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Citations de Max Jacob (160)


Si vous n'êtes pas blessé par l'extérieur ou réjoui par l'extérieur, jusqu'à la souffrance, vous n'avez pas la vie intérieure et si vous n'avez pas la vie intérieure, votre poésie est vaine.
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Max Jacob
MYSTÈRE DU CIEL

Mystères du ciel

En revenant du bal, je m’assis à la fenêtre et je contemplai le ciel : il me semble que les nuages étaient d’immenses têtes de vieillards assis à une table et qu’on leur apportait un oiseau blanc paré de ses plumes. Un grand fleuve traversait le ciel. L’un des vieillards baissait les yeux vers moi, il allait même me parler quand l’enchantement se dissipa, laissant les pures étoiles scintillantes.
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Max Jacob
Jardin mystérieux

Coquilles d'ailes ! feuilles mortes
entr'ouvrez-vous, lèvres d'insectes roux,
ce n'était pas des feuilles au pas de la porte,
c'est des insectes couleur d'acajou
parleront-ils ? s'élèveront-ils de la terre
et sur des briques vont-ils monter ?
Il a plu ! il a plu autour du presbytère,
J'attends ! j'entends le pas des cavaliers.

J'attends ! j'entends croasser les grenouilles,
J'attends ! j'entends le sifflet des crapauds
on a rampé sur les larges feuilles de citrouilles.
J'attends! j'entends tomber des goutes d'eau.

Le palmier nain défend avec ses lances
au jour trop clair d'approcher deux poiriers.
Qui donc a ri dans le soir qui s'offense ?
On a chanté. Ce doit être les menuisiers.
O vie ! ô mort ! O mystérieuse terre
Que caches-tu, que révèlent les soirs.
De quel trésor es-tu la trésorière ?
O vie ! ô mort ! ou sont tes réservoirs ?
On a chanté ! autour du petit orgue,
des filles chantres du chant grégorien
qui tous les soirs au milieu du pré d'orge
mêlent leur âme au poème chrétien.
L'une a le livre et l'autre la pédale.
J'attends! j'entends que la plante me parle.
J'attends un regard des fleurs qui vont mourir.
Pétale ! j'attends un œil sur votre perle
que l'ombre ne peut assombrir.

(in Les Pénitents en maillot rose)
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Max Jacob
Hymne au soleil

Poussez l'ange malin par la porte béante

le béat, le méat, l'abbé hanté me hante

quand sur la tour rouillée, plantée de mille plantes

coupant l'ouate des nuits il apparaît, la honte

de la plante des pieds à la poitrine monte.

Ton corps est comme un arc bandé.

corps de partout : est-ce que vous m'entendez ?

Mon
Allah, mon
Bouddha, mon
Cingbras
Manitou

(Je n'y pige que dalle.

Voilà qui m'est égal.)

Je suis la valse lente

en pensant à nous deux.

Tu es bon, beau, dévoué et toujours heureux.

Et moi je suis souillé, pas beau, l'égout collecteur.

La crise de la joie dans le rideau des arbres

mais l'image est dans l'étang noir.

Ouvrez-vous pour laisser passer les nénuphars.



Il adosse la tête au coussin de l'amour.

Le
Créateur !
Cloué, accroché d'air et viande

au croc des hommes à qui les démons le demandent.

Il adosse la tête aux douleurs de l'amour.

Il pense et l'univers passe dans ses yeux noirs.

La race des racines et la guerre des races

L'ouf ou nid du serpent machine et tourbillon.

Les destins de l'histoire or et noir sur le front.

Qui cache
Dieu
Son
Père et les
Anges armés.

Il adosse la tête au bois côte sacrée

et la fièvre et la soif les quatre plaies brûlantes.

Il pense et l'Univers l'écorche et le tourmente.

Nul ne sait l'univers comme
Lui :

«
Je suis la
Trinité et le
Verbe infini

La victime et l'immortel sang de
Golgotha
Je connais chacun : l'on ne me connaît pas
Mon supplice tordu vous épargne l'enfer
Pendant que, pauvres gens, vous me creusez de fer.
Elle monta vers moi votre suite d'Histoire
Elle redescendra dans les plis de ma gloire.
Et tout s'arrêtera quand
Dieu l'a décidé. »



Il est bien vrai que je sais que je meurs

en quelque endroit du monde où je demeure.

Sera-ce en l'eau mouillée par gorge bue

sera-ce en l'air et d'avion descendu

sera-ce en terre désastre de mine

en route, en rue et par mains assassines

par guerre et feux ou par gaz asphyxiant

en paix du lit et
Jésus-Christ fixant.

Il est bien vrai que je sais que je meurs

en quelque endroit du monde où je demeure.

Vois dans ta vie ce qui peut réjouir
Dieu

ce qui de toi peut mériter ses yeux

or il ne voit que luxure et colère

enfer de vie vaut enfer de la mort

confesse-toi : « le désespoir te mord ! »

Il est trop tard pour avoir temps de plaire.

Du bon larron tu n'as pas l'innocence

ni cette foi qui donne connaissance ?

Si j'avais su ce que c'est que mourir.



Il n'est pas un filet d'onyx

sur l'agate d'une planète vrombissante

qui n'ait été l'usufruit

du
Dieu de mon crucifix.

Pas une flamme de bombe

dans la ténèbre qu'on appelle azur

qui ne soit à la poursuite de ton exequatur.

D'un pouce il peut éteindre

cette bougie appelée soleil

(soleil tu n'as rien à craindre).

Le plus grand transport militaire

le
Westminster

que l'on renomme

contient mille huit cent soixante hommes

soufflant pour calmer la tempête

chacun dans une autre trompette.

Ça n'est pas beaucoup plus qu'une allumette.

Derrière l'étoile biseautée, coincée de malheur ou bonheur

Dieu regarde chaque goutte de sueur, rosée !

Un moine dressé sur des sabots

pour parler au
Saint de la crypte et de l'ombre !

les yeux baissés du moine ardent

entre balèvres et redans

sur le
Saint qui dort en sa tombe

Dieu d'un doigt soulève un rideau.

Le
Saint est arrivé au port

le moine n'y est pas encor.

Le rideau tombe.
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Max Jacob
Méditations


Le «
Je », le «
Toi » quelles sont ces personnes.

Il y a «
Toi » et le «
Toi » c'est le
Tout.

Changements de rideaux, changement d'Océan.

Tout n'est qu'illusion mais rien n'est le néant.

Tout meurt et vit encore.
On dirait que
Dieu joue.

Tout naît c'est toujours le
Un qui est le
Tout.

Le
Tout est un piano muet sans ta mélodie.

Tu es l'Un ! le monde est
Ton
Encyclopédie.

Je suis le moi pourtant et ma race est ma race.

Infatigable
Dieu, la douleur me terrasse :

où es-tu ?
Si je mens qu'est-ce que je corromps ?

Je détruis en péchant
Ton domaine mais...
Ton
Nom.



Vous m'avez choisi comme un saphir

moi qui n'étais bon qu'à languir

n'ayant plus rien sinon le choix

que vous daigniez faire de moi.

Maintenant vous venez, ma vie !

Maintenant vous partez, ma mort !

Vous guérissez mon ophtalmie

en mêlant l'Esprit à mon sort.

Qui se plaint de la lune qui paraît et s'évade ?

Mais quand s'en va l'Esprit l'univers rétrograde

et quand
Vous me quittez, le sang quitte mes veines

Vous ne pouvez, mon
Dieu, nous porter sans qu'on meure

Je préfère comme
Jonas en la baleine

vivre en
Vous plutôt qu'ici en maraudeur.

Videz-moi comme on fait l'amphore par les anses.

Mangez-moi comme
Christ a voulu qu'on le mange

et je n'attendrai plus, verrouillé par l'attente

de la grâce, à l'orée des étoiles filantes,

et je n'attendrai plus que vous sortiez des deux

puisque j'y brillerai comme pleurs dans les yeux.



Comment parler quand
Dieu nous éclabousse ?
Ne pas crier quand l'amour nous y pousse ?
Est-ce penser lorsque point on ne pense est-ce pensée ceci :
Votre
Présence ?
Est-ce pensée ce qui n'a pas de mot est-ce souffrir ou joie d'être aussi haut ?
Est-on chez soi quand on y est un autre est-on chez
Vous quand
Vous êtes notre hôte est-on sur terre et dans l'air à la fois ?
Qui se déborde : est-ce
Vous ?
Est-ce moi ?
C'est vous ou moi cet arbre que j'émonde.
Suis-je un îlot qui bientôt va se fondre ?
Mais un îlot n'est fait que de frontières.
Toi cour empli comment vas-tu te taire ?
Et maintenant que je suis muet que dire ?
J'ai passé l'eau sans avion, sans navire.



Berger, c'est à la fois l'Agneau

A la maison là-bas la
Dame immaculée

filait la laine blanche, elle filait tes jours.

Berger, contrebandier de la pensée du
Père

Berger tu seras pris par des vilains soldats

et comme on a saigné tes agneaux de la
Pâque

tes membres seront saignés par les clous de la
Croix.

Les arbres amoureux étendaient leur feuillage

quand printemps éternel tu passais à leur pied

les bêtes s'écrasaient comme des gazons tendres

et les grands animaux se hissaient pour te voir.

Ta mère à la maison, pendant toute la journée

s'inquiétait : «
Que lui font ces gens qu'il a bénis ? »



Celui qui a inventé le
Succès dans la faillite

bonheur sans la réussite

richesse dans la misère

l'humiliation comme un douaire

la fuite de ce qui luit.

Gloire à
Lui !

Non !
Dieu n'est pas un pardon.

Il est don.

Il est coffre de l'Esprit

et buffet à provisions

Il est fruit et usufruit.

Sa
Porte a des clefs secrètes

mais chacun peut s'en servir.

Pas besoin d'être un athlète

un prophète, un massorète

un fakir.

D'un petit
II fait un
Grand

Il parle au sourd qui
L'entend.

A l'aveugle
II se fait voir

donne à l'ignorant
Savoir

l'enlève à qui croit l'avoir.



Tu mets des fenêtres à mon cour «
Sors de là afin que j'y entre « je suis amant, je suis voleur « je suis trésor et sycophante. »

Encore du monde ! encore des gens ! encore des propos qui me lassent !
En qui fuir les déguisements.
Il n'y a plus de vasistas.
Le miracle de l'eau rougie * défait par l'horrible miracle du monstre monde qui surgit.
Plus
Toi ! plus moi ! c'est la débâcle !



Si je ne suis plus rien, je suis vous.

car il n'y a pas de néant puisque vous êtes tout.

Vous avez pu détruire le moi mais non le vous

qui est en moi.
Si vous êtes moi je suis tout.

A quoi as-tu renoncé ?

Je n'avais pas à renoncer

puisque je vous attendais.

Tu as brûlé mon cour

avant que j'eusse un cour.

Et tu n'as rien brûlé

puisqu'il n'y avait rien à brûler.



Les ceps du
Seigneur

les tire-bouchons, les échalas de ces douleurs

la terre comme coteau de dames, de messieurs

fixés, brûlés, aboyant des interjections

poussant sur leurs déjections

Ah ! terre sans voirie.

Tu te tords, voisin du purgatoire !

Un grésillement d'étincelles et l'air

est d'autre couleur.
Un cri derrière :

C'est le pape !

La débandade se courbe en nappe.

L'onguent meilleur des anges : seau d'eau

une antique parfumerie chaude.

ô charbon ! je n'entends rien de plus

que le vent, le vent et la pluie.

Rien de moins ou de plus encor

Ô charbon ! le vent et la mort.



Quel lot j'ai gagné à la
Loterie !
Dieu m'a décoré de sa chevalerie pour l'Éternité et pour aujourd'hui !
Il est siècle et jour !
Il est jour et nuit !
Il est un génie qu'on appelle,
Il vient, comme faisaient aux contes les magiciens !
Pourquoi
L'appeler puisqu'il est présent.
Il est sans parole et moi je
L'entends.
Il est sans regard, son regard je sens vrillé dans mes yeux, vrillé dans le mien.
Il m'enveloppe de son blanc tissu
Il ne me laissera plus.
Je suis saisi par
Cet
Insaisissable.
Il me ramasse contre
Lui mange près de nous à table et le soir
II borde mon lit.



La
Science est un fruit qui altère

la science ! une herbe qui démange.

Vieux bachelier de
Salamanque

monte une branche, une autre branche,

comme le singe à bouche amère.

Prends garde que le pied y manque.

Allons, tu n'es plus au courant !

écarte les feuilles couvrant

le tronc de l'arbre et les écorces !

L'amour te donnera des forces.

Bois le suc à l'arbre de vie

Ivrogne, bois à ton envie.

«
Je suis là-haut ! je suis aux cimes.

-
Que vois-tu là-haut ? - un abîme !

-
Que vois-tu du haut de la gloire ?

-
Je vois la terre en entonnoir.

- Écoute, descends ! viens ici.
Connais-tu pas le
Saint-Esprit ?
Tu n'avais plus de père et mère
Prends-en trois :
Marie la première
Innocent tu seras sagace

Seul tu auras des compagnons.
Tu seras
Savant par la
Grâce
Vainqueur par la bénédiction. »



Le
Sang s'évapora, monde esprit du
Cosmos

le
Sang cuit dans la
Chair du
Dieu et jusqu'à l'os.

Les sentiers étaient fous comme en un clair de lune

les arbres calomniaient du haut de leur tribune

le
Dieu qui s'ébréchait suant une agonie.

Un sabbat invisible ! et dix mille
Erinyes

écrasant l'Écrasé pour vendanger le
Sang.

Les feuilles s'éployaient pour maudire
Un
Passant

et des poisons, brillant dans l'herbe,

avant le juge auraient voulu tuer le
Verbe.

Le démon fait la roue dans les oliviers tors

ne sachant que sa mort à lui est
Cette
Mort.

Écoutez le soufflet des
Côtes dans la
Sueur.

Un gendarme disait : «
Cours chez l'équarrisseur ! »

Il est à vif! ce pandémonium sur l'épaule,

la
Croix, désigne l'ouest et pointe à
Sa
Boussole

un ciel pétri de charité et de raison.

La croix sans foudre et
Dieu qui sortait de prison

or le sang s'élargit tout autour de la terre

et d'un éther nouveau enveloppa nos frères.



Mon âme est en bois

comme votre croix

Apportez les clous elle s'éveillera.

Apportez les clous, la lance et l'épine le soldat romain vidant sa gamelle.
Apportez l'éponge et la discipline
Mon corps couvrira le mal de vos yeux.
Apportez
Judas et les pleurs de
Pierre.
Apportez la tombe, apportez le suaire vous vous réjouirez d'aimer votre
Dieu.



Comment connaîtrais-je mon âme

si c'est l'inconnaissable
Dieu qui est sa lame ?

Regarde-toi ! il est le
Dieu, l'inconnaissable.

Comprendre est surmonter, il est insurmontable.

Regarde-Le, c'est
Toi ! et pourtant il te fuit.

Et tu ne te vois pas, bien que tu ne sois que
Lui
Ta parole n'est pas divine

c'est son souffle pourtant qui passe en tes narines.
Je sais bien que mon oil humain n'est qu'ébauchoir
S'il regarde par
Lui qu'a-t-Il besoin de voir ?
Demanderais-je à
Dieu d'être tout à fait
Lui
Quoi ? ce serait la mort et tout homme la fuit.
Demanderais-je à
Dieu de devenir moi-même ?
Si je n'étais pas
Lui, se peut-il que je l'aime ?
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Max Jacob
La muse est un oiseau qui passe
  
  
  
  
La muse est un oiseau qui passe
Par les barreaux de ma prison
J’ai vu son sourire et sa grâce
Mais je n’ai pu suivre son sillon.
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VERS SANS ART

J'ai longtemps cru la vie comme un brouillard d'automne
fait de lacs éloignés coupés de sable ocreux,
fait de branches séchées, de buissons monotones.
Et puis j'ai rencontré chez un chasseur de bêtes
un oiseau qui portait une couronne en tête :
« Parlez-moi, dit-il, demandez qui je suis ! »
Une voix répondit : « Amour ! « le sauf-conduit ! »
La route de mon sort hélas ! elle est suivie ;
je m'en irai bientôt aux portes de la mort,
je laisserai content ce que d'autres m'envient,
un cœur d'adolescent gardé comme une amphore.
Quadrille de la vie ! Votre main au plus proche :
« As-tu besoin de moi ? Ai-je besoin de vous ? »
Plus rapide est la course, plus dure était la roche
et la fleur des amours pourrit sur nos genoux
et la lèvre appelait muette au fond du cœur.
Un ange m'apparut de la part du Sauveur :
« Profite de ta voix pour chanter vers le ciel ! »
C'était un Esprit Sage à la Beauté pareil.
Depuis ! Combien de fois Dieu me parle à l'oreille :
« Le silence est partout excepté dans mes yeux.
« Enivrez-vous de moi ! Cherchez-moi davantage.
« Songez, songez à moi ! Je ne vous promets rien,
« Pensez avec respect : en vous est mon image,
« Votre secret bonheur au milieu des chagrins.
« Comprenez, comprenez ma loi de la souffrance
« transformez la douleur en sainte jouissance,
« c'est à travers mes yeux qu'il faut voir la nature,
« c'est à travers mon cœur qu'il faut pleurer d'amour. »
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Max Jacob
On ne meurt pas complètement, la vie continue. Ce n'est plus une vie terrestre, voilà tout.
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Terre arrosée



Dans les verts brouillards de l’Aurore
Ah ! tout ce qui se cache, ce qui se cache de bonheur
Et de malheur. Dans les brouillards de la nuit
Le rose ne s’est pas évanoui
Que le chien déjà bâille et s’ennuie.
Il y a autant d’oiseaux que de feuilles dans la forêt.

La nuit quand je pense à la poésie
Je ne peux pas, je ne peux pas dormir
Eau d’aurore
Les mots, ne les dissipez pas encore
– Tu les trouveras dans la rue
En allant revoir tes amis :
Entre le grand ciel triste et tout ce qui, gonflé,
Soupire, le miracle naîtra de la terre arrosée.
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Réflexion d’un auteur inédit



Ah ! qu’on me le vende à l’encan
Tout ce que mon cerveau découpe
Au lieu d’en écailler mon sang
Je le porterais en chaloupe.

Je suis facile à satisfaire
Ce devant quoi passe mon temps
– Dit la clientèle à Figuière –
Sans escompte on paie en sortant.

« Quoi ! tant d’idées en un roman ! »
Dit un auteur qui désespère
– Chez notre grand apocrisiaire
On t’imprime et mieux on te vend !

Drame à signer pour millionnaire
Ou simples sonnets pour amant
Si tu n’as pas assez d’argent
L’éditeur en fait son affaire.

Et moi qui huilais ma machine
Moi qui taillais dans mon cerveau
Des bas-reliefs, des hauts-fourneaux
Qui peignais comme on peint en Chine.

Rien qu’une course en fiacre à faire.
– Ah ! j’ai justement votre affaire.
Un vaudeville ! six cents francs
Payables à tempérament.
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...Nous déposerons nos vélos
Devant les armures hostiles
Des grillages modern-style
Nous déposerons nos machines
Pour les décorer d'aubépine
Nous regarderons couler l'eau
En buvant des menthes à l'eau...
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REBATISSONS

Il suffit qu'un enfant de cinq ans, en sa blouse bleue pâle, dessinât sur un album, pour qu'une porte s'ouvrît dans la lumière, pour que le château se rebâtît et que l'ocre de la colline se couvrît de fleurs.
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Max Jacob
L'amour du prochain

Qui a vu le crapaud traverser la rue ?
C’est un tout petit homme : une poupée n’est pas plus minuscule.
Il se traîne sur les genoux : il a honte on dirait,
– Non. Il est rhumatisant, une jambe reste en arrière, il la ramène.
Où va-t-il ainsi ? Il sort de l’égout, pauvre clown.
Personne n’a remarqué ce crapaud dans la rue ;
Jadis, personne ne me remarquait dans la rue.
Maintenant, les enfants se moquent de mon étoile jaune.
Heureux crapaud!… Tu n’as pas d’étoile jaune.
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Le mot couleur “jaune“, “blanc“ n’a jamais rien fait voir à personne, il faut dire un “citron“, une “chemise“.
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Pas de divagation, d’hypothèse et d’imagination, tiens-toi aux faits, note les chaque jour avec soin sans commentaires, note les mots qui te paraissent significatifs et dis-toi bien qu’un jour tu retrouveras ces notes avec une joie profonde.
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Max Jacob
POÈME
Prologue

Comme un bateau, le poète est âgé,
Ainsi qu'un dahlia, le poème étagé
Dahlia ! dahlia ! que dahlia lia



Précipiter une aile à cette perle : un casque
pour atteindre le feu du ciel à son déclin !
et le serpent volait vers le Sud-Africain.
Deux dragons se battaient pour la victoire de Max
au-dessus d'un couvent de moines turlupins.
Vingt champignons du bois ressemblaient aux marquises
Ayant ouvert leurs gros pieds blancs en pantalons
oui ! le ciel me connaît ! il faut qu'on se le dise !
mais il importe peu au temps où nous vivons.
J'ai, lycéen, tutoyé mes professeurs :
ils m'apprenaient les dessins persans couleur bonbon
j'en ai gardé comme on garde des violettes !
Quadrilles ! j'ai dansé avec l'enfant de ma sœur
déguisé sur mon épaule ou sur ma tête !
Chez ma tante on avait mon lit dans le salon
et je ne me levais qu'à midi au plus tard.
Son fils lui reprochait le luxe de mes cigares.
Voici le précipice où mon arbre a grandi :
Il y a là un amphithéâtre de jeunes filles roses et blanches
Je me suis couché au bord et j'ai lu des livres.
Mes jeunes pensées étaient en robe de dimanche
elles avaient des fleurs dans leurs cheveux lisses.
Je suis les évadés de la prison de Nantes
Un enfant reconnut notre tonsure au front
Quand nous lui demandions la route de Clisson
Une ligne de points quand les bonnes servantes
Témoignaient devant Dieu pour leurs dépositions
était un escalier de mon couvent de Nantes
pour cacher l'infamie de ma vie de prison


//Max Jacob /revue Nord-Sud n° 1, 15 mars 1917
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LE BIBLIOPHILE

La reliure du livre est un grillage doré qui retient prisonniers des cacatoès aux mille couleurs, des bateaux dont les voiles sont des timbre-postes, des sultanes qui ont des paradis sur la tête pour montrer qu'elles sont très riches. le livre retient prisonnières des héroïnes qui sont très pauvres, des bateaux à vapeur qui sont très noirs et de pauvres moineaux gris. L'auteur est une tête prisonnière d'un grand mur blanc (je fais allusion au plastron de sa chemise).
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Vu à contre-jour ou autrement, je n'existe pas et pourtant je suis un arbre.
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Max Jacob
Je garde dans la solitude comme un pressentiment de toi.
Tu viens ! Et le ciel se déploie, la forêt, l'océan reculent.

Tous deux le soleil nous désigne par-dessus la ville et les toits les fenêtres renvoient ses lignes les fleurs éclatent comme des voix.

Lorsque ton jardin nous reçoit, ta maison prend un air étrange : comme un reflet, la véranda nous accueille, sourit et change.



Les arbres ont de grands coups d'ailes derrière et devant les buissons.
La vague, au loin, parallèle, se met à briller par frissons.

Je garde dans la solitude comme un pressentiment de toi.
Tu viens ! Et le ciel se déploie, la forêt, l'océan reculent.
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LA COURONNE PERDUE ET RETROUVÉE



Celui qui est en chaire à la grand'messe
ce n'est pas le curé de la paroisse
c'est, ô Créateur, l'un de vos anges.
— Que tous les pêcheurs se confessent
« Je ne suis pas venu pour l'angoisse
je suis venu pour la louange
Le Seigneur a perdu sa couronne d'épines
celui qui la trouvera aura le Paradis. »
Or il y avait là une fille de cuisine
elle n'était pas bien dégourdie
elle la sortit de sa pèlerine
les fidèles disaient : c'est inouï
de voir monter au Paradis
des gens de cet acabit.
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