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Critiques de Milan Kundera (977)
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Quatre-vingt-neuf mots / Prague, poème qui di..

« De l’esquisse à l’œuvre, le chemin se fait à genoux. » (Vladimír Holan)



Milan Kundera nous a quittés en juillet 2023. Exilé en France en 1975 après avoir été censuré et exclu du Parti communiste tchécoslovaque en 1979, il est déchu de sa nationalité tchèque, qui lui sera restituée en 2019.

Il ne voulait pas considérer son séjour en France comme un exil. Il voulait s’intégrer complètement dans la société et le milieu culturel français, où il a d’ailleurs été très honoré dès le début de son exil, et a eu rapidement un succès littéraire.

Il ne voulait pas jouer sur deux plans, tchèque-français, français-tchèque.

Les textes qu’il écrira en français, Kundera refusera de les faire traduire en tchèque, au grand regret de ce lectorat pour lequel ces ouvrages resteront inaccessibles. C’est une décision qui sera très impopulaire en Tchéquie, compliquant les rapports de l’écrivain avec les milieux culturels tchèques !

Milan Jungmann, un de ses amis, qui était lui-même dissident, a dans son texte « Les paradoxes de Milan Kundera » essayé de montrer que MK a changé en France, qu’il a effacé une partie de son existence tchèque pour plaire aux Français, comme il dit, pour se montrer un homme beaucoup plus intègre que comme on le voyait en Tchécoslovaquie à l’époque. Ce texte a beaucoup blessé Kundera, qui a pu prendre connaissance de ces mots traduits en français et publiés en France dans la revue « La Nouvelle alternative ».



Si Milan Kundera a écrit ses premiers livres en tchèque, c’est à partir de 1993, qu’il utilisera exclusivement le français. Les raisons de ce changement radical de choix de langue d’écriture sont largement abordées dans ce livre, qui explique les nombreux déboires que MK a rencontrés avec les traductions qui étaient faites de ses textes, les traducteurs se permettant de réécrire pratiquement ses romans en changeant complètement son style, coupant des passages réflexifs, changeant l’ordre des parties, etc.

Par exemple, pour traduire en anglais, le traducteur, en voulant faire un bon texte anglais, s’efforçait d’oublier que le texte n’était pas le sien, tâchait de penser, de sentir, d’imaginer à sa place ! Pour se détendre, il ajoutait partout au moins un petit mot de son cru ! Il renversait systématiquement sa syntaxe !

Kundera n’était pas seulement un romancier, mais également l’auteur de nombreux textes sur l’Europe centrale et sur l’art du roman, ce qui est d’ailleurs le titre de l’un de ses essais.

La partie essayiste de son oeuvre s’intègre dans ses romans. Dans ses essais, il y a une partie de roman, et dans ses romans, il y a une partie d’essai. Ces essais sont différents articles publiés dans la presse et qu’il a réussi par la suite à rassembler et qui sont aussi des réflexions sur son propre roman.

A travers ses essais, il semble essayer de légitimer son rôle de romancier.

Les Editions Gallimard ont choisi de publier ce nouveau livre en septembre 2023, qui présente deux textes très personnels de Kundera, qui ont initialement paru dans « Le Débat », une revue intellectuelle française fondée en 1980 par l'historien Pierre Nora.

Un jour, Pierre Nora a dit à Kundera : « En relisant toutes tes traductions, il t’a fallu bien réfléchir sur chaque mot. Pourquoi n’écrirais-tu pas ton dictionnaire personnel ? Tes mots clés, tes mots pièges, tes mots d’amour ? » et cette idée l’a passionné !

Ce fut donc l’élément déclencheur qui motiva Kundera à écrire le 1er des deux textes de ce livre, intitulé « Quatre-vingt-neuf mots », publié en 1985.

Il s’agit d’un dictionnaire individuel qui exprime bien la quintessence de la personnalité de Kundera, qui était fortement attaché à l’exactitude du sens des mots, lui qui avait l’horreur de la déformation de sa pensée, de ses propos, des mots qu’il prononçait. Il avait compris que le journalisme, de nos jours, a tendance à embellir, à simplifier, à couper certains propos, et il a donc décidé à partir de ce moment de ne plus accorder d’interviews.

Pour exemple, un jour il avait été interviewé par un journaliste, et lorsqu’il a lu l’interview dans la presse, il s’est rendu compte que le journaliste avait complètement déformé ses propos et qu’il avait écrit ce qu’il pensait pouvoir mieux expliquer aux Français et faire plaire.

Alors Kundera s’est senti complètement trahi parce qu’il tenait toujours énormément à l’exactitude et à la justesse du sens des mots qu’il choisissait dans ses propos.



« Quatre-vingt-neuf mots » a été publié plusieurs fois et réécrit. C’est un texte intéressant dans lequel Kundera explique à partir de chaque notion chaque mot concret, en définissant ce que cela signifie. Il définit de nombreux mots qu’il a choisis en citant des passages de ses nombreux romans, comme par exemple pour « Être » : « La mort a un double aspect : elle est non-être. Mais elle est aussi l’être, l’être affreusement matériel du cadavre ». (Le livre du rire et de l’oubli). Et encore, pour « Trahir » : « Mais qu’est-ce que trahir ? Trahir, c’est sortir du rang. Trahir, c’est sortir du rang et partir dans l’inconnu. Sabina ne connaît rien de plus beau que de partir dans l’inconnu » (L’insoutenable Légèreté de l’être).

Pour définir un mot à sa façon, parfois MK s’attarde sur la beauté que lui évoque la sonorité du dit mot, comme pour « Oisiveté » : « La mère de tous les vices. Tant pis si, en français, la sonorité de ce mot me paraît tellement séduisante. C’est grâce à l’association co-résonnante : l’oiseau d’été de l’oisiveté. »

Et pour le mot « Sempiternel » (une de celles que j’ai aimée entre toutes) :

« Aucune autre langue ne connaît de mot comme celui-ci, si désinvolte à l’égard de l’éternité. Les associations co-résonnantes : s’apitoyer – pitre – piteux – terne – éternel ; le pitre s’apitoyant sur le si terne éternel. » !



Le 2e texte de ce livre est intitulé « Prague, poème qui disparaît ». C’est un texte très émouvant et superbe, paru en 1980. Il suffit de le lire pour comprendre ce qu’il représentait pour lui. C’est le bouillon de culture dont il sort et qui a nourri la spécificité de son œuvre qu’il expose. C’est la richesse d’une culture née dans une « petite nation », mais dont la portée est universelle.

« Il me semble que la culture européenne connue recèle encore une autre culture inconnue, celles des petites nations aux langues bizarres, celle des Polonais, des Tchèques, des Catalans, des Danois. On suppose que les petits sont nécessairement les imitateurs des grands. C’est une illusion. Ils sont même très différents. »

On y trouve avec une nostalgie angoissée, la double condamnation de la

« civilisation soviétique » qui a étouffé et persécuté cette culture, et de l’Europe occidentale qui ne sait pas la reconnaître, ni même la connaître.

« Prague, ce centre dramatique et douloureux du destin occidental, s’éloigne lentement dans les brumes de l’Europe de l’Est à laquelle elle n’a jamais appartenu. »

Kundera ne situe pas la Tchécoslovaquie à l’est. C’est après 1 000 ans d’une histoire qui fut occidentale, que la Tchécoslovaquie est devenue, avec le fameux Coup de Prague, un pays de l’Est.

Prague a été la première ville universitaire à l’est du Rhin, ville capitale du baroque et de ses folies, qui a en 1968 vainement essayé d’occidentaliser le socialisme importé du froid.

Kundera nous peint un riche tableau de la culture tchèque avec ses hommes de lettres et ses musiciens. Il explique comment la culture tchèque a été maintes fois bafouée au cours de l’Histoire, mais que cette culture a su résister envers et contre tout et que des chocs multiples qu’elle a connus, sont nés toute une pléiade d’œuvres, un théâtre, un cinéma, une littérature, toute une pensée, tout un humour, toute une expérience intellectuelle unique.

Quand il écrit « Prague, poème qui disparaît » en 1980, il regrette que l’Occident n’ait pas su comprendre à temps le sens de l’explosion créatrice des années 60.

« Un rideau d’incompréhension occidentale a doublé le rideau de fer soviétique. L’invasion russe de 1968 a balayé la génération des années soixante, et, avec elle, toute la culture moderne qui l’a précédée. Nos livres sont enfermés dans les mêmes caves que ceux de Franz Kafka ou des surréalistes tchèques. Les vivants rendus morts sont côte à côte avec les morts rendus doublement morts. Qu’on le comprenne enfin : ce ne sont pas seulement les droits de l’homme, la démocratie, la justice, etc., qui n’existent plus à Prague. C’est toute une grande culture qui est aujourd’hui

-comme une feuille de papier en flammes

où disparaît le poème – (Vítězslav Nezval, La Femme au pluriel.)



Ce livre est intéressant à plusieurs titres. Il est rempli de riches réflexions de l’auteur et de nombreuses citations de différents écrivains tels que Čapek, Nabokov, Faulkner, Italo Calvino, Musil, Broch, etc. Il apporte un bon éclairage sur la personnalité et le travail de Kundera, sur ses intentions, ses pensées, son caractère. Grâce à cette lecture, on comprend mieux l’homme-écrivain, qui avait besoin de se mettre à l’abri des excès de la médiatisation, pour se concentrer dans le calme sur son travail, lui qui a souvent condamné les excès des mass-médias et ne supportait pas l’irrespect.

Ce livre est certainement la meilleure des introductions à l’univers romanesque de Milan Kundera, avec son ironie ravageuse et sa subtilité de jugement.

Il est certainement un bon complément de son essai « L’art du roman », paru en 1995.

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L'insoutenable légèreté de l'être

Quel plaisir immense ai-je éprouvé à la relecture de ce chef-d’œuvre!

Roman des amours déçues dans mes souvenirs de jeunesse, j'en ai apprécié davantage cette fois-ci la dimension politique, philosophique et existentielle.

Evidemment, légèreté et pesanteur sont au cœur des questionnements des personnages, chacun incarnant tour à tour l'une ou l'autre des tendances dans leurs tempéraments, leurs choix, leurs rêves.

Mais au-delà de cette dichotomie qui traverse de nos existences, je garde précieusement le souvenir des rêves de Tereza, des déchirures des tableaux de Sabina, l'amour désintéressé de Karenine, les illusions perdues de Franz et puis l'écriture de Kundera évidemment.

Ironique, désespéré, tranchant quand il évoque le Printemps de Prague et l'invasion russe, l'écrivain sait aussi susciter l'émotion, et nous invite à réfléchir son époque, et notre vie.

Moi qui relis très peu, j'ai adoré éprouver combien ma perception de ce roman avait évolué, et j'ai encore plus aimé ce roman à la seconde lecture.
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La plaisanterie

Milan Kundera, c'est les montagnes russes. Après une lecture émerveillée de « L'insoutenable légèreté de l'être », je me suis très copieusement ennuyée avec « La plaisanterie » : lent, long, lourd, des personnages comme vus de loin. Il y a de très beaux passages, mais noyés dans une narration bavarde, remplie de considérations hors sujet, mais finalement, c'est l'auteur qui décide.

J'ai à peine refermé le livre que se forme déjà à son propos une masse confuse de souvenirs en voie d'effilochage.

Je retiendrai quand même de magnifiques réflexions sur la quasi impossibilité de résister à la pensée unique, sur l'amour, sur la part irréductible de rêve que chacun porte en soi, à l'abri des regards. Sur la vengeance qui est vaine, puisque "tout sera oublié et rien ne sera réparé". Et sur la déception aussi : tout le monde est toujours déçu : de soi, des autres, du Parti, de la vie qui n'en a cure et continue jusqu'au bout, quoi qu'il en coûte, jusqu'à l'extinction finale.



Tout cela aurait gagné à être plus bref, mais je ne capitulerai pas si vite : j'ai déjà commencé"Le rideau", essai littéraire du même auteur, et j'en ai d'autres en attente.

...

Et tant pis si je ne comprends manifestement pas bien « La plaisanterie »



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La valse aux adieux

Très bonne intrigue et réflexion sur la séparation, liée à la mort, à la naissance, à la renaissance, et à la mort avant la naissance (avortement). Tous les aspects sont traités et s'imbriquent à la perfection par le jeu des histoires personnelles de chaque personnage. Du grand art signé Kundera.
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L'insoutenable légèreté de l'être



En ouvrant ce roman, je savais que je n’allais pas en sortir indemne, et ce fut le cas : je suis définitivement convaincue que c’est mon livre préféré de 2023, et l’année ne vient que de commencer.



La façon dont aborde Kundera la philosophie est d’une beauté exquise : il dépeint le portrait de plusieurs personnages, dont on finit par s’attacher au fur et à mesure du roman. Même si je n’étais pas toujours d’accord avec tout ce qui était dit, je l’ai néanmoins compris.



Je ne peux que recommencer de merveilleux livre.

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L'insoutenable légèreté de l'être

C'est une oeuvre bien plus intelligente que moi. J'ai été dépassé par cette peinture fine et décortiquée de nos sentiments humains. Roman, essai, texte philosophique, il m'est difficile de qualifier ce que je viens de lire. Parfois vertigineux de justesse, parfois trop difficile à comprendre pour moi. Je m'incline devant ce que je perçois de grandeur dans ces quelques 200 pages. A relire, un jour, plus tard, plus sage, plus patient.
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L'Identité

Je relis l'ensemble de l'oeuvre de Kundera, un des mes auteurs vivants préférés.



L’identité est un court roman écrit par Kundera en Français en 1997, dans une langue simple et claire, mais qui explore, selon moi, au travers d'un bouleversant dialogue amoureux, et de façon subtile et dérangeante, plusieurs questions:



- est-ce que celle ou celui que j'aime est tel que je le perçois, le ressens, l'imagine? Est-ce que je le connais vraiment? Est-il pour d'autres, différent de ce que je le perçois, leur montre-t-il un autre visage?



- et quand je vieillis, est-ce que les autres, l'être aimé avec qui je vis, mes amis, tous les autres, me voient comme je pense que je suis, que j'étais?



- et que viennent faire nos rêves dans tout cela? Quels sens ont-ils?

"Nous sommes de l'étoffe dont sont faits les rêves et notre petite vie est entourée de sommeil" écrit Shakespeare dans La Tempête. Ce roman en est une belle et surprenante illustration. L'auteur, tel Prospero, nous mène, nous manipule ainsi à la frontière entre rêve et réalité. La belle-soeur honnie et avec laquelle Chantal a rompu, fera d'abord intrusion dans un rêve, puis apparaîtra un jour dans son appartement; le dépit de Chantal de n'être plus désirable, et la volonté de Jean-Marc de lui montrer qu'elle l'est, prendront les chemins surprenants des songes....ou pas?



Kundera décline ici, avec beaucoup d'humanité, et sur fond d'un bouleversant questionnement amoureux, un thème qui lui est cher, l'incommunicabilité entre les êtres, liée à la difficulté, pour chacun, de percevoir la réalité dans sa totalité
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L'Immortalité

Ce livre est miraculeux. Il devrait être ennuyeux et il est passionnant. C’est une sorte de Nouveau roman réussi – une gageure ! Ou, pour employer une autre image, ce serait un film de Godard, mais lui aussi réussi ! La chronologie est déconstruite, l’histoire se mêle à la façon dont elle est écrite, on a à la fois le roman et le laboratoire du roman dans un jeu vertigineux sur les niveaux de fiction. Cela permet à l’auteur d’instiller dans son texte des maximes et des réflexions générales sans qu’elles soient déplacées. Et de nous donner en même temps qu’un roman son art du roman. Et c’est fait de façon magistrale, avec un vrai souffle – celui qu’on trouve dans les grands textes de Giono, chez Knut Hamsun, dans Le Sang noir… : un souffle divin.
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L'insoutenable légèreté de l'être

Comment parler d'un tel livre? L'insoutenable légèreté de l'être est une pure merveille, un enchantement de chaque page. C'est aussi un livre difficile à résumer. S'il s'agit bien d'un roman, Milan Kundera fait également de fréquentes incursions dans les domaines de la psychanalyse et de la philosophie, le tout avec une très grande légèreté. De plus, le roman n'est pas linéaire : l'auteur fait de fréquents allers-retours et certains évènements sont racontés dans des chapitres séparés du point de vue de vue des différents protagonistes.



Le roman s'ouvre sur la théorie de l'éternel retour développée par Nietzsche et sur l'idée que le propre de toute vie humaine est de n'avoir l'opportunité de vivre chaque évènement qu'une seule fois. L'ensemble du roman est d'ailleurs sous-tendu par cette idée : on ne vit chaque chose qu'une seule fois et le roman serait une possibilité pour son auteur d'explorer différentes options.



Lorsqu'on fait connaissance avec Thomas et Tereza au début du roman, on ressent peu d'empathie, l'un semblant n'être qu'un séducteur pathologique, tandis que l'autre paraît subir sa vie, et être accrochée à un homme qui ne la respecte pas. Puis, progressivement cette perception change. On comprend qu'ils choisissent bien plus leur vie qu'ils ne la subissent, et au lieu d'incarner des stéréotypes, ils nous apparaissent dans leur singularité, en tant que personne et en tant que couple.



Enfin, Milan Kundera est extrêmement juste lorsqu'il décrit le régime communiste et les répressions qui ont eu lieu suite au printemps de Prague. C'est un roman d'une totale modernité, d'une très grande justesse et d'une qualité littéraire quasiment insoutenable de beauté.
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Le Rideau

J'ai été réellement captivée par cet essai. En général, lorsque je lis un roman, et que je m'en fais le débriefing, je ne me la joue pas intello littéraire que je ne suis pas et que je ne cherche pas à être. Pas d'analyse du style, de la composition, encore moins de recherche de paternité, de courant, de question de temporalité, de ci ou ça… bref je ne suis pas une théoricienne, et encore moins une historienne de la littérature, pour quoi faire d'ailleurs ?



Et vlan voilà le Milan qui vient s'en mêler, hop ! hop ! Il faudrait peut-être y regarder d'un peu plus près mamie, et qui m'embarque dans un atelier, tire le rideau, et patatras, tout le confort de mon ignorance qui s'envole. le pire c'est que j'ai tout de suite compris que c'était irréversible.



Pensez donc, un Milan qui réussit à vous faire, avec une petite centaine de pages, préférer en priorité la relecture de Bouvard et Pécuchet à celle de ses propres livres encore dans ma pal, à me faire regretter d'avoir dédaigné les vieilles éditions de Rabelais dans la biblio de mon père et me faire aimer encore davantage Cervantès…. Il est fort.



Il nous dit que l'insignifiance est le propre de la nature humaine : « L'un de nos plus grands problèmes n'est-il pas l'insignifiance ? N'est-ce pas elle notre sort ? Et si oui, ce sort est-il notre chance ou notre malheur ? »

J'étais une lectrice insignifiante et, par chance, j'ai pris une claque que j'aurais préféré recevoir plus tôt, mais il n'est jamais trop tard pour recevoir une leçon. Après cette lecture, il me semble que je ne pourrai plus lire de roman avec la même désinvolture ou plutôt que je ne pourrai plus me contenter de subir sa magie narrative.

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L'insoutenable légèreté de l'être

Il est toujours difficile de critiquer un monument. Et Kundera en est un. Pour être honnête, je ne l'avais encore jamais lu. J'ai bien croisé moult fois son nom sur les bancs de la fac mais je ne m'étais jamais collée au bonhomme. Je savais pourtant qu'il y avait là quelque chose de l'ordre du solennel.



L'insoutenable légèreté de l'être ne raconte absolument rien. Selon Flaubert, c'est le cas des meilleurs romans. Simplement, c'est l'histoire de deux couples atteints de l'infidélitéïte aiguë. Chacun avec son histoire et ses démons. C'est un récit fait pour être le scénario d'un film français. Si vous n'aimez pas le cinéma aux longues séquences immobiles, passez votre chemin.



Certains passages relèvent simplement du génie : en quelques pages à peine Kundera nous explique comment et pourquoi notre existence équivaut à de la merde ou au kitsch. Il décortique des passions délétères en un tournemain. Il éviscère tous les regards et dégoupille les espoirs, un par un. le style est cinglant, ce qu'il faut de poétique associé à la rigueur du raisonnement philosophique ; il est toujours juste, souvent drôle.



Un roman méditatif, donc, qu'il convient de lire dans une période où vous êtes en quête de silence.
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Les Testaments trahis

Quand Milan Kundera, le plus français des romanciers tchèques, parle de littérature et des poètes, écrivains et musiciens qu'il aime cela donne un recueil de textes très intéressant "les testaments trahis".

Cet essai a quelque chose d'une analyse philosophico-politico-culturelle sur l'art d'écrire et ce n'est pas pour me déplaire. Si on retrouve les thèmes chers à Kundera, comme le totalitarisme ou la mémoire, c'est d'abord un bel hommage aux hommes (peu de femmes sont évoquées) et à la pensée romanesque.

Kundera se rappelle ses lectures et ce qu'elles évoquent pour lui : Rabelais et l'essence de l'humour, Kafka et le comique de la sexualité, Nietzche et la façon de philosopher, Maïakovski et le brouillard propre à la condition humaine, la main tendue d'Aragon, Céline et le savoir existentiel, Tolstoï et l'histoire, Stravinsky et Beckett et le respect de l'auteur... et plus encore.

Quel beau programme sur ce que nous ont transmis de grandes figures de la culture !



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La fête de l'insignifiance

Pénétrer dans l'univers de Milan Kundera avec " La fête de l'insignifiance" n'était vraiment pas une bonne idée !! Je referme ce court roman (est-ce vraiment une oeuvre romanesque ? ) assez déconfite.

Quatre hommes se croisent , des points communs entre eux à part leur relaton amicale , pour certains l'âge, pour d'autres l'absence de la mère.. Que recherchent ils ? Est- ce la bonne humeur ? Je ne sais s'ils y arrivent au bout du compte mais moi je ne l'ai pas trouvée ! Pas de quoi rire plutôt de quoi pleurer . Est -ce vraiment cela la morale de cette histoire ? Toute vie humaine n'est elle que vent, vanité, chimère bref n'est elle pas qu'insignifiance ?
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La plaisanterie

« L'optimisme est l'opium du genre humain ! L'esprit sain pue la connerie. Vive Trotski ! » : c'est la première plaisanterie de Ludvik, étudiant et militant communiste qui lui vaut d'être exclu du Parti Communiste à l'unanimité.

ette sinistre plaisanterie provoquera des situations qui ponctueront le reste de sa vie : exclusion de l'université, travaux forcés dans les mines, rencontres, vengeance échouée…

Ponctuée d'un zeste de traditions moraves, ‘La Plaisanterie' montre avec humour (noir) le non-sens de la vie, le poids de l'Histoire à l'insu de chacun, l'absurdité de la dictature communiste et l'illusion de la vengeance.

Ce roman est construit en tiroirs, montrant ainsi la vision et les pensées des personnages essentiels rencontrés par Ludvik.

Finalement, seules importent la vision et l'introspection de chaque individu…


Lien : https://boulimielitteraire.w..
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L'ignorance

Magnifique roman, vraiment, intense, ciblé, signé d'une plume incomparable!

Les questions du déracinement, de la mémoire, de l'attente, et de la fraternité y sont traitées avec un style très abordable, faisant des détours par la musique, la peinture, l'écriture et une revisite du mythe d'Ulysse très juste sous la lumière de nos sociétés, un regard perçant sur la politique qui a défiguré la République Tchèque...

A lire donc, à relire aussi!
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La fête de l'insignifiance

Retrouver Kundera, ses mots, son espièglerie, sa façon de déconcerter le lecteur.. Quel plaisir. Il parvient à manipuler l'absurde, l'humour, la nature humaine et la sagesse. J'aime.

"L'insignifiance, mon ami, c'est l'essence de l'existence. Elle est avec nous partout et toujours....mais il ne s'agit pas seulement de la reconnaître, il faut l'aimer, l'insignifiance, il faut apprendre à l'aimer...."
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L'insoutenable légèreté de l'être

Le titre



Un oxymore! Soit le rapprochement de deux termes au sens éloigné. De quoi attirer les curieux! Et puis, la légèreté de l'être, pour tout qui a déjà pu l'éprouver a quelque chose de grisant, non? Bref, on a envie de savoir ce qui se cache derrière ce titre... Et on fonce lire le quatrième de couverture. (wouah la transition ici ^^)





Le quatrième de couverture



"Qu'est-il resté des agonisants du Cambodge? Une grande photo de la star américaine tenant dans ses bras un enfant jaune. Qu'est-il resté de Tomas? Une inscription: Il voulait le Royaume de Dieu sur la terre. Qu'est-il resté de Beethoven? Un homme morose à l'invraisemblable crinière qui prononce d'une voix sombre: Es muss sein! Qu'est-il resté de Franz? Une inscription: Après un long égarement, le retour. Et ainsi de suite, et ainsi de suite. Avant d'être oubliés, nous serons changés en kitsch. Le kitsch, c'est la station de correspondance entre l'être et l'oubli."





La couverture



Sur l'édition que je possède, il s'agit d'une oeuvre de Picasso: Portrait de jeune fille. Bien sûr, je me suis renseignée sur ce tableau et le site du Centre Pompidou m'apprend qu'il a été peint en 1914 et qu'il représente Eva Gouel, la compagne de Picasso à l'époque et dont il était très épris. Le problème, c'est que, sous ce titre, j'ai trouvé une autre oeuvre, du coup je suis toute perdue. Je ne connais absolument pas le travail de Picasso. Si un curieux veut éclairer nos lanternes, qu'il laisse un commentaire ci-dessous *bouteille à la mer*





L'histoire



Nous suivons la vie, les réflexions personnelles, les sentiments intimes de quatre personnages, principalement à Prague dans les années 1960-1970:



- Tomas, médecin aux prises avec le régime communiste, amoureux de Tereza à qui il est incapable de rester fidèle physiquement plus d'une semaine d'affilée.



- Tereza, amoureuse de Tomas, elle ne partage pas son besoin de libertinage et ses nuits s'en trouvent hantées par la jalousie qu'elle tente de refouler la journée.



- Sabina, artiste-peintre, maîtresse au long cours de Tomas qui jamais ne se pose, prise dans une sorte de fuite en avant, cherchant une forme de griserie dans l'extrême et insoutenable légèreté de l'être.



- Franz, marié, que dis-je, enchaîné à une psychologiquement immonde Marie-Claude, amant et amoureux de Sabina devant l'Eternel.



Le livre est difficile à résumer tant on voyage entre différents pôles:



- les quatre héros,



- l'amour, la philosophie et la politique,



- l'âme et le corps,



- les sentiments intimes et les faits.





Mais on ne se perd pas pour autant, l'auteur a ce talent là, c'est indéniable. Il intervient également en son nom en cours de récit, le plus naturellement du monde il nous donnes des précisions sur ses personnages. J'ai beaucoup aimé le procédé car ses interventions se fondent parfaitement dans le récit, sans couper brusquement l'intrigue.



Tereza représente la pesanteur, Sabina la légèreté extrême. Ni l'une ni l'autre n'est réellement heureuse ou apaisée d'après moi. Du moins, c'est ma lecture. Ni l'une ni l'autre ne parvient à atteindre l'équilibre. Tomas et Franz ne sont pas plus apaisés non plus car ils subissent aussi tous les deux ce qu'ils sont sans en jouir réellement, mais là aussi il s'agit de ma propre lecture. L'insoutenable légèreté de l'être est une oeuvre initiatique, philosophique, qui nous renvoie chacun à nous-mêmes, à nos propres sentiments, il doit y en avoir autant de lectures que de lecteurs...



Je pense que ce livre, soit on s'y accroche et il nous fait planer, soit il nous tombe des mains. Vous aurez compris que, personnellement, il m'a fait planer. Les sentiments des personnages m'ont bouleversé, je pense qu'ils m'ont tous parlé car, à eux quatre, ils rassemblent sans doute la complexité qui peut traverser un seul être. J'ai préféré la liberté de Sabina à l'enfermement de Tereza, mais avec ce regret pour elle qu'elle ne puisse trouver la légèreté sans le côté insoutenable et qu'elle ne puisse se poser sur le long terme auprès d'un ou plusieurs hommes. Une autre force de l'histoire réside sans doute dans le fait que je n'ai pas pris parti, je n'ai pas jugé, pas donné tort ou raison, mais accepté chaque personnage comme il était, dans toute sa singularité. Il n'y a pas des personnages qui ont raison ou tort, il y a des personnages avec leurs singularités et qui font de leur mieux pour faire avec.



S'il fallait résumer le message du livre, c'est peut-être que la vie est un paradoxe. Mais également qu'elle est question de choix... Ce livre m'a en tous les cas plongée dans une abîme de réflexions et d'introspection et je pense que je le relirai rien que pour cet aspect-là.



Retrouvez l'intégralité de l'article sur www.mesmotsenblog.blogspot.be
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L'insoutenable légèreté de l'être

J'avais déjà lu ce livre il y a environ 25 ans. J'en avais un excellent souvenir sans toutefois me rappeler les détails.

Je redécouvre donc les personnages : Franz, Sabina, Tomas, Tereza avec beaucoup de bonheur ; le contexte de la guerre froide (seulement un prétexte), les questionnements philosophiques de Milan Kundera (l'auteur).



Et je trouve toujours ce livre excellent, passant de scènes d'instant de vie à des questions fondamentales pour l'homme, mais avec harmonie.

Ce livre est beaucoup plus 'léger' que La Plaisanterie et je le recommande à tous ceux qui veulent découvrir Kundera.
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La plaisanterie

La plaisanterie était ma première lecture d'un roman de Kundera... Non, je n'ai pas encore lu L'Insoutenable légèreté de l'être ! J'aurai donc commencé par son premier roman. Publié en 1967, juste avant le Printemps de Prague, plusieurs y ont vu un roman essentiellement politique. Évidemment, l'histoire, racontée par plusieurs intervenants sur un mode polyphonique, se déroule de l'après-guerre jusqu'à la période précédant immédiatement les événements de 1968 en Tchécoslovaquie, la tentative de libéralisation fortement réprimée par l'U.R.S.S. Si le régime alors en force constitue un cadre incontournable, il ne m'est pas apparu fonder l'essence même de ce qui est ici narré et exposé. Enfin, c'est ma lecture...



J'y ai vu l'histoire d'une déchéance, d'un destin qui s'est faufilé derrière les rideaux de la scène avant qu'elle ne se joue, d'amours déçus, d'amours trahis, d'illusions perdues, l'histoire d'une réalité qui ne se laisse pas saisir, d'une vie détruite à partir de quelques mots. C'est, principalement, l'histoire de Ludvik Jahn, un jeune étudiant communiste, bien vu du système, qui, à vouloir se moquer en utilisant le second degré dans une carte postale, devient un ennemi du régime et sa vie est bouleversée. Il est relégué aux mines et au camp de redressement. Les personnages doutent, ont peur, partagent leurs espoirs et leurs regrets, mais, somme toute, ils ont peu de contrôle sur leurs parcours. Pourrait-on dire qu'il s'agit là d'un roman psychologique ?
Lien : http://rivesderives.blogspot..
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L'insoutenable légèreté de l'être

C'est comme ça qu'ils vivent...



L'histoire dépasse ma capacité de comprendre les gens.

Tomas est un libertin qui "aime" sa femme et a des centaines d'amantes passagères. (Son métier le lui  permet).

Sabina en est une permanente,  qui lui porte une "amitié" permanente, mais reste une "femme libre", une Tomas au féminin, en quelque sorte. (Son métier le lui permet aussi. )

La femme de Tomas aime son mari d'un amour inconditionnel. (Elle n'a pas de métier) et , suppliciée, est au bord de suicide.

Lui, il "aime" sa femme d'un amour "vrai", amour- compassion, souffre avec elle mais continue la torturer....Et lorsqu'elle le quitte, il lui court après, en quittant son pays, son métier, ses amantes. La retrouve et recommence refaire le cheptel.

Comprends  qui peut.

Ah, j'ai oublié Franz.

Sabina le quitte, bien sur. Alors, étonné, il comprit qu'il n'était pas malheureux, abandonné. . La présence physique de Sabine comptait beaucoup moins qu'il ne le croyait. D'ailleurs, il avait toujours préférait l'imaginaire au réel. Il était plus heureux avec Sabina transformée en déesse invisible qu'il ne l'était avec elle quand il tremblait chaque instant pour son amour. Il vit seul paré de l'aura de séduction que Sabina lui a laissé par son passage. Il est devenu attirant pour les femmes.
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