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Citations de Mariette Navarro (179)


À chacun son image secrète de liberté, à chacun son choc en changeant d’élément. On voit sous leurs paupières passer des paysages, des vacances d’enfance, des plaines si vastes qu’on les croit préhistoriques, des pluies de déluge, des vélos lancés sous des soleils de plomb, des maisons minuscules cachées dans les rochers, des champs de tournesols et des champs de colza, des plages, des épices, des cabanes.

Voilà les visages extatiques, abandonnés, les corps arqués par le plaisir. Et chacun sait que c’est dans sa langue que la mer est la mer et l’océan, puissant.
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Derrière son hublot, elle regarde le soleil percer la brume pour mieux plonger dans l’eau, dans une belle verticale orange, qu’un dernier brouillard étale à gros traits. Saignée ocre, de nouveau, mais elle aimerait que ce soit la cicatrice plutôt que la blessure, et que dès demain on retrouve la santé bleue du voyage.
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Il y a les vivants, les morts, et les marins.
Ils savent déjà, intimement, à quelle catégorie ils appartiennent, ils n’ont pas vraiment de surprise, pas vraiment de révélation. Ils savent, à chaque endroit où ils se trouvent, s’ils sont à leur place ou s’ils n’y sont pas.
Il y a les vivants occupés à construire et les morts calmes au creux des tombes.
Et il y a les marins.
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Elle éclate de rire, et c'est sa façon de crier son amour pour tout ce qui ne se donne pas à décoder, tout ce qui décide de faire sa propre poésie sans surveillance, et peu importe si c'est un chemin plein d'angoisse, et peu importe si c'est la mort au bout. (P.125)
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Ils s’observent. Quand ils se tassent dans le bateau de sauvetage, gelés, pas un qui paraisse plus habile de ses gestes, plus libre dans son corps une fois sorti de l’eau. Même celui-là, supérieur dans la hiérarchie du bateau et du travail : il a le torse un peu creusé d’un enfant maigre, le trou au niveau de son thorax semble accuser une défaite.
Ils sont nus et harassés dans une égalité parfaite.
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Elle pourrait dire de chaque personne croisée dans sa vie ce qu'il est et ce qui l'attend, l'errance ou l'ancrage, la maison ou le départ permanent, la verticalité ou l'horizon infini.
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 Elle est fille de commandant, et jamais il n’a été question d’une vie terrestre, dès le départ elle en a trop appris sur les bateaux pour se détourner de la mer. Elle appartient à l’eau comme d’autres ont la fierté d’origines lointaines. 
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C’est là qu’elle se réfugiait elle aussi les premiers temps, quand elle n’avait pas envie qu’on la trouve. Maintenant, quand elle en a besoin, elle arrive à se cacher à l’intérieur d’elle-même sans que rien n’y paraisse. (p.129)
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Et Carcasse se blottit dans Carcasse pour protéger au moins l'intérieur, et l'organisation neuve de ses organes et de ses flux. Pour ne pas se laisser découper, comme ça, entièrement en lames et enfermer dans les méfiances. Et sonne l'alarme dans Carcasse, rappelant à l'intérieur, rapatriant, Carcasse, tout ce qui s'étalait trop loin et prenait des libertés trop grandes. Tout ce qui se prenait pour autre chose que Carcasse. Tout ce qui était trop dissipé. Et chantonne moins fort Carcasse dans la peur retrouvée, et s'élève moins haut, et rayonne moins loin dans l'atmosphère autour presque glaçante redevenue. Alors tremblote la lumière Carcasse et n'éclaire plus grand chose. Alors se tapit Carcasse dans l'ombre de tout par prudence. Alors produit plutôt un peu d'obscurité Carcasse, pour se faire oublier un moment, le temps de reprendre son souffle au moins, et de reprendre contenance. S'éteint de soi-même dans l'humanité Carcasse pour ne pas se faire repérer. Efface ses propres traces avant de les avoir laissées.
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Alors Carcasse se tient là, ouvre et ferme les yeux pour faire le point, en dehors et en dedans, et cela légèrement fait tanguer Carcasse, la lumière qui rentre ou ne rentre plus et dessine des mouvements. Et cela doucement soulève le cœur, quand une forme au loin passe à grande vitesse, quand un espace entier est masqué par une ombre et disparaît, ou revient en plein jour. Et cela doucement étourdit l'esprit, quand deux couleurs soudain font contraste, quand il faut plier les yeux, quand un reflet vise la pupille, dilate, rétracte et fait s'humidifier les cils. Parfois, écarquiller permet de fixer le mouvement, mais rapidement cela pique, de rester l'œil au vent sans y coller de barrière, cela blesse légèrement et il faut tirer sur soi les paupières. Alors Carcasse replie sur ses yeux toute la peau du visage comme un drap le matin et frissonne, et part en dedans tente de fixer les images, les impressions sur sa rétine encore flottant là, encore racontant l'extérieur et les zones tranchées de bleus, de rouges et de lumière trop blanche, encore racontant qu'autour d'autres sont là et tracent des mouvements.
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Elle aime regarder les cartes, les connaît par cœur, les annote, les range. Elle les connaissait toutes avant de voyager. La beauté de leurs couleurs. Parfois elle se lasse de la route prise, trop rationnelle entre deux points, elle a des envies de lenteur. Alors elle donne un ordre à la machine, perd sciemment une heure ou deux sur l'approche de la prochaine terre.
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Quand il a achevé son dessin, appliqué, précis, il prend la gomme et veut rendre à la feuille son allure de travail, un outil de mesure aux repères immuables. Puis se ravise. Laisse la trace de son passage, son petit enfantillage, sa minuscule dissidence.
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Ils croient qu’on peut plonger dans un miroir sans être englouti par la vague, disparaître du côté de monde où la lumière ne passe plus.
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Alors Carcasse se tient là, et presse en pensée les boutons de sa propre explosion, et si rien ne se passe cela ne veut pas dire que ce ne sont pas en jeu des forces irrémédiables et dans Carcasse des éboulements et des coulées de boue et la mise en branle de continents entiers, et l'émergence de montagnes encore invisibles à l'œil nu de plusieurs autour et qui croient pourtant voir. Et si rien ne se voit cela ne veut pas dire que des gouffres immenses ne sont pas comblés par des masses nouvelles et surgies dans Carcasse par un ébranlement soudain, et que des territoires ne se dessinent pas, aux couleurs terribles et sombres, cherchant à déchirer la peau pour avoir un accès au ciel.
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C’est là qu’elle se réfugiait elle aussi les premiers temps, quand elle n’avait pas envie qu’on la trouve. Maintenant, quand elle en a besoin, elle arrive à se cacher à l’intérieur d’elle-même sans que rien n’y paraisse.
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Personne ne le saura jamais, mais c'est maintenant qu'ils naissent, de l'air vers l'eau, expulsés volontaires de leur condition verticale et de leur âge. L'espace d'une seconde ils renversent l'ordre des choses, peut-être que quelque part des oiseaux prennent leur envol à l'envers ou qu'une rivière, d'un coup, remonte à sa source : voilà ce qu'ils pressentent, en vrac, et chacun dans sa langue.
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Alors l'espace nouveau juste sous son cœur est du même ordre que cette plongée maladroite. Pas besoin de se jeter à l'eau avec eux pour ressentir leur vertige. Elle sait qu'il faut compter avec ça à partir d'aujourd'hui : une morsure, un rejet violent de toutes les lignes droites.
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Ils tracent un cercle à la surface, on dirait qu’ils prennent la mer pour du papier, leurs bras pour les compas de leur enfance.
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Entre l'océan et eux quelque chose s'est produit dont ils ne parleront jamais, ou bien il faudra beaucoup boire, ou bien il faudra beaucoup de nuits blanches.
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Quand elle avait vu que l’orage ne s’arrêtait pas, elle avait été prise d’une panique qu’elle découvrait avec lui depuis qu’il ne parlait plus. N’étant pas mère, elle ne pouvait que deviner que c’est cette panique pour laquelle on signe année après année quand on a un enfant, celle qui fait se lever la nuit pour vérifier une respiration, et ne rester qu’à la surface de tous les sommeils, toujours avoir une oreille dressée à l’affût des monstres. (p.109)
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