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Citations de Monique Wittig (91)


BARRIERE. Les barrières du langage sont tombées le jour même où les frontières ont disparu, le jour dit de la poudre d’escampette. Les peuples d’amantes qui se sont alors créés un peu partout n’ont pas eu grand mal à parler une langue unique. Les unes aimaient les autres qui les aimant à leur tour se mettaient à parler une langue familière à toutes. Cette langue très ancienne et retrouvée s’appelle la langue lesbienne.
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Les cris les rires les mouvements / elles affirment triomphant que / tout geste est renversement
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TANTE (riant)
Ta mère et toi, vous êtes des ignorantes. Ces livres...

SŒUR 1
Ces livres sont nuisibles malgré tous les raisonnements que tu peux faire. (Pause.) Mille fois [j'ai vu Quichotte] se ruer à travers la chambre en hurlant quand elle était occupée à l'un d'eux. Ils ne lui font aucun bien, je t'assure.

TANTE (riant)
Mais, mon enfant, ne remarques-tu rien de spécial à propos de ces livres que tu as empilés ?

SŒUR 1
Ils sont lourds et encombrants.

TANTE
Pourtant la première chose qui saute aux yeux c'est qu'ils n'ont jamais été imprimés.

SŒUR 1
Quoi ?

TANTE (riant)
Ce ne sont pas des livres ce sont des manuscrits.

SŒUR 1
Qu'est-ce que ça change ?

TANTE
Tu ne comprends pas que Quichotte elle-même a écrit tous ces livres. Voici son écriture.

SŒUR 1
Qu'elle les ait écrits ou non, elle s'y plonge trop souvent. Sa raison se détériore. Il faut brûler tous les livres.

TANTE
Même si toi et ta mère vous les brûliez tous jusqu'au dernier, Quichotte les écrirait de nouveau, tous jusqu'au dernier.
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Ah Wittig, tout cela est de la petite guerre. Que peut-on y gagner quand c'est le monde entier qu'il faut déposséder ?
Mais, notre pain quotidien, Manastabal mon guide.
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Rien de ce qui est humain est étranger
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Il y a d'un côté le monde entier, avec son affirmation massive de l'hétérosexualité comme ce-qui-doit-être, et de l'autre côté, il n'y a que la faible, la fugitive, la quelquefois éclairante et saisissante vision de l'hétérosexualité comme piège, comme régime politique forcé. Il est possible d'y échapper. C'est un fait.
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Ici, Wittig, le paradis est à l'ombre des épées et la paix au bout de la lance.
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Couverture
"Les couvertures de sommeil sont particulièrement plaisantes pendant les longs moments de paresse" (Sseu Tchouan, le Livre de la paresse, Chine, âge de gloire). La couverture de sommeil est faite avec un bras, avec deux bras, avec une jambe, avec une tête, avec une cuisse, avec un pied, avec toutes ces parties du corps de son amante ensemble et plus encore.
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Communauté
Place, lieu, espace partagé par plusieurs amantes qui ont décidé de mettre en commun leurs rêves, leurs lits, leurs initiatives, leurs formes de vie, leurs activités, leur alimentation, leurs découvertes, leurs amours. Les communautés ont multiplié et développé la force et l'énergie de chaque amante. A l'expression "vivre ou mourir" a été substituée dans les communautés la dynamique "vivre avant tout". Elles ont débuté avec l'âge de gloire et actuellement tendent à se substituer à tout autre forme de vie.
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On se fait tous une idée abstraite de ce qu’être humain veut dire, même si ce que nous voulons dire par «humain» est toujours de l’ordre du potentiel, du possible, et n’a pas encore été réalisé. En effet, malgré toute sa prétention à l’universel, ce qui a été considéré jusqu’à présent comme humain dans notre philosophie occidentale ne concerne qu’une minorité de personnes: les hommes blancs, les propriétaires des moyens de production ainsi que les philosophes qui depuis toujours théorisent leur point de vue comme étant absolument le seul possible. C’est la raison pour laquelle lorsque nous considérons le potentiel et le virtuel de l’humain, abstraitement, d’un point de vue philosophique, nous avons besoin pour y voir clair de le faire à partir d’un point de vue oblique. Ainsi donc être lesbienne, se tenir aux avant-postes de l’humain ou de l’humanité représente historiquement et paradoxalement le point de vue le plus humain.
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L’hétérosexualité recouvre complètement la notion de contrat social. Mais qu’est-ce que l’hétérosexualité? En tant que mot il n’a pas existé avant qu’on parle d’homosexualité au début du 20ème siècle. Il n’a existé qu’en contrepartie. L’hétérosexualité allait tellement de soi qu’elle n’avait pas de nom. C’était la norme sociale. C’est un contrat social. C’est un régime politique. Une institution qui n’a pas d’existence juridique. Car il y a un présupposé, un déjà-là, du social avant le social: l’existence de deux (pourquoi deux?) groupes artificiellement distincts, les hommes et les femmes. Les «hommes» entrent dans l’ordre social comme des titres déjà socialisés, les «femmes» restent des titres naturels.
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J’ai toujours pensé que les femmes en tant que groupe social présentent une structure semblable à la classe des serfs. Corvéables comme eux, et, comme eux, attachées à ce qu’on peut comparer la terre, la famille — là où une chèvre est attachée, il faut qu’elle broute. Je constate à présent qu’elles ne peuvent s’arracher à l’ordre hétérosexuel qu’en le fuyant une par une.
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Bien qu’on ait admis ces dernières années qu’il n’y a pas de nature, que tout est culture, il reste au sein de cette culture un noyau de nature qui résiste à l’examen, une relation qui revêt un caractère d’inéluctabilité dans la culture comme dans la nature, c’est la relation hétérosexuelle ou relation obligatoire entre «l’homme» et «la femme». Ayant posé comme principe évident, comme une donnée antérieure à toute science, l’inéluctabilité de cette relation, la pensée straight se livre à une interprétation totalisante à la fois de l’histoire, de la réalité sociale, de la culture des sociétés, du langage et de tous les phénomènes subjectifs.
Je ne peux que souligner ici le caractère oppressif que revêt la pensée straight dans sa tendance à immédiatement universaliser sa production de concepts, à former des lois générales qui valent pour toutes les sociétés, toutes les époques, tous les individus. […] Cette tendance à l’universalité a pour conséquence que la pensée straight ne peut pas concevoir une culture, une société où l’hétérosexualité n’ordonnerait pas non seulement toutes les relations humaines mais sa production de concepts en même temps que tous les processus qui échappent à la conscience. Ces processus inconscients deviennent d’ailleurs historiquement de plus en plus impératifs dans ce qu’ils nous apprennent sur nous-mêmes par l’intermédiaire de spécialistes.
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««Lesbienne» est le seul concept que je connaisse qui soit au-delà des catégories de sexe (femme et homme) parce que le sujet désigné (lesbienne) N’EST PAS une femme, ni économiquement, ni politiquement ni idéologiquement. Car en effet ce qui fait une femme, c’est une relation sociale particulière à un homme, relation que nous avons autrefois appelée de servage, relation qui implique des obligations personnelles et physiques aussi bien que des obligations économiques (assignation à résidence, corvée domestique, devoir conjugal, production d’enfants illimitée, etc.), relation à laquelle les lesbiennes échappent en refusant de devenir ou de rester hétérosexuelles ; Nous sommes transfuges à notre classe de la même façon que les esclaves « marrons » américains l’étaient en échappant à l’esclavage et en devenant des hommes et des femmes libres, c’est-à-dire que c’est pour nous une nécessité absolue, et comme pour eux et pour elles, notre survie exige de contribuer de toutes nos forces à la destruction de la classe ― les femmes ― dans laquelle les hommes s’approprient les femmes et cela ne peut s’accomplir que par la destruction de l’hétérosexualité comme système social basé sur l’oppression et l’appropriation des femmes par les hommes et qui produit le corps de doctrine sur la différence entre les sexes pour justifier cette oppression.
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On ne voit pas en effet l'utilité ou le sens que pourrait avoir ce terme parmi des peuples d'amantes définies par le désir violent qu'elles éprouvent les unes pour les autres. La division de l'humanité en deux sexes, homme et femme, n'opère rien d'autre qu'une assignation des femmes à une certaine place, et leur assujettissement à une charge, celle de la maternité. Une femme, c'est un corps considéré exclusivement, et donc classifié et désigné, selon une finalité d'engendrement propre à un régime hétérosexuel.
Vous objecterez que c'est là (différence des sexes, hétérosexualité) un fait de nature, une différence indépassable, fondatrice, un truc structurant de tous les autres trucs (la culture, la psyché individuelle, la reproduction de l'humanité, la raison, le sens et même le bon sens) ; le Truc donc, tellement infra-, super- et méta- structurant, qu'il faut d'urgence l'inscrire solennellement dans la Constitution (où, sous le nom de Parité, il s'emploie à nous faire une belle jambe...), le défendre contre tout attentat (le mariage gay), l'illustrer par tous médias et moyens (la pornographie, la publicité, la Vierge Marie...), le protéger contre tous blasphèmes (ô clergés, ô dévots...).
[Préface - Anne Garréta]
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Quand bien même le monde entier me prendrait pour folle et pas seulement ces arriérés dans le village qui n'ont jamais rien vu, je dirais que le monde entier est fou et que c'est moi qui ai raison.
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L'écriture est un art que l'on dit solitaire. Mais les phrases, les dialogues, naissent souvent, comme dans celui-ci, au sein d'une relation qui porte, secrétant des échanges liquides et sonores - l'encre sur le papier, la voix au creux de l'oreille, la salive du baiser. C'est ainsi qu'on fait œuvre de chair même sans se reproduire : en écrivant l'histoire de celles qui s'aiment. (Wendy Delorme, préface)
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« Les femmes ne devraient jamais formuler cette obligation à être différentes ( reléguées à la catégorie de l'Autre) comme un «  droit à  la différence », ne devraient jamais s'abandonner à la « fierté d'être différentes ». (…) Ni la Pensée de l'Autre ni la pensée de la Différence ne devraient être possible pour nous, parce que rien de ce qui est humain est étranger. » Homo sum, chapitre 5.
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«  À ce point de mon raisonnement, l'hétérosexualité recouvre complètement la notion de contrat social. Mais qu'est-ce que l'hétérosexualité ? en tant que mot il n'a pas existé avant qu'on parle d'homosexualité au début du 20e siècle et en Allemagne à la fin du 19e siècle. Il n'a existé qu'en contrepartie. L'hétérosexualité allait tellement de soi qu'elle n'avait pas de nom . C'était la norme sociale. C'est le contrat social . C'est un régime politique. Des juristes ne l'appelleraient pas une institution ou pour le dire autrement l'hétérosexualité en tant qu'institution n'a pas d'existence juridique. Les anthropologues, les ethnologues, les sociologues l'aperçoivent peut-être comme une institution mais une institution dont on ne parle pas, sur laquelle on écrit pas. Car il y a un présupposé, un déjà-là, du social d'avant le social : l'existence de deux (pourquoi deux?) groupes artificiellement distincts, les hommes et les femmes. Les « hommes » entrent dans l'ordre social comme des titres déjà socialisés, les « femmes » restent des titres naturels ». A propos du contrat social, chapitre4.
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« Ainsi le monde tout entier et un grand registre où vient de s'inscrire les langages les plus divers tel le langage de la mode, le langage de l'Inconscient, le langage de l'échange des femmes où des êtres humains sont littéralement les signes qui servent à la communication (…. )
L'ensemble de ces discours effectue un brouillage - du bruit et de la confusion - pour les opprimés, qui leur fait perdre de vue la cause matérielle de leur oppression et les plonge dans une sorte de vacuum-a- historique. (…. ) Car dans l'expérience analytique il y a un opprimé, c'est le psychanalysé quand on exploite le besoin de communiquer et qui tout comme les sorcières jadis ne pouvaient sous la torture que répéter le langage que les inquisiteurs voulais t'entendre, n'a d'autre choix, s'il ne veut pas rompre le contrat implicite qui lui permet de communiquer et dont il a besoin que d'essayer de dire ce qu'on veut qu'il dise. Il paraît que ça peut durer. Cruel contrat qui contraint un être humain à faire étalage de sa misère à l'oppresseur qui en est directement responsable , qui l'exploite économiquement, politiquement, idéologiquement et dans l'interprétation la réduit à quelques figures de discours. ». Chapitre 3, La pensée straight.
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