AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Michel Tournier (648)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Vendredi ou La Vie sauvage

J'avais tellement entendu parler de ce livre en étant au collège, mais celui-ci n'étant pas dans mon programme, je n'avais alors pas cherché à le lire.

Je m'y suis penchée que maintenant puisque par hasard je suis tombée dessus et j'étais assez curieuse de découvrir son contenu.

Tout le monde connait l'histoire de Robinson Crusoé, je ne vais donc pas la retracer mais plutôt essayer de dire ce que j'en ai pensé.



Au départ, juste après le naufrage du bateau, j'étais peinée par la grande solitude de Robinson quand il s'est retrouvé seul sur l'île. L'auteur exprime bien ce sentiment à travers toutes les occupations du personnage afin qu'il continue de se sentir exister.

À l'arrivée de Vendredi, j'ai détesté le comportement de Robinson à l'égard de ce pauvre indien. Je trouvais Robinson méprisant et hautain: "Vendredi travaillait dur, et Robinson régnait en maître."

Mais lorsque l'incident sur l'île à tout remis en question, j'ai commencé a apprécié cette histoire.

J'ai aimé l'évolution de la relation entre les deux hommes. Cette entente qui les a réuni malgré que tout les opposait. Au début le manque de dialogues rendait l'histoire peu dynamique à mon goût, mais les personnages ne parlent pas la même langue et on se rend compte au fil du temps que la communication ne passe pas forcément par le dialogue.

On découvre alors toute la richesse du personnage assez sauvage de Vendredi, qui enseigne à son tour à l'homme civilisé. C'est ce qui fait la force de ce livre. Ce duo est au final très attachant.

J'ai également beaucoup aimé la fin.

Les chapitres sont courts et la lecture assez facile, mais les plus jeunes doivent selon moi être accompagnés pour bien comprendre l'ensemble de l'ouvrage.



Je pense que je n'aurais pas autant apprécié cette lecture si je l'avais lue dans le cadre scolaire (c'est même certain !) et je serais probablement passée à côté de la philosophie de cette belle histoire.
Commenter  J’apprécie          1567
Vendredi ou La Vie sauvage

L'histoire débute avec le naufrage de Robinson en 1759 sur une île déserte au large des côtes du Chili. Après l'attente d'un sauvetage puis, la construction d'un bateau, Robinson se désole. Mais il apprend vite que l'oisiveté et la désolation ne mènent à rien.

Très vite, et encore davantage avec l'arrivée de Vendredi, Robinson va recréer sur cette île une copie de la société (lois, argent, commerce...).

Vendredi, plus frivole, va malheureusement tout ébranler en faisant sauter les constructions de Robinson mais aussi ses convictions.

Robinson va alors apprendre la vie sauvage et l'apprécier puisqu'il ne voudra plus quitter son île lorsqu'un bateau anglais accostera 28 ans après son arrivée.

Michel Tournier présente ici une réflexion un peu philosophique de Robinson puisqu'elle démontre les méfaits de l'oisiveté et de la civilisation.

Ce roman est très bien écrit et son côté aventurier permet de faire passer certaines valeurs auprès des jeunes lecteurs.
Commenter  J’apprécie          940
Le Roi des Aulnes

Quand vous lisez beaucoup et depuis, disons, un certain temps, les lectures défilent, se renouvellent, changent, évoluent avec vous.



Il y a les lectures obligées, scolaires, qui par leurs découvertes forcées et encadrées peuvent vous décevoir et vous éloigner, pour un temps du livre.

Ce fut mon cas.



Et puis, il y a les lectures conseillées par des amis qui vous connaissent et vous comprennent et qui vous remettent sur le chemin de la lecture.

Ce fut mon cas aussi.



Puis les années et les livres passent, beaucoup sombrent dans l'oubli, mais subsistent ceux que je nomme nos classiques personnels.



Un auteur, dont hélas le nom m'échappe (peut-être Jules Renard ?) a dit, en substance :"Il y a les livres que l'on lit mais ceux qui comptent sont ceux que l'ont relit".



Je cite de mémoire, veuillez excuser l'approximation.



Autrement dit, les livres qui comptent, sont ceux dont on sait déjà en les refermant qu'ils nous ont apporté quelque chose, et qu'on les reprendra un jour, dans un mois, dans dix ans, mais qu'ils nous ont marqués pour de bon.



Bien peu de livres m'ont fait cet effet, mais ce fut le cas avec "Le roi des aulnes".

Peu importe qu'il fut récompensé du prix Goncourt, ou que l'adaptation en film soit une réussite ou pas.

Abel Tiffauges, est l'un des rares personnages romanesques qui m'ait marqué.

Bardamu, Oscar Matzerath, Martin Eden aussi dans d'autres registres.



Depuis quelques temps je me pose la question de savoir quels livres je voudrais garder absolument, et desquels je pourrais me séparer sans grands regrets.



Le résultat est sans appel ; de tous les livres que je possède, lus ou à lire, un nombre assez limité passe le test.



Ce roman de Michel Tournier en fait partie.

Commenter  J’apprécie          915
Vendredi ou La Vie sauvage

Ca commence fort !!!

aujourd'hui je décide d'entamer Vendredi ou la vie sauvage de Michel Tournier. C'est le livre que mon fils Enzo, 11 ans semaine prochaine, vient de terminer et il est fier que son papa reprenne ses lectures.... bref je fais mon petit tour autour des étangs avec Gadgette, la chienne qui m'accompagne quand je lis en marchant, le temps de tourner les 50 premières pages, et je remonte dans la voiture... Dés la clef de contact tournée, Miss Robinson, Simon et Garfunkel , stop ou encore sur RTL, Stop ou encore, 11h15 !!!!!! ça faisait un bail que je n'avais plus entendu cette mélodie ! ça serait t'y pas un signe !?

En tout cas, belle entrée en matière :-)



Je reviendrai plus tard sur ce livre, mais je voulais absolument noter cette anecdote...



Fini le jour de l'anniversaire d'Enzo, j'aurais mis un peu plus de temps à le lire que je n'avais prévu....Au moins, le gros avantage, c'est que cette histoire assez simpliste, m'a paru nettement plus limpide que les Limbes du Pacifique!!!...Ce dernier ne figurera d'ailleurs pas dans mes livres, tellement j'en ai gardé un souvenir indigeste.

Heureux de m'être réconcilié avec cet auteur.
Commenter  J’apprécie          871
Le Roi des Aulnes

Abel Tiffauges est un garagiste persuadé d’avoir un destin grandiose à accomplir. « Ma vie fourmille de coïncidences inexplicables dont j’ai pris mon parti comme d’autant de petits rappels à l’ordre. Ce n’est rien, c’est le destin qui veille et qui entend que je n’oublie pas sa présence invisible mais inéluctable. » (p. 88) Doté d’une force physique hors du commun, Abel Tiffauges est fasciné par les jeunes garçons. Il les photographie, enregistre leurs voix et observe leurs jeux innocents. Son obsession pourrait lui valoir la prison, mais il y échappe quand la Seconde Guerre mondiale éclate. Abel Tiffauges s’enrôle et se passionne alors pour les pigeons voyageurs. Rapidement fait prisonnier par les Allemands, il n’est pourtant jamais entravé dans ses mouvements et acquiert une position de choix dans un centre d’éducation pour les jeunesses hitlériennes. Là, il assouvit enfin la passion dévorante qu’il entretient à l’égard des jeunes garçons.



Abel Tiffauges est fasciné par les jeunes corps des garçons et il en entreprend une lecture systématique et révérencieuse. Tiffauges déchiffre les corps, leurs lignes, leurs pleins et leurs déliés, et il excelle à les catégoriser, dans une volonté maniaque de thésaurus. Abel Tiffauges est un ogre qui ne goûte jamais à la chair, mais qui tente de dérober les essences mêmes de ses proies. « Je compris que j’obéirais d’autant mieux à mes aspirations alimentaires que j’approcherais davantage l’idéal de la crudité absolue. » (p. 94) En collectionneur avide, il cherche toujours plus loin la pièce qui manque à son butin.



Dans son journal qu’il a intitulé Écrits sinistres, il célèbre aussi le mystère divin de l’acte de porter. Il appelle cette mission, sainte à ses yeux, la phorie et il l’entoure de respect et de religiosité. « Je saisis pour la première fois le sens tiffaugéen du sacrement du baptême : un petit mariage phorique entre un adulte et un enfant. » (p. 148) À l’instar de son travail sur les corps des jeunes garçons, il accumule obstinément les symboles sacrés ou païens qui célèbrent la phorie.



Il y aurait tant à dire sur ce superbe roman de Michel Tournier. L’auteur m’avait déjà éblouie avec Vendredi ou les limbes du Pacifique où il réécrivait le mythe de Robinson. Ici, il reprend un célèbre poème de Goethe : le Roi des Aulnes est un charmeur dévoreur d’enfants, terrible figure d’ogre s’il en est. Le talent de Michel Tournier à extrapoler les mythes littéraires est sans égal à mes yeux. Dans Le Roi des Aulnes, il mêle le mythe aux références bibliques et mythologiques et fait regorger son texte d’analogies, de symboles et de métaphores. L’intertextualité mise en œuvre semble inépuisable et l’auteur fait montre d’une érudition qui n’a rien de vantarde, qui n’est qu’hommage aux classiques et volonté de les surpasser pour mieux les honorer.



Je m’attarde un instant sur le nom du protagoniste. Dans la Bible, Abel est le nomade assassiné par son frère Caïn : dans Le Roi des Aulnes, Abel Tiffauges est sans cesse en mouvement et il progresse vers l’est, vers la lumière. Il échappe toujours à la mort et son initiation est continue auprès de différents maîtres. Le frère assassiné est ici bien vivant et décidé à prendre revanche sur la vie. Quant au patronyme, Tiffauges, c’est le nom du château de Gilles de Rais, compagnon de Jeanne d’Arc et assassin d’enfants. Son histoire a été reprise dans de nombreuses légendes présentant des ogres, dont le cruel Barbe-Bleue. Abel Tiffauges est donc un ogre en marche : courez, enfants ! Il vient pour vous !



La violente beauté du style de Michel Tournier m’émeut au-delà du dicible. Je suis sans voix devant les inventions lexicales de l’auteur : soucieux d’utiliser exactement le mot qui convient pour désigner la chose pensée, observée ou ressentie, il ne se contente pas de synonymes ou de périphrases, il crée des termes à la mesure des idées qu’il développe. L’épaisseur sémantique ainsi créée fait du texte un recueil unique de termes, un dictionnaire à lui seul. Michel Tournier crée le sublime à partir du prosaïque, voire du tabou. La sensualité de son texte est vicieuse, dépravée et souvent défécatoire, mais elle est sensualité pleine et entière.



J’arrête ici ce trop long billet en vous recommandant ce roman. Ne soyez pas rebuté par l’érudition du texte. Plongez les yeux fermés dans la spiritualité animale d’Abel Tiffauges !

Commenter  J’apprécie          8614
Vendredi ou La Vie sauvage

"Vendredi ou la vie sauvage", adaptation par Michel Tournier de son propre roman "Vendredi ou les limbes du Pacifique" afin de le rendre accessible aux enfants, est un des pires souvenirs de ma "carrière" de lectrice à ses commencements. Lu, bien évidemment, dans le cadre de l'école comme bon nombre de livres qui, selon tout logique et quoiqu'en pensent les "sages" de l'Education Nationale, réunissaient tout ce qu'il fallait pour me dégoûter à jamais de la lecture et de la littérature...



Enfant, je n'avais bien sûr aucunement conscience que Tournier paraphrasait Defoe, lui-même inspiré, semble-t-il, par les aventures très réelles du marin écossais Alexandre Selkirk. Non, enfant, je n'avais que la conscience de l'ennui indicible de voir se créer la relation entre Robinson et Vendredi ; que le désagrément de devoir m'intéresser à la conception d'un arc ou d'une tente quand mes deux frères m'avaient, par nos jeux, déjà montré tout ça depuis belle lurette.



Actuellement, Vendredi ou la vie sauvage figure toujours dans le top des ventes de la littérature jeunesse car il est encore "prescrit" aux élèves dans le cadre des premières lectures scolaires. Des enfants que je plains de tout mon coeur !
Commenter  J’apprécie          7815
Vendredi ou les limbes du Pacifique

Robinson Crusoé, je l'ai rencontré trois fois.



Ma première rencontre était toute filiale: mon père (ce héros au sourire si doux) lisait à ses filles, le soir au coin du feu, le livre de Daniel Defoê, un de ces "livres de garçon" qu'il avait aimés, enfant - peut-être pour oublier qu'il n'y avait que des pisseuses pour l'écouter. Nous écoutions d'ailleurs religieusement, passionnées surtout par l'installation de Robinson- ah ces pisseuses, si platement domestiques parfois!- , et par ses rapports avec le pauvre Vendredi,que nous trouvions gentil mais un peu neu-neu..



La deuxième a été touristique et parisienne: venue à Paris avec mes parents pour la première fois, nous écoutions tous les trois avec le plus grand respect -c'était avant 68...- un gardien de la paix , comme on disait encore, nous expliquer comment nous diriger, quand nous avons vu passer, derrière nous, place Vendôme, sortant du Ritz et se rendant sans doute chez Van Cleef et Arpels, une vieille momie embijoutée, couverte d'un long manteau de fourrure et portant un improbable couvre-chef, large comme un sombrero, tout en fourrure lui aussi. Le policier s'est alors tourné vers nous avec un sourire malicieux: "Vous avez vu? C'est Robinson Crusoé!". j'en ai conclu -un peu hâtivement- que les flics parisiens étaient cultivés et pleins d'humour...



Ma troisième rencontre a été littéraire et décapante: c'était - nous y voilà!-en lisant le livre de Michel Tournier!



Le vieux mythe du rescapé débrouillard et du bon sauvage domestiqué en a pris un coup! L'épisode pour moi le plus troublant a été ce retour à la soue, cette régression nécessaire de Robinson à l'utérus de notre mère la Terre, avec l'incroyable épisode des mandragores incestueuses, nées de sa copulation frénétique avec la Grande Mère...On était bien loin du Robinson britannique, keep a stiff upper lip, tâtillon et super-organisé...Back to the trees, le Robinson de Tournier! Vendredi à côté avait tout d'un coup l'air bien raisonnable, même s'il était évident qu'il avait lui aussi des choses à reprendre en main, et bien des doléances à présenter à l'Occident civilisateur...la colonisation étant passée par là.. Et il a commencé à piquer à ce psychopathe de Robinson le titre du livre. Plus de "Robinson", place à "Vendredi"!!



Aussi ai-je été furieuse de voir ce magnifique et tonique récit perdre toute saveur et toute couleur quand Tournier s'est avisé de châtrer son texte -exit les mandragores et la fornication dans les terriers- pour le mettre à la portée des mioches, comme s'ils ne pouvaient lire le vrai, en attendant peut-être encore un peu...



Quand je relis Vendredi -le hard, pas le light- je pense toujours à cette chanson de Higelin:



"A faire l'amour avec la terre,

j'ai enfanté des p'tits vers blancs,

qui me nettoient, qui me digèrent,

qui font leur nid au creux d'mes dents!"



Oui," Vendredi" de Tournier, rencontre du troisième type: un grand moment de méditation philosophique et d'émotion littéraire!
Commenter  J’apprécie          615
Vendredi ou La Vie sauvage

J'ai étudié ce livre en 6ème, et il m'avait bien plu (pas fréquent dans les livres lus dans le cadre scolaire en général), et depuis je l'ait souvent relu, même s'il s'agit d'un ouvrage plutôt jeunesse et qu'il aurait peut-être bien fallu que je découvre sa version "adulte": Vendredi et les Limbes du Pacifique. Mais j'ai encore du temps pour cela.



Néanmoins, même si c'est plutôt jeunesse, ce livre est très appréciable pour tous les publics, et j'en suis la preuve vivante! Michel Tournier propose une relecture du mythe de Robinson Crusoé. Il le fait à travers une écriture très belle, très fluide, sans chichi, qui est d'ailleurs caractéristique du style Tournier. L'histoire est rigoureusement menée avec ce qu'il faut d'aventure, de rebondissements, mais aussi d'émotion et de réflexion. Bien sûr, c'est mis à la hauteur d'un jeune public, mais il y a la patte d'un vrai écrivain derrière, et ce n'est donc ni naïf ni simpliste.



Pour ma part, ce qui m'avait beaucoup séduit plus jeune, c'était la capacité de l'auteur à rendre graphique la beauté de cette île exotique, et de manière générale à rendre visible les choses par les mots (le début est d'ailleurs saisissant en la matière). Il y a pas mal de descriptions dans ce texte, mais elles sont toutes passionnantes car on visualise les choses décrites, et je dirai que le seul ennui qui peut venir d'une description (exercice souvent décrié dans la littérature contemporaine) vient de l'incapacité de l'écrivain à rendre les choses, les paysages visibles et sensibles. Il n'en est rien ici.



Très bel ouvrage frais et humain, Vendredi ou la vie sauvage est un joli livre dont on sort revigoré, indiciblement plus heureux, et si j'ai de si bons souvenirs de 6ème, c'est aussi un peu grâce à Michel Tournier.



Commenter  J’apprécie          603
Le Roi des Aulnes

Abel Tiffauges aime la chair fraîche et la viande crue. C'est un ogre.

On peut lire le Roi des Aulnes comme une variation sur le thème de Lolita, emporté par la logorrhée abjecte du pédophile qui justifie sa jouissance.

Mais l'esprit malade qui parle n'est pas une simple personnalité déviante, c'est l'idéologie nazie qui se révèle à nous dans ce soliloque inouï.

Le nazisme aime les enfants et les enfants l'aiment: le nazisme vante la joie des jeux guerriers dans l'exaltation des corps pré-pubères et la camaraderie des purs.

Abel renonce au sexe (en 1970, Tournier a imaginé un personnage qui se lançait dans la guerre pour ne plus avoir à faire l'amour...) et en renonçant à la génitalité s'enfonce dans une forêt de symboles: pour lui, tout est signe et la grande histoire n'existe que pour lui façonner un destin.

Tournier ose dire que le nazisme mêle exaltation et soumission, effacement de l'autre nié ou objectivé, (Abel recueillant des cheveux pour les tisser et s'en vêtir) et exaltation romantique du moi.

Vous voulez comprendre pourquoi deux jeunes crétins entrent dans une église pour égorger fièrement un vieillard? Lisez le Roi des Aulnes.

Mais puisque Tiffauges s'appelle Abel et non Caīn, il sera sauvé. Et qu'est-ce qui préserve du nazisme, de l'islamo-fascisme et de toutes les idéologies délétères? Pas de recette miracle: oublier les séductions abstraites du collectif et sauver une personne, une seule, peut-être, mais qui soit autre donc différente donc humaine.

Il y avait longtemps que je n'avais pas lu un livre aussi éblouissant. La prochaine fois que quelqu'un me demandera de lui définir ce qu'est la littérature, j'aurai ma réponse toute prête: la littérature c'est la précision et le chatoiement du langage, c'est le mythe et son renouvellement, c'est le Roi des Aulnes.
Commenter  J’apprécie          5911
Vendredi ou les limbes du Pacifique

Je n'ai encore jamais lu "Robinson Crusoé" de Daniel Defoe, dont "Vendredi ou les limbes du Pacifique" en est la réécriture. J'ai en revanche lu il y a quelques temps déjà "Vendredi ou la vie sauvage", qui est une adaptation jeunesse. Je ne peux donc faire la comparaison avec le premier, et n'en ferai pas avec le dernier, le public visé étant différent.



Le hasard a voulu que je termine ce roman un 19 décembre, alors que l'histoire se termine également un 19 décembre, mais avec quelques années d'écart... Car effectivement, c'est le 19 décembre 1787 que le Whitebird atteint la côte de Speranza, petite île encore inconnue qui a reccueilli 28 ans plus tôt Robinson Crusoé, seul rescapé du naufrage de la Virginie qui a eu lieu en septembre 1759.



Oui cela fait 28 ans que Robinson a échoué sur "l'île de la désolation", nom qu'il lui affublait au départ. Totalement seul dans cet endroit sauvage et désert d'humanité, il a d'abord sombré dans la folie avant de se reprendre en main. Pour ce faire, il a occupé son corps et son esprit quotidiennement. Son corps grâce à diverses constructions, élevages et cultures. Son esprit grâce à la tenue d'un journal de bord un peu particulier, puisqu'au lieu d'y retranscrire son quotidien, il y étale ses moments d'égarement méditatif. L'île de la désolation est renommée Speranza, il est élu à l'unanimité (forcément !) Gouverneur, ce qui lui octroie les pleins pouvoirs. L'île est désormais administrée d'une main de fer, une charte et un code pénal ont d'ailleurs été établis. Robinson a désormais un but. Une routine s'installe en même temps que sa perception de la vie se transforme. Tout est bien carré, tout est organisé, tout est orchestré au rythme de la clepsydre qu'il s'est fabriqué avec les moyens du bord. Mais voilà qu'un indigène, qu'il a sauvé par erreur et qu'il nommera Vendredi, vient chambouler toute cette routine et l'amènera une nouvelle fois vers d'autres prises de conscience...



Avec une narration entrecoupée d'extraits du journal de bord, nous nous retrouvons dans un roman à la fois d'aventures, initiatique et philosophique, dans lequel nous assistons à l'évolution de l'état d'esprit de Robinson. On le voit s'adapter à son environnement, à la solitude. On le voit passer de survie à la vie, du désespoir et au renoncement à la liberté. On fait face à tous ses ressentis, toutes ses élucubrations philosophiques. On ne peut reprocher à l'auteur de ne pas avoir suffisamment creusé son personnage principal, physiquement aussi bien que psychologiquement.



Tout comme on ne peut lui reprocher d'avoir rendu Speranza bel et bien vivante, imposante. Au-delà des descriptions de son engencement, des différentes zones naturelles et de sa faune et sa flore, l'auteur lui octroie une âme, un corps et un genre aussi peut-on dire. Elle a sa place et son rôle à jouer dans l'évolution qui s'opère en Robinson.



La relation entre Robinson et Vendredi a également une grande part dans l'histoire. Il a été intéressant de voir les liens se transformer petit à petit. Car s'il y a en premier lieu un rapport de force entre eux, une relation maître/esclave, chacun sera l'égal de l'autre à la fin. On assiste dans cette relation à de mini-transformations, instillées au fil des pages, au fur et à mesure que l'état d'esprit de Robinson se transforme à son tour.



Un contexte et un environnement savamment bien décrits. Une dimension psychologique et des ressentis admirablement développés. Une intrigue très intéressante. Une plume agréable, fluide et travaillée. Et pourtant, qu'est-ce que ça peut traîner en longueur par moments ! Les spéculations philosophiques de Robinson ont plus d'une fois failli m'achever, aussi bien que l'inaction dans certains passages, qui peuvent durer sur plusieurs pages.



En enlevant la préface et la postface, le récit n'atteint pas les 240 pages, j'ai pourtant eu l'impression d'en avoir lu le double... Mais bon, malgré cette "mollesse" ressentie, j'ai tout de même réussi à apprécier ma lecture, grâce aux nombreux points positifs relevés plus haut.

Commenter  J’apprécie          5812
Sept contes

Que ma joie demeure :



Ce conte de Michel Tournier est tout simplement magnifique. Il relate l’histoire de Raphaël, jeune prodige du piano qui, pour vivre, accepte un numéro de clown. Il accompagnera, sous le nom de Bidoche, un autre clown, Bodruche. Son numéro est pour le moins surprenant : son piano explose de charcuteries en tous genres. Mais le final est grandiose !



Je trouve dommage que l’on ne retienne de Tournier que Vendredi ou les limbes du Pacifique (Vendredi ou la vie sauvage dans la version jeunesse), variante du Robinson Crusoé de Daniel Defoe. On ne parle que peu de ses autres oeuvres. Pourtant, son écriture est poétique, magistrale.



Lisez ce petit conte de 17 pages, vous en serez, j’en suis certaine, époustouflés.




Lien : https://promenadesculturelle..
Commenter  J’apprécie          572
Vendredi ou les limbes du Pacifique

Dans Vendredi ou les limbes du Pacifique, Michel Tournier nous invite à visiter ou revisiter le célèbre mythe littéraire de Robinson Crusoé, créé par Daniel Defoe, publié en 1719 et que j'avais lu il y a très longtemps.

C'est un mythe intemporel, inaltérable, mais ici vous l'aurez compris rien qu'au titre, deux cent cinquante ans après l'oeuvre originelle, Michel Tournier s'intéresse davantage au personnage de Vendredi...

Je vous fais grâce des premières scènes du naufrage, les premiers jours sur l'île, l'apprentissage d'une autre existence par Robinson, puis la rencontre de celui qu'il appellera Vendredi et les raisons pour lesquelles il lui choisit ce nom. Oh ben si, tiens, regardons un peu ce que Robinson écrit dans son journal à ce propos.

« Il fallait trouver un nom au nouveau venu. Je ne voulais pas lui donner un nom de chrétien avant qu'il ait mérité cette dignité. Un sauvage n'est pas un être humain à part entière. Je ne pouvais pas non plus décemment lui imposer un nom de chose, encore que c'eût été peut-être la solution de bon sens. Je crois avoir résolu assez élégamment ce dilemme en lui donnant le nom du jour de la semaine où je l'ai sauvé : Vendredi. Ce n'est ni un nom de personne, ni un nom commun, c'est à mi-chemin entre les deux, celui d'une entité à demi vivante, à demi abstraite, fortement marquée par son caractère temporel, fortuit et comme épisodique... »

On lit ici toute l'arrogance et le mépris de Robinson Crusoé, qui se définit sur son île comme une sorte de garant de la civilisation qu'il représente, à l'égard du « bon sauvage », mais en contrepoint on devine aussi toute l'ironie modante de Michel Tournier à l'encontre du comportement des hommes soi-disant civilisés...

À travers de très belles pages, Michel Tournier nous invite à une magnifique ode à l'altérité. C'est dans l'apprentissage de cette solitude que Robinson cerne à jamais en creux l'altérité qui imprègne l'humanité.

C'est aussi dans cet apprentissage qu'il faut désapprendre des gestes séculaires où l'altérité pesait comme une règle de vie.

Roman de l'apprentissage, de la métamorphose, roman de la transformation de Robinson. Vendredi ne serait rien sans Robinson, Robinson ne serait rien sans Vendredi, c'est l'altérité de l'un qui transforme l'autre dans une île qui est le creuset essentiel de ce récit.

J'ai aimé cette manière qu'a Michel Tournier de féminiser cette île, de lui donner un prénom de femme, Sperenza, de la sexualiser, puisque désormais Robinson est condamné à une forme de solitude extrême, dont cependant tout homme condamné à une telle réclusion solitaire et doté d'un poignet agile peut s'en contenter n'est-ce pas ? Mais rien ne remplacera l'être aimé. Et l'île devient cet être aimé, désiré, chéri...

C'est la promesse sauvage d'une île, immense et vierge... C'est la promesse d'une solitude, comme une épouse implacable. L'intimité la plus secrète de l'île devient un désir. Et l'île devient peu à peu une personne, d'une nature indiscutablement féminine, prête à répondre aux besoins nouveaux du coeur et de la chair de Robinson... Il s'éprend de cette île jusqu'à lui faire l'amour dans d'étreintes voluptueuses...

Et quand Vendredi débarque dans la vie de Robinson, c'est presque comme un intrus qui ferait irruption dans la vie intime d'un couple. Cela dit, pour Robinson c'est l'occasion rêvée de mettre en pratique la charte qu'il a rédigé quelques temps après son arrivée sur l'île ainsi que son code pénal particulier.

Vendredi devient alors autrui... C'est lui qui va achever la métamorphose commencée par Robinson, lui en révéler le sens. Vendredi est l'autrui qui dérange, donc totalement utile et nécessaire dans la métamorphose de Robinson, dans cette altérité retrouvée.

Michel Tournier fait de Vendredi un passeur et c'est beau.

L'île Speranza en deviendrait presque une amante délaissée, abandonnée, sauf qu'à la différence du Robinson de Daniel Defoe, celui de Michel Tournier voudra à jamais se fondre dans la plénitude solaire de son amante retrouvée.

Auteur d'un roman initiatique, Michel Tournier m'a invité dans cette inspiration magnifique à regarder l'humanité d'une tout autre manière.

Commenter  J’apprécie          5550
Le pied de la lettre : Trois cents mots pro..

J'entre chez Michel Tournier par Le pied de la lettre.

Ces trois cents mots propre réservent quelques belles surprises et certains sens perdus. Quelques-uns ont pris une voie contraires ou peuvent, parfois, signifier une chose et son contraire!

Que de mots, sur lesquels on butte ou que l'on ne voit plus!

Certains, de ces mots, possèdent le même graphisme calligraphié que ce qu'ils désignent! Locomotive, par exemple. Ça alors! C'est trop fort.

Étonnant petit manuel, que ce Folio-là, qui donne envie de retourner dare-dare explorer le dictionnaire... Le bon vieux dico qui recèle encore des trésors et des curiosités.

En plus, quelques mots...de l'auteur-Michel Tournier viennent agrémenter la promenade.

Un joli travail, en tout cas, et une jolie ballade pour moi en prélude à Vendredi.
Commenter  J’apprécie          522
Le Roi des Aulnes

Pour devenir le Roi, il aura fallu jeter une femme, une profession, une image sociale, et s’enfermer à l’écoute des élans profonds de son être. Retrouver la beauté qu’on espère. Tiffauges aperçoit le diamant pur, encore intact, dans l’âme et le corps de l’enfant.





On craindrait de se perdre dans cet idéalisme qui sonne creux mais le parcours de Tiffauges procède d’un accomplissement qui a tous les attributs du matérialisme. Sa conversion est progressive. Sans crise mystique, elle ne résulte pas d’une crise consciente mais d’une épreuve de vie lentement destructive, érodée jusqu’à ce que l’ultime goutte d’aigreur ne vienne faire déborder un vase prêt à rompre. La seconde guerre mondiale représente cette rupture avec le monde précédent et donne la possibilité à Tiffauges d’embrasser une nouvelle vie. La réalisation spirituelle s’accomplit par le biais d’un matérialisme entier fait de corps en chair et en os, d’animaux puissants et de viande crue, d’appétit orgiaque, de fleuves de laits, de petites têtes tondues et de théorisation sanguine. Comme l’écrit Michel Tournier lui-même, ce parcours se fait comprendre comme « la destruction de toute trace de civilisation chez un homme soumis à l’œuvre décapante d’une solitude inhumaine, la mise à nu des fondements de l’être et de la vie, puis sur cette table rase la création d’un monde nouveau sous forme d’essais, de coups de sonde, de découvertes, d’évidences et d’extases ».





La figure de saint Christophe, ce héros géant qui traversa une rivière en portant sur ses épaules un petit garçon -le Christ-, guide Tiffauges dans sa réalisation depuis sa rupture avec Rachel jusqu’à sa réalisation en tant que maître d’une Napola. Dans ces écoles paramilitaires du IIIe Reich destinées à la formation de jeunes garçons, Tiffauges apprendra qu’il ne s’était jamais connu jusqu’alors. Il n’était comme personne et il lui fallait connaître une vie comme aucune autre pour le savoir. Sa rupture avec Rachel, compagne à la fois tendre, brave et intelligente, figurait déjà l’instinct anticonformiste de Tiffauges. Ses illusions sur la sexualité et l’amour bourgeois étaient déjà mortes depuis longtemps mais il n’avait encore jamais réussi à en délaisser la pratique. Autre vie, autres mœurs. La guerre et le régime nazi lui font découvrir d’autres extases : l’alimentation crue, brute et animale, la défécation, la jouissance de se perdre jusqu’à se sentir soi, enfin la phorie. La phorie : porter littéralement et métaphoriquement, de jeunes garçons. Littéralement sur les épaules, se transformer en cheval vigoureux qui grise le cavalier. Métaphoriquement en maître, conduire le germe à son éclosion, l’enfant étant une promesse ouverte à une multitude de possibilités. En abandonnant la sexualité dans sa définition classique, Tiffauges découvre qu’il est possible de se lier plus authentiquement au monde. En vivant pour soi, rien que pour soi, sans femme qu’il faut aimer et dont il faut être aimé sous peine de perdre son sens, Tiffauges atteint la quintessence de la matière. A partir de là, la question de la révolution spirituelle ne se pose plus. Elle devient acte à son tour et nous convie à un banquet de belles chairs ondulantes, de reconnaissance pour la vie, de violence passionnée, rien qui ne contredira l’origine du nazisme mais tout qui condamnera la léthargie qui voulut s’y opposer, les compromis, et le sursaut alarmé.

Commenter  J’apprécie          510
Gilles & Jeanne

Quand Gilles de Rais rencontre Jeanne d’Arc, il n’est qu’un seigneur de province sans ambition, ni grande intelligence. « Il a immédiatement reconnu en elle tout ce qu’il aime, tout ce qu’il attend depuis toujours : un jeune garçon, un compagnon d’armes et de jeu, et en même temps une femme, et de surcroît une sainte nimbée de lumière. » (p. 11) Gilles met son bras et son courage au courage de la Pucelle et la mort tourmentée de celle-ci le transforme. Après trois ans de retraite dans ses domaines, terré comme une bête, il est devenu un monstre sanguinaire qui dévore et supplicie des enfants. « C’est si émouvant, un enfant qui souffre ! C’est si beau un petit corps ensanglanté, soulevé par les soupirs et les râles de l’agonie. » (p. 48) Effrayé par ce qu’il est devenu, il demande de l’aide à son confesseur, l’abbé Blanchet. En Toscane, l’abbé rencontre François Prélat, alchimiste persuadé de pouvoir sauver l’âme de Gilles grâce au feu. Hélas, le destin de l’ogre de Tiffauges est déjà tracé et sa légende est en marche.



Michel Tournier fait parler les silences de l’Histoire et tente de comprendre comment le compagnon de la pure Jeanne a pu devenir ce monstre de cruauté. La rencontre entre la pucelle et la bête est pétrie de contradictions, mais également d’évidences: ces deux-là étaient faits pour se connaître et se reconnaître et c’est peut-être la sainte qui a donné naissance au monstre.



En 1970, Michel Tournier écrivait Le roi des Aulnes : Abel Tiffauges y était un descendant direct de Gilles de Rais. Cette figure marque la mythologie de l’auteur. En 1983, en écrivant Gilles et Jeanne, il comble les blancs d’une histoire qui a nourri tant de contes et de légendes. Je ne me lasse pas du style de Michel Tournier, à la fois érudit et poétique.

Commenter  J’apprécie          500
Vendredi ou La Vie sauvage

C'est un livre de 1971 qui reprend le mythe de Robinson Crusoé et de Vendredi. S'atteler à un livre de genre n'est pas aisé, on risque la comparaison avec l'original, de Daniel Defoe (début 18ème). Michel Tournier adapte le récit, avec réussite , pour l'adresser aux jeunes lecteurs, à partir de 10 ans.

Il est donc plus court que l'original mais non moins intéressant pour les adultes. La lecture est fluide mais l'auteur ne fait pas l'impasse sur quelques termes de botanique et aborde les sujets complexes sur les différences entre les civilisations, la solitude, le temps et le rapport avec la nature.

C'est donc un livre très riche, un manuel très utile pour des adeptes de la survie en milieu non habité, humaniste et emprunt parfois d'une grande poésie qui m'a bien plu.
Commenter  J’apprécie          500
Vendredi ou les limbes du Pacifique

Troublant et magnifique voyage dans la transmutation d'un homme depuis sa vile condition matérielle jusqu'à la plénitude solaire de sa véritable nature.



Pour me soustraire aux bruits du monde, j'ai découvert avec ce riche roman un nouveau lieu de réclusion littéraire après La montagne magique de Thomas Mann : c'est l'île de Robinson, personnage central du livre, fouettée de vents purificateurs, gorgée de vie primale, de ressources inviolées, de terre féconde et de secrets ancestraux au fonds de ses grottes.

Le chemin est long et douloureux, sexe et mort s'imposent et se confondent pour Robinson qui viole la terre de l''île qui en retour le psychanalyse de force. On est loin de Vendredi ou la vie sauvage, la version pour enfants qui fit pourtant déjà tant rêver alors...



Terre d'exil et de découverte de soi, cette île magique agit comme une porte d'accès à la catharsis, pour peu qu'à l'instar de Robinson on se dépouille, aidé de Vendredi, de ses oripeaux sociaux et matériels, et que l'on abandonne sa volonté de contrôle pour parvenir à un état de quasi divinité solaire. Et à la paix absolue des dernières pages du roman.

Incontournable!
Commenter  J’apprécie          480
Les météores

Une nouvelle fois, Tournier entreprend de revisiter les mythes..



Lu il y a bien longtemps, les Météores me laissent un souvenir puissant et sulfureux: l'amour gémellaire et l'ordure sont les deux images fortes qui demeurent.



Pour Tournier, il n'y a qu'un seul amour heureux, l'amour de soi, ou plutôt de cet autre soi, de ce double que , depuis Platon, l'homme (ou la femme) pleure de retrouver. Seuls les jumeaux, fils de Castor et Pollux, les Météores, ont à portée de main ce double parfait à aimer...ou à détruire par dévoration.



Il existe d'autres variantes , moins absolues, de ce solipsisme amoureux, et l'homosexualité latente dans chaque livre de Tournier, de Vendredi au Roi des Aulnes, en est une variante.



L'oncle des jumeaux en est ici l'illustration: cet homosexuel triomphant règne sur le champ des déjections et déchets de Marseille; moderne alchimiste, il tire de l'or de l'ordure. Tandis que s'amoncellent les immondices putrides et magnifiques d'une société qui ne veut pas voir les traces qu'elle laisse, lui,comme un voyeur, décrypte son âme en interrogeant ce qu'elle rejette.



Les jumeaux se lancent dans une course-poursuite autour du monde à la recherche de leur moitié idéale, comme l'androgyne de Platon, et l'oncle est encerclé par l'incendie apocalyptique du champ d'immondices, les images et les signes stellaires ou telluriques se répondent et comme toujours chez Tournier, en marge d'un récit passionnant, nous marchons" à travers une forêt de symboles qui (nous) observent avec des regards familiers"...



Moins politique que Le Roi des Aulnes, moins familier que Vendredi, Les Météores sont un des grands textes de Tournier, à décrypter, à scruter, à interroger sans cesse..
Commenter  J’apprécie          486
Jardins de curé

Tournier reste Tournier…

Qu’il évoque Gilles de Retz, Le Roi des aulnes, Robinson Crusoé, ou son jardin, sa prose reste d’une grande qualité et d’une puissance évocatrice sans limite.

Michel Tournier nous parle ici des jardins de curé, de son propre jardin ; lui qui a pris soin de celui d’un ancien presbytère de la vallée de Chevreuse qu’il a habité pendant plus de trente ans…



« Il est impossible d’évoquer un jardin de curé sans l’ombre portée par l’église et le cimetière.»

Tout Michel Tournier vit dans cette sentence : on y trouve sans trop d’effort l’évocation du Paradis, voir du Paradou de « La faute de l’abbé Mouret », un de mes romans préférés du grand Zola ; on y trouve la référence symbolique du clocher, dressé vers l’immense, spirituel ; et l’éternel questionnement sur la mort qui transparait dans toute l’œuvre du maitre du « mythe revisité ».



Un beau texte de Michel Tournier, suivi d’un « recensement » par Georges Herscher de quelques jardins de curé plus ou moins remarquables et pas toujours visitables… Le texte perd de sa valeur littéraire du à la nécessité d’inventaire. Restent de magnifiques photos et gravures anciennes, notamment de fruits et de fleurs.



Bref. Un livre qui fut mon livre de chevet pendant un certain temps, pour ne pas dire un temps certain : au hasard de l’humeur avant de dormir, un petit morceau de Tournier, lu et relu, une promenade dans un jardin…

Rêves…

Commenter  J’apprécie          475
Vendredi ou les limbes du Pacifique

Dans ce roman - dont j'avais lu une première approche avec Vendredi ou la vie sauvage, adaptation pour enfants de ce texte - Michel Tournier revisite le Robinson Crusoe de Defoe. Mais si l'intrigue est la même - Robinson se retrouve seul survivant d'un naufrage sur une île déserte où il doit survivre avec ses seules ressources, avant de trouver un compagnon, Vendredi, et d'être sauvé par un navire de passage - le point de vue est totalement différent. Michel Tournier explore les implications intimes et psychologiques de la solitude, chez un homme entiérement livré à lui même. Après l'espoir d'être sauvé, le renoncement et la tentation de l'animalité, Robinson reconstruit, jusqu'à l'absurde, une société ordonnée et policée, dans un espace sans société. Un enfermement qui vole en éclat sous l'impulsion de Vendredi, d'abord vu comme un sauvage à civiliser, avant de devenir celui par qui Robinson acceptera sa propre personne. D'une très grande richesse d'analyse et d'écriture, ce livre est à lire et à relire, pour la beauté des images, la richesse des symboles (ah, la harpe éolienne) et la profondeur de la réflexion sur le psychisme humain. Un classique du 20e siècle.
Commenter  J’apprécie          460




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Michel Tournier Voir plus

Quiz Voir plus

vendredi ou la vie sauvage

qui est le personnage principal

vendredi
robinsson
dimanche
samedi

4 questions
417 lecteurs ont répondu
Thème : Vendredi ou La Vie sauvage de Michel TournierCréer un quiz sur cet auteur

{* *}