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Citations de Mélanie Fazi (275)


Parfois, il semble que je fasse trop d’efforts, qui créent une sorte de malaise, et parfois, pas assez. J’ai compris récemment qu’il m’est souvent difficile d’estimer mon degré exact de proximité avec quelqu’un. À quel moment sait-on qu’on devient proches, qu’une connaissance devient un ami, que l’on peut commencer à partager certaines choses, et lesquelles exactement ?
p. 40
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Plus les questions m'obsèdent, plus le doute me ronge, plus il devient urgent d'agir concrètement. Je veux un diagnostic, quel qu'il soit, je veux des réponses ; d'une manière comme d'une autre, il y a quelque chose.
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On passe tellement d'années à s'interroger sur le sens de sa vie. Pourquoi pas, ensuite, chercher un sens à sa mort ?
[Nous reprendre à la route]
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À sa façon, ce texte est un récit de voyage. Après ma prise de parole, plusieurs personnes ont parlé de « quête » pour décrire mon parcours. Une quête initiatique m’a dit quelqu’un ; « Le Trône de fer sans les dragons », a ironisé quelqu’un d’autre. Un voyage intimiste sans bouger de sa chambre ; l’idée m’amuse assez. Je suis allée là où se rendent aujourd’hui, en 2020, les adultes qui entreprennent une démarche de diagnostic d’autisme. Voilà ce que j’ai vu ; voilà ce que j’ai vécu ; voilà les souvenirs que j’en rapporte et les leçons que j’en ai tirées.
Asseyez-vous en cercle, écoutez-moi si vous le souhaitez ; j’aimerais vous parler de ce pays-là. Je n’en suis pas revenue tout à fait la même ; mais au cours de cette année de doute, cette année suspendue, j’ai voyagé au plus proche de moi et compris un peu mieux comment rejoindre les autres et parler leur langue.
Et c’est, par-dessus tout, ce que je souhaite en retenir.
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Ça ne va jamais s’arrêter. Ce fut, je crois, ma première pensée quand les mots furent prononcés.
C’était au festival des Utopiales de Nantes, rendez-vous annuel de la littérature de genre que je fréquente depuis bientôt vingt ans. J’étais venue y présenter Nous qui n’existons pas, mon premier livre de non-fiction, sorti le mois précédent – non sans goûter l’ironie d’être invitée là-bas pour la première fois depuis plus de dix ans avec un livre qui s’éloignait non seulement du fantastique, mais de la fiction tout court. Un livre nourri de mon expérience personnelle, qui parlait de quête d’identité, d’une vie passée à me colleter avec les questions de la norme et de la différence et à chercher comment expliquer aux autres, en quelques mots simples, ce que je suis : une personne qui aime profondément la solitude, ne connaît pas la pulsion qui pousse les autres à se mettre en couple, à chercher les relations amoureuses et les rapports sexuels. Un livre qui parlait du soulagement d’avoir enfin trouvé les mots pour me dire aux autres, sans avoir à m’excuser ou à me justifier, sans avoir à changer ce que je suis.
Les premiers retours sur le livre étaient encourageants. Comme le billet de blog qui lui avait donné naissance, il semblait résonner chez des gens. Un certain nombre étaient venus me voir en dédicace ou m’avaient écrit pour me dire qu’eux aussi étaient comme moi, ou qu’ils avaient, pour d’autres raisons, connu ces tâtonnements pour se définir et s’accepter.
Pendant ces Utopiales, nombre d’amis et de collègues m’avaient témoigné leur soutien par rapport à ma démarche ; certains d’entre eux s’étaient reconnus dans mes mots. Ce jour-là, au bar du premier étage de la Cité des congrès où nous nous retrouvions en fin de journée, une conversation a pris un tour très personnel. Puis elle a glissé peu à peu vers un terrain nouveau pour moi, au moment où je l’attendais le moins. Avec une grande délicatesse, mon interlocutrice, qui me connaissait depuis des années et venait de lire mon livre, a prononcé ces mots : « Je crois que tu es peut-être sur le spectre de l’autisme. »
À nouveau, le monde a basculé.
Je me rappelle avoir vaguement fait bonne figure une heure ou deux le temps du dîner, puis, une fois seule, je suis allée m’enfermer dans les toilettes pour pleurer un long moment. Un cocktail avait lieu ce soir-là, je me suis réfugiée dans un coin de mezzanine pour l’observer de loin, complètement sonnée ; je voyais mes amis s’activer à une dizaine de mètres de moi, et la barrière me séparant des autres paraissait plus infranchissable que jamais. Spectre de l’autisme. Qu’est-ce que ça voulait dire ? Que faire de ces mots-là ? Et pourquoi là, précisément, quand je pensais enfin m’être trouvée, acceptée, quand je croyais avoir enfin la paix ?
Non, ça n’allait jamais s’arrêter.
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Avant-propos
Bien qu’ayant la conviction qu’un texte devrait se suffire à lui-même, il m’est apparu nécessaire, suite aux échanges avec les premiers lecteurs du manuscrit, de replacer ce livre dans son contexte temporel. J’ai entrepris sa rédaction fin août 2019, alors que j’effectuais les démarches nécessaires pour passer les tests visant à déterminer si je me trouvais ou non sur le spectre de l’autisme ; je l’ai finalisé en mars 2020, alors que je connaissais la réponse. Il a, pour ainsi dire, été commencé et terminé par deux personnes différentes. Toute l’étrangeté de ce projet tenait pour moi à ce que je n’étais pas sûre de le mener à terme, tant sa pertinence me paraissait liée à ce que serait l’issue du diagnostic.
En résulte, à certains endroits, un aspect flottant qui reflète assez bien le trouble qui était le mien tout au long de cette expérience, et que j’ai souhaité conserver en l’état. À l’inverse de mon précédent témoignage, Nous qui n’existons pas, rédigé avec davantage de recul sur son sujet, L’Année suspendue trouve à mes yeux son identité dans le fait d’écrire sur une traversée alors même que je suis en train de la vivre et en ignore encore l’issue, qui en est pourtant le sujet.
Bien sûr, je ne savais pas davantage en commençant ce livre qu’il paraîtrait dans un monde transformé par la survenue d’une pandémie, mais ceci, comme on dit, est une autre histoire.
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C’est pour moi la plus grande énigme en la matière. Vivre seul est à mes yeux la chose la plus naturelle au monde et la plus grande liberté qui soit. J’y trouve une forme de paix qui ne m’est pas possible au milieu des autres et j’éprouve le besoin régulier de m’isoler pour me ressourcer. La solitude est pour moi quelque chose de nécessaire et de très beau, au point que j’ai du mal à comprendre pourquoi on l’agite comme un épouvantail, pourquoi il en est d’autres qu’elle angoisse à ce point.
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C’est une révolution quand, pour la première fois, quelqu’un vous donne le droit de vous assumer.
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Si ces pages devaient être lues par d’autres qui sont comme moi, d’autres qui se cherchent et n’osent pas s’avouer, j’aimerais leur dire qu’ils ne sont pas seuls.
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Il y a un rapport au secret, à la parole, à la façon de se dire que ceux qui grandissent dans la norme ne connaîtront sans doute jamais. Une manière de regarder le monde depuis le bas-côté. De se voir constamment rappeler qu'il existe un modèle dominant dans lequel on ne se reconnaît pas.
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Je ne m'étonne pas vraiment, avec le recul, de m'être trouvée tellement à ma place dans le domaine des genres de l'imaginaire. Là aussi, on sait ce que c'est d'être "à côté", hors d'une certaine vision figée de la "grande littérature", et de ne pas se reconnaître dans l'image que le reste du monde plaque sur nous : adolescents attardés, auteurs ou lecteurs de mauvais romans de gare sans prise avec le réel, et j'en passe. Rien n'est plus faux, évidemment ; mais parfois, on se lasse de chercher à l'expliquer au reste du monde, et on aime à se retrouver avec d'autres qui savent.
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Voilà ce que m'apprend l'expérience : ne pas être conforme n'est pas un problème. L'important, c'est ce qu'on en fait, et ce qu'on décide de devenir à partir de là. La différence aussi nous construit. Les gens ne m'acceptent pas malgré elle ; ils m'acceptent maintenant grâce à elle. En la dévoilant, j'ai renforcé certains liens.
Cette conversation si souvent redoutée n'est désormais plus une confession honteuse ; c'est un acte d'affirmation. Ce que je cachais, j'ai maintenant besoin que les gens le sachent.
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Si j'étais un peu plus sûre de moi, les gens m'écoutaient. Mon discours, jusqu'alors, s'était doublé d'une forme de question, que je ne percevais pas pleinement moi-même : "Est-ce que je dois changer ? Est-ce que j'ai le droit d'exister telle quelle ?" Et c'était à cette question, inconsciemment, que répondaient les autres, avec leur propre expérience des relations amoureuses qui leur dictait que je me trompais forcément : ce que je leur expliquais n'était pas possible.
J'apprenais désormais à ne pas leur en vouloir. Si certaines remarques m'avaient blessée, elles avaient été formulées sans la moindre intention malveillante. Simplement, les gens ne savaient pas. Sans ouvrages sur le sujet, sans représentations dans la fiction ou les médias, ils ne pouvaient pas savoir.
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Ce n'est pas si facile, quand un médecin vous considère comme guérie, de retourner le voir pour lui dire que vous n'en êtes pas tout à fait sûre. La peur de passer pour une hypocondriaque ou de ne pas être prise au sérieux sans symptômes assez nets est trop forte.
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J'aurais aimé pouvoir dire : moi aussi, j'ai connu tout ça. J'aurais aimé me savoir "normale" et ne pas avoir à me cacher. La société n'est pas tendre avec ceux qui sortent du rang ; on n'a pas envie de subir les regards moqueurs ou navrés, d'être qualifiée de coincée, de frigide, de vieille fille.
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En prenant cette décision, j'avais appelé un changement de mes voeux. Je sais d'expérience qu'ils ne sont jamais aussi radicaux ni aussi rapides qu'on le souhaiterait. Il faut parfois des mois pour que leurs bénéfices réels se dévoilent. Ce n'est pas un bouleversement total, c'est un nécessaire pas de côté qui déplace légèrement notre perspective.
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Pour l'avoir connue dans d'autres domaines moins cruciaux, l'écriture notamment, mon expérience de la différence se résume souvent ainsi : faire ce qui nous paraît le plus naturel au monde et s'apercevoir ensuite que les autres nous regardent de travers. On nous impose un "problème" là où, de notre point de vue, les choses suivent leur cours normal. Alors on commence à douter. S'ils sont si nombreux à le dire, ils doivent avoir raison. On intègre cette notion d'anomalie, on apprend à se cacher pour éviter certaines discussions.
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Un jour, en revanche, j’ai dû abandonner une nouvelle compliquée à écrire, qui me posait plusieurs problèmes insolubles. Je devais notamment y mettre en scène des familles ordinaires et entrer dans leur quotidien : adopter le point de vue des parents comme des enfants, me glisser dans la peau d’un jeune couple après l’annonce d’une grossesse. Je n’ai pas pu. Me projeter dans leur vision du monde, leurs espoirs, leur vie au jour le jour m’était impossible. Ces choses-là me sont irrémédiablement étrangères ; je suis incapable de les écrire avec justesse, car incapable de les concevoir. Je ne comprends ni l’évidence que la vie de couple et de famille représente aux yeux de la plupart des écrivains ou cinéastes, ni surtout pourquoi elle paraît rendre leurs personnages si heureux. Il m’est difficile d’éprouver avec eux la moindre empathie sur ce point, surtout quand l’impact d’une fiction repose sur la familiarité supposée avec le lecteur ou spectateur qui a forcément vécu tout ça. Et voir un personnage tout plaquer par amour a toujours, à mes yeux, un arrière-goût d’échec et de renoncement.
À l’inverse, je me suis étonnée, un jour, lors d’un atelier d’écriture, qu’une participante me dise trouver si difficile d’écrire sur la folie, sujet abordé dans plusieurs de mes nouvelles. Ca me semble si naturel, au contraire, d’écrire à partir d’une vision du monde radicalement différente de celle des autres et de faire naître une forme de trouble à partir de là. Je peux m’y projeter cent fois plus facilement que dans le quotidien d’une famille ordinaire. Il suffit d’un léger pas de côté : trouver la logique qui habite le personnage et s’y tenir jusqu’au bout. C’est un exercice qui devient vite jubilatoire dès lors que l’on maîtrise l’angle d’attaque.
Tout trouve son utilité un jour. Même la différence.
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Je l’ai appris de longue et parfois pénible expérience : ce n’est pas facile d’expliquer une différence et de la faire entendre aux autres. Je ne suis pas sûre qu’il soit possible d’appréhender pleinement celles que l’on n’a pas soi-même vécues, de se mettre à la place de l’autre pour comprendre de quelle manière elles pèsent sur sa vie de tous les jours et façonnent sa personne. Je ne peux concevoir la violence que connaissent ceux qui subissent de plein fouet le racisme, l’homophobie ou les discriminations liées à un handicap, ni l’enfer qu’ils doivent vivre au quotidien. Je ne peux parler ici que d’une tout autre différence, dérisoire et singulière, mais qui fait peser sur vous une chape de honte et de silence. J’ignore toujours quel nom précis lui donner et j’ai mis longtemps à comprendre par quels mots la traduire au plus juste. Je tâtonne encore sur ce point.
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Sous la douche, faire couler l’eau un long moment pour tenter de me réchauffer. Frictionner en vain cette chair inerte. Arracher cette mue de sommeil qui me colle à la peau. Je n’y arriverai pas. L’effort est trop grand.
Dans l’atelier aussi, la lumière est trop vive. Pourtant je n’allume qu’une seule lampe, celle qui figure la lumière d’un projecteur au cœur de la pièce. Elle dévoile un champ de bataille. Fragments de porcelaine. Plumes éparpillées. Dentelles et velours déchirés. Traces de paumes sanglantes sur les murs. Manque l’essentiel. Je m’y attendais.
Et aux limites de la pénombre, l’automate assis dans le fauteuil dont il n’a pas bougé depuis des semaines. La tête légèrement penchée en avant. Ses cheveux noirs cachent la moitié de son visage lisse. Ses mains reposent sur ses genoux.
Je me laisse glisser contre le mur. Le corps lourd et pataud, engoncé sous les couches de vêtements. J’ai poussé le chauffage mais le froid me ronge du dedans. Assise à même le sol face à l’automate, pas tellement plus vivante, je lui lance :
« Volodia, mon bonhomme, y a plus que toi et moi maintenant. On ne va pas se laisser démonter pour autant ? »
Mais ça sonne faux. Ma voix est émaillée de minuscules fêlures. (« Miroir de porcelaine »)
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