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Citations de Nathalie Azoulai (283)


Dans les films, les scènes sont souvent longues et belles, mais depuis Le Parrain , tout le monde est prévenu, on sait qu’on ne doit pas s’en laisser conter, que sous la blanche neige crépitent des braises prêtes à faire fondre tout ce qui précède et tout ce qui suit. Mais on a beau savoir, chaque fois on brûle de se laisser prendre à ce rêve d’amour, à cette débauche de bonheur. Moi la première, et pour cause, ce mariage, c’était d’abord celui de deux cerveaux, de deux tronches, comme on dit, mais moi, je ne le dis pas, je déteste ce mot, j’y perçois une hostilité jalouse, le désir de les trancher, les tronches, justement, et surtout l’aveu de ne pas en être une, et ça, moi, je n’ai jamais pu.
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Toutes les familles se plaisent à exhiber leur légende bizarre en présence de l’étranger et jubilent de le voir en adopter le refrain. De ce jour, Adèle n’a plus
jamais eu besoin d’être officiellement conviée, elle venait chez nous quand elle voulait, pour changer d’air, s’instruire, s’amuser, comme elle voulait, apparemment toujours ravie d’être accueillie par une famille avec des tantes, des oncles, des cousins qu’elle n’avait pas, ses parents étant, comme elle et comme moi, des enfants uniques, sans compter que les Prinker étaient socialement discrets, modestes même, et qu’avec nous, elle apprenait aussi à vivre dans le monde, à se frotter aux pratiques de l’entregent, un mot qu’elle ne connaissait même pas et qui l’a littéralement dégoûtée la première fois qu’elle l’a
entendu.
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C’est fou comme vous parlez toujours des
mots eux-mêmes, vous faites tous ces commentaires
sur la langue, avait dit Adèle alors qu’entre la poire
et le fromage, on venait de déplorer la prolifération
des acronymes, ma mère renchérissant en accusant
son haut fonctionnaire de frère d’en être copieusement responsable, sans parler du verbe « accompagner » que vous mettez désormais à toutes les sauces,
avait-elle ajouté, comme si nous étions tous devenus des administrés incapables de mettre un pied devant l’autre sans une aide à domicile ! Adèle
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Je n’imaginais pas. Je n’avais jamais
fait de rêves pareils, mais pour Adèle, le rêve, c’étaitça, homme et femme à la fois, en haut, sa nuque, ses épaules graciles et, en bas, sa grosse queue de sirène qui fendait des eaux mêlées. Devant Vera qui pleurait ses « pendue » et ses« pourquoi », cette queue ruisselante, je la voyais accrochée à une esse comme une vulgaire queue de poisson qui ne fendrait plus jamais rien. Un trophée tout dépité.
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C’était sérieux, elle disait, mon rêve,
ce serait de faire des maths la journée et le soir, de
fendre les eaux turquoise comme une sirène. Et ce
n’était pas un vœu pieux, elle s’entraînait. Elle allait
plusieurs fois par semaine à la piscine et dirigeait
son corps comme un cylindre emmené par l’énergie
de ses bras qui crawlaient, crawlaient, jusqu’à sentir
ses jambes se joindre et onduler ensemble, depuis
la taille jusqu’au bout des orteils, et sans faire de
mousse. Elle me racontait ses séances, détaillait ses
sensations. La mousse, c’est l’échec, disait-elle gravement. Elle mettait des briques en caoutchouc entre
ses cuisses pour les tenir collées-collées, suturer ses
jambes de haut en bas, les zipper, c’était son mot.
Et sentir les deux plantes de ses pieds battre comme
une nageoire. Elle progressait, mais elle continuait
à pester : dans l’eau, ça se voyait, elle avait toujours
deux jambes distinctes, elle, elle pouvait l’oublier,
mais c’était évident, les autres ne voyaient que ça. Et
puis ses bras qui crawlaient, comme si une sirène, ça
crawlait !
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Si elle avait su. Elle savait. C’était une de
ses théories, que les gens naissent tous chiffrés, avec leur nombre d’années à vivre au-dessus de la tête, une auréole qui déclenche toutes les vies comme des
comptes à rebours qui tournent en silence. Ne va pas t’imaginer que ça fasse du bruit, ça s’oublie, mais si chacun au fond sait combien d’années il a à vivre, ça
fait quoi ? se demandait-elle. Ça donne plus d’intensité ? plus d’angoisse ? En tout cas, niveau inégalités, ça se pose là, on comprendrait au moins d’emblée que le monde est inégal, que certes, on peut lutter, mais qu’il vaut mieux le savoir, ne pas caresser de folles espérances, rêver à des choses qui n’existent pas.
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Si elle avait su. Elle savait. C’était une de
ses théories, que les gens naissent tous chiffrés, avec leur nombre d’années à vivre au-dessus de la tête, une auréole qui déclenche toutes les vies comme des
comptes à rebours qui tournent en silence. Ne va pas t’imaginer que ça fasse du bruit, ça s’oublie, mais si chacun au fond sait combien d’années il a à vivre, ça
fait quoi ? se demandait-elle. Ça donne plus d’intensité ? plus d’angoisse ? En tout cas, niveau inégalités,ça se pose là, on comprendrait au moins d’emblée que le monde est inégal, que certes, on peut lutter,mais qu’il vaut mieux le savoir, ne pas caresser de folles espérances, rêver à des choses qui n’existentpas.
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Adèle ne pouvait pas vivre sans sa gardienne, elle l’adorait, elle s’en remettait à elle pour tout. Même pour ça. Elle disait toujours, mon malheur, ce serait que Vera s’en aille, qu’elle quitte l’immeuble, j’en mourrais, mais non, chut, chut, je ne t’ai rien dit, rien commencé à dire, pas un mot, pas une syllabe de ce malheur qui pourrait arriver, que Vera divorce,
déménage, change de vie.
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Quand on se pend, on se rate rarement, or il paraît que le suicide est moins fatal chez les femmes, qu’elles appellent
plus souvent à l’aide qu’à la mort. Bon, je n’ai pas fait une étude non plus, j’ai seulement regardé deux ou trois sites vite fait sur mon téléphone une fois dans le
taxi. J’ai vu que chez les Mayas, il y avait une déesse du suicide et qu’elle s’appelait Ixtab, que le suicide était plus noble s’il était pratiqué par pendaison.
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Partout ailleurs, et surtout en France, on se demandait si une telle loi relevait plutôt d’un libéralisme paradoxal, d’un antimalthusianisme voué à contrer la pénurie, ou d’un extrême retour en arrière qui méprisait ostensiblement la très cruciale question du genre.
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À Juvenia, vieille république européenne depuis toujours tapie dans l’ombre de la France, dont le nouveau régime féministe marqua en ce 27 janvier sa dissidence historique en s’engageant à :
– rompre avec le sens même de son nom qui célébrait le primat de la jeunesse – marteler sa volonté de contenter sans les opposer toutes les femmes, les cadettes et les aînées, les cadettes étant vouées à devenir un jour des aînées ;
– veiller sur l’ordre des générations.
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Enfin, la loi stipulait que l’interdiction ne pourrait être levée qu’à deux conditions :
– que la science ait trouvé un moyen pour que les hommes ne vieillissent pas afin que les enfants nés de telles unions ne pâtissent d’aucune diminution physique et/ou psychique ;
– que l’âge de la ménopause des femmes soit retardé d’une dizaine d’années au moins afin que le troisième préjudice énoncé soit rendu partiellement caduc.
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Lui, ce qu'il aime, c'est faire des pièces bâties sur des actions simples, sans coups de théâtre ni machinerie, rendre ce froid qui transit l'âme et la conduit au massacre. Des tragédies sur presque rien pour qu'on écoute chaque tirade comme la seule, la dernière, et qu'à son théâtre on soit comme à la messe ou devant un condamné à mort, nu sous le ciel.
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A la nuit tombée, il part se promener. Il s'enthousiasme devant les oliviers, cueille des olives, les goûte. Les arbres qu'il aimait autrefois ne donnaient pas de fruits. C'est une manne amère en bouche. Il décrit le vert argenté, le ciselage délicat des feuilles, l'émotion que lui cause de vivre parmi les mêmes arbres que Virgile ou Sophocle. "Vous auriez pu dire notre Seigneur Jésus", lui rétorque sa tante. Jean n'y a même pas pensé.
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Certains poèmes nous sont tout de même interdits, ajoute Jean.
C’est heureux. S’ils vous sont interdits, répond Hamon, c’est pour votre bien. En lisant les livres des hommes, nous nous remplissons insensiblement de leurs vices. 
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La gloire des filles de Port-Royal, ces vierges sages, vient du sang du Christ, poursuit-il.
Je ne comprends pas, dit Jean.
Dieu les a dotées par cette saignée spontanée d'une compréhension supérieure à la nôtre. Elles savent chaque mois ce que signifie perdre son sang. Pas nous.
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Le tremble tient son nom de ses feuilles qui tremblent au moindre souffle de vent.
Et c'est tout ? s'étonne Jean.
Oui, l'arbre est moins remarquable que le nom qu'il porte.
Tant mieux, pensa Jean, rassuré à l'idée que les noms puissent être plus grands que les choses.
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- Masturbez-vous, lui dit-elle devant le visage d'ange de la petite Adèle dont Laure eut immédiatement envie de couvrir les yeux et les oreilles.
- Oh mais, docteur... bredouilla-t-elle.
- Faites venir les images, reprit Sabine, et les scènes viendront d'elles-mêmes. Ainsi vous huilerez la machine et il n'y aura plus qu'à. Car, vous verrez, quand on pratique souvent, on n'a qu'une envie : qu'une bonne queue passe par là pour, d'un bon coup, vous finir royalement.
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Quant à Sabine, elle multiplia les mycoses. Elle décida donc d'aller chez l'un de ses vieux camarades d'internat, qui, avant même de l'examiner, lui conseilla de modérer sa consommation de sperme, en disant sperme comme il aurait dit graisse, avec dégoût, condescendance et un zeste d'incrédulité. Il l'examina d'ailleurs d'un air qui froissa son visage comme s'il s'apprêtait à ouvrir une boîte de conserve avariée, en ajoutant un "voyons voir ce qu'il y a là-dedans" des plus désobligeants.
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Nathalie Azoulai
Au hasard, elle a tout juste 17 ans, l’année scolaire commence à peine. Le professeur finit d’écrire un énoncé au tableau. « Trouver une fonction à valeurs réelles, continue sur un ensemble dense dans R et discontinue sur un autre ensemble dense dans R. » Il pose sa craie, se retourne, dit, c’est difficile, je vous laisse deux minutes… si quelqu’un a une idée… qu’il lève le doigt. Il ajoute qu’on peut distinguer entre les rationnels et les irrationnels. Elle fixe l’énoncé blanc en plissant légèrement les yeux, elle entrevoit quelque chose, ne bouge pas. Puis ça va très vite comme chaque fois mais, à cette vitesse, elle doit opposer tout le calme, toute la lenteur dont elle est capable. Elle griffonne sur son cahier sans trop déplacer son poignet puis repose son crayon. Quelques secondes encore, elle suit les contours d’une tache sur la table, dans un sens, puis dans l’autre sens, et lève le doigt. Le professeur se hisse et se tortille pour apercevoir la personne au bout de la seule main qui se lève, loin derrière toutes les rangées. Adèle serre les dents, ne baisse pas sa main, pense aux gesticulations d’un suricate dans le désert. Combien de têtes aux cheveux courts et aux oreilles dégagées avant la sienne ? Combien de nuques ensuite qui vrillent quand il dit, Mademoiselle… ? Prinker, Adèle Prinker, répond-elle en deux temps, comme Bond, James Bond. Eh bien, mademoiselle Prinker, venez donc au tableau, ordonne le professeur, pour ainsi dire navré.
In Dans les Jupes de son Père, Le Monde 04 août 2020
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