Il y a tellement de choses à dire sur ce roman. En surface, bien sûr cette histoire d'amour entre Hélène qui a tout fait pour partir de cette petite ville médiocre et Christophe qui est resté, sans ambition que celle de vivre son histoire avec son premier amour. Entre eux cette chanson de Michel Sardou qui survit à toutes les générations, tous les mariages, toutes les fêtes. Celle qui, soi-disant, parle d'un lac. Mais cette histoire d'amour est glauque, c'est un résidu d'un désir d'adolescente. Leurs rencontres, leur intimité, rien n'est naturel et comme dans la vie professionnelle, c'est une représentation, une compétition. Elle est où la tendresse ? Pourtant pour eux c'est une bouffée d'air frais dans une vie compliquée. Hélène a fait un burn out et se rend compte que l'argent ne fait pas vraiment le bonheur et Christophe est séparé, apprend que son enfant va partir loin et son père chez qui il vit est atteint de cette maladie dont on parle tant : Alzheimer. Que du bonheur vous dis-je. Alors à travers ses deux personnages, on dissèque tous ces passages qui font une vie : l'enfance, l'adolescence, la honte de ses parents, les amis, les amours, les rencontres, les enfants, puis le travail, celui d'antan fatiguant et sain, et celui de maintenant avec ses ambiances délétères, ses injonctions contradictoires, ses bassesses entre collègues et ses histoires de cul, les collectivités territoriales qui font le jeu au milieu. C'est déjà beaucoup et le ressenti est bizarre car on a l'impression de lire sa vie en partie mais comme une bête monstrueuse et insidieuse, le social-politique englue et recouvre tout, le grignotage des acquis sociaux et des avantages année après année malgré les luttes de moins en moins présentes car la fatigue est là, le ras le bol et puis il faut lutter aussi contre l'extrême droite qui monte, monte, alors le gouvernement en place met les gens en face de leurs responsabilités et ils votent pour un Président qu'ils ne voulaient pas. Les lotissements avec ses propriétés bien délimitées où les gens sont persuadés d'avoir tous les droits au nom de la liberté.
Quand vous avez lu tout ça, vous êtes déjà dans un drôle d'état, essayant de reprendre votre respiration, essayant de vous retourner sur votre vie pour voir si c'est pareil, et là le coup final, la mise à mort : le mariage et sa fête. le mariage parce que qu'il y a un enfant en route, sur un malentendu, sans réelle histoire d'amour bien sûr, la cérémonie à la mairie vite expédiée, la salle des fêtes éloignée en pleine campagne et déjà on cherche des responsables qui vont rester sobres pour raccompagner les fêtard, la bouffe en quantité et insipide, les jeux débiles, celui de la jarretière, les enfants sans surveillance, l'auteur nous a évité le tragique fait divers, l'alcool qui coule à flot, les rails de coke dans les sanitaires, la musique trop forte et la décadence, l'accident inévitable et la remise en question de cette histoire d'amour bouffée d'oxygène, résidu d'un désir d'adolescente.
La vie continue dans cette petite ville et les autres car il y a souvent une suite, des chemins tortueux, des évidences lumineuses ou une médiocrité persistante, des retrouvailles fortuites et non désirées où la première chose que l'on a envie de faire c'est fuir, au bout d'un rayon dans un magasin de bricolage et on se demande alors pourquoi ?
Je suis sortie de cette lecture avec un drôle de ressenti, l'impression d'avoir passé un long moment dans la machine à laver sur le cycle essorage. Cela fait longtemps que je n'avais pas lu une telle fresque sociale. L'auteur, d'une écriture puissante, nous met en pleine face ce que nous ne voulons pas voir, c'est flamboyant et déroutant.
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