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EAN : 9782374912158
156 pages
Quidam (19/08/2021)
3.71/5   551 notes
Résumé :
Ils commencent par là. Par la suspension. Ils mettent, pour la toute première fois, les deux pieds dans l’océan. Ils s'y glissent. A des milliers de kilomètres de toute plage.

A bord d’un cargo de marchandises qui traverse l’Atlantique, l'équipage décide un jour, d’un commun accord, de s’offrir une baignade en pleine mer, brèche clandestine dans le cours des choses. De cette baignade, à laquelle seule la commandante ne participe pas, naît un vertige q... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (140) Voir plus Ajouter une critique
3,71

sur 551 notes
Éloge du pas de côté, éloge de la dérive, ce livre « Ultramarins » de Mariette Navarro donne à voir ce que procure une parenthèse de légèreté dans un monde de règles et d'habitudes : renaissance et retour sur soi, accueil de l'onirisme et de l'étrangeté. C'est un petit livre inclassable, différent dans lequel l'écriture est reine et magique.

Nous sommes sur un cargo dont la commandante, très rigoureuse, pragmatique et professionnelle, maîtresse des cartes, des marchandises, des embruns et des hommes, va autoriser aux marins une baignade en haute mer. Va octroyer le droit à la dérive, à sortir du cercle des normalités.

« Dans le geste connu, le geste de travail, dans le geste refait chaque jour, un espace s'est glissé».

Cette baignade, observée par la Commandante du haut du cargo, est temps sacré pour eux, toujours soumis aux routines, aux obligations. Cette baignade, décrite avec minutie et délicatesse est renaissance.

« Ils naissent adultes et de leur plein gré, les pieds en avant, les bras le long du corps, et dans la gorge un chant retenu, un cri débutant».

Ce pas de côté autorisé, en dehors de tout respect des normes de sécurité, de tout respect des procédures qu'elle connait sur le bout des doigts, va constituer une faille dans laquelle l'étrangeté va se glisser. Comme si, désormais, l'intérieur de son ventre était plus poreux aux vents marins. Comme si, mordue, elle rejetait pour la première fois les lignes droites de son horizon personnel et professionnel.

« L'espace d'une seconde ils renversent l'ordre des choses, peut-être que quelque part des oiseaux prennent leur envol à l'envers ou qu'une rivière, d'un coup, remonte à sa source : voilà ce qu'ils pressentent, en vrac, et chacun dans sa langue ».

Sensation d'avoir prise sur le temps, ralentir chaque geste, ralentir la traversée à l'intérieur d'un cargo devenu vivant, peut faire durer indéfiniment ce moment de rêves, de désir, de sensualité, de laisser aller, de lâcher prise.

« Elle veut poser ses mains sur les hanches de l'animal, en sentir la chaleur, se laisser emporter par le trouble que ça produira, amoureuse, presser ses doigts contre la peau vibrante. Toutes paumes ouvertes, elle se laisse aller au glissement sur la mer, à cette brûlure au bas du ventre ».

Fable maritime à la fois poétique et rugueuse, j'ai pris un plaisir fou à suivre cette commandante et ses marins. le quotidien sur un bateau, sorte de huis-clos oppressant, le dérèglement climatique, le féminisme, sont évoqués avec grâce et sans jargon technique pouvant perdre le lecteur. Ce livre est une parenthèse enchantée.

A noter le titre et la couverture qui m'ont littéralement happée ! Merci à @MadameTapioca pour cette découverte de la rentrée littéraire.
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Elle qui est parvenue à s'imposer comme commandante de cargo au prix d'une discipline de fer et d'un investissement de tous les instants, sait que tout écart de vigilance peut lui coûter la confiance et le respect de ses hommes d'équipage. Pourtant, une inexplicable impulsion lui fait accepter leur fantaisiste requête : en dépit du règlement maritime et des consignes de sécurité, pendant qu'elle restera seule à bord de leur navire mis en panne, radars coupés, tous s'offriront une baignade en plein milieu de l'Atlantique. Etrangement, quand, après cet intermède aussi clandestin qu'impromptu, chacun a regagné son poste, un changement de plus en plus perceptible se fait sentir à bord, comme si un nouvel esprit d'indépendance avait investi jusqu'au bateau lui-même...


« Il y a les vivants, les morts, et les marins. » Cette commandante de navire n'en a pas vraiment fait le choix, elle sait qu'elle appartient à la mer, et, qu'après chaque escale, il lui tarde de repartir, là où, face à l'horizon, elle a sa place, loin de l'immobilité des foules, dans un espace comme suspendu à l'écart de la vie ordinaire, une parenthèse de dérive et de respiration. Sans se poser la question de ce qui la pousse à larguer les amarres de la sorte, elle a corseté sa vie en séquences ordonnées, passant sans cesse de la terre à la mer, au gré de ses engagements qu'elle investit avec une autorité et une discipline toutes militaires. Il faut dire, qu'en dehors des conditions météorologiques, la course des cargos n'a rien d'aléatoire, et qu'au final, même en mer, la vie finit par être aussi millimétrée que partout ailleurs. Surtout pour une femme, lorsqu'elle doit constamment faire ses preuves dans un univers masculin…


Alors, un jour, dans cette routine insidieusement devenue trop pesante, voire même proche du non-sens, survient presque inconsciemment un sursaut, une sorte d'acte manqué, un « oui » lâché sans réfléchir à une demande incongrue mais qui devait faire écho à une envie de transgression profondément refoulée. Soudain révélée, la fêlure longtemps ignorée devient brusquement lézarde. Et c'est comme si un autre moi venait sans prévenir de prendre le contrôle, débrayant définitivement ce qui n'était plus devenu qu'une sorte de pilotage automatique. A l'unisson de cette transformation inopinée, le bâtiment lui-même répond différemment, le rationnel fait place à la fantaisie, et le lecteur, fasciné, bascule avec surprise dans un mystère teinté de poésie.


Ce premier roman merveilleusement original est une jolie surprise métaphorique, un rien désarçonnante, pleine d'une onirique fantaisie ouvrant plusieurs niveaux de lecture. C'est d'ailleurs en le parcourant une seconde fois que chacune de ses phrases se déploie avec une nouvelle force poétique, renouvelant le délice de ses mots judicieusement choisis. Entre frisson, poésie et mystère, une plume de qualité pour un singulier coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Je ne peux rejoindre les nombreuses et belles critiques de ceux qui ont aimé ce livre, même si je reconnais qu'il porte une certaine poésie de la mer, avec de beaux extraits des perceptions, sentiments, angoisses, attentes, incertitudes des protagonistes.

A mon goût, il ne tient pas la promesse d'un vrai livre de mer que j'ai trouvée bien absente. C'est le bateau qui est la vedette ainsi que sa commandante pour laquelle je ne suis pas parvenu à ressentir d'empathie. Elle est dans une perpétuelle interrogation, sur ses hommes, son bateau, elle-même. Elle m'a donné l'impression de subir les événements, tout en dégageant pourtant une personnalité que l'on sent forte mais qui ne parvient guère à s'extraire de ses carcans personnels.

Passons sur le cliché de la femme aux commandes, rien d'anormal de nos jours, elles pilotent des avions, vont dans l'espace, dirigent des entreprises, des pays, aussi bien ou aussi mal que les hommes. Il y a probablement trop souvent un regard différent des hommes envers elles, certainement sur ce bateau, mais les rumeurs de la mer concernent là aussi les hommes, les grands capitaines comme les plus modestes.

Quant à l'assimilation du bateau à une baleine harponnée, non, là, je ne peux plus suivre cette Moby Dick des temps modernes, bien nonchalante, qui finalement arrivera tranquillement au port de destination.

J'y suis parvenu aussi, sans l'enthousiasme attendu.
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Ce cher Platon avait vu juste dans cette citation devenue célèbre : « Il y a trois sortes d'hommes : les vivants, les morts, et ceux qui vont sur la mer. »
La romancière Mariette Navarro, elle aussi a vu juste, dans la puissance de convoquer dans un même récit ces trois populations.
Cet étonnant premier roman, Ultramarins, insolite, atypique, m'a cueilli et entraîné dans les rouleaux de son étangeté.
Mariette Navarro m'a invité à monter à bord de ce cargo en partance pour l'autre côté de l'océan Atlantique.
Combien de fois par semaine ne vais-je pas flâner aux portes de cet océan sur un chemin côtier qui longe le littoral ? Je rêve souvent à des rivages lointains en voyant ces navires se dessiner sur la crête de l'horizon, ce sont souvent des porte-containers, des édifices solides et impressionnants, mais qui tremblent brusquement sous mes yeux comme de fragiles embarcations...
Ultramarins dit cela.

Cargo de nuit... Trente-cinq jours sans voir la terre...

La particularité est que ce cargo est sous le commandement d'une femme, elle-même fille d'un commandant, elle dirige un équipage de vingt marins.
Je suis monté à bord de cet animal métallique, je me suis caché dans son antre tel un lecteur clandestin. Qui sait si je n'étais pas brusquement devenu ce vingt-et-unième marin qui comptait à l'appel... ?
Ultramarins n'est pas vraiment un livre, c'est un vertige...
Pensant dérouter ce cargo de sa trajectoire, c'est moi qui ai été dérouté de mes certitudes...
Elle mène ses hommes comme elle conduit les marchandises à bord, jusqu'à bon port, les ordres, les obligations, les procédures, elle connaît, tenant d'une main de fer la barre de son navire.
Pour autant, ce n'est pas une tyran, la preuve lorsque sous le mitan d'un soleil accablant, elle cède à la demande de plusieurs d'entre eux et décide de leur accorder une pause rafraîchissantes dans la grande bleue...
J'ai observé ces marins, des durs à la manoeuvre, des gros bras, devenir brusquement des enfants de dix ans plongeant dans la mer comme dans un baquet...
Je n'ai pas pu résister moi non plus à ce plongeon éperdu.
C'est une plongée en apnée dans les eaux libres d'un océan. L'élément aquatique était comme le liquide amniotique qui nous protégeait des malheurs du monde. Nous étions des méduses, nous étions nus sous les regards de la commandante du haut de sa cabine de pilotage.
J'ai vu la chair et le métal défier les règles de l'alchimie et fusionner dans un océan de bonheur.
J'ai aimé ce bain de mer jouissif, j'ai aimé ces pages sensuelles, éprises de lenteur et de poésie, ce lâcher prise, ce pas de côté...
Je regardais ces hommes qui nageaient avec leurs gros bras, ils souriaient, riaient, il y avait cette enfance enfouie au fond d'eux qui surgissait avec sa fragilité, son innocence dans l'élément marin. C'était comme une seconde naissance.
Cette plongée ouvre une brèche dans l'océan.

Oh Oh... Vertige de la mer...

Il y avait aussi comme de l'inquiétude à savoir ce vide infini sous nos corps légers, à prendre peur brusquement de la réalité des choses et de notre fragilité lorsque nous avons cru que le bateau n'était plus là...
Et puis nous sommes remontés à bord du cargo...
C'est un vertige abyssal comme si une partie du fond de l'océan allait remonter à la surface avec ses hommes revenus de leur bain.
Brusquement, à la suite de cette baignade, c'est là que les choses vont se dérégler, tout, les moteurs, les radars, les trajectoires, la météo, le ciel, la mer, mais surtout l'équipage, mais surtout la commandante...
J'ai vu cette commandante entre ciel et terre, j'ai vu sa carapace se fissurer sous les assauts de la mer, devenir la proie du doute.
Il y a quelque chose brusquement qui aborde les limites du fantastique, dans l'envers du décor marin, dans ce dérèglement des sens...
Durant les pages suivantes j'ai continué de perdre pied et c'était comme une inquiétude qui remontait en moi, une peur enfouie, l'ivresse à la dérive de quelques émotions à fleur de peau...
Perdre ses repères, perdre le contrôle des choses, tanguer jusqu'à l'ultime...
J'ai aimé ce roman envoûtant... J'ai aimé être sous son emprise...
J'ai aimé l'étrangeté de ce texte, ses tangages, sa dissidence, sa poésie.
J'ai aimé être en apesanteur dans cet espace-temps de cent cinquante-six pages.
J'ai été saisi par l'irruption du grain de sable dans un roulis si bien appris, qui déstabilise, qui dévaste...
C'est une faille par où s'engouffrent toutes nos illusions. On ne nous apprend pas cela à l'école de la vie, apprendre à savoir douter...
« Il y a les vivants, les morts, et les marins », scande la toute première phrase du récit.
Et nous autres lecteurs qui oscillons souvent entre les vivants et les morts, à quelle famille appartenons-nous lorsque nous sommes brusquement immergés dans les eaux profondes d'un livre... ?

C'est l'ultramarine solitude.

Merci aux nombreux amis qui m'ont entraîné dans la dérive océanique de ce très beau récit.
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Ultrabeau ! Un bel objet de 145 pages pour les envies de jolie plume, de sensations poétiques. Ultramarin, c'est une fable onirique sur ce fragile équilibre à trouver entre nos libertés et la routine quotidienne où l'on se laisse régir par les devoirs. Cet équilibre on le cherche tout le temps, que ce soit dans la vie familiale, professionnelle, ou encore de citoyen. Parfois, on se rend compte qu'on a laissé nos petites libertés se faire grignoter. Alors on tente d'en reprendre le contrôle. Même les marins, courant après l'aventure infinie dans un paysage sans limite, y sont confrontés : Leur vie n'est pas dépourvue de barrière, ni d'une certaine routine aussi rassurante qu'agaçante.


« Parfois elle ne sait plus rien faire, et son corps est arrêté, où qu'elle aille, par une barrière, un escalier, un règlement, un garde-fou, une nouvelle porte, un danger, un coup de vent, (…) une échelle, un doute, un horaire, un changement de température, un radar, une consigne de sécurité, une somnolence, une voix, une alarme incendie, une totale impuissance. »


Dans cette histoire, une commandante expérimentée a vingt marins sous ses ordres. Elle les dirige d'une main de fer dans un gant de velours, sans relâche pour que son autorité féminine demeure sans faille. Mais le carcan parfois est trop serré. Alors si rien qu'une fois, juste cette fois, on brisait les chaînes, on prenait ou reprenait le contrôle de nos corps, de nos vies, de nos destins. Si, rien qu'un instant, un tout petit instant, on se sentait libre, dans l'immensité bleue à perte de vue, là où l'eau se mélange avec l'air, le ciel avec la mer… Si l'on s'accordait de l'espace, après ces jours à vivre les uns avec les autres, les uns sur les autres ? Une baignade, rien qu'un plongeon et quelques brasses. Nos rires et des frissons, de froid, de peur ? Qu'importe, la liberté, dit-on, n'a pas de prix. Pour une fois, ces hommes, sur lesquels la carapace métallique du bateau commençait à déteindre, ont eu envie de se mettre à nu. Et elle a dit : « D'accord ». D'accord, jetez-vous à l'eau et ôtez vos carapaces, d'accord passons sous les radars un moment, volons cet instant sans surveillance pour faire autre chose que ce que l'on attend de nous, pour une fois.


Et l'on profite avec eux de ce délicieux moment du passage à l'acte, qui prend son temps, savoure en conscience la sensation du corps qui pénètre lentement dans les eaux interdites sous la caresse sensuelle du soleil. Voilà en quoi Ultramarins peut toucher tout un chacun : sa métaphore s'applique à cette envie que nous avons tous déjà eue, que nous avons peut-être régulièrement, de tout plaquer une minute pour souffler un peu. Oter les masques, surtout en période de pandémie, et laisser respirer la peau dessous, tous nos pores, tout notre être pour nous sentir enfin ultralibres. « Voir ce qui advient quand elle ne commande plus rien ». Et puis,


« En une seconde ils sont sous l'eau, les cheveux méduses, enfin livrés à autre choses qu'aux embruns, ondulent, libèrent de leur pression les crânes, ne pèsent plus rien. »


Pourtant rapidement, un léger vertige nous prend, à flotter à la surface d'un immense vide que l'on se sent insuffisant à remplir, comme un tourbillon d'inconnu dans un océan de règles, un vent de panique qui agite les vagues à surmonter, remous qui dans notre affolement nous paraissent d'un coup insurmontables, nous cachent la vue des autres et de leur soutien. Parce que comme toute liberté, celle-ci fait un peu peur. Comme toute liberté dérobée, ou retrouvée, on ne sait peut-être pas totalement l'habiter du premier coup, nous l'approprier et surtout l'assumer. Nos consciences nous questionnent et, comme elle est volée, on doit désormais la taire, elle est notre secret. Un secret qui prend toute la place dans les silences, les non-dits, entre deux procédures, il s'infiltre dans les pensées, les recoins du bateau.


« Pour d'aucuns c'est trop tard, ils ont eu la vision nette des kilomètres sous leurs pieds, et ce qu'ils ne s'attendaient pas à rencontrer ici, le vertige, est arrivé. Plus de différence entre les corps suspendus au-dessous des ponts et de tous les parapets, les corps en montagne qui escaladent cherchant le vide, et leur corps à eux, ici et maintenant, leurs corps d'innocente baignade. Plus de différence entre les étages angoissants du suicide et la nage prudente autour du canot. L'idée s'est ouverte sous leurs pieds, et dans leur ventre, un déchirement. »


Dans ce très joli texte, où l'humeur météorologique du paysage suit celle de l'équipage, ses joies, ses doutes, ou encore sa confiance retrouvée en l'humain, sa routine, ses règles rassurantes, la liberté se vit comme une évasion, quelque chose à conquérir mais qui n'a aucun sens dans l'absolu, sans ses limites, sans les contraintes qui la cantonnent à quelque chose à taille humaine.


« A terre, ce serait mettre son bras autour du cou d'un cheval et respirer avec lui. Attendre qu'une confiance naisse, un lien muet, dont on se fait croire qu'il est une fidélité, quelque chose d'éternel alors qu'on sait que tout est chaque jour à recommencer. »


Quelque chose d'essentiel mais de maitrisable.


« Ils n'auront pas dessiné un filet bien large au milieu de l'océan.
Ils n'auront pas nagé plus de trente-cinq minutes.
Ils n'auront pas été autre chose que des créatures terrestres qui paniquent dans le bleu.
Ils auront vu leur vie résumée dans une vague, espéré le rivage et le réveil. »
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critiques presse (5)
FocusLeVif
07 janvier 2022
La dramaturge Mariette Navarro déroute avec un étonnant premier roman à la poésie mâtinée de fantastique.
Lire la critique sur le site : FocusLeVif
LeDevoir
06 janvier 2022
« Il y a les vivants, les morts, et les marins », scande la toute première phrase d’Ultramarins, l’étonnant premier roman de la dramaturge Mariette Navarro. Dans cet univers à part qui trace au GPS sa route entre ciel et terre, toujours entre deux eaux, le doute n’a pas sa place.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
LaLibreBelgique
13 novembre 2021
Dans un premier roman envoûtant, la dramaturge Mariette Navarro revisite l’épopée maritime à l’ère des porte-conteneurs géants.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Culturebox
21 octobre 2021
Avec ce premier roman, Mariette Navarro invite le lecteur dans une dimension où tous les repères se perdent dans l'immensité sans bornes de l'océan.
Lire la critique sur le site : Culturebox
LesInrocks
15 septembre 2021
Avec “Ultramarins”, Mariette Navarro signe un premier roman délicieusement déstabilisant.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (139) Voir plus Ajouter une citation
À chacun son image secrète de liberté, à chacun son choc en changeant d’élément. On voit sous leurs paupières passer des paysages, des vacances d’enfance, des plaines si vastes qu’on les croit préhistoriques, des pluies de déluge, des vélos lancés sous des soleils de plomb, des maisons minuscules cachées dans les rochers, des champs de tournesols et des champs de colza, des plages, des épices, des cabanes.

Voilà les visages extatiques, abandonnés, les corps arqués par le plaisir. Et chacun sait que c’est dans sa langue que la mer est la mer et l’océan, puissant.
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Dans sa poche, il fait se retourner le petit galet lisse, puis le pose sur la carte, à quelques centimètres du trou qu’elle y a percé, et soudain c’est une île apparue dans l’Atlantique. Une île ronde, rassurante, inhabitée. Une petite île de poche, mais immense par rapport à l’échelle de la carte, un continent nouveau, rond et gris, qu’il ne tient plus qu’à lui de remplir de reliefs et de couleurs. Alors il écarte le caillou de la table de travail, et avec le crayon qui sert à leur localisation il trace un trait déviant, un angle franc en dehors de la route, puis une île nouvelle, sans nom encore, avec une crique toute dessinée pour accoster, quelques hauteurs montagneuses, ce qu’il faut d’eau, de forêt, de plages abritées du vent.
Et de l’endroit de la baignade percé dans le papier, jusqu’à cette terre nouvelle qu’il vient de leur inventer, il y a pour le bateau à peine quelques heures de dérive. Un havre, pense-t-il, un havre facile d’accès pour leur petit matin.
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Il y a les vivants, les morts, et les marins.
On peut respirer encore et être déjà mort. On peut être discret, terriblement vivant. On peut porter la mer en soi, en n’ayant jamais senti l’odeur de sel, en n’ayant même jamais quitté la campagne ou la ville.
On sait quand on est mort ou quand on est marin, même rivé au sol. On sait quand on dérive, quand on passe à côté. Quand le sol n’est pas ferme sous les pieds. On sait quand on est d’ici sans en être, et toujours appelé au départ.
Il y a les marins, qui pour certains n’ont jamais vu la mer, et ne s’appelleraient jamais eux-mêmes de ce nom qu’ils ne connaissent pas. Ils portent quelque chose des disparus alors même qu’on leur parle, qu’on les tire vers la vie pour conjurer l’angoisse, alors même qu’on les touche et leur soutire des promesses.
Il y a les marins, absents jusqu’au vertige, familiers de la mort sans en passer la frontière, travaillés par la question jusqu’à la maigreur, plus là quoi qu’il en soit, dérivant les pieds fixes, avec ce pouvoir qu’on leur envie d’observer de loin comment la vie se débrouille sans eux.
Elle pourrait dire de chaque personne croisée dans sa vie ce qu’il est et ce qu’il attend, l’errance ou l’ancrage, la maison ou le départ permanent, la verticalité ou l’horizon infini.
Cela n’a aucune importance, mais c’est sa façon de lire le monde.
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Il y a les vivants, les morts, et les marins.
Ils savent déjà, intimement, à quelle catégorie ils appartiennent, ils n’ont pas vraiment de surprise, pas vraiment de révélation. Ils savent, à chaque endroit où ils se trouvent, s’ils sont à leur place ou s’ils n’y sont pas.
Il y a les vivants occupés à construire et les morts calmes au creux des tombes.
Et il y a les marins.
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Au début il envoyait des photos de l’horizon, pensait que sa passion deviendrait partageable, et que ce serait rassurant de montrer jour après jour les facettes du gros navire sur l’eau. Mais, quoi qu’il en dise, c’était trop égoïste. S’émerveiller d’une vague ou d’un soleil, c’était déjà trahir l’amour et son mariage, et cette famille qui doit déjà fonctionner sans lui plus de six mois par an.
Alors, comme toujours, il ne dit rien du bateau ni de la mer, rien de son rythme laborieux, rien des tablées aux conversations techniques, rien du verre pris le soir pour appeler le sommeil. Il finit par dérouler, mécaniques, les mots d’amour, en essayant de ne pas écrire les mêmes que la veille. En essayant de les remplir de nouveau d’un sentiment unique et puissant. Mais il n’y arrive pas. Il efface. Il se contente de demander des nouvelles du petit. Je t’aime.
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Vidéo de Mariette Navarro
Lundi 8 août 2022, dans le cadre du banquet du livre d'été « Demain la veille » qui s'est déroulé du 5 au 12 août 2022, Léonor de Récondo se prêtait à l'exercice de la criée en conseillant le livre de Mariette Navarro : Ultramarins
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