Plus une étude qu’un roman, ce livre relève d’une enquête sur le non-accomplissement d’un film qui devait être réalisé par la collaboration du tandem Carné-Prévert en 1947, à qui le cinéma français doit quelques chefs d’œuvres.
Les rushes de ce film qui ne verra jamais le jour, sont tournés en 1947 à Belle-Île en mer avec Arletty, Reggiani et Anouk Aimée qui en sont les vedettes. Le sujet s’inspire d’une mutinerie qui a eu lieu dans le bagne d’enfants à Belle-île (colonie pénitentiaire de Haute-Boulogne) en aout 1934. a notre déshonneur, ce type d’établissement fleurit en France durant le XIXème. En 1936, un autre soulèvement a lieu à Boulogne-Billancourt où 10 jeunes filles pupilles se sont évadées d’une « maison de redressement ». En 1937, la martyrologie perdure, un jeune homme Roger Abel meurt à la suite de mauvais traitement dans la colonie d’Eysses (Lot et Garonne). Sensibilisé par le sujet, Prévert écrit un poème Chasse à l’enfant p33, qui dénonce la maltraitance infligée à ces jeunes, orphelins et abandonnés, démunis de tout.
En 1936, durant le gouvernement du Front populaire de Léon Blum, fut créé un sous-secrétariat d’Etat chargé de la protection de l’enfance. Suzanne Lacore y a exercé cette fonction durant un an. Prévert et Carné qui avaient déjà l’idée de ce film en tête, s’adressent à elle p60. Sans succès. En 1937, le ministère de l’intérieur interdit tout film dont le scénario fait miroir des tensions de la société française ; en 1938, la censure interdit le tournage du film, puis arrive 1939. A la libération, les gens du spectacle ont subi une forme d’épuration, dont Arletty (Léonie Bathiat) fut une victime (il faut bien le dire). Amoureuse elle était, pas collabo ! De sa phrase devenue célèbre : si mon cœur est français, mon cul lui, est international, elle résume bien l’ambigüité des mises à l’écart, à quoi de vrais coupables ont échappé.
En 1945, à l’éloge du film les enfants du Paradis, le couple Carné-Prévert se rengorge. 1946, nouveau projet, nouveau titre : La fleur de l’âge, mais rien ne va. Les caprices du ciel, des disputes, des grèves, des accidents… le sort s’acharne. P133 « Chacun se le tint pour dit : La fleur de l’âge était un film maudit ».
Comble de malédiction, les bobines du chef-d’œuvre inachevé disparaissent… ainsi le narrateur, dont le style est assez pompeux et présomptueux, nous immerge dans sa maitrise du cinéma des années d'avant ou juste après guerre, dont j'ai eu le plaisir de faire une bonne révision.
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