AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Mariette Navarro (179)


L'espace d'une seconde ils renversent l'ordre des choses, peut-être que quelque part des oiseaux prennent leur envol à l'envers ou qu'une rivière, d'un coup, remonte à sa source: voilà ce qu'ils ressentent, en vrac, et chacun dans sa langue.
Commenter  J’apprécie          136
Brutale, une odeur d'arbres leur parvient.
Et ces oiseaux, dont on avait oublié les cris et les impatiences.
Commenter  J’apprécie          130
On peut respirer encore et être déjà mort. On peut être discret, terriblement vivant. On peut porter la mer en soi, en n’ayant jamais senti l’odeur du sel, en n’ayant même jamais quitté la campagne ou la ville.
Commenter  J’apprécie          130
Dans sa poche, il fait se retourner le petit galet lisse, puis le pose sur la carte, à quelques centimètres du trou qu’elle y a percé, et soudain c’est une île apparue dans l’Atlantique. Une île ronde, rassurante, inhabitée. Une petite île de poche, mais immense par rapport à l’échelle de la carte, un continent nouveau, rond et gris, qu’il ne tient plus qu’à lui de remplir de reliefs et de couleurs. Alors il écarte le caillou de la table de travail, et avec le crayon qui sert à leur localisation il trace un trait déviant, un angle franc en dehors de la route, puis une île nouvelle, sans nom encore, avec une crique toute dessinée pour accoster, quelques hauteurs montagneuses, ce qu’il faut d’eau, de forêt, de plages abritées du vent.
Et de l’endroit de la baignade percé dans le papier, jusqu’à cette terre nouvelle qu’il vient de leur inventer, il y a pour le bateau à peine quelques heures de dérive. Un havre, pense-t-il, un havre facile d’accès pour leur petit matin.
Commenter  J’apprécie          120
On voit de quoi chacun est fait à sa façon d’entrer dans l’eau, les bleus sous la peau, les bosses oubliées, les dos abîmés. On reconnaît la jeunesse élastique ou les muscles éprouvés, les chairs aimées, caressées, et les corps que depuis trop longtemps on délaisse. Ce n’est pas tout à fait la même ouverture que chacun dessinera à la surface : tous ne portent pas le même poids.
Commenter  J’apprécie          110
Immédiatement, elle est saisie par la moiteur de ce concentré d'orage. On dirait qu'un nuage s'est enroulé autour d'eux, qu'elle tente machinalement de retenir entre ses doigts écartés. Barbe à papa blanche, et presque sucrée aussi à force de densité: comme personne ne peut la voir, elle tire la langue pour la goûter, il faut bien revenir à quelques réflexes d'enfance quand on pressent que rien de drôle ne va surgir de sitôt.
Commenter  J’apprécie          110
Elle aime ce moment-là, au seuil de son bateau, quand l’espace d’un instant elle ne sait plus quelles sont les justes proportions, quelle est l’échelle des valeurs.
Commenter  J’apprécie          110
Mariette Navarro
Dans le geste connu, le geste de travail, dans le geste refait chaque jour, un espace s’est glissé. Un tout petit espace blanc inexistant jusqu’alors, une seconde suspendue. Et dans la seconde suspendue, la seconde imprécise, toute la suite de la vie s’est engouffrée, a pris ses aises, a déroulé ses conséquences.
Commenter  J’apprécie          110
Ils ont quitté les sons de la terre et de la surface, ils découvrent la musique de leur propre sang, tambour jusqu'à la liesse, percussion jusqu'à la transe. Son noir des apnées, symphonie des apesanteurs.
Commenter  J’apprécie          110
Au début il envoyait des photos de l’horizon, pensait que sa passion deviendrait partageable, et que ce serait rassurant de montrer jour après jour les facettes du gros navire sur l’eau. Mais, quoi qu’il en dise, c’était trop égoïste. S’émerveiller d’une vague ou d’un soleil, c’était déjà trahir l’amour et son mariage, et cette famille qui doit déjà fonctionner sans lui plus de six mois par an.
Alors, comme toujours, il ne dit rien du bateau ni de la mer, rien de son rythme laborieux, rien des tablées aux conversations techniques, rien du verre pris le soir pour appeler le sommeil. Il finit par dérouler, mécaniques, les mots d’amour, en essayant de ne pas écrire les mêmes que la veille. En essayant de les remplir de nouveau d’un sentiment unique et puissant. Mais il n’y arrive pas. Il efface. Il se contente de demander des nouvelles du petit. Je t’aime.
Commenter  J’apprécie          100
La peur des tempêtes, c’est d’une autre époque, ce n’est pas pour eux. Aujourd’hui tout est sous contrôle, leur santé, la météo, leurs voyages et même leur bêtise : sous contrôle.
Commenter  J’apprécie          100
On voit de quoi chacun est fait à sa façon d’entrer dans l’eau, les bleus sous la peau, les bosses oubliées, les dos abîmés. On reconnait la jeunesse élastique ou les muscles éprouvés, les chairs aimées, caressées, et les corps que depuis trop longtemps on délaisse. Ce n’est pas tout à fait la même ouverture que chacun dessinera à la surface : tous ne portent pas le même poids.
Commenter  J’apprécie          90
C’est la forêt qui bouge, qui fait tomber les rois. Dire que certains croient à la fin du monde, alors que ce n’est que le début.
Commenter  J’apprécie          90
Quand la pluie s’arrêtera, quelque chose de cette journée sera éclairci. Toutes les pensées retrouveront leur équilibre. Il n’est pas question qu’elle perde son temps à l’expliquer à l’équipage. Elle le sait, et c’est suffisant. Et c’est suffisant aussi de sentir le bateau fendre l’eau, de sentir la pluie s’écraser sur les vitres, de sentir le calme avec lequel chacun, tout de même, s’et remis au travail. La petite lenteur en elle s’est changée en curiosité. En avancée tranquille vers une prochaine découverte.
Commenter  J’apprécie          80
Ils glissent dans l’eau.
Pointe de pieds puis corps entier, douleur vive de la fraîcheur et du sel qui brûle, comme s’il était plus cuisant au contact des peaux. Cages thoraciques compressées par l’immense océan : on dirait que la masse énorme, et par endroits grise, ne se laisse pas pénétrer si facilement, il n’y a qu’à voir comment, depuis le départ, elle referme systématiquement l’eau derrière le cargo qui pourtant met toute sa force pour la fendre. On ne la déchire pas comme un tissu, on n’y laisse pas d’empreinte comme dans le sable, ou dans la neige. En y plongeant, on se condamne à l’invisibilité.
Commenter  J’apprécie          82
Dans le geste connu, le geste de travail, dans le geste refait chaque jour, un espace s'est glissé. Un tout petit espace blanc inexistant jusqu'alors, une seconde suspendue. Et dans la seconde suspendue, la seconde imprécise, toute la suite de la vie s'est engouffrée, a pris ses aises, a déroulé ses conséquences.
Commenter  J’apprécie          80
Il y a les vivants, les morts, et les marins.
On peut respirer encore et être déjà mort. On peut être discret, terriblement vivant. On peut porter la mer en soi, en n’ayant jamais senti l’odeur de sel, en n’ayant même jamais quitté la campagne ou la ville.
On sait quand on est mort ou quand on est marin, même rivé au sol. On sait quand on dérive, quand on passe à côté. Quand le sol n’est pas ferme sous les pieds. On sait quand on est d’ici sans en être, et toujours appelé au départ.
Il y a les marins, qui pour certains n’ont jamais vu la mer, et ne s’appelleraient jamais eux-mêmes de ce nom qu’ils ne connaissent pas. Ils portent quelque chose des disparus alors même qu’on leur parle, qu’on les tire vers la vie pour conjurer l’angoisse, alors même qu’on les touche et leur soutire des promesses.
Il y a les marins, absents jusqu’au vertige, familiers de la mort sans en passer la frontière, travaillés par la question jusqu’à la maigreur, plus là quoi qu’il en soit, dérivant les pieds fixes, avec ce pouvoir qu’on leur envie d’observer de loin comment la vie se débrouille sans eux.
Elle pourrait dire de chaque personne croisée dans sa vie ce qu’il est et ce qu’il attend, l’errance ou l’ancrage, la maison ou le départ permanent, la verticalité ou l’horizon infini.
Cela n’a aucune importance, mais c’est sa façon de lire le monde.
Commenter  J’apprécie          70
Il y a les vivants, les morts, et les marins.
Ils savent déjà, intimement, à quelle catégorie ils appartiennent, ils n’ont pas vraiment de surprise, pas vraiment de révélation. Ils savent, à chaque endroit où ils se trouvent, s’ils sont à leur place ou s’ils n’y sont pas.
Il y a les vivants occupés à construire et les morts calmes au creux des tombes.
Et il y a les marins.
Commenter  J’apprécie          70
Personne ne le saura jamais, mais c’est maintenant qu’ils naissent, de l’air vers l’eau, expulsés volontaires de leur condition verticale et de leur âge. L’espace d’une seconde ils renversent l’ordre des choses, peut-être que quelque part des oiseaux prennent leur envol à l’envers ou qu’une rivière, d’un coup, remonte à sa source : voilà ce qu’ils pressentent, en vrac, et chacun dans sa langue.
Dans la cambrure parfaite de l’horizon, comme naissance c’est beaucoup plus réussi que la première fois, entre les murs carrés d’un hôpital, il y vingt ans, trente ans, quarante ans, quelque part en Europe. Ils naissent adultes et de le leur plein gré, les pieds en avant, les bras le long du corps, et dans la gorge un chant retenu, un cri débutant.
Commenter  J’apprécie          70
- Messieurs, elle dit, merci pour votre rapidité, je serai heureuse, de vous retrouver dans vos tenues réglementaires le plus rapidement possible et prêts pour reprendre le travail, il va de soi que ce qui vient de se passer, ce petit moment de pause, n'était pas inscrit sur notre feuille de route, et qu'il ne faut pas que ça devienne une habitude ou que ça nous apporte de la distraction au point d'oublier les délais qui nous sont impartis. C'est pouquoi je vous demande que tout cela reste exceptionnel, prenons-le comme un moment de joie, une fête qu'on aurait organisée à bord pour le plaisir de vivre un moment fort ensemble. Dites-vous que c'est un cadeau que j'avais envie de vous faire, une reconnaissance pour votre travail, pour vos qualités à la tâche, une récompense pour votre sérieux.
Commenter  J’apprécie          70



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Mariette Navarro (794)Voir plus

Quiz Voir plus

Les orangers de Versailles

Qui est Antoine ?

Le père de Marion
L'ami de Marion
Un servant

9 questions
55 lecteurs ont répondu
Thème : Les Orangers de Versailles de Annie PietriCréer un quiz sur cet auteur

{* *}