Martha Grimes

L’amour, c’est de ne jamais avoir à dire que l’on est désolé.

...un homme ne peut-il vous donner un coup de main sans que vous vous sentiez obligée de coucher avec lui ?

L’inspiration littéraire. Mon Dieu.
Elle était à court d’imagination et elle avait ce contrat qui la regardait en face, promettant pour janvier la livraison d’un livre qu’elle n’avait même pas commencé. Et on était le 22 octobre. Entre Canterbury et Battle, elle avait concocté une intrigue, dans laquelle six personnages réunis dans un compartiment de première classe pariaient pour savoir lequel raconterait l’histoire la plus intéressante avant d’arriver à destination. Elle les avait éliminés un à un, à mesure qu’ils se rendaient aux toilettes ou ailleurs. Elle ne connaissait ni l’auteur ni le mobile de ces meurtres...

A l’intérieur de Lamb House, elle songea à une histoire où plusieurs personnes tiendraient des conversations aussi péniblement interminables que compliquées autour d’une tasse de thé et de petits gâteaux, chacune sachant qu’il y avait un cadavre dans le solarium, mais y faisant allusion d’une façon si détournée, avec une sensibilité toute jamesienne, que nul ne saurait si l’on savait qu’il ou elle savait. Y compris le lecteur. Sa fascination pour les innombrables possibilités que lui offrait ce thème allait croissant. Elle allait ouvrir une nouvelle voie au roman policier. Un mystère à l’intérieur du mystère. Une vitre couverte de toiles d’araignée. Son éditeur n’y comprendrait rien, mais ferait mine de comprendre, ayant lui-même une sensibilité toute jamesienne

Jury ajouta du lait, remua le thé, en renversant un peu dans sa soucoupe.
— Les grosses tasses à l’américaine sont plus pratiques.
— Je hais ces grosses tasses. Elles sont faites pour boire tout en vaquant à ses occupations. Le thé doit être bu assis et certainement pas en faisant autre chose, à part lire. Mais assis, en tout cas.
Il réfléchit et ajouta :
— D’ailleurs, tout devrait être fait assis.

Pour la millionième fois au moins, Jury regretta de ne pouvoir échanger une de ses oreilles contre une cigarette. Comme il comprenait Van Gogh ! Le pauvre gars avait certainement arrêté de fumer juste avant son suicide.

Melrose songea qu’il était dommage que les États-Unis ne pratiquent pas la distribution des pairies au lieu de celle, ruineuse et au compte-gouttes, de postes haut placés, suite à des promesses électorales précipitées. Mieux vaut un baronnet qu’un incapable. 

Dans cette fraction de seconde qui suit l'annonce d'un malheur qui peu arrivé à quelqu'un d'autre, où l'égoïsme et l'insensibilité prennent le pas sur l'image de bonté et de sollicitude que nous entendons donner de nous-mêmes, il avait éprouvé du soulagement. Il se leva d'un bond, résolu à effacer cet instant de sa conscience.

Sa tante savait que c'était elle mais elle refusait de l'admettre. Avec ses cheveux roux , cette Mariah -l à était assez différente de l'autre pour permette le déni.

Oh, la ferme ! s’ordonna-t-il. Jenny s’est carapatée et toi, tu ne penses qu’à en griller une ! Est-il absolument indispensable de donner dans le lyrisme à propos d’une habitude assassine ? Mais il s’arrêta en plein milieu de cette belle autocritique en se disant que l’ennui, c’est justement qu’on peut facilement délirer sur le mode lyrique en parlant du tabac. On peut repenser à tant et tant d’occasions où la cigarette a été partie intégrante d’une expérience agréable, d’un bon moment. On peut se revoir sur un balcon dominant une mer couleur de jaspe, un verre dans une main, une cigarette dans l’autre. Se rappeler le réconfort apporté par une cigarette quand on reste planté à la fenêtre à regarder quelqu’un qui s’en va. On perd quelque chose en arrêtant de fumer. Et on a beau se raisonner, essayer de penser à d’effrayantes radios de poumons, une autre image s’obstine à vouloir se superposer à celle de la mort : balcon, mer, cigarette, whisky, coucher de soleil, fenêtre, fumée, pluie. Une perte aussi délicieusement pénible que celle de l’amour ou de la beauté – deux choses sans rapport avec le tabac, mais avec lesquelles il a insidieusement réussi à se marier. 

Covent Garden.
Il n’y avait pas si longtemps – une douzaine d’années peut-être – que les anciennes halles aux fruits et légumes avaient déménagé en emportant avec elles le vacarme, la saleté et les forts des halles.
Quand Jury était gamin et qu’il habitait Fulham Road, il venait là le samedi matin à l’aube pour les regarder décharger les camions et dresser les étals, les écouter jurer en arrachant les couvercles des cageots.
Maintenant, il y avait là tout un ensemble de magasins, commodément répartis sur plusieurs niveaux : produits diététiques, herbes et tisanes, librairies et boutiques de mode, cafés, restaurants et l’inévitable salon de dégustation de glaces. Si je vois un Häagen-Dazs de plus, je vomis, se disait parfois Jury. 

Dans la salle à manger, il examina le journal intime de James posé en évidence. Quelle écriture élégante ! Et quelle maîtrise de la langue ! Melrose se dit qu'il n'oserait plus écrire un seul mot. Terminé, les mots ; il se servirait de signaux de fumée.

Quand elle était jeune. Naturellement, cela voulait dire quand elle était enfant, mais c’était tout de même une expression curieuse, comme si la jeunesse l’avait abandonnée à tout jamais, s’éloignant à l’instar de la mer qui se retire de la grève.

Je parle de l’apparence des choses, elle est souvent synonyme de vérité. Il n’y a pas à interpréter leur silence comme un signe de colère ou je ne sais quoi : ils n’ont tout simplement pas le désir de converser.

Le mariage peut être une chose très reposante. On n’est pas obligé de se faire la conversation, pour commencer.

Il y a tellement de façons d’interpréter les astres que l’on peut toujours trouver moyen de bien présenter les choses. On ne court pas de danger avec l’astrologie.

C’était le genre d’homme que l’on ne peut regarder sans avoir envie de remettre sa cravate en place et de maudire son tailleur. Il n’y avait rien de tapageur dans sa tenue. Avec sa veste de cachemire or brun et sa cravate de soie, il incarnait l’élégance naturelle.

Quand on prend une fille en stop, qu’est-ce qu’on peut bien attendre d’elle ? De l’argent, du sexe.

La Terre tourne selon trois rythmes, le vôtre, celui de Dieu et celui du méridien de Greenwich.

Il en était à plus de la moitié du livre qu’il était en train de lire.
Ce n’était pas un amateur de romans policiers et, en temps normal, il aurait sauté du premier au dernier chapitre et imaginé par lui-même tous les détails nécessaires à la solution de l’énigme. L’affection de longue date qu’il portait à l’auteur de ce livre-ci l’obligeait toutefois à en lire toutes les pages. Enfin, presque, reconnaissait Melrose Plant. Qui m’aime aime mes livres. Son amitié pour l’auteur n’avait pas réussi à se transformer en amitié pour ce roman au titre extravagant, La Bande à Plum-Pudding.