Depuis la publication de Truismes en 1996, Marie Darrieussecq a construit une oeuvre conséquente, riche d'une vingtaine de romans et récits, de plusieurs traductions et livres d'art.
Elle y explore de grands sujets de société sous un angle longtemps occulté, celui de l'expérience féminine. Pour opérer ce changement de focale, elle agence, depuis une dizaine d'années, une galerie de personnages que l'on retrouve d'un texte à l'autre, mais à des étapes différentes de leur vie : ainsi Rose et Solange, les héroïnes de son dernier roman, Fabriquer une femme (P.O.L, 2024), étaient déjà présentes dans trois de ses textes précédents. Comme tout au long de son oeuvre, la langue est la matière principale du travail de la romancière : les adolescentes, puis les femmes, qu'elle met en scène se construisent en cherchant leur propre voix à travers les discours imposés.
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Prendre conscience que nos sens ne nous permettent qu'une version du monde. Que ce que nous voyons n'est qu'une possibilité.
In, CHARLIE HEBDO n° 1191, du 20 mai 2015.
Comment est-on passé de ce mot des années 1990, "sans-papiers", mot juste, descriptif, à ce mot de "migrant", qui maintient les exilés en l'air, en suspens, au participe présent, quand les émigrés, au participe passé, peuvent enfin se poser ?
-Nouvelle- intitulée " Rencontres différentes avec des voyageurs forcés différents" et publiée dans " SOS MÉDITERRANÉE"- Gallimard 2022- Folio - p101 -
Je pense que je pense que je pense que je pense. Ici, ici, ici, une vis s'enfonce dans mon front...maintenant, -nant, -nant, une scie me débite en morceaux du présent... (...) Pas de brèche où se fuir soi-même: je suis je, et je voudrais tant être une autre, celle qui dort... Délestez-moi de ma conscience, l'atroce conscience de l'insomnie...
Virginia Woolf souligne dans Un lieu à soi que l’éducation des filles consiste à les habituer à mettre de côté leur égoïsme pour s’occuper d’un plus égoïste. Que ce « plus égoïste » soit ici une nourrissonne ou un mari n’y change rien.....
En 1900, Kathleen Kennet, une étudiante anglaise, écrivait avec une certaine ironie : « Dire qu’une jeune fille de vingt ans était partie étudier les beaux-arts à Paris revenait à dire qu’elle était irrémédiablement perdue. »
C’est une chose qu’on a ou qu’on n’a pas, en psycho : le goût de l’atmosphère de l’autre. Si vous ne l’avez pas, faites autre chose. L’atmosphère de quelqu’un. Comme en amour. S’y plaire. S’y baigner.
Et surtout ne pas trop travailler : " Ça rend stupide. Les gens ne sont pas fait pour travailler tout le temps mais aussi pour goûter la vie, afin de rester frais et réceptifs."
Rilke pense que les peintres savent vivre, toujours. L'angoisse, ils la peignent. Van Gogh à l'hôpital peint sa chambre d'hôpital. Le corps des peintres et des sculpteurs est actif. Leur travail est à ce mouvement. Lui, poète, ne sait que faire de ses mains. Il ne sait pas être vivant. (p. 34)
Le plus difficile à comprendre, à accepter, à gérer pour un cerveau humain, c’est l’absence de transition.
Ils filent vers Munich, et pour finir, Dachau. Dachau sonne aujourd'hui comme une curieuse destination de lune de miel. Mais la ville était alors connue pour sa colonie d'artistes, une des plus importante après Worpswede.