Citations de Marie Desplechin (438)
Est-ce que Dieu existe et, si oui, est-Il au courant que j'existe aussi?
p.90
Nous étions assises sur un banc, face à l'entrée du bâtiment D, et nous regardions les gosses partir pour l'école. Euphronie avait eu la bonne idée de préparer un thermos de café. Depuis plus d'une heure que nous attendions, j'en avais bu un demi-litre, et mes nerfs étaient dans un drôle d'état. Ma voisine avait une allure étrange dans son tablier fleuri, qui lui faisait comme une housse multicolore. Elle ressemblait à un fauteuil.
Nous avions jugé prudent de nous conformer aux habitudes vestimentaires du quartier. L'affaire n'avait pas été facile. Je ne trouvais rien d'assez normal à mon goût avant de tomber sur un vieux survêtement que j'avait porté à l'hôpital à l'époque de mon opération du genou. Il était mou et informe. J'étais moche mais Euphronie était encore plus moche que moi. Il y a des gens à qui la normalité ne va pas.
Les gamins sortaient de l'immeuble comme des souris de sous un tas de bûches. Les premiers à quitter leurs appartements étaient les collégiens qui commencent leurs journées à huit heures, tôt, très tôt, bien trop tôt à mon goût. Ils avaient des figures d'endives. Si ça n'avait tenu qu'à moi, tout ce petit monde aurait dormi deux heures de plus, ce qui n'aurait pas empêché la terre de tourner. Après eux, nous avons vu trottiner les petits bouts qui fréquentaient encore l'école primaire, ouverture à huit heures et demie. Ils n'avaient pas l'air en meilleur état, farcis de céréales trop sucrées , fripés de sommeil et pas lavés pour la plupart d'entre eux, j'en aurais mis ma main à couper. C'était maintenant le tour de ceux dont les cours ne débutent qu'à neuf heures. Ca n'en finirait donc jamais ? Après ce que j'avais bu, le parfum du café me levait le coeur.
-C'est comme ça. C'est la nature.
-Je suis contre la nature, a dit Verte.
J'ai posé la main sur son genou.
-Alors la bataille est perdue d'avance, ai-je remarqué. La nature gagne toujours ce genre de petite bagarre.
-Tant pis je me battrai quand même.
Pour la plupart, nous apprécions l'amour de nos semblables, au titre de reconnaissance nécessaire ou de divine surprise. Nous avons été élevés pour ça, d'une façon ou d'une autre, selon la voie du manque ou celle du trop-plein, peu importe, au bout du compte nous aimons être aimés, et nous aimons aimer, à tort et à travers et à nos dépens, mais enfin avec entêtement, avec récidive et avec préméditation. L'amour nous plaît, son bruit de chaînes et ses fruits de saison. Et tant mieux. (p.10)
- Faudra-t-il vraiment que je me marie ? Est-il interdit de porter du satin grenadine tant qu'on n'est pas mariée ?
(p. 12)
Parmi toutes les espèces, il en existe une pourtant qui n'a pas le droit de se plaindre. Une seule. L'espèce des mères. A la rigueur, elles peuvent se mettre en colère. Mais pas gémir, c'est mal vu. Pourquoi? Parce que grâce à leurs enfants, les mères baignent dans un océan de bonheur. C'est connu.
Quelle hypocrisie!...
Cahpitre 1, Ce qu'en disait Ursule (la voix d'une mère)
Ma mère n'a pas d'âme. Elle a un estomac. J'aurais dû m'en douter.
souvent je doute je ne sais plus où poser la frontière entre la compassion et l'idiotie
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tout le courage que j'aimerais donner, c'est celui que je n'ai pas
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il faut se garder de digérer trop vite. les informations,La pensée est un cheval lent.
Mais qu'est-ce que vous voulez la spécialiser ? Vous la trouvez pas assez spéciale comme ça ?
La méchanceté n'est pas une arme de défense, ni même d'attaque. La méchanceté n'est rien d'autre que du temps perdu. (p.53)
Vois-tu, je n'ai pas besoin de meubles, ni de vêtements, ni de vacances, ni de voiture. Mais je veux aimer les pièces où je vis, la chambre où je me réveile, les rues dans lesquelles je marche. (p.83)
Ils peuvent digérer des choses que nous ne pouvons même pas avaler. Ils les transforment avec leurs racines, et pour finir les vers les mangent. C'est la raison pour laquelle les arbres vivent plus longtemps que les hommes. (p.117)
"franchement, je ne peux pas avoir un avis très positif sur "La pricesse de Clèves" qui est quand même la reine de l'embrouille et du ratage réunis." page 29.
Pome me lance un regard consterné.
- Alors là, je ne suis pas au courant! Il faut demander à Verte. […]
- Tu te fiches de moi? Ça fait quinze ans que ça dure et tu veux que continue à passer pour un imbécile?
- Ce n‘est pas ma faute, Papa!
Et moi qui croyais au matin, en entrant dans Paris que j'étais libre comme le vent... II ne m'avait pas pas fallu très longtemps pour apprendre que la liberté n'est pas la même selon que l'on est riche ou que l'on est pauvre, selon qu'on est aimé ou qu'on ne l'est pas. Les filles socialistes devraient se méfier de la misère comme de l'amour, car il se trouve toujours un état pour les faire obéir.
On n'est jamais si bien trahi que par sa famille.
Parmi toutes les espèces, il en existe une pourtant qui n'a pas le droit de se plaindre. Une seule. L'espèce des mères.
Si je pense à moi, je me dis que j'aimerais creuser un trou profond, me mettre dedans et m'endormir. Mais si je pense au monde, je me dis que j'aimerais écrire des livres.
Ma vie, c'est du travail et des amants.
Sophie Germain
Envers et contre tous, née en 1776
Cette même année où Paris se soulève, Sophie se réfugie dans la bibliothèque. Elle ouvre -L'Histoire des mathématiques- et tombe sur la mort d'Archimède pendant la prise de Syracuse. Le savant grec était si occupé à dessiner des figures géométriques par terre qu'il a envoyé promener le soldat romain qui le menaçait : " Ne dérange pas mes cercles! " Le soldat, furieux l'a tué. Pour oublier la violence du monde, il suffit donc de se plonger dans les mathématiques. Quelle leçon ! Sophie a trouvé sa voie. (...)
Comment continuer quand on ne peut pas entrer dans une école, ni échanger avec des maîtres ? Sophie ruse : elle utilise le nom d'un étudiant, Antoine Auguste Le Blanc, pour obtenir les cours de l'Ecole polytechnique, tout juste créée (et qui n'admettra les femmes qu'en...1972). Elle correspond avec des mathématiciens fameux, qui découvrent plus tard sa véritable identité. Mathématicienne, physicienne et philosophe, elle s'impose malgré les préjugés, mais ne peut obtenir de poste, et reste à la charge de sa famille toute sa vie. Ses travaux sur la théorie des nombres et des surfaces ont eu une influence considérable et sont encore utilisés aujourd'hui. (p. 124)