la vibration toujours présente du souvenir à fleur de peau. Les souvenirs des camps sont parfois à la limite du supportable, malgré une façon de les présenter qui ne joue jamais sur les émotions (et il se peut que ça renforce l'effet réaliste). La lettre à son père est longue, affectueuse, on y sent ce regret permanent, cette impossibilité de "se remettre" de la perte de son père. Et en même temps, la vie est là, les amitiés (au camp et après), la construction d'une famille, la culture, le travail, bref la vie foisonne autour et en Marceline. Pourtant, il y a manqué ce père avec qui partager, ce père absent, disparu, longtemps espéré, vainement.



Bref, un très beau livre d'amour.
Lien : http://ploufsurterre.canalbl..
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Et tu n'es pas revenu

Le témoignage bouleversant d'une juive de 15 ans déportée au camp d' Auschwitz-Birkenau en même temps que son père. Lui ne reviendra pas mais elle survivra et devra apprendre à revivre sans lui. Pas larmoyant, très digne. A travers son expérience, on voit combien les survivants des camps restent marqués à vie et ne peuvent espérer qu'on comprenne ce qu'ils ont vécu. Elle montre également que les proches des déportés peuvent aussi mourir des camps, sans y être allés, comme son jeune frère.

Poignant sans être deprimant.
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Et tu n'es pas revenu

Et tu n'es pas revenu est un petit récit ou une très grande lettre d'une centaine de pages écrite par Marceline Loridan-Ivens, née Rozenberg avec l'aide de la journaliste Judith Perrignon (qui a écrit elle même un livre fabuleux l'an passé les faibles et les forts).



C'est un récit extrêmement fort, magnifiquement émouvant et terriblement douloureux. En un mot un récit indispensable à lire!

La mémoire du passé qui souvent dérange nous apprend pourtant tant de choses...

Alors quand vous lisez l'histoire d'une enfant juive raflée et déportée en même temps que son père... que ce dernier lui prédit qu'il ne reviendra pas contrairement à elle et qu'il a raison... Forcément dans le contexte actuel, on ne peut qu'être ému.



Il n'y a jamais un mot plus haut que l'autre, le récit est pudique et tristement joli.



On y trouve des phrases très fortes qui obligent à s'interroger "Tu n'es pourtant pas mort pour la France. La France t'a envoyé vers la mort. Tu t'es trompé sur elle.Pour le reste, tu avais vu juste. Je suis revenue."

Ou encore "Tes mots ont glissé, s'en sont allés, même si j'ai du les lire plusieurs fois. Ils me parlaient d'un monde qui n'était plus le mien. J'avais perdu tout repère. Il fallait que la mémoire se brise, sans cela je n'aurais pas pu vivre."



Et que dire de la fin de la lettre... aussi sublime à lire qu'elle fait frissonner:

"Il y a deux ans, j'ai demandé à Marie, la femme d'Henri: "Maintenant que la vie se termine, tu penses qu'on a bien fait de revenir des camps?" Elle m'a répondu :"Je crois que non, on n'aurait pas dû revenir. et toi qu'est ce que tu en penses?" Je n'ai pas pu lui donner tort ou raison, j'ai juste dit:" Je ne suis pas loin de penser comme toi." Mais j'espère que si la question m'est posée à mon tour juste avant que je ne m'en aille, je saurai dire oui, ça valait le coup."



Oui la vie est belle, oui il faut la vivre en prenant les jours les uns après les autres... Un immense respect pour cette dame qui nous offre un si beau cadeau!



Prenez le temps de lire ce livre, prenez le temps de le déguster, l'apprécier à sa juste valeur... Souvenons nous et transmettons à nos enfants, petits enfants pour que "plus jamais ça"!!!



5/5



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Et tu n'es pas revenu

Un récit court et brulant sur l'impossible oubli.

Marceline Loridan Ivens nous dit bien plus que la blessure de l'absence.

Ce père qui n'est pas revenu, c'est le vide du seul partage possible de l'indicible, c'est la condamnation à fuir et à se souvenir , dans une balance sans fin.

C'est la construction toute entière de son identité, dans la prophétie du père, les mots oubliés, les images d'avant l'horreur, la souffrance à vif dans la peau.

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Et tu n'es pas revenu

Dans une longue lettre à son père disparu dans les camps nazis Marceline Loridan-Ivens évoque les années noires de la seconde guerre mondiale .

C'est émouvant , poignant et d'un humanisme extraordinaire lorsqu'on connait le destin de ces gens .

A lire sans modération . Pour ne pas oublier ce que l'homme peut faire à l'homme .

Ni pardon ni oubli .
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L'amour après

J'avais suivi son intervention à " La Grande Librairie", je m'étais dit qu'il était bon que je lise ce roman qui parle de l'horreur de Birkenau, horreur encore perceptible quand on visite par un temps glacial, vêtue d'une bonne doudoune bien chaude et qu'on a encore dans l'oeil la tenue rayée des prisonnières. Il y a peu d'efforts à faire pour imaginer l'état d'esprit d'une jeune fille de quinze ans se retrouvant là, moins bien traitée que du bétail.

Mais Marceline a décidé qu'"il fallait juste qu'il [son corps] tienne, qu'il soit sec et solide."

Elle est rentrée, ainsi que Simone Veil, et chacune à sa façon a choisi de continuer à vivre, même si au début, le suicide a fait partie des possibles...Et comment se donner de bonnes raisons de continuer, sinon, vivre pleinement, en aimant, un peu , beaucoup, sans obligation, mais avec bonheur. C'est le sujet de " L'amour après" que l'auteur, à 89 ans, nous rapporte à travers les lettres que lui ont adressées les hommes qu'elle a aimés ...et qui l'ont aimée. Belle leçon de vie, pleine de gouaille, de fougue, de jeunesse ...Elle a eu le temps de nous dire tout ça avant de mourir à 90ans, fin 2018.
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L'amour après

À 15 ans elle connut la haine, la haine et le paroxysme de la violence qui auraient pu la détruire, celle des camps nazis, ou seules la force de caractère et beaucoup de chance permettaient de survivre à l'horreur et, plus tard, de témoigner. Elle partagea cette douloureuse expérience dans "Et tu n'est pas revenu"...Elle y parla aussi et surtout de son premier amour masculin, de son père qui, toute la vie lui manqua, et dont l'absence détruisit la famille.

À 89 ans, elle ouvre une vieille valise à laquelle elle n’avait pas touché depuis plus de cinquante ans, sa "valise d'amour" dans laquelle se mêlent, lettres, mots reçus, pneumatiques (seuls les plus anciens d'entre nous s'en souviennent), des attentions reçues de personnes qui partagèrent quelques instants ou quelques années de vie avec elle, de personnes qui, toutes, comptèrent pour elle.

Au retour des camps, la haine, la rancœur, le repli sur soi auraient pu l'emporter, mais l'amour de la vie fut bien plus fort. "C’est parmi les survivants que j’ai commencé à chercher l’amour. Ce n’était pas un choix, juste une question de cercles, de Juifs entre eux, de familles juives entre elles qui rêvaient de marier leurs enfants."

Mais c'est ailleurs qu'elle le trouvera.

Et c'est de cet amour de la vie dont elle nous parle, des autres amours de sa vie, de ses deux maris, Francis Loridan, jeune ingénieur en travaux publics, toujours à droite ou à gauche sur des chantiers à l'étranger, mari trop absent dont elle divorcera et Joris Ivens, cinéaste aux côtés duquel elle découvrira les métiers du cinéma, et réalisera plusieurs films ou documentaires, notamment sur des peuples luttant pour leur liberté...Elle gardera comme nom, jusqu'à sa mort, les deux noms juxtaposés de ces deux hommes. Elle n'était plus Marceline Rozenberg, mais Marceline de deux amours.

La jeune femme croquant la vie, eut également quelques amants de passage, après la séparation de ses conjoints.

De nombreuses autres rencontres remplirent sa vie d'amours, mais surtout d'amitiés vraies et durables. La plus importante fut sans aucun doute la rencontre de Simone, Simone Veil complice des camps. Une complicité qui allait même, elle vous l'expliquera, par une proximité des chiffres tatoués sur les avant-bras...Faut-il croire à la numérologie ? Une amitié jamais prise en défaut. La politique les séparait, mais jamais elle ne put rompre cette proximité qui les unissait.

Mais il eut également des amis, Jean-Pierre Georges Perec, Jean Ferrat, Jean Wiener, Roland Barthes, Edgar Morin, et j'en passe. Chacun eut sa part d'importance dans sa vie.

Cette frêle femme en apparence était aussi une boulimique de travail, une boulimique désireuse de connaître notre monde et de faire connaître d'autres cultures par l'intermédiaire du cinéma, aux côtés de son mari Joris Ivans, et aussi une boulimique de la liberté et des droits de l'homme, notamment lors de la guerre d'Algérie "...une Juive survivante d’Auschwitz a tout fait pour sauver des femmes arabes de la torture et du viol. Il est là le sens de l’Histoire, et de l’humanité..." et aussi à l'occasion de celle du Vietnam.

Une vie d'engagements

Cette dame était admirable, il est impossible de ne pas l'aimer encore plus après cette lecture, de ne pas l'admirer, de ne pas regretter de ne pas l'avoir rencontrée.

Certes ce livre est moins connu, que "Et tu n'es pas revenu" que car beaucoup plus récent, il n'a été édité qu'en janvier 2018.

Il mérite, sans aucun doute d'être mis en lumière, il donne à chacun une belle leçon de vie.
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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L'amour après

Alors qu'elle vient de perdre partiellement la vue lors d'un séjour à Jérusalem, Marceline Loridan-Ivens, 89 ans, se plonge dans ses souvenirs en fouillant dans une valise délaissée (sa "valise d'amour") dans laquelle elle retrouve des programmes de spectacle et des articles de presse jaunis, des brouillons de lettres qu'elle n'a jamais envoyées, des lettres qu'elle a reçues de différents hommes, de son mari et d'amies qui forment une sorte de choeur de femmes.



Elle se définit comme une fille de Birkenau où elle a été déportée avec son père alors qu'elle n'avait que quinze ans, c'est dans ce camp qu'elle a rencontré Simone Veil. A sa libération, il lui a fallu ensuite survivre seule, vivre comme une survivante qui a perdu son innocence et qui trimballe son enfer avec elle avec son numéro tatoué sur le bras "tous les jours qui passent ne sont pas la vie, mais du rabe qu'on lui a laissé et qu'elle n'a pas le droit de gâcher", surmonter la mort de son père, résister à l'envie de mourir et supporter la folie suicidaire d'une partie de sa famille.



Déportée à quinze ans sans avoir jamais connu l'amour, "J'ai tout vu de la mort sans rien connaitre de l'amour", " j'étais un très jeune bourgeon que la guerre avait gelé sur pied. Et pour longtemps.", de retour du camp, elle cherche l'amour d'abord parmi les survivants qui forment son entourage proche, s'oppose à sa mère qui voudrait la voir reprendre immédiatement une vie normale et n'imagine comme seul avenir pour elle que mariage et enfants, alors qu'elle a besoin qu'on lui laisse du temps. Assoiffée de liberté, elle s'amuse dans les bars et dans les soirées à St-Germain-des-Prés et rejette les conventions "il n'y eut, après les camps, plus aucun donneur d'ordres dans ma vie". Arrachée de l'école à quinze ans, c'est aussi un énorme désir d'apprendre qui l'anime, une énorme soif de culture "je préférais me pencher sur ce que je n'avais pas appris que sur ce que j'avais vécu", ainsi elle établit des listes de livres à lire pour combler son retard.



Elle évoque ses premières expériences sexuelles où elle ne ressent rien dans l'impossibilité qu'elle est de s'abandonner, submergée par la peur de se laisser aller et qualifie son corps de "sec et raide". Avec ses amies elle vit les débuts de la révolution sexuelle, l'avortement et les premiers combats féministes qui flamberont quelques années plus tard. Elle raconte son mariage avec Francis qu'elle qualifie d'épistolaire tellement ils ont peu partagé de mois de vie commune en cinq ans d'union puis l'histoire de son grand amour avec Joris Ivens.



Après avoir découvert le genre humain sous son pire aspect alors qu'elle n'était qu'adolescente, alors qu'elle n'avait connu que très peu de choses de la vie, Marceline Loridan-Ivens a choisi de laisser l'ombre de la guerre derrière elle, sans rien oublier, sans rien renier, pour VIVRE. J'ai aimé la distance avec laquelle elle se penche sur son passé, sur les conséquences qu'a eu sa déportation sur sa future sexualité, sur son rapport à son propre corps, sur les formes qu'a pris l'amour après les camps où elle avait connu violence et domination. J'ai aimé la détermination de cette femme qui n'a jamais voulu se contenter du destin que lui traçait sa mère et qui a tout fait pour retrouver sa part d'humanité. J'ai aimé la pudeur avec laquelle elle effleure ce qu'elle a subi ou vu dans les camps. J'ai aimé la personnalité hors du commun de cette femme qui a aimé plus que tout sa liberté.

Ce récit sur l'amour après les camps, sujet peu abordé dans la littérature, est servi par une écriture tout simplement sublime dans ce texte court mais très dense.

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Et tu n'es pas revenu

Les mots manquent, pour décrire ce court mais intense voyage dans ses souvenirs. Beau, émouvant, une belle claque, quand ses mots finissent par décrire la réalité actuelle, pas très rose. Marceline Loridan-Ivens partage un bout d’elle, un bout de cette relation avec son père qui ne s’est jamais vraiment arrêtée. Elle imagine ce qu’il aurait pensé de ses deux époux, elle imagine à quel point toute sa famille aurait eu besoin de sa présence. Elle utilise les mots pour écrire une lettre d’adieux, à ce père qui n’a jamais cessé, pourtant, d’être à ses côtés.
Lien : https://juliejuz.wordpress.c..
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Et tu n'es pas revenu

C'est une femme de 86 ans qui nous parle de son père qu'elle n'a pas vu depuis 70 ans.

En réalité, elle aura toujours 15 ans et se rappellera toujours le dernier jour où elle a vu son père, avant leur séparation forcée pour la déportation.

Les derniers mots de ce père qui la hantent : "Toi tu reviendras peut-être parce que tu es jeune, moi je ne reviendrai pas."



Et surtout ce dernier mot transmis sur un bout de papier par un intermédiaire dans les camps, car elle à Birkenau, lui à Auschwitz. Ces mots écrits qu'elle a oubliés car elle a perdu le papier dans un transfert, un changement de vêtements, un lieu où elle l'aurait caché (elle ne sait plus) : " ces lignes manquantes tout en étant sûre que je ne les retrouverai jamais, c'est qu'elles ont fini par dessiner un recoin de ma tête, où je me glisse parfois avec ce que je n'arrive pas à partager, une page blanche où je peux te parler encore. Je sais tout l'amour qu'elles contenaient, je l'ai cherché toute ma vie ensuite".



Ici, aucun pathos. Juste un constat. Un témoignage, plutôt pessimiste à la fin de la vie de cette femme, pourtant engagée toute sa vie pour plus de justice, plus d'humanité dans le monde, mais qui réalise que rien ne s'arrange. Ça serait peut-être même le contraire.

Un style juste et efficace.

Mais c'est le fond qui compte, comme une piqûre de rappel qui devrait être obligatoire pour chacun de nous de temps en temps. Marceline Loridan Ivens nous a quittés en 2018 après une vie bien remplie pour oublier, pour dénoncer et témoigner.

Heureusement qu'il reste les livres car les derniers témoins disparaissent.



J'en profite pour passer un message : si quelqu'un possède "il fallait absolument que je rentre" de Léon Zyguel (un autre homme passionnant, parti en 2015, dont j'ai eu la chance d'assister à une conférence) ou s'il sait comment se le procurer, n'hésitez pas à m'en informer. Il est introuvable. Quel dommage. (Je précise : j'ai essayé tous les sites d'occasion les plus connus et les librairies indépendantes).



A Léon Zyguel, comme l'oncle de Marceline Loridan Ivens le lui conseille à son retour des camps, on leur disait : "J'étais à Auschwitz. Ne leur raconte pas. Ils ne comprennent rien."
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