Citations de Michel Pastoureau (579)
À l'aube des Temps modernes, la couleur orange se charge progressivement d'un riche bagage de symboles, ceux du fruit dont elle porte le nom: lumière, plaisir, beauté, santé, fécondité, richesse. (p.173)
L'Europe, c'est d'abord un nom. Un nom si familier aujourd'hui que
nous n'éprouvons pas le besoin d'en interroger l'origine. Il est vrai que l'étymologie du mot «Europe » reste incertaine. Ainsi a-t-on cherché à faire dériver ce nom d'une racine sémitique, ereb, qui signifie le couchant, l'« Occident », et paraît donc s'accorder avec la localisation relative que les premières grandes civilisations d'Orient pouvaient assigner à l'« Europe ». Ce qui est certain, c'est que le mot apparaît pour la première fois dans la langue grecque dès le VIle siècle avant Jésus-Christ, chez Hésiode. Il semble associer deux racines distinctes : d'une part l'adjectif eurus qui signifie «large », «étendu »; d'autre part le substantif ops, terme poétique qui désigne l'œil, le regard, et qu'on retrouve dans la notion grecque d'image ou prosopon, «ce qui se présente au regard »
Devenu historien, j'ai compris qu'il n'y avait pas de vérités chromatiques universelles mais qu'au contraire tout variait selon les époques et les sociétés. (p.87)
En matière d'emblèmes, il n'y a jamais d'arbitraire du signe: tout est motivé. (p.55)
"Le noir est une couleur" : une telle affirmation est redevenue aujourd'hui une évidence, presque une platitude ; la véritable provocation serait d’affirmer le contraire.
[Discours d'Alphonse de Lamartine]
Le drapeau rouge que vous nous apportez, est un pavillon de terreur [...], qui n'a jamais fait que le tour du Champ-de-Mars, traîné dans le sang du peuple, tandis que le drapeau tricolore a fait le tour du monde, avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie [...]. C'est le drapeau de la France, c'est le drapeau de nos armées victorieuses, c'est le drapeau de nos triomphes qu'il faut relever devant l'Europe.
[Pourquoi le Petit Chaperon rouge est-il rouge ? Critique de la théorie du psychanalyste Bettelheim.]
Certes cette couleur est depuis longtemps celle de la luxure et de la prostitution, mais pour la psychanalyse ce n'est nullement cela qui est en jeu dans le conte : il s'agit des premiers émois amoureux, et même charnels. Au Moyen-Âge, lorsque apparaissent les plus anciennes versions de cette histoire, et encore au XVIIème siècle, lorsque Charles Perrault en rédige sa propre version, les premiers élans du cœur et des sens ne sont pas associés au rouge mais au vert, couleur symbolique des amours naissantes. Si les théories psychanalytiques étaient ici fondées — ce dont je doute —, le Petit Chaperon rouge devrait être un Petit Chaperon vert.
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Plus encore que son plumage sinistre, ou sa voix sépulcrale, ce sont ces croyances et ces rites éfforyables [Europe du nord] parfois associés à de véritables cultes idolâtriques, , qui épouvantèrent les missionnaires chrétien s'aventurant verrs l'est ou le nod de l'Europe pour tenter d'évangéliser des populations encore étrangères à la religion du Christ.
Pour Isidore, père e l'étymologie médiévale, le corbeau semble être un oiseau de bon augure. Mais il est dans l'Occident chrétien l'un des dernies auteurs à penser ainsi. Au VIIe siècle, depuis longtemps ddéjà l'oiseau noir, tant vénéré par les sociétés ancciennes, était devenu une créature impie et mortifère.
Plus que le charbon, le four, la poix, l'encre ou les ténèbres, le corbeau reste au fil des siècles, depuis la mythologie antique jusqu'au cinéma moderne, le premier référent de la couleur noire. Sans doute parce qu'il s'agit d'un être vivant. Vivant et noir. (p.135)
L'oiseau noir du romantisme est aussi celui du fantastique, du frénétisme et du symbolisme. (p.131)
[Dans le monde scandinave et les pays germaniques païens], le corbeau joue un rôle protecteur, il éloigne les forces du mal et sert de médiateur entre le monde des dieux et le monde des hommes. (p.24)
Bran le Bénu porte un des noms gallois du corbeau losquue celui-ci est associé à la mort (ce qui est féquent) ; bran.
Le corbeau est un oiseau qui m'ooccupe depuis pluus d'un demi-siècle. Je lui ai réservé une place importante dans ma thèse Le Bestiaire héraldique au Moyen Age souutenue en 1972 - notamment à propos du problème de l'origine des armoirries, pour l'étude duquel il joue un rôle essentiel dans toute l'Europe du Nord - puis pendant près de quatre décennies, dans mes séminaires sur l'histoire et la symbolique animales à l'Ecole pratique des hautes étuudes et à l'Ecole des Hautes Etuudes en sciences sociales. Il le méritait.
Quand, dans un même texte, le latin utilise tour à tour des mots comme signum, figura, exemplum, mémorial, similitude - tous termes qui en français moderne peuvent se traduire par « symbole » -, il ne le fait pas indifféremment mais au contraire choisit chacun de ces mots avec soin parce que chacun est porteur d’une nuance essentielle. Ce sont des termes forts, impossibles à traduire avec précision tant est vaste et subtil leur champ sémantique, mais ce ne sont nullement des termes interchangeables.
(page 11)
Bien des généraux doivent à un coq leur plus glorieuse victoire. Ce qui pousse Pline, militaire lui-même, à prononcer cette phrase extraordinaire : "Les coqs sont les maîtres du monde".
C'est en grande partie à sa crête rouge vif que le coq doit une semblable gloire. Un oiseau qui porte sur sa tête une telle couronne ne peut qu'être aimé des dieux et leur servir de messager.
Page 55
Le taureau devient furieux, seulement si on lui présente une étoffe rouge ; le philosophe, en revanche, dès que l'on lui parle de couleur se met en rage.
Goethe
Dans la plupart des villes drapières – l’industrie textile est la seule véritable industrie de l’Occident médiéval –, le métier de teinturier est fortement cloisonné et sévèrement réglementé. … La spécialisation est de règle partout. Elle se fait selon les matières textiles (laine, soie, lin et chanvre, éventuellement coton dans quelques villes italiennes), et surtout selon les couleurs ou groupes de couleurs. Les règlements interdisent en effet de teindre une étoffe ou d’opérer dans une gamme de couleurs pour laquelle on n’a pas licence. Pour la laine, par exemple, à partir du XIIIe siècle, si l’on est teinturier de rouge, on ne peut pas teindre en bleu et vice versa.
Au théâtre les tabous sont nombreux. En France, certains mots ne doivent pas être prononcés : "corde","marteau", "rideau", "vendredi". Jouer ce jour-là passe en outre pour risqué. En Grande-Bretagne, Macbeth est de bonne heure une pièce réputée maudite et accompagnée d'un grand nombre d'interdits (il ne faut notamment jamais prononcer son titre mais dire "la pièce écossaise de William Shakespeare "). En Italie, ce n'est pas le vert mais le violet qui est banni de la scène, cette couleur étant fréquemment associée à la mort. Une même prohibition existe en Espagne mais elle concerne le jaune; probablement par influence de la tauromachie : la cape du torero est bichromie, rouge à l'extérieur et jaune à l'intérieur ; s'il est encorné, le jaune sera son linceul.
C'est une erreur de croire que les affaires de sorcellerie appartiennent au monde médiéval et à son prétendu "obscurantisme". Non, les affaires importantes et les grands procès n'apparaissent qu'au XVème siècle et concernent bien davantage les deux siècles suivants. La Réforme protestante, en répandant une conception pessimiste de l'existence humaine, favorise les croyances populaires aux forces surnaturelles et à la possibilité de s'allier avec elles pour mieux profiter de la vie.