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Critiques de Maurice Genevoix (412)
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La forêt perdue

Maurice Genevoix entre au Panthéon des grands hommes!

"La Sologne! C'est le pays de mon enfance. Ce pays m'envoûta par mille liens lents à tisser".





Sa forêt perdue est mythique, sans âge, et abrite un cerf majestueux.

"Une futaie sans fin de grands charmes, comme une armée de géants."





La forêt perdue? Pourquoi?

Parce qu'on ne peut repousser chemin et remonter le cours du temps?

"C'est une forêt... où se perdent les chevaliers poursuivant des cerfs blancs."





Deux chasseurs (Un piqueux, La Brisée et Bonavent, le fils du seigneur Abdon) convoitent ce cerf magique, qui est l'âme de la forêt...





Florie, la fille de Bonavent, est aussi fascinée par cette forêt. Elle rencontra le grand cerf et "s'immobilisa, interdite, comme "féée."

(Faé/féé:soumise à un grand charme.)





Et, il y a Wautru, (un simple d'esprit, un sorcier ou un lutin?) à "la face couleur de brique, maigre, camuse et barbue." Il peut s'interposer devant un enfant qui pêche un poisson, ou La Brisée qui tue un sanglier, mais aussi pour protéger les hommes...





N'entrez pas dans cette forêt perdue! Vous risqueriez de rester pour toujours sous son charme...

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L'harmonie retrouvée

"C'est la présence de la mort qui donne un sens à la vie." Maurice Genevoix.





L'écrivain est entré au Panthéon, et la voix d'une Sologne sauvage avec "Raboliot", "La dernière harde" et la série des "Bestiaires" s'est éteinte...





Maurice Genevoix, au micro de Radio France, face à Pierre Lhoste, Maurice Toesca et Jacques Chancel (Radioscopie) se livre et délivre un message de paix.





-"Et Dieu dans tout ça ?"Se demande Jacques Chancel...





-Vous étiez une génération sacrifiée ?

(Pendant la guerre de 14-18, Maurice Genevoix était au front, et fut blessé. "Ceux de 14" et ' La mort de près.")

"Nous à 30 ans, quand nous nous retournions, nous ne voyions plus que des fantômes et des morts!"





Mais, Maurice le conteur raconte aussi sa... rencontre avec un écureuil :

Un écureuil sauvage (qui a sa place dans "Bestiare enchanté.") que Maurice Genevoix, un jour de printemps, arrive à caresser et à prendre dans ses mains. "Il a joué autour de nous, dans l'herbe, revenant vers nous comme si nous avions été de grands écureuils, enfin des amis."





Le livre "Tendre bestiaire" est un livre féerique, miraculeux et envoûtant. Tour à tour, le grand auteur de "rroû" et de "Raboliot', évoque la belette, le castor, chevreuil... et les lucioles.





Maurice Genevoix, une voix au coeur de la nuit pour la défense de la Nature et des animaux.





"..des alouettes huppées qui s'envolaient devant mes pas, sur la route. C'étaient pour moi des oiseaux de la liberté ou de la grâce."
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Ceux de 14

Voilà un témoignage absolument irremplaçable sur la Grande guerre.

J'ai commencé ma lecture avec un mélange d'impatience mais aussi d'appréhension, après avoir été décontenancé par le lyrisme stratosphérique de la Forêt perdue. Heureusement, il n'y a ici rien de cela : si la langue est belle, le ton et la narration sont sans la moindre affectation, au plus près des hommes qui ont entouré Genevoix sur le front.

On ne doit pas s'attendre à une quelconque dramatisation du récit : c'est un journal de guerre, extraordinairement lucide et bien écrit, mais sans autre scénario que celui de la guerre, au jour le jour, dans toute son humanité et son inhumanité. Cela s'étend sur près de huit cent pages, racontant l'horreur par le menu, mais également la monotonie de l'horreur. Car la guerre se définit aussi par une addition de temps vides, peuplés d'ennui, habités par la répétition des mêmes gestes, des mêmes moments, des mêmes rituels, avec des variations aussi subtiles qu'infinies. Entre le temps à tuer et le temps qui tue, les soldats cherchent désespérément à raviver le souvenir de leur vie d'avant. Parfois, ils portent comme une croix le remords d'avoir un jour mal agi, et de ne peut-être jamais pouvoir se faire pardonner. Ces pages-là serrent souvent le coeur.

Le lecteur impatient pourrait être tenté d'aller tout droit au quatrième et dernier volume de l'ensemble, Les Éparges. C'est le plus célèbre, le plus violent et spectaculaire, le plus conforme en un mot à ce que l'on croit savoir de la Première Guerre mondiale. Faire l'économie des premiers tomes serait à mon avis une grave erreur, qui priverait de la compréhension profonde de l'oeuvre : les huit cents pages qui mènent à l'apocalypse des Éparges sont un chemin qu'il faut accepter de parcourir pour espérer en saisir le sens, si tant est qu'une abomination telle que celle-là puisse avoir un sens.

Les héros sont sacrifiés par la patrie, vite enterrés, aussi vite remplacés, promis certes à une gloire collective mais à l'oubli individuel. Genevoix leur rend ici justice : ils sont une centaine, dit-il, qui l'ont accompagné dans cette guerre. Une centaine de destins brisés, de vies interrompues ou mutilées. Des croix, des fosses, des photos pâlies... Et Genevoix qui leur redonne le souffle, qui leur rend un visage et les fait parler de nouveau. Le plus bel hommage qu'un ami et que la littérature pouvaient leur rendre.
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Raboliot

Braconner un peu de liberté.

Prix Goncourt en 1925, Raboliot n’est pas que l’histoire du chasseur qui sachant chasser sans son chien sachez-le mais avec ses chaussures, ça c’est sur, est un bon chasseur.

Ce roman majeur de Maurice Genevoix est aussi et surtout un hommage à sa Sologne, à la nature en général et à la liberté avec un petit l mais avec de grandes ailes. Comme il ne date pas d’hier, qu’il parle d’une France des campagnes qui n’existe plus, avec ces grands propriétaires qui avaient pris la succession des seigneurs tout en se comportant de la même manière avec leurs gens, cerfs passés au tamis lexical, un petit effort d’adaptation est nécessaire au lecteur d’aujourd’hui pour entendre la réalité de l’époque. Rangez vos Birkenstocks et sortez les sabots.

Congénères animalistes, serrez fort vos peluches, militants anti-chasse, évitez de randonner en ces pages, vegans à graines, ne passez pas à table et néoféministes à ébullition, préparez le barbecue, car Raboliot n’a rien du citadin qui va promener son fusil le dimanche pour prendre l’air avec sa veste fluo et promener son SUV. Il va vous en ramener de la bidoche pour la plancha. C’est un viandard qui ne vit que pour la chasse, ne fréquente que son fusil et son chien, ne compte jamais ses proies, tire autant qu’il le peut et n’obéit à aucune contrainte sociétale. De nuit comme de jour, été comme hiver, du lundi au dimanche, jours fériés compris, ce sauvage braconne les terres d’un comte. Ce dernier s’appuie sur Borrel, gendarme zélé et Volat, métayer fourbe, pour tenter par tous les moyens de le piéger. Le chasseur devient gibier et défend chèrement sa peau, plus allergique à l’autorité qu’au rhume des foins, quitte à sacrifier sa vie de famille.

Maurice Genevoix a fini au Panthéon, son Raboliot veut échapper à la prison.

Dans ce roman, l’écrivain touche au sublime quand il décrit la nature. J’ai fait la connaissance de mots que je n’avais jamais croisés. D’un naturel timide avec les inconnus, je me suis rapproché de mes vieux dictionnaires pour mieux les apprivoiser. Cela ne m’était pas arrivé depuis une éternité.

Les descriptions de Maurice Genevoix sentent le champignon, ses phrases sont des balades en forêt sur des sentiers non balisés, ses dialogues ont le souffle du gibier traqué. Je ne suis pas un grand amateur des romans du terroir, mais j’avoue que ce classique m’a presque donné envie d’aller jardiner, renifler du géranium, passer plus d’une heure sur Seasons sans m’endormir, adopter une pie, puis un hérisson, tondre ma pelouse et même celles des voisins.

Et puis Raboliot, c’est un peu le descendant du « bon sauvage » des lumières, un être qui a connu la guerre, comme son auteur, et qui ne veut plus faire commerce avec la société, obéir à des règles qui ne sont pas celles de sa nature indomptable.

la psychologie d'un sanglier.





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Ceux de 14

Est-ce que la paix a jamais été réelle, a jamais existé ? Est-ce qu'il fut un temps où les hommes étaient libres ? Libres de leurs gestes, de leur temps, de leurs rêves, de leurs pensées ?



Dans ces forêts d'Argonne où ne cheminent plus les hardes silencieuses, où les arbres ne sont que squelettes de bois, ne portant plus feuilles, ne murmurant plus réponse au vent, dans ces bois où les oiseaux ont fui, seule la boue chuinte, hurle, agrippe et ensevelit.

Cette matière indomptable à l'image de l'Histoire qui s'écrit mot à mot au milieu de ces compagnies, de ces bataillons, s'approprie les corps, pénétrant les vêtements, autant qu'elle s'immisce dans les esprits, paralysant les pensées et les espoirs. Quand ces hommes espèrent le froid, c'est pour s'échapper d'elle, de sa gangue possessive pour mieux embrasser le mordant de la gelée, la douceur froide, tranchante, et trompeuse de la neige ou du grésil qui ajoutent à leurs souffrances.



Ils sont milliers mais ne sont qu'un : celui qui peine sous la charge du havresac, celui qui tremble des heures à venir, celui qui regarde angoissé l'éphémère protection des parapets, celui qui s'envole auprès des êtres aimés sans savoir quand il les serrera à nouveau dans les bras, sans savoir même s'il lui sera permis à nouveau de le faire...

Ils attendant au rythme des jours et surtout des nuits, ils espèrent la relève, ils redoutent le retour aux tranchées, ils observent les obus qui strient le ciel, les balles meurtrières qui viennent sans bruit à leurs oreilles fracassées et ôtent la vie du voisin, du compagnon, de celui avec qui ils venaient juste de partager une cigarette pour tromper le temps, le froid. Ils ont faim quand l'escarpement, la boue et l'alerte éloignent les cuisines, quand la chaleur ne leur sera pas offerte encore cette fois, quand il faut attendre encore...





Maurice Genevoix dit avec beaucoup de pudeur ce qu'ont été ces premières heures du conflit le plus meurtrier du pays, durant ces mois qui séparent son engagement de sa blessure aux Eparges.

S'il dit l'attente, il dit la misère des conditions de celle-ci, le froid, la boue, accentuant l'évidence de la fragilité déjà extrême des existences. S'il dit la montée au front, il parle des ordres absurdes ou insensés que l'agent de liaison dépose devant lui au risque de sa vie, tout autant que ses camarades de tranchées.

Maurice Genevoix ne juge pas, ne s'apitoie pas, décrit sans grandiloquence ces quelques mois. S'il insiste, c'est sur la résignation qui se faufile et gagne tous les esprits, résignation à obéir autant qu'à accepter que le doigt de la mort désigne le prochain à s'effacer...

Les pages bouleversantes de cette offensive que l'on sait, au début du récit, imminente sont de celles qui accrochent le coeur, de celles qui labourent les âmes. Ces hommes deviennent nôtres dans leurs souffrances, dans la fatalité qui les guide. Beaucoup tombent, peu reviennent et s'ils ont cette destinée, ils ne peuvent s'empêcher de penser que le sort distribue au hasard, à chacun sans distinction, à celui-là la vie encore pour combien de temps, à cet autre une agonie terrifiante pour lui et ceux qui l'entendent appeler.

Les mots de Maurice Genevoix sont tissés d'acuité, même s'il s'est battu avec courage, faisant preuve de beaucoup d'empathie envers ses hommes, de cette solidarité qui guide pas et décisions, il n'en reste pas moins lucide sur l'ineptie des actes et des combats de ses hommes éreintés et anéantis de fatigue et de désillusion, trop intimes de cette mort qui s'identifie comme leur plus proche compagne.



L'absurdité des guerres est une évidence mais plus encore ce conflit qui s'incarne en un chaos monstrueux, broyant les existences, amputant les corps et les âmes, réinventant les vies désormais autres. Devant tant de souffrance, tant de cris silencieux de ces êtres parcourant les tranchées pour monter au front, obligation nous est faite de nous imprégner de ce livre pour dire un respect, pour garder leurs visages dans les pensées, pour ne pas oublier cette génération offerte au sacrifice. Celui-là choisi justement parce que le style dit dans sa simplicité l'existence réelle de ceux qui ont foulé ces terres et ces bois en ce premier hiver du conflit, celui-là parce qu'il parvient si bien à nous faire épeler le mot "Paix".





Maurice Genevoix a écrit d'autres récits souvent portés par une évocation essentielle de la nature, des bois, de ceux qui les animent, de ceux qui en sont le frémissement de vie – chevreuils, oiseaux ou arbres... Sans doute, est-ce la plume d'un être qui avait contemplé l'extrême cruauté des hommes et qui ne parvenait à la chasser de son esprit, qui traçait les mots de ces histoires fabuleuses emplies du sentiment si précieux de la paix.

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Le Roman de Renart

Lorsque mes parents, voulant sans doute favoriser le développement de mon intérêt précoce pour la lecture et l'histoire, me mirent entre les mains le "Roman de Renart", j'avais une dizaine d'années et ni mon père ni ma mère ne s'étaient préparés à ce que fuse de mes lèvres juvéniles la question qui tue : "Papa, Maman, ça veut dire quoi violer ?"



Je me souviens encore de l'embarras provoqué par ma question et je me remémore encore mieux dans quel état d'abattement me plongea la réponse malhabile qui me fut donnée et qui fit naître en moi une réelle répulsion pour le rusé Goupil qui avait "violé" la femme du loup Ysengrin, devenu dès lors son ennemi juré. Du haut de mes trois pommes, je compris soudain que la "ruse" n'était pas seulement une forme de facétie et d'espièglerie sans conséquence mais qu'elle pouvait également servir de sombres desseins et être utilisée dans un contexte violent et/ou malhonnête. J'en fus vraiment choquée, comme on peut l'être à cet âge mais, quelque part, je peux aussi affirmer que ce récit m'a fait mûrir.



Quelques années plus tard, préparant une maîtrise d'histoire médiévale, j'eus l'occasion de me plonger directement dans l'étude d'un manuscrit original, enluminé à souhait. Avec la maturité acquise par mes lectures et mes études, je pus me pencher à nouveau sur ce texte fondateur qui, comme l'avait déjà fait Esope pendant l'Antiquité et comme le fera quelques siècle plus tard Jean de la Fontaine, humanise les animaux pour mieux toucher l'homme par la peinture rocambolesque de sa véritable nature, vertus et vices confondus.



"Le Roman de Renart" est une oeuvre collective à multiples voix. Selon les historiens, près d'une trentaine d'auteurs y aurait collaboré sur plus de 75 ans ! C'est pour dire combien cette oeuvre littéraire peut nous apprendre sur les mœurs médiévales. Malgré un langage quelque peu suranné, la lecture est aisée, il ne faut pas craindre de l'entreprendre. La ruse, fil rouge du récit, n'est pas l'apanage du seul Maître Renart, les auteurs eux-mêmes ne sont pas en reste. Ainsi, je me suis bien amusée en constatant que le secrétaire du roi (invariablement représenté sous les traits d'un lion) était un âne !



A part le lion, il ne faut pas s'attendre à croiser beaucoup d'animaux "exotiques", pratiquement inconnus d'un monde dont les confins méridionaux se situaient en Terre Sainte et les septentrionaux en Scanie.

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Images pour un jardin sans murs

Ces jours derniers, l'hiver balbutie, il semble vouloir troquer sa houppelande de neige et de givre contre un pardessus tissé de verdure tendre et fragile. Mais les atours du froid s'accrochent encore un peu faisant frissonner tout être animal et tout végétal...

L'hiver est aimé lorsqu'il écrit les sautillements du rouge-gorge à la mangeoire, quand il attire les chevreuils au plus près de la maison, quand il fait courir - on n'imagine pas, avant de les avoir vus, leur agilité ! - les sangliers dans les champs en dormance. Il devient regretté quand il choisit, pour nous tirer sa révérence, de faire fleurir et embaumer le mimosa et ses pompons duveteux !

Tout un chacun, un tant soit peu amoureux de cette nature qui se veut amie de tous, guette la violette qui sera signe que le printemps est de retour, celle qui suit de très près la ficaire, malicieuse, pas fière, éternel clin d'oeil jaune comme un soleil couché dans l'herbe qui n'aurait pas eu assez d'élan pour s'accrocher dans le bleu du ciel, bleu autrement contemplé dans le "visage" de la pervenche ou encore dans la palette de couleurs de la jacinthe des bois.



Cette année, je vous invite à rencontrer un compagnon pour murmurer le mot "patience" en attendant un peu plus de douceur de la brise qui caresse, en tendant l'oreille impatiente vers les pépiements qui disent tant du changement de saisons : ce petit livre de Maurice Genevoix - "Images pour un jardin sans murs" - quel beau titre à lui seul…

L'écrivain y raconte ses "trois" jardins, ceux qu'il a possédés ou habités durant sa vie, celui de l'enfance, celui de l'âge adulte et celui de la maturité dans lequel il a pris le temps de regarder au lieu de voir et de comprendre au lieu de juger, celui dans lequel il a déambulé avec sa petite-fille et avec laquelle il a, lui-même, retrouvé ses yeux d'enfant. Et d'évoquer au fil des pages tournées par le vent complice, tous les jardins qu'il a visités, en invité ou en curieux, toutes les espèces végétales qu'il a croisées au cours de ses voyages. Et finalement, n'est-ce pas la nature, tout simplement, qu'il considère comme un jardin, sans clôture, comme "son" jardin gigantesque, toujours en mouvement, toujours en évolution, de telle sorte que rien n'y est jamais identique à la veille et que tout n'y est jamais que l'ébauche de ce qui sera demain ?



Maurice Genevoix attend aussi le printemps et il sait entraîner le lecteur dans sa quête, dans sa recherche des indices de son éclosion prochaine. C'est un herboriste, un érudit, il nous cite le nom des fleurs, des arbres, et nos oreilles tintent de tous ces sons de magie, il nous mène auprès des oiseaux et des écureuils qui ne le craignent pas et nous fait entrevoir l'harmonie - parfois cruelle - des lieux. Il regarde avec la même constance les autres saisons, et s'émerveille inlassablement de tout ce qu'elles lui offrent de beautés, de surprises, de partages...



Ce texte est un philtre, de ceux qui emprisonnent le coeur pour le libérer dans la corolle transparente et à peine teintée de rose d'une anémone des forêts, ou d'une vesce rougissante dans sa robe parme, de ceux qui font retentir les bruits de la présence du sauvage, de ceux qui font chercher ces yeux qui nous observent avant qu'on ne les ait remarqués, de ceux qui font s'extasier devant le nacré-pailleté de la traces des escargots après la pluie...



Alors il se peut que des larmes perlent aux paupières de celui qui lit, l'écriture enchante tellement dans son murmure que l'émotion pourrait faire trembler et perdre la notion du présent et puis, on tourne la tête vers la fenêtre, par pudeur, parce qu'il ne faut pas montrer l'émotion qui est sienne devant tant de poésie, et… oui, c'est bien cela, ce cri, comme un souvenir enfoui chaque année au plus profond des pensées, gardé comme un trésor de la mémoire à protéger : ce cri des grues cendrées qui reviennent. L'amandier secoue ses corolles fragiles en harmonie et on prend conscience, on réalise... Il est là, il est arrivé pendant qu'on "écoutait" l'écrivain nous en parler, pendant qu'on flânait au fil des pages dans cette nature qui nous attire tant, le printemps, cette renaissance, cette nouvelle histoire qui s'écrit, est revenu et les oiseaux pépient à s'époumoner, s'en faisant messagers. Et il reste à celui qui lit à fouler la terre, et à chercher, et compter les violettes aperçues comme autant de signes supplémentaires consentis.

Alors, comme il est dit : le jardin revit et peut-être que le lecteur ébahi aussi !
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Raboliot

Une œuvre que je ne suis pas près d’oublier, je connaissais de nom et vaguement l’histoire, mais à la lecture je me suis rendu compte que je ne le connaissais pas.

C’est un roman régionaliste, sur la liberté, la nature sans doute écolo avant l’heure, mais tellement plus encore….

Les descriptions de la Sologne par Maurice Genevoix sont tout simplement merveilleuses.

Une époque où l’homme ne fait qu’un avec la nature, c’est un livre nostalgique aussi, mais pas dans le sens « c’était mieux avant », car la description de la société est rude, la misère concerne la majorité de la population.

Raboliot est un braconnier (par besoin vitale, et par nature) épris de liberté et de justice qui considère que la nature appartient à tout le monde et pas au «propriétaire» des terres, son obsession de liberté, de vie et de justice le mènera à son destin.

C’est un livre qui aurait du ou devrait interroger la société sur son évolution, il ne s’agit sans doute pas d’un retour à la nature qu’il faut envisager, mais une meilleure connexion avec elle, sans aucun doute.

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Ceux de 14

A travers ces 4 livres dont l'auteur entame l'écriture dès sa démobilisation, Maurice Genevoix nous fait partager d'abord l'espoir qui porte les jeunes gens de 1914 qui partent en plein été pour une guerre qu'ils croient encore brève.

On partage le quotidien des combattants, à hauteur d'homme, des environs de Bar le Duc pendant la bataille de la Marne, jusqu'au nord de la Meuse et aux Eparges dont la boue a englouti tant d'hommes.

A l'espoir des débuts succède la désillusion et le dégoût de cette guerre abominable où les hommes sont lancés à l'assaut de positions imprenables, où les offensives inutiles se succèdent et emportent chaque fois sont lot de vies.

Lorsque l'on termine Ceux de 14, il en reste bien des choses après l'avoir achevé. On ne voit plus le site des Eparges de la même façon après ce récit. En particulier lorsque l'on localise la tombe du lieutenant Porchon au cimetière du trottoir, situé en contrebas du piton.

Genevoix,à travers son récit, son art de la description, nous fait vivre les moments qu'il a traversés jusqu'à sa blessure en avril 15, celle là même qui l'a sauvé.

Beaucoup d'émotion dans ce livre qui est ce que j'ai lu de meilleur sur ce sujet.
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Lorelei

Lorelei est, je crois, un des tous derniers romans écrits par Maurice Genevoix, peut-être l'avant-dernier, me semble-t-il. Au crépuscule de sa vie, voici ce jeune homme de quatre-vingt-huit ans qui nous invite à une histoire sur l'adolescence. Et quelle histoire !

Au départ, on s'ennuierait presque dans cette province un peu vieillotte de 1905, dans le Val de Loire. Il y a fort à parier que ce jeune adolescent de dix-sept ans, Julien Derouet, ressemble peut-être comme deux gouttes d'eau à celui que fut Maurice Genevoix à peu près à la même époque.

Oui, il y a quelque chose au départ de très désuet. On se dirait presque que ce livre est un peu daté, qu'il a vieilli, que cette histoire est celle d'une autre époque. Mais voilà, il y a mille petits détails qui m'ont happé et entraîné follement dans les pages de ce récit d'apprentissage.

Lorelei, c'est un rivage, l'histoire d'un récit de vacances, on est sur le bord de ce rivage, un rivage qui est cette vie tranquille du Val de Loire, à Chasseneuil. Il y a cette proximité familière, l'univers de Julien est peuplé de ces personnes intimes et chaleureuses, la famille de Blonde, sa mère Gabrielle, sa soeur ainée Brigitte, Blonde et Julien ont le même âge, ils s'aiment depuis toujours, d'un amour tendre, d'un amour de jeunesse, c'est comme s'ils étaient déjà fiancés, promis l'un à l'autre. Tout semble déjà écrit pour eux, leur histoire, leur chemin, le paysage qui les entoure, ils sont déjà vieux à dix-sept ans. La mère de Blonde, Gabrielle Roy, est là un peu pour ordonner les choses, les goûters chez elle où elle reçoit quelques amis, quelques notables qui lui font la cour, elle est veuve, elle organise déjà les vacances à venir, un été en Allemagne pour retrouver Pacome le fils de la famille qui fait son apprentissage là-bas chez un maître tanneur, ce sera à Offenbach-sur-le-Main, ce temps qui séparera Julien et Blonde pour quelques semaines. J'ai aimé ce personnage de Gabrielle Roy, cette figure maternelle protectrice qui sait aimer et se faire aimer, elle incarne une forme de sérénité respectée, l'intuition gouverne ses pas, elle semble pressentir chaque chose en ce monde.

Lorelei, c'est un rivage et à la faveur d'une main tendue par Gabrielle Roy qui ne veut pas que deux enfants qui s'aiment soient séparés par le temps de l'été, elle propose à Julien de faire partie du voyage. C'est l'enthousiasme juvénile.

Lorelei, c'est un rivage et l'autre côté du rivage, c'est l'Allemagne, celle de 1905. L'amitié franco-allemande était quelque chose encore de fort, de solide, neuf ans avant que ne démarre la Grande Guerre qui allait faire voler en éclat cette fraternité et faucher en plein vol des millions de vies...

L'autre côté du rivage, il y a ce jeune étudiant allemand romantique de vingt-deux ans, il s'appelle Gunther. Julien et Gunther vont s'éprendre très vite d'une amitié étrange et fascinante, nimbée de mystères, comme les contours d'une passion secrète et inavouée.

Qu'a-t-il, ce jeune homme pour semer une telle fascination et un tel trouble chez Julien...? Son âge, sa beauté lumineuse, son visage marqué d'une balafre par le geste d'un sabre, son intelligence, son érudition, son amour pour la poésie d'Hölderlin, sa culture ample qu'il cherche à transmettre comme une richesse à partager, une sensibilité à fleur de peau, brûlant sous la tourmente, enfermée en lui comme un écrin protecteur... Peut-être tout cela à la fois...

Julien hésite à s'approcher de ce jeune homme étranger et si peu étranger à lui, un peu comme un papillon de nuit qui se bat devant la flamme de la lampe. « L'attirance et le repli sur soi ne sont pas exclusifs l'un de l'autre », dit alors le narrateur.

Très vite le jeune homme prend l'ascendant sur Julien, mais de cette amitié, chacun en sera transformé.

Cette amitié sera comme une tourmente, un séisme souterrain, quelque chose qui va laisser des traces en eux et autour d'eux, dans l'histoire d'amour que ressentait Julien avant l'été, dans cette naïveté presque encore puérile...

Dans ces abîmes qui créent le désarroi, il y a aussi ce qui n'est pas dit.

Ce livre est empli d'une magie, qui ne dévoile pas tout entièrement. Et c'est beau...

L'adolescence est un lieu de passage d'une rive à l'autre...

Je me souviens de cette première lecture peu après la sortie du livre. J'avais l'âge de Julien, j'étais fasciné par l'Allemagne, des amitiés que j'allais forger outre-Rhin, au travers de voyages d'études, de jumelages entre les villes, des moments riches, festifs, fraternels, dont je me souviendrais longtemps après. Lors de ce premier séjour, j'étais hébergé dans la famille d'un garçon du même âge que moi, il s'appelait Mathias, dans une petite bourgade d'Allemagne de l'Ouest à quelques encablures du rideau de fer. Je mettais les pieds pour la première fois en Allemagne, avec toutes les représentations, fausses pour la plupart, que je me faisais de ce pays, sans doute influencé par l'histoire de mes parents qui avaient connu la seconde guerre mondiale, ses meurtrissures... Mais pour eux, ces échanges étaient importants, devaient s'accomplir, se poursuivre et se multiplier... Cependant, au retour de ce premier séjour, ma mère ne manqua pas de me poser des tas de questions sur le père de Mathias, son âge, ce qu'il faisait à présent. Quand je lui dit l'âge approximatif qu'il devait avoir, j'ai vu cette légère grimace qu'elle a tenté vite d'effacer, mais je savais déjà qu'elle avait calculé dans sa tête l'âge que le père de Mathias pouvait avoir en 1944, année où son fiancé, le père de ma soeur, avait été fusillé par la Gestapo...

Lorelei est tout simplement un livre magique, comme le titre qui évoque cette divinité germanique, une ondine un peu maléfique, attirant les navigateurs du Rhin par son chant pour mieux les perdre. Elle est présente dans l'histoire... Ainsi ces pages sont-elles emplies de sortilèges, lorsque les choses semblent brusquement vous échapper, vous porter ailleurs, perdre les personnages dans les dédales qui s'offrent à eux...

L'élégance de l'écriture est souveraine ici. Elle nous prend la main, ne nous lâche plus. C'est un récit épris de mystère, celui du lieu, celui des paysages contrastés, dépeints avec justesse, sensualité, dans un lyrisme jamais excessif, celui des émotions convoquées, celui du temps aussi, temps présent, temps à venir... Celui des rivages qui séparent le monde de l'enfance en deux, il y avait avant et il y aura désormais après...

Ce récit initiatique est peut-être la quête d'une impossible harmonie.

Quarante-deux ans plus tard, il me semble avoir abordé ce roman d'une tout autre manière, des choses que je n'avais pas vues à la première lecture, que je ne voulais peut-être pas voir... Étrangement, à la fin de cette seconde lecture, je me suis dit que je n'avais peut-être pas encore tout saisi dans la richesse des peintures et des émotions, j'ai hésité à revenir en arrière, revenir à cette lecture par le recommencement. Peut-être vais-je attendre encore quarante-deux ans...
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Le Roman de Renart

Parmi les oeuvres les plus célères de la littérature médiévale, "Le roman de Renart" figure naturellement en bonne place. Ce classique est constitué de plusieurs récits d'auteurs différents qui racontent la lutte permanente entre Renart, joyeux et malicieux goupil et Isengrin le loup.



A la fois conte et fable populaire, cette épopée animale s'analyse cependant et principalement en une critique de la société féodale, dans laquelle les animaux jouent le rôle des hommes (ainsi, il faut entendre que ce coquin de Renart est en vérité un baron rusé et malfaisant, que le roi Noble est un lion, etc.), qui connut une bonne audience au Moyen Âge pour qu'elle parvienne jusqu'à nous.

La seule difficulté de ce récit tient à l'emploi du vieux français mais cela est marginal tant le plaisir de connaître la vie médiévale et ses principes domine.
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Un jour

Ralentir... Apprendre à "regarder" au lieu de ne choisir que de "voir", apprendre à "écouter" au lieu de ne préférer qu'"entendre", apprendre à côtoyer le monde vivant, à vibrer en harmonie avec les vies au lieu de n'être que spectateur obligé de l'existence.

C'est en partie l'invite de ce texte ou plutôt son message en filigrane, la plume qu'il reste dans la main après l'envol de ces quelques pages.





"Un jour", c'est une rencontre, la communion de ces quelques heures partagées, la naissance d'une amitié entre deux hommes : l'un, Maurice Genevoix, tout en attention, qui écoute et retranscrit les mots de cette journée et ainsi nous les donne à lire, l'autre un homme intimidant au demeurant, qui cache une belle âme, de celles que la nature exalte, de celles qui savent la valeur des petites choses, de celles qui qui se trouvent récipiendaires de toutes les vies humaines, animales et végétales qui les entourent. Maurice Genevoix, habité éternellement des foudroiements de la Grande Guerre ne peut que souscrire aux mots de l'homme qui l'a sollicité pour cheminer à ses côtés, au long de cette journée.



Et c'est une suite de réflexions sages sur la vie, une intime conscience de la richesse des petites choses qui sont si habituelles qu'on choisirait plutôt de s'en détourner, un remerciement toujours murmuré dans le silence pour le cadeau d'une rencontre avec le cerf qui se pose au détour d'un bosquet, pour la traversée de la pinède qui embaume et montre ses promesses d'avenir, pour la permission d'admirer l'étang, poissonneux, généreux, miroir des présences qui l'entourent quand l'ombre monte, reflet du firmament scintillant dont il amplifie et enrichit la vision, élevant l'âme et l'esprit de celui qui s'attarde sur ses bords, pour la beauté et l'extrême diversité de la palette des couleurs des corolles et des plumages qui s'offrent aux yeux, aux croisements des sentes.



C'est aussi le constat des années qui s'écoulent, des choix, des drames et des bonheurs. Fernand D'Aubel, l'homme qui parle, n'est ni infaillible, ni parfait, et heureusement ainsi, il ne nous est que plus proche, un personnage dont on mendie un avis, un regard, une clef pour entrer au plus près du coeur de la nature.



Et quand surgira au détour du sentier la brusquerie d'une vision et l'évidence incontournable que les mentalités se modifient, que les enjeux de la société se tournent vers de nouveaux dieux, même si Fernand D'Aubel essaye de convaincre que tout va trop vite, trop loin et dans la mauvaise direction, le baume de la futaie traversée une dernière fois dans la pénombre, s'avérera la plus forte consolation qu'il puisse espérer.





"Un jour", passé à suivre, à s'enrichir, à ouvrir les yeux et laisser s'exprimer la sensibilité, un livre qui tient lieu de pas aux côtés des deux hommes, qui nous laisse la ferveur et le trésor de ces pages à relire souvent, ne serait-ce que pour apprendre à reconnaître la beauté du monde sauvage et la nécessité de le respecter, tout en méditant sur la force de vie qu'il peut nous insuffler et la vénération qui lui est due.

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Un jour

Le narrateur, un écrivain, se perd à la nuit tombée, lors d’une promenade, il est recueilli le temps d’une soirée par Fernand d’Aubel. Un homme respectueux de la personne d’autrui. De cette rencontre le narrateur garde un souvenir fort. Dix-sept ans après les deux hommes se retrouvent, Fernand d’Aubel lui fait alors une proposition étonnante, lui consacrer un jour, une seule journée entière pour parcourir dès l’aube au hasard les chemins pour communiquer avec la nature. Ce roman est donc le récit de cette journée ordinaire où il ne se passe rien, juste le bonheur d’être vivant. Deux personnes seules, hors du temps, où le monde de leur enfance leur est rendu. Guidés simplement par une odeur ou un bruit, ils vont faire le tour d’un étang puis s’enfoncer au cœur de la forêt.



Dès les premières lignes, on est sous le charme, on a l’impression d’être au début du XXe siècle dans une salle de classe ou un maître en blouse grise épelle une dictée, tant la plume de Maurice Genevoix est belle avec des mots choisis.

Une plénitude, une contemplation des beautés simples de la nature. Un sentiment de partager des instants d’éternité, un émerveillement permanent où tous les sens sont en éveil ; les effluves aromatiques des plantes sauvages, le bruit d’un gland qui rebondit de branche en branche, l’odeur de l’herbe mouillée, le bruit des chevaux lors des premiers labours, le chant du coucou, le battement d’ailes d’une mésange charbonnière, un taon qui bourdonne, l’orage sournois qui rôde, qui mijote. Un écureuil qui vole entre deux cimes. Des ronces exubérantes. L’apparition majestueuse d’un cerf en lisière de forêt.



Un jour est un roman testamentaire publié en 1976, alors que l'auteur était âgé de 86 ans, réédité cette année, l’occasion de découvrir la beauté de l’écriture au service de la splendeur de la nature

Un grand merci aux éditions Plon pour leur confiance #Unjour #NetGalleyFrance







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Rroû

Quel parcours félin émouvant, quel apprentissage tendre et violent à la fois de la vie, magnifiquement transcrit! Coup de coeur pour Rroû, l'attachant chat noir épris de liberté ! Et pour la plume subtile et évocatrice de l'auteur-poète !



On le découvre chaton, né dans le grenier d'une maison de ville. Il se distingue déjà de " Frère blanc" par son intrépidité, son caractère fort. Et Clémence, la domestique de la maison voisine, qui a senti en lui un être exceptionnel, s'attache à lui, plus esclave que maîtresse pour Rroû. En grandissant, il découvre avec délice et curiosité intense son environnement, le marronnier, les jardins sauvages au-delà, la rue...



Le récit à la troisième personne, qui livre le point de vue de Rroû, est un enchantement: nous vibrons à l'unisson du beau chat, sautons avec lui sur le mur, tout est sensations, frémissements dans le vent, descriptions si justes de la nature et des réactions félines , observation fine du monde animal. le style sensitif, sensuel, poétique m'a fait penser à Colette. J'ai d'ailleurs lu lentement , pour savourer chaque phrase, chaque impression...



Rroû, et ce sera son drame, part avec Clémence pour " La charmeraie", résidence secondaire du médecin chez qui elle travaille. Un lieu délicieux, au bord de la Loire, un paradis pour Rroû. Quand ils reviendront à la ville, le chat s'étiole, se traîne...et brusquement, une nuit, décide de partir et de rejoindre le paradis perdu... Commence alors une errance hivernale, douloureuse pour Rroû , luttant pour sa survie mais ivre de liberté malgré tout.



La dernière partie du livre m'a fortement émue, d'autant plus que le premier chat que nous avons eu chez mes parents ( hommage à toi, mon quiqui!) a connu le même sort, enfermé dans un piège pendant quinze jours, et comme rroû, il y a laissé une patte...



Mais malgré les tourments et la douleur, la vie sauvage qui l'appelle, le monde des bois, les fourrés auront été plus forts que tout: ce livre est une ode à l'indépendance consentie, à l'ivresse de l'espace, des odeurs, de la nuit emplie de feulements de désir...



Une rencontre avec le petit fauve couleur d'ébène, fier et insoumis, que je n'oublierai pas...







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Un jour

Un jour. Un mystère. Car l'homme est mystère. Un jour, un homme se raconte. Un homme nous raconte. Comme d'Aubel, je médite avec les pieds. Alors bien entendu, cette longue promenade à travers bois, forcément j'ai aimé. De l'aube à la tombée du jour, comme une évidence, une vie se dévoile. Une vie d'homme, vécue pleinement. Un homme vrai, fait de convictions, plein de sève, enraciné dans la vie, le récit est visionnaire et touche à l'essentiel. Pas à pas le brouillard se dissipe, et c'est la vie même qui apparaît, étincelante... "Quelle merveille !"



Il y a 40 ans, ou un peu plus très vraisemblablement, "Je n'ai pas la manie des dates." p. 213, encore écolier dans ce qu'on appelait les humanités inférieures, j'avais alors l'imagination la plus vive. Apanage de la jeunesse, j'étais faon, puis daguet, ensuite trois-cors, enfin dix-cors, je lisais La dernière harde, j'étais le Rouge, roi de la forêt. Je lisais Maurice Genevoix pour la première fois ... et la seule jusqu'à ces quelques jours de vacances à Azay-le-Rideau. Je ne sais comment j'ai fait la connexion avec la Loire. Toujours est-il que cherchant un de ces petits livres faciles à emmener partout pour m'accompagner, je n'ai eu aucune hésitation après avoir déniché Un jour dans la bibliothèque de mes parents (oui, celle du haut). Petit trésor oublié tout ce temps.



Belle rencontre ! Dès les premières pages, je me retrouve dans une écriture amie de longue date, à croire qu'hier encore... Elle a la beauté de la simplicité. Point n'est besoin d'artifices. Il n'est cependant pas exclu, à condition d'être attentif à la musique du ruissellement, de découvrir au détour d'une sente une comparaison imagée à l'allure d'une rivière touchée par la grâce de quelques rayons s'infiltrant à travers les feuillages qu'elle en viendrait à miroiter. L'instant magique et éphémère n'a fait que passer, et déjà le récit suit son cours inéluctable.



A la force de l'écriture s'ajoutent l'intemporalité de la réflexion sur le sens de la vie et la modernité des mises en garde éthique et écologique. Un guide sûr pour retrouver l'harmonie. A l'heure d'une rentrée littéraire n'est-ce pas le bon moment de fouiller ses étagères, son grenier, les boîtes à livre ou les boutiquiers pour (re)découvrir ce petit bijou nous ramenant à l'essentiel ? Voilà un excellent moyen de sauver quelques arbres.^^
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Trente mille jours

Par petites touches, par sauts tout primesautiers, comme ils se présentent, tels qu’ils se déroulent de la trame serrée de la mémoire, les souvenirs de Maurice Genevoix emplissent et parcourent ce livre poignant qui dresse le bilan d’une vie. Il évoque les regrets, les anecdotes joyeuses, excitantes ou déplaisantes de l’enfance, les espiègleries de l’école et du lycée d’Orléans. Il creuse et déniche des pépites, les illuminations de sa vie ainsi que l’inoubliable guerre de 14 gravée dans la chair.



De sa plume au style éblouissant, il transcende tout ce qu’il évoque. C’est son amour charnel des forêts qui me fascine le plus. Autant de malice et d’humour chez un homme qui a connu l’enfer, voilà une belle leçon de vie. Son amour pour Le livre de la jungle et Kim de Kipling me le rend d’autant plus sympathique. Il est regrettable que toute une part de l’œuvre de ce très grand écrivain, qui fut académicien, soit aussi négligée et introuvable. Il n’est même pas en Pléiade.



Il dit son amour de la peinture, raconte les coulisses de l’attribution du prix Goncourt et, se dépouillant de toute fausse modestie, combien ardemment il désirait l’obtenir. Cette pêche aux souvenir miraculeuse d’où il fait revivre les mondes de son enfance, de son adolescence, de la guerre, de ses voyages et de l’écriture m’illumine de sa multitude de petites touches impressionnistes. Catalogué d’abord comme écrivain de guerre puis écrivain régionaliste, sa place est tout entière au Panthéon de la grande littérature universelle et intemporelle.



C’est une rencontre bien tardive que j’ai faite avec cet écrivain au regard pétillant et bienveillant. J’ai retrouvé ce livre tout récemment chez mes parents. Je me souviens l’avoir vu dans les mains de ma grand-mère il y a plus de deux décennies. Aujourd’hui seulement, en y repensant, comprends-je vraiment, et dans sa totalité, l’ineffable plaisir avec lequel elle m’en parlait tandis que j’y étais complètement étranger. Il me semble qu’elle a pu me glisser un : « Tu comprendras quand tu seras plus grand. » Je pense que c’est chose faite.



Ce livre est tellement riche que presque chaque page offre des morceaux magnifiques, émouvants et remarquables qui mériteraient d’être cités. J’ai la gorge serrée en terminant ce livre dont j’ai ralenti encore le rythme de la lecture à l’approche des dernières pages.



J’ai l’impression de l’abandonner. J’aurais tellement aimé connaître cet homme et partager avec lui un brin de causette. Chaque souvenir déposé dans ce livre est une leçon d’amour, d’humanisme et d’humilité. Le recueillement d’une âme qui me happe et me ravit. Que ces rencontres sont rares !
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Rroû

Pour écrire l'histoire de Rroû, Maurice Genevoix s'est inspiré d'un fait réel. En 1928, alors qu'il part passer l'été dans sa maison de campagne, sa domestique amène dans ses bagages le jeune chat qu'elle a adopté.

L'animal habitué à un jardin clos, découvre alors la vraie nature en bord de Loire. Il en goûte si fort les charmes, s'enivre tant de liberté que de retour en ville, il ne peut résister à l'appel de la vie sauvage et s'enfuit ....

A travers l'histoire de ce chat au fort tempérament, ce texte publié en 1931 est une ode à la nature, à la faune, à la flore que l'auteur sait si bien observer et décrire avec justesse et poésie. C'est aussi un plaidoyer pour le droit à être libre, quoiqu'il en coûte.

Malgré la cruauté de certaines scènes, ce texte est fait pour séduire tous les amoureux des chats et de la nature.
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Le Roman de Renart

Gourmandise, stupidité, ruse.



Ces trois mots définissent à eux seuls cet ouvrage que l'on ne présente plus.





Comme tout le monde, je connaissais les quelques fabliaux les plus connus extraits de cette épopée animale : l'épisode des anguilles, l'aventure de Tiecelin le corbeau à qui Renart prit son fromage, le chat Tybert grimpant sur une croix pour se délecter d'une andouille qu'il ne tient pas à partager avec Renart...

Autant d'épisodes qu'il est plaisant à lire indépendamment, qui divertissent par leur caractère très caricatural. On s'amuse des farces odieuses de ce cruel Renart, on prend pitié de ce pauvre Ysengrin...

Mais lire cet ouvrage qui reprend les soixante aventures du goupil, cela devient très fastidieux.



Certes, cela peut donner à réfléchir sur la façon dont les auteurs médiévaux se sont emparés des fables d'Esope pour en faire à leur propre compte une satire sociale des mœurs aristocratiques de l'époque. Dans cet ouvrage là, sous couvert d'un anthropomorphisme enfantin, on se gausse ouvertement des seigneurs, tout comme La Fontaine le fera en son temps. Mais, quitte à comparer, je préfère nettement les fables de Jean de la Fontaine aux fabliaux de cette œuvre médiévale ; celles de notre célèbre auteur classique sont beaucoup plus subtiles, plus étayées et plus variées.

Le roman de Renart a tendance, lui, à se répéter. On lit mille fois ( bon un peu moins..d'accord..) comment Renart imagine des tours pour trouver sa nourriture et comment il dupe les animaux de la ferme et de la forêt. Au début ça amuse puis ça lasse. Surtout lorsque les mêmes compères du malin goupil ( Ysengrin, Tybert ou encore l'ours Brun) se font avoir plusieurs fois de la même façon ! Finalement, on en vient à se dire que ce n'est pas Renart qui est rusé mais plutôt les autres qui sont d'une telle naïveté qu'ils tombent à chaque fois dans le piège énorme du goupil.





L'ouvrage que j'ai lu date de 1982. Il provient des éditions Gallimard de la collection mille soleils qui s'adresse aux jeunes lecteurs. Je ne crois pas que ce genre d'ouvrage fasse le bonheur des enfants ou ados..Il est à mon avis trop dense et trop répétitif pour attiser leur envie de le lire.



Il peut, par contre, faire le "bonheur" des médiévistes qui y trouveront sans doute matière pour illustrer leurs connaissances sur les mœurs et les rouages de la société médiévale. La place de la femme au Moyen-Âge, par exemple, s'y révèle très justement : femme au foyer douce et obéissante, dont l'avis importe peu mais aussi considérée par les hommes comme étant le fruit de leur discorde quand elle n'était pas tout simplement jugée comme créature du démon. Ici, Ysengrin se brouillera définitivement avec Renart en raison d'un outrage que ce dernier fit subir à dame Hersent, son épouse.





En guise de conclusion, je tiens tout de même à préciser que même si cette lecture m' a parue ennuyeuse à bien des égards, je suis tout de même satisfaite d'avoir lu cet ouvrage de la littérature médiévale. Je peux maintenant en parler en connaissance de cause !
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La forêt perdue

La forêt perdue compte au nombre des rares livres qui vous accordent la paix de l’âme. Ce livre d’une grande puissance poétique est un conte, une épopée, un récit légendaire servi par une langue d’une admirable splendeur. L’écriture est pleine de vitalité et riche sans jamais être lourde. Beaucoup de phrases sibyllines sonnent comme les paroles d’un oracle. Le récit est maîtrisé de bout en bout sans exubérance, dans toute la simplicité et, semble-t-il, dans l’évidence de la nature.



Une langue rustique qui adopte le parler de la vénerie et épouse le langage secret de la vie de la forêt. C’est une série de tableaux impressionnistes regroupés dans une unité parfaitement calibrée. C’est une œuvre maîtresse, le sommet de l’art de Maurice Genevoix, comme le dit si bien la quatrième de couverture. Et tout tient dans moins de cent cinquante pages. S’y déploie magistralement le talent, porté à son suprême de degré, des grands conteurs : mettre entre vos mains une graine dont votre regard se chargera de tirer un bouquet qui fera flamboyer votre âme.



Maurice Genevoix y charme l’oreille tout autant que l’œil en usant de termes d’un français ancien proche des sources, qui émerveillent et font chatoyer les sens, qui sont comme les échos lointains d’un patrimoine et d’une histoire vaguement familiers auxquels je me sens irrésistiblement attaché, un lien atavique reparaissant à la conscience.



Il m’emporte corps et âme, dans cette forêt légendaire. Tout fait mouche, tout vibre de l’énergie de la vie avec un rendu juste qui prodigue non pas un engourdissement de fatigue, de lassitude, d’exaspération ni de frustration comme le font d’autres livres : il verse la paix dans l’âme. Ces cent et quelques pages composées de quatorze chapitres se savourent, se dégustent inlassablement et dans un contentement pour moi sans égal jusqu’ici, avec la solennité humble et la tonalité cristalline propres au génie de Maurice Genevoix.
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Ceux de 14

Je viens de passer un mois au coeur de la première guerre mondiale et je ne suis pas près d'oublier. Après la lecture magnifique du "Chemin des âmes" de J. Boyden, j'ai eu envie d'entendre la voix d'un combattant. Et je crois que Maurice Genevoix est celui qu'il faut écouter. " Ceux de 14" est à mon avis un chef d'oeuvre: d'abord parce que l'écriture de l'auteur par sa force évocatrice nous plonge dans des moments vécus et nous les fait partager pudiquement certes mais aussi fortement, ensuite car c'est un vrai témoignage et que chaque personnage a vraiment existé: ils ne sont pas des personnages mais des témoins et Genevoix leur a donné ce qui leur a manqué à tous: la parole. C'est par moments presqu'insoutenable mais Genevoix décrit aussi une telle humanité au milieu de la barbarie que c'en est une leçon. A lire absolument.
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