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Critiques de Maurice Genevoix (418)
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Ceux de 14

Je viens de passer un mois au coeur de la première guerre mondiale et je ne suis pas près d'oublier. Après la lecture magnifique du "Chemin des âmes" de J. Boyden, j'ai eu envie d'entendre la voix d'un combattant. Et je crois que Maurice Genevoix est celui qu'il faut écouter. " Ceux de 14" est à mon avis un chef d'oeuvre: d'abord parce que l'écriture de l'auteur par sa force évocatrice nous plonge dans des moments vécus et nous les fait partager pudiquement certes mais aussi fortement, ensuite car c'est un vrai témoignage et que chaque personnage a vraiment existé: ils ne sont pas des personnages mais des témoins et Genevoix leur a donné ce qui leur a manqué à tous: la parole. C'est par moments presqu'insoutenable mais Genevoix décrit aussi une telle humanité au milieu de la barbarie que c'en est une leçon. A lire absolument.
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Mon ami l'écureuil

Ce petit livre pour enfant, je l'ai découvert dans une boîte à livres. On y fait de drôle de découverte, je ne connaissais pas du tout ce récit et honte à moi, je n'avais jamais lu ce grand auteur français, membre de l'Académie française. L'occasion pour moi de le découvrir à travers cette courte lecture aux allures de conte.



*

Un jour, par une belle journée de printemps, au cours d'une promenade avec sa fille dans le bois adjacent à sa maison, l'écrivain se retrouve face à un jeune écureuil peu farouche. Mais un geste brusque effraie l'animal qui s'éloigne et disparaît derrière un tronc.



« Bien entendu, je suis maladroit. Entre toutes les créatures, ce sont les hommes, j'en suis sûr, qui sont les moins capables de patience. Dans mon désir de le toucher déjà, de caresser son pelage roux, peut-être de le rassurer davantage, mon pas manque de coulé, de liant… Et ce que je craignait arrive : l'écureuil s'enfuit sous mes yeux. »



Pourtant, la curiosité l'incite à réapparaître. Commence alors pour l'homme et la petite bête rousse un jeu de cache-cache où la peur instinctive de l'écureuil reflue peu à peu et les distances s'amenuisent. Doucement, la fillette qui s'était éloignée cueillir des fleurs, revient auprès de son père, émue, émerveillée par cette rencontre inattendue, magique.



« Nous faisions partie de son monde, et d'un monde qu'elle aimait, comme la mousse, les fleurs sauvages et les arbres. »



Face à l'effronterie et l'assurance du petit écureuil, l'homme et l'enfant espèrent qu'il s'approche encore, et encore, jusqu'à les frôler, les effleurer, les toucher.



*

J'ai aimé le charme et la beauté de cette rencontre privilégiée. L'animal se laisse apprivoiser. Sans méfiance, il se laisse toucher, caresser. Une complicité s'installe. Puis, le soir tombe, le froid se fait vif, il est l'heure de rentrer. Maurice Genevoix sait qu'il est temps de rendre l'animal à la forêt.



« Je crois qu'en vérité je commençais à vraiment l'aimer : je pensais à lui plus qu'à nous, plus qu'à notre plaisir égoïste, je souhaitais qu'il vécut sans drames, sans souffrances, qu'il fût heureux longtemps, d'un léger bonheur d'écureuil. »



L'auteur nous précise dès le départ qu'il s'agit d'un événement qui a réellement eu lieu.



« Je répète que l'histoire est vraie. J'ai essayé de vous la conter telle qu'elle est réellement arrivée. C'est ainsi qu'elle est la plus belle, je l'ai su et compris peu à peu. Mais j'avoue que sur le moment j'aurais aimé qu'elle s'achevât autrement. »



*

Tous les ingrédients sont là pour faire de ces soixante pages, une balade pleine de tendresse et de sagesse. La plume de l'auteur glisse sur les pages, fluide et agréable à lire, sincère, sensible et sans emphase.



Ce que je retiens de ce premier contact avec l'auteur, outre l'écriture qui, je n'en doutais pas, est fine et recherchée, c'est cette douce nostalgie qui émane de ce texte. On ressent un attachement profond de l'auteur à ce souvenir si précieux qui, plus largement, esquisse l'image d'un homme épris de nature.



La nature est omniprésente. Elle est comme un écrin de verdure qui nous entoure avec légèreté et harmonie, nous enveloppe de sa douceur. Et puis, il y a ce petit écureuil espiègle et joueur qui virevolte puis se niche dans la chaleur accueillante d'un manteau d'enfant.



« Mon ami l'écureuil » offre une émouvante méditation sur les rapports entre l'homme et son environnement, sur les émotions humaines et le respect de la vie animale, sur les épreuves de la vie qui font réfléchir et grandir.



*

C'est une histoire touchante et lumineuse, un brin triste également, qui s'adresse aux enfants. Malgré tout, la délicatesse et la musicalité du style, l'écriture riche et pleine de poésie, les émotions qui en émanent font de cette promenade un agréable moment de lecture pour les plus grands.

La plume de Maurice Genevoix restitue remarquablement l'atmosphère contemplative de ce moment unique, hors du temps, ce mélange de joie et de peine. Elle trouve une résonnance avec les aquarelles qui émaillent le livre, participant aux émotions du lecteur.



*

Maurice Genevoix est un merveilleux conteur, qui nous tient en haleine jusqu'à la toute fin. Ne pouvait-il en existait une plus belle ?
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La forêt perdue

Disons pudiquement que la rencontre ne s'est pas faite. J'ai très peu lu Genevoix au cours de ma vie de lecteur, la faute à une expérience de jeunesse assez malheureuse : chez moi, la bibliothèque familiale se composait presque exclusivement de ces hideux volumes reliés du Reader's Digest, ainsi que de la sélection du mois France-Loisirs. Parfois, en quête de nourritures spirituelles, je me risquais sur un de ces derniers. C'est ainsi que j'ai tenté de lire Trente mille jours à 12 ans. Inutile de préciser que j'ai été vacciné pour un moment avec le père Genevoix.

Comme le sujet de La Forêt perdue semblait fait pour me plaire, j'ai voulu passer outre. Il est vrai que c'est un joli sujet : un seigneur médiéval possède un vaste domaine aux portes duquel s'ouvre une forêt impénétrable. Impénétrable au sens propre : nul homme n'est jamais entré dans ce royaume inviolé. Or donc notre seigneur est féru de chasse mais, l'âge venant, il a délaissé les nobles et rugueuses confrontations avec les hôtes de la forêt. Son fils, cependant, est tout aussi féru de chasse que lui, et il en va de même de son ami d'enfance. Les voilà céans qui veulent imprimer leur trace d'homme au cœur du domaine de Mère Nature. Clipiti-clop clipiti-clop, ce sont joyeux et effrénés massacres de pauvres bêtes qui n'avaient rien demandé, mais il ne s'agit précisément que de bêtes. Au cœur de la forêt vit pourtant le Grand Cerf, un animal formidable qui défie bientôt nos deux chasseurs. Il est le seigneur et l'esprit de la forêt. Une lutte interminable s'engage entre des adversaires qui se respectent mais ne se feront jamais de cadeaux, lutte entrecoupée comme il se doit, clipiti-clop clipiti-clop, d'autres joyeux et effrénés massacres d'autres pauvres bêtes. On l'a compris : sans être mauvais, l'homme ne brille pas par sa lucidité dans sa relation à la nature, et c'est seulement la fille du fils du seigneur qui, après avoir pas mal clipiti-clopé dans la forêt elle aussi, comprendra enfin qu'il ne faut pas tuer tout ce qui bouge sous le prétexte que c'est une bête.

Bon, je caricature, c'est évident. Ce qui est sûr, c'est que je suis resté complètement à l'extérieur du récit, et il est fort possible que beaucoup de choses m'aient échappé. Tout de même, je me suis étonné de me sentir si facilement en communion avec le monde de Giono tout en restant aussi étranger à celui-ci. Mais peut-être est-il après tout étonnant de s'étonner de cela, je ne sais plus.

Quoi qu'il en soit, je ne me sens nullement fâché avec Genevoix, et j'ai toujours hâte de le retrouver dans Ceux de 14. Voilà bien le plus inquiétant, à vrai dire : je préfère la guerre à la chasse.
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La mort de près

Double voyage dans le temps :

- me voici pendant la Première guerre mondiale que l'auteur a effectuée

- et voici un texte écrit avec du vocabulaire et des tournures surannées et ma foi, ce n'est pas désagréable bien au contraire !

.

Dans ce texte M. Genevoix décrit les 3 situations où il a frôlé la mort. 3 situations plus ou moins dramatiques. Bon d'accord plutôt "plus" que "moins", on est en temps de guerre : quand on réchappe d'un obus, c'est un miracle mais il y a fort à parier que son voisin n'y a pas réchappé lui.



Il y a une tendresse de Maurice Genevoix pour ses anciens acolytes, qui fera l'effort de retrouver leurs noms, de les désigner par leur patronyme pour ne pas oublier, pour ne pas les oublier.

J'ai été surprise par la façon de parler des hommes qui vivaient cette guerre, de l'empathie presque ressentie pour ceux qui se sont mutilés pour fuir.... par lui, l'officier... officier certes, mais au front. Et pourtant quand il écrit ce texte, ces hommes sont encore vilipendés.

Et cette description des blessés croisant ceux qui montent au front.... Les plus légèrement blessés d'abord... puis les plus lourdement blessés. On imagine la peur qui monte dans les soldats qui les croisent et partent au front.... Glaçant....



Un autre regard sur la Première guerre mondiale.

Un beau récit presque trop court.

Merci à bdelhausse qui, par sa critique émouvante, m'a fait connaître ce texte.
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Raboliot

Il y a des écritures qui vous entraînent et vous emportent. Des phrases qui marchent à vos côtés, des mots qui partagent chacune de leur lettre comme on partage le pain. Il y a comme ça des livres qui deviennent compagnon de chemin d'infortune. On se tient à leur côté et on allonge son pas.

Raboliot. Le braco. La tête dure, l'âme pure et le corps sauvage.

Il y a la Sologne, ses étangs, sa vase, ses chaumes, la fulgurance des odeurs.

Il y a la nuit, longue, profonde.

Il y a Aïcha, la fidèle, le lièvre, la buse, les bois, et puis l'appel de cette terre qui prend le cœur des hommes.

« C'est parce que c'est vrai que c'est beau, et c'est beau parce que c'est vrai » disait un historien au sujet du style Genevoix. Ce style particulier qui sublime l’âpreté de la vie. Cette écriture incroyable, ce regard qui fait entendre partout cette puissance de la vie. Dans le rameau d'une branche, dans la bâillement d'une carpe, dans le jet de la pierre, dans la truffe d'un chien, dans le regard d'une enfant, dans un poing. Tout dans l'écriture annonce la renaissance du monde.

Raboliot ne se bat pas pour survivre, il se bat pour être ce qu'il est. Il se bat pour ce qu'il sait être juste. Et peu importe les gendarmes, le village, peu importe le château, ceux de Saint Hubert. Raboliot marche sur la terre.

Il est libre et ne doit rien, lui qui est rentré de cette saleté de guerre.

En le suivant, ligne après ligne, on se sent peu à peu augmenter.

« Le printemps sent la poudre

On tue ses hirondelles ». Daniel Reynaud- Poète- écriturier.



Astrid Shriqui Garain



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Raboliot

Quand on parle de Maurice Genevoix, une œuvre vient immédiatement à l’esprit, tant elle est emblématique de l’auteur : « Raboliot »…Un roman publiée en 1925 que l’auteur n’aura de cesse de modifier jusqu’en 1952 qui verra le texte « définitif » établi pour la publication en Poche.



Raboliot, c’est Pierre Fouque, un braconnier solognot qui braconne autant par passion que par nécessité sur les terres de Monsieur le Comte ; mais le gendarme Bourrel veille, aidé par la jalousie qu ‘entretient Volat à l’égard de Fouque qui, pris en flagrant délit préférera disparaître dans les bois plutôt que de se soumettre, jusqu’à un retour vers sa famille et un drame…



Maurice Genevoix n’a pas son pareil à l’instar d’Hervé Bazin pour décrire les paysages de sa chère campagne et la rusticité dont elle imprègne ses habitants…

Il n’en reste pas moins que « Raboliot », ne peut pas être réduit comme on le fait si souvent à une ode à la nature. C’est aussi et surtout un hymne à la liberté et à la lutte des gens de peu contre les puissants.



Un personnage touchant, la nature envahissante et belle, la vaine révolte d’un homme contre une autorité qui le dépasse… Trois raisons de lire « Raboliot »… A moins que vous n’en trouviez d’autres…

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Lorelei

Quel choc pour un adolescent de dix-sept ans, au début du vingtième siècle, de se voir offrir un voyage d'un mois en Allemagne avec Mme Roy et ses deux filles Brigitte et Blonde ; Blonde dont il est secrètement amoureux. Julien Dérouet se rendra donc à Offenbach sur le Main, près de Francfort, où le fils de Mme Roy, Pacome, est en apprentissage chez un maître tanneur.



A plus de quatre-vingts ans, Maurice Genevoix nous offre un roman initiatique. Car c'est bien un roman initiatique que ce « Loreleï »… Julien , au contact de cette Allemagne contrastée ; Allemagne romantique et guerrière, deviendra un homme. Loreleï , maîtresse des marins du Rhin tentera de l'attirer dans ses filets par les femmes, mais aussi et surtout par le biais d'un ami, initiatique, disais-je…



Il est remarquable de constater que Maurice Genevoix est aussi à l'aise pour nous faire partager le plaisir qu'il a à décrire les forêts allemandes que celui qu'il a de nous faire ressentir l'atmosphère de ses chers bois Solognots. Avec « Un jour », il nous livrait la quintessence d'un certain art de vivre, avec « Loreleï » il nous invite à un voyage initiatique.

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Raboliot

Il y a un frisson à se glisser la nuit hors de la maison silencieuse où tout dort, à remonter les rues muettes et glacées du village pour se jeter dans la forêt, au milieu des ombres murmurantes, des craquements soudains et des présences silencieuses. Combien ce sentiment doit être décuplé quand on part un fusil sur l’épaule et un chien au côté. Et combien il doit être encore plus puissant quand, en faisant cela, on sait qu’on défie la loi !



Si vous avez un peu fréquenté le monde des campagnes, vous avez peut-être connu les ‘’bracos’’ locaux. Peut-être même l’un de ces villages où avoir vingt ans est synonyme d’alcool, de conduite acrobatique et d’escapades nocturnes hors saison de chasse. Et si non, cela ne vous empêchera en aucune manière de faire connaissance de Raboliot.



Nous sommes quelque part au cœur de la Sologne, dans une région de bois et d’étang où tout semble propice aux expéditions nocturnes. Les forêts appartiennent à un comte qui passe de temps en temps faire l’une de ses gigantesques battus comme on en voit dans ‘’La règle du jeu’, et il n’apprécie pas que les paysans prélèvent quelques lapins et faisans dans ses réserves. Il se trouve que son garde-chasse profite surtout de sa position pour braconner à son compte, et considère les autres braconniers comme de la concurrence déloyale. Or Raboliot, le héros de l’histoire, est de loin le plus doué du pays dans ce domaine.



En vain a femme le supplie d’arrêter ses escapades nocturnes, lui demande de penser à leurs trois enfants. C’est plus fort que lui. L’appel de la nuit est le plus fort. Et puis les bois sont à tout le monde, non ? Le gibier est à celui qui sait le prendre. C’est sa philosophie, et il n’en connait pas d’autre. Peu à peu, il va devenir la cible générale : du comte, des garde-chasses, des gendarmes... Jusqu’où peut aller un paysan têtu quand un sentiment d’injustice l’envahit, et qu’il est décidé à lutter pour sa liberté ?
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Un jour

C'est une célébration ce récit, à la vie, à la nature, à la joie.



Sur un transat ou en pleine nature, sur les berges d'une rivière ou le sommet d'une montagne, se laisser porter par la langue délicate et insoupçonnée de l'auteur. Deux hommes partagent une journée exceptionnellement ordinaire et si riche ! Ce récit simple à la plume parfaite et sans faille de Maurice Genevoix offre paix et sérénité.



Une méditation.



Loin des bruits de notre monde, il est bon de savoir se poser et entrer en relation !



Ce récit nous illustre combien de grands hommes, d'une autre époque, déjà pensaient librement la vie !



Osaient alerter sur le monde en devenir ! Osaient être tout simplement en harmonie avec eux même et leur univers.



Dans des moments de doute, comme nous pouvons en vivre ces jours, il devient vitale de lire ces grands textes.



Merci aux éditions pour cette réédition incontournable !



#Unjour #NetGalleyFrance !
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Trente mille jours

Je venais de finir "Du côté de chez Swann" de Marcel Proust avec ses phrases pleines de mots (243 constituant sa phrase la plus longue de l'histoire de la langue française). Lire ensuite Genevoix qui l'avait lu et rencontré, c'était demeurer dans un univers littéraire typé.



Chez Genevoix, c'est plus le mot qui compte que la phrase : "C'était d'étonnantes vocalises, lyriquement sacramentelles, sur les mots de la langue française, le mot en soi, le mot protée, sa magie, son pouvoir, son essence mystérieuse, et divine."



Le travail de mémoire est impressionnant, même si Proust n'est pas en reste sur ce plan. Bien sûr, les passages relatifs à la guerre sont les plus poignants de son œuvre.



Le texte de Maurice Genevoix est joliment désuet, riche d'un vocabulaire recherché qui a peu servi, que ce soit les verbes ou les mots décrivant la nature. L'auteur nous explique d'ailleurs : "Enfant notre langage était mieux que correct, presque jusqu'à l'abus".



Ce livre fait un retour sur 30 000 jours ou 82 ans. Au soir de sa vie, il la reparcourt avec l'intensité de celui qui a survécu et cela donne toute la sensibilité à ses souvenirs.



La panthéonisation de Genevoix est prévue, mais à quand son entrée dans la Pléiade ?

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Raboliot

L'homme qui chasse la bête et que chasse l'homme... et la nature brute comme dernier espace de liberté de l'homme traqué.

C'est par l'extraordinaire richesse de la langue que Maurice Genevoix nous interpelle et nous happe dans ce roman sombre et bestial, mettant en exergue la symbiose entre cette nature et Raboliot, l'homme puissant qui ne renonce pas et pour l'intransigeance animale duquel on développe une véritable empathie. A côté de lui, les autres personnages, du chatelain au cafetier véreux, prisonniers d'un matérialisme envahissant, paraissent misérables et laids.

A travers le destin fulgurant et tragique de Raboliot, c'est à une merveilleuse ode à la liberté que e roman nous convoque, au sein d'espaces sauvages désormais disparus.
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Ceux de 14 - Omnibus : Sous Verdun - Nuits ..

Comment faire une critique de ce livre qui tient bien plus du récit et du témoignage que du roman?, (tout simplement parce que l'auteur sait de quoi il parle, ayant connu le front de la guerre de 14/18). Ils ont été assez nombreux à parler ainsi de la Grande Guerre, à raconter leur guerre, avec les tranchées, les combats, la boue, la vermine, les trous d'obus, les gaz, les barbelés, les blessés, les morts, la grande misère, l'immense solitude. Verdun, Les Eparges, l'Argonne, des noms de lieux tragiques qui ont traversé l'Histoire. Un livre, vrai, authentique, poignant. La justesse de ce type d'ouvrage on la retrouve aussi, plus tard, avec les livres écrits par les survivants de la shoa. Une lecture qui n'est jamais confortable, loin de là, mais des ouvrages qu'il est nécessaire malgré tout de découvrir, parce que ce passé n'est pas si ancien, et décrit avec une telle authenticité. Un très grand livre.
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Le Roman de Renart

Oyez, oyez, mes amis ! En ce beau jour, Noble le lion, roi de toutes les bêtes, a décrété une grande paix réunissant les animaux ! Que la poule ponde en paix sur son perchoir, que le lapin dorme tranquillement au fond de son terrier et que les agneaux s’ébattent dans les près, nul mal ne leur sera fait, car toutes les bêtes sont frères aux yeux de sa Seigneurie. Las, parmi les barons de la forêt, un triste sire ne semble guère enclin à respecter les ordres royaux : ce cuistre, c’est Renart le goupil, jamais à court de manigances et d’intrigues sournoises pour se remplir la panse et apporter le malheur chez autrui. Non seulement il a égorgé la malheureuse poule Copette, mais il a également tranché par ruse la queue d’Ysengrin le loup et, dans son immonde malveillance, a violenté l’épouse de celui-ci, la digne dame Hersent. Les grands seigneurs de la Cour s’en indignent et ils ont bien raison, car la longue carrière criminelle de Renart n’a que trop duré… Mais qui saura y mettre fin ? Car le goupil est perfide, son esprit est aussi agile qu’un oiseau et sa langue plus douce que le miel. Malheur à qui s’approchera de lui sans user de toute sa prudence, car il pourrait bien y laisser ses oreilles, son œil, ses griffes ou quelque autre partie encore plus embarrassante de son anatomie !



Qui n’a jamais entendu parler de Renart ? Héros du petit peuple du Moyen-Âge, ce redoutable bandit au poil roux a été l’objet d’un nombre incalculable de récits, dont beaucoup ne sont jamais parvenus jusqu’à nous. Bien avant les fameuses fables de La Fontaine, ces contes joyeusement amoraux décrivaient la société humaine par le biais d’animaux parlants et pensants : le lion Noble roi des animaux, le loup Ysengrin son connétable, l’âne Bernart son secrétaire, le bélier Belin son confesseur… Et, bien entendu, l’impayable Renart dont les aventures truculentes sont toutes prétexte à une critique en règle des grandes institutions médiévales, qu’elles soient laïques ou religieuses. Cet aspect satirique du « Roman de Renart » a un peu rouillé avec le temps, mais les vices qui y sont fustigés – l’avarice, l’orgueil imbécile, la jalousie, la paresse, la gloutonnerie, etc. – restent intemporels et, malgré les siècles écoulés, il est difficile de ne pas sourire face à tant d’humour et d’esprit corrosifs.



Renart lui-même est un curieux personnage, bien difficile à cerner. Père attentionné et mari aimant, il est également – si vous voulez bien me passer l’expression – un sacré petit salopard psychotique à fourrure ! Méchant comme une teigne, il ne semble avoir que deux grandes priorités dans la vie : se gorger de nourriture et nuire à autrui autant qu’il en est capable. Certes, ses nombreux crimes ne sont pas complétement dépourvus de circonstances atténuantes, dont la principale est la bêtise confondante de ses victimes. Non content de gober tous les mensonges du goupil, malgré la réputation de celui-ci, elles s’empressent également de lui pardonner ses actions passées dès que celui-ci fait hypocritement pénitence. Tant de naïveté mériterait bien un coup de pied au derrière, mais pas forcément d’être écorché vif ou énucléé, non ? Et dire que l’on classe généralement cela dans la littérature enfantine ! M’enfin, ça ne m’étonne guère, tout compte fait : j’ai toujours su que les gosses étaient des petits monstres sanguinaires…

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Ceux de 14

Ceux de 14 de Maurice GENEVOIX

(Flammarion – 2013)



4e de couverture : 1er août 1914 : la France décrète la mobilisation générale. Le 2 août, Genevoix, brillant normalien qui n’a pas 24 ans, rejoint le 106e régiment d’infanterie comme sous-lieutenant.. neuf mois plus tard, il est grièvement blessé et est réformé. Fin de la guerre pour le jeune Genevoix.

Entre ce mois d’août 1914 et les trois balles qui l’atteignent, le 25 avril 1015 dans la Tranchée de Calonne, le jeune homme aura participé à la bataille de la Marne, marché sur Verdun et, surtout, pendant quatre longs mois, défendu les Éparges. Sur cette colline meurtrière, les combats se font au corps-à-corps, à la grenade, et sous le feu des obus. Entre l’été et le printemps revenu, il vit le quotidien du fantassin, la boue, le sang, la mort, alors que le commandement croit encore à une guerre courte.



Mon avis : On est d’accord c’est un sacré pavé (il réunit plusieurs livres en un), mais il ne faut pas s’y arrêter, c’est tellement addictif qu’on le lit facilement (j’allais dire d’une traite, mais faut pas exagérer quand même) !

Je ne suis pas particulièrement fan des récits de guerre et pourtant. C’est incroyable ! Grâce à Maurice Genevoix, on vit dans les tranchées. Et on suit ces pauvres malheureux qui devaient avancer coûte que coûte et parfois reculer. Sont consignés dans ces carnets, les avancées, les reculades, les ordres incohérents, les difficultés d’approvisionnement, l’incompréhension, le froid, la faim, et puis, l’Histoire, pas toujours aussi noble que dans les livres scolaires.

Quelle idée merveilleuse d’avoir consigné ainsi toutes ces journées de galères, d’espoirs et de déconvenues.

Surtout ne pas se laisser effrayer par la grosseur du livre, c’est une lecture enrichissante et pleine d’humanité. Je vous la recommande vivement !



À lire avec un bon casse-croûte et un verre de vin rouge en écoutant une marche militaire.

Instagram @la_cath_a_strophes
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Raboliot

Lire "Raboliot" , c'est comprendre ce que nous avons perdu, en diversité, dans notre patrimoine linguistique.

Au travers de ce roman, Maurice Genevoix ressuscite une France qui est encore d'Ancien Régime, celle des fermiers généraux, du comte de Remillet, grand propriétaire terrien en Sologne.

Il possède des bois, des étangs, ses gens et tient en son pouvoir garde-chasses, métayers et gendarmes qui veillent sur son domaine et traquent les braconniers, véritables héros de ce roman. L'Histoire de "Raboliot", le "braco", anarchiste impénitent, contre les "bleus", les gendarmes chargés de faire respecter la propriété privée aux plus démunis.

Dans ce roman, Maurice Genevoix utilise un langage sensuel, âpre, charnelle. Sa lecture en devient olfactive et très visuelle. Il nous dépayse autant qu'il nous enrichit.

Le texte n'est pas désuet, c'est nous qui sommes démunis.

Un grand roman de Maurice Genevoix à (re)lire sans modération..

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Rroû

Je suis moi même allée vers ce livre en trainant les pieds.....mais quand je l'ai atteint.....quelle émotion !!! merveilleuse écriture qui décrit la nature, ce qu'elle représente pour l'animal, l'ivresse de la liberté, la souffrance aussi...et puis l'humain qui aime, veut protéger, prend soin et attend dans l'angoisse....une histoire finit, une autre commence...les sentiments aussi.

Livre trés poignant auquel je pense trés souvent (j'ai un félin à la maison), qui m'a fait pleurer.

A recommander.
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Le Roman de Renart

Il n'existe pas, à proprement parler, de Roman de Renart, au sens où nous l'entendons aujourd'hui. Il n'a jamais été une oeuvre unique et cohérente avec un seul auteur mais une série de "branches" ou de contes où le goupil jouait le rôle principal.



La plus ancienne de ces branches, composée par un poète du nom de Pierre de Saint-Cloud, date du début du XII° siècle. Elle retrace la "grande guerre" qui opposa Renart à son compère, le loup Ysengrin. Elle connut un immense succès et suscita très vite de nombreuses imitations et additions. Dès la première moitié du XII°s, une quinzaine de branches s'ajoutent à celle de Pierre de Saint-Cloud. Cette vogue dura jusqu'au XIII°s où le poète Rutebeuf et d'autres moins connus composèrent de longs poèmes à la gloire du goupil.



Les auteurs des branches les plus anciennes s'étaient contentés de relater les exploits de Renart et les mésaventures d'Ysengrin sans leur donner de conclusion définitive. le récit prenait fin sur la scène où l'on voit Renart violer Hersent, la femme d'Ysengrin, sous les propres yeux de celui-ci. Les auteurs postérieurs reprirent le récit en faisant comparaître Renart devant toute l'assemblée des animaux pour y être jugé de son crime.
Lien : http://promenades-culture.fo..
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La mort de près

La mort de près est une ode à l'horreur, parce que l'insoutenable que les pauvres bougres ont vécu ces années durant mérite la plus belle des reconnaissances et qu'aucun style n'est trop haut pour leur absurde et criminel sacrifice.

Dans son style grandiose, Maurice Genevois rejoue la symphonie des balles et des obus qui sifflent des airs meurtriers que toutes les tactiques d'observation et autres intelligences de positionnement, dans ce déluge de feu, ce tonnerre, ce fracas continue que fut la première des der, ne purent jamais rendre audible. Se pouvait-il qu'il y ait un chef d'orchestre à ce tintamarre ? Au milieu des tranchées, allant et revenant du front, essuyant les mêmes meurtriers affronts, on ne vit que de pauvres musiciens qui jouèrent, comme ils purent, d'hasardeuses partitions, que d'autres écrivaient pour eux, sur des portées dont ils ne connaissaient pas même la position des lignes, et où chaque note se transformait en mine. Le seul air qui pouvait en sortir était asphyxiant, assourdissant vacarme sans fin : ici, toutes les cordes cassèrent, les peaux s'éventrèrent, les voix se brisèrent, hurlées de gueules cassées, trouées, arrachées, par les détonations du fer, dans la du feu, en explosions vibrantes et pénétrantes, jusqu'aux entrailles de l'âme, livrant les hommes et Maurice au rythme sans fin et fou des affronts, alternant entre la vie et de la mort, battu au son de la roulette russe, sans cohérence, sans qu'on y rien comprenne, sans respect pour le sens, l'essence, des vies livrées, dans un immense concert... d'absurdité.

Et pourtant, on fit jouer le fifre et le tambour au milieu de cette mobilisation... qui savait qu'une clameur s'élèverait ? Et voulut faire passer les hurlements, les cris désespérés pour une chorale ? Maurice Genevois restitue le sens de ces paroles, qui résonnent encore 57 ans après, et même un siècle plus tard. Il nous les rend audibles dans un témoignage d'une troublante et profonde beauté.
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Raboliot

Ce roman fait partie des cinq ouvrages de la bibliothèque parentale. Mon père l'avait acquis et lu durant son service militaire (comme les quatre autres), et l'avait beaucoup apprécié. Je comprends qu'en tant que chasseur, il ait pu être fasciné par le personnage de Raboliot, chasseur lui aussi mais ne respectant que ses propres règles.



J'ai découvert ce roman il y a plus de trente ans. Son héros m'a laissé le souvenir d'un braconnier rusé, orgueilleux, défiant en permanence l'autorité publique et l'ordre social injuste qu'elle défendait. Un homme qui aimait aussi la nature qui lui procurait le gibier tant convoité.

Maurice Genevoix a rendu un hommage magnifique à cette nature. A travers le personnage de Raboliot c'est la Liberté qu'il mettait sur un piédestal.



Un excellent roman que je relirais volontiers.



- décédé en 1980, Maurice Genevoix est entré au Panthéon le 11 novembre 2020 -
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Un jour

Maurice Genevoix affiche quatre-vingt-six ans quand il publie « Un jour », un roman sans intrigue vraiment, où l’on voit vivre Fernand d’Aubel, « le double » de l’auteur… Mais là n’est pas le propos : il s’agit plus d’une ode à la vie, à la nature et à la simplicité d’être, à l’évidence de l’être pourrait-on dire...



Et puis Maurice Genevoix n’a pas son pareil pour décrire son Val de Loire adoré tel un envol de migrateurs au petit matin sur un plan d’eau brumeux… Cliché pourrait-on dire ? Oui, sous ma misérable prose…

Un ouvrage que d’aucuns ont qualifié de testamentaire… Sans doute vu l’âge de son auteur quand le texte est édité ; d’autant qu’on sent poindre comme une acceptation de la mort quand la vie fut aussi longue.

On est bien loin des romans sur la grande guerre ou l’auteur s’indignait de la mort, de la mort à vingt ans : « Je me rappelais les lentes larmes coulant sur le visage d'un mourant et son regard faisant passer en moi, dans tout mon être, la peine de mourir à vingt ans ».



Un ouvrage poétique et serein…à la gloire de la nature et à l’évidence de l’être. Un texte comme celui de quelqu’un qui attend serein l’inéluctable.

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