AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Nicolas Mathieu (1583)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Leurs enfants après eux

Été 1992. Anthony a 14 ans. Il suit son cousin, plus âgé, comme son ombre, mais n'est pas toujours le dernier dans les mauvais coups... Dans cette petite ville de Loraine ou l'industrie se meurt, ils s'ennuient à mourir, et ne pensent qu'aux filles. Alors quand ils rencontrent Steph et Clem, ils sont prêts à tout pour les rejoindre à la fête, jusqu'à voler la moto que Patrick, le père d'Anthony, n'utilise plus mais à laquelle il tient comme à la prunelle de ses yeux. Quand Hacine, fils d'un vieil immigrant marocain et chef de sa bande, exclu de la fête, se venge en volant la moto, le drame n'est plus très loin...



Je me précipite rarement pour lire le dernier Goncourt, et suis assez rarement emballé. J'ai donc attendu 2 ans pour lire celui-là, et c'est une très belle découverte !

J'ai retrouvé l'écriture de Nicolas Mathieu dont j'avais déjà lu Aux animaux la guerre, un roman noir un peu dans la même veine. Leurs enfants après eux n'est pas un roman à intrigue. Il y a bien un peu d'action, mais c'est surtout la chronique d'une jeunesse un peu paumée, qui se cherche des raisons de vivre et d'espérer, accompagnée par des parents dont certains ont été très déstabilisés par la mort de l'industrie qui les employait. On retrouve Anthony et son cousin, Hacine et sa bande, Clem et Steph, et leurs parents, sur quatre étés, 1992, 1994, 1996 et 1998. L'auteur nous fait partager leurs états d'âme, leurs interrogations, leurs rares enthousiasmes.

L'écriture est toute en rondeur ; elle enveloppe les personnages, nous les faisant découvrir par petites touches successives. Le vocabulaire est parfois un peu cru, mais c'est celui des jeunes de cette époque. Ce n'est pas une écriture facile, mais le livre se lit bien. Il faut prendre le temps de le déguster comme un bon plat, ne pas se précipiter pour le dévorer trop vite.

Le livre se termine sur un gros point d'interrogation, qui appelle une suite ou vient stimuler l'imagination du lecteur...



Vraiment un beau prix Goncourt !
Lien : http://michelgiraud.fr/2020/..
Commenter  J’apprécie          583
Connemara

« Terre brûlée au vent

Des landes de pierres

Autour des lacs, c'est pour les vivants

Un peu d'enfer, le Connemara

Des nuages noirs qui viennent du nord

Colorent la terre, les lacs, les rivières

C'est le décor du Connemara »



Cette chanson sortie en 1981, tube éternel de Michel Sardou, nous accompagne durant toute notre lecture. Elle est là, dans les années 1990, quand Hélène et Christophe reviennent en arrière et évoquent leurs années collège et lycée : elle passe lors des fêtes entre potes, lors des sorties en boîte ou après les matchs de hockey. Elle est encore là alors qu'ils ont aujourd'hui passé la quarantaine : elle passe pendant la fête de Noël organisée par le boss ou pendant le mariage de Greg. Elle donne le rythme, tantôt lent, tantôt saccadé, un peu en cadence avec la vie d'Hélène et de Christophe.



Ces derniers viennent de se retrouver alors qu'Helène s'est installée depuis peu dans sa région natale. À la limite du burn-out, elle a convaincu son mari de quitter Paris afin de ralentir un peu. Mais entre ses ambitions professionnelles, ses deux filles et son mari lui-même carriériste, son quotidien reste souvent surmené. Consciente d'avoir atteint son objectif, celui de s'élever socialement, il lui manque pourtant quelque chose, qu'elle n'arrive pas à définir. Le temps passe et elle se demande où elle a bien pu se planter.



Christophe, quant à lui, vend de la nourriture pour animaux et sillone souvent les routes. Séparé de la mère de son fils, ce dernier vit chez lui en alternance, dans la maison familiale qu'il partage avec son père, dont les signes de la vieillesse s'incrustent de plus en plus. Boulot et apéros font le quotidien de Christophe et le temps passe pour lui aussi : il s'éloigne de plus de plus du temps où il était la star de son équipe de hockey. Et pourtant, on vient de lui proposer de l'intégrer à nouveau. Alors tout est encore possible...



"Connemara" est un roman avec beaucoup de potentiel, car très approfondi, tant dans son contexte que dans la psychologie des deux personnages principaux. Malheureusement, je n'ai accroché ni avec l'un, ni avec l'autre.



Les événements se déroulent quelques mois avant les élections présidentielles de 2017, alors que la nouvelle carte des régions vient tout juste d'être réformée, ce qui permet à Hélène et ses collègues de ne pas chômer. Cette dernière travaille dans un cabinet de conseil, mais je n'ai absolument rien compris de ce qu'elle y faisait, le vocabulaire spécifique à ce milieu ne m'ayant pas du tout aider, ni attirer, ni donner envie de savoir. Il y est question d'open space, de vendre du rien et des neurones, d'organigrammes et de statistiques, de collectivités et d'organismes régionaux, de politique également, etc. Les personnages évoluent clairement dans notre réalité : celle de la communication facile, via les réseaux sociaux et autres tendances informatiques et technologiques actuelles. Nicolas Mathieu a implanté son contexte en plein dans l'actualité, qu'il a su développer, argumenter et justifier avec finesse et précision. Je n'aurais donc rien à lui reprocher de ce côté-là. Et pourtant... Je n'ai pas aimé ce contexte exposé, justement parce que trop ancré dans notre réalité actuelle, m'empêchant de m'évader (pour la période 2016-2017, s'entend).



Pour les parties "souvenirs" ou "retours en arrière", c'est différent par contre. C'est avec une pointe de nostalgie que je me suis replongée dans les années 1990, d'autant que je suis de la même génération que les personnages, puisque j'ai un an de plus qu'Hélène. J'ai revécu mes années collège et lycée en même temps qu'eux, je me suis d'ailleurs souvent reconnue dans certains de leurs vécus : les soirées entre potes et les sorties en boîte, les premières cuites, les premières amours, les premières fois, l'équipe non pas de hockey mais de rugby (dont "Les lacs du Connemara" étaient d'ailleurs "l'hymne" de l'équipe, autant dire qu'on y avait droit à toutes les troisièmes mi-temps), les doutes quant à notre avenir et nos choix dans les études, etc. Là oui, j'ai aimé me replonger dans ce passé.



J'en viens maintenant à parler des personnages qui ne manquent pourtant pas de profondeur mais que je n'ai pas réussi à apprécier, car bien trop centrés sur leur petite personne. Hélène est imbuvable, elle ne pense qu'à ses perspectives professionnelles, elle évoque bien trop peu souvent ses filles, et je n'ai pas aimé la façon dont elle a renié ses parents pas assez ambitieux à ses yeux. Quant à Christophe, éternel ado de plus quarante ans qui ne pense qu'à la picole avec ses copains, il n'a même pas pensé à se battre pour son fils que son ex-femme a éloigné en déménageant hors du département (légalement, il aurait eu gain de cause). Des personnages bien construits donc mais que j'ai difficilement supportés.



Quant à l'intrigue, il n'y en a pas vraiment. Ils bossent, ils baisent, ils picolent. Voilà voilà, rien de désagréable mais souvent l'ennui pointe le bout de son nez...



Vous l'aurez compris, c'est mitigée que je ressors de ma lecture. Et j'en suis la première désolée puisque Nicolas Mathieu a su rendre un roman approfondi sur tous les bords, bien écrit également, comme je les aime d'habitude. Le manque d'intérêt que m'auront suscité le milieu dans lequel évolue Hélène principalement et les personnages eux-mêmes, sans parler de la pseudo-intrigue, auront eu raison de mon manque de concentration. Quand je pense, par exemple, à ma liste de courses pendant ma lecture, c'est que ce n'est pas très bon signe. J'ai dû finir ma lecture à voix haute, afin de rester dedans et arrêter de penser à autre chose. C'est un rendez-vous manqué donc mais je reviendrai quand même vers l'auteur car j'ai tout de même aimé son style.

Commenter  J’apprécie          5713
Connemara

J'annonce la couleur d'emblée : je vais m'inscrire en faux dans le concert de louanges unanimes que l'on entend autour du dernier livre de Nicolas Mathieu, mais j'en suis sincèrement désolé.

La série de podcast Bookmakers sur Arte nous a permis de rencontrer le jeune goncourisé et de l'écouter disserter longuement sur ses conceptions du roman en général, sa façon de travailler, son parcours et ses engagements.

Je le rejoins complètement sur ses théories sur la littérature. le culte du behaviorisme comme parti-pris esthétique est louable, complètement perceptible dans Leurs enfants après eux et précédemment dans Aux animaux la guerre.

De surcroît sa passion pour les rapports sociaux et son positionnement marxiste (sic) ont eux aussi tout pour me plaire.

Mais alors, comment se fait-il que je me sente le devoir de partager un avis négatif au sujet de ce dernier opus ?

C'est assez simple : Au regard de ce que j'ai évoqué en introduction je me sens intégralement floué, j'ai l'impression de m'être fait faire les poches des 24 euros que m'ont coûté le livre et plus encore de devoir toute ma vie partir à la recherche du temps perdu à parcourir cet objet.

Je vous fais grâce du résumé exhaustif de l'intrigue que je vais condenser. Hélène, cadre quadragénaire interpelle sur un réseau social une connaissance masculine emblématique des inclinations libidinales de son adolescence, ce qui va donner lieu à une relation extra-conjugale torride et fugace qui aboutira sur…pas grand-chose de plus qu'un divorce.

Le projet autour de ces enjeux maigrichons étant de nous donner à voir les problématiques sociales du prolétariat français de ces 40 dernières années.

Toi qui entre dans ce livre abandonne tout espoir de concision, de réalisme, de distance clinique, bref oublie le behaviorisme.

On est donc confronté à un style qui passe par toutes le figures les plus utilisées de l'académisme littéraire, discours indirect libre, zeugma etc…pour permettre à l'auteur de donner son avis sur toutes les grandes questions qui traversent les fils Facebook de tout un chacun.

Ainsi on va le voir gloser sur la complexité de l'éducation nationale aussi bien que sur les dernières tendances du management conçu par les cabinets de consulting, avec des observations circonstanciées qui vont de la couette qui ne sent pas très bon le matin à la soirée « feuilletés Picard ».

Et de tout cela il ne ressort pas grand-chose. On voit les coutures du dispositif. le fait que Nicolas Mathieu n'arrive pas à s'effacer derrière son discours nous montre combien ce qu' il nous livre ici est en fait mélange de ses propres frustrations, questionnements et de son destin social à lui.

J'ai eu à de nombreux moments l'impression qu'il contemplait l'héroïne qu'il façonne à son image comme Narcisse contemple son reflet.

Je crois donc que le grand péché du livre est qu'il s'agit d'un objet narcissique et que la lutte des likes occulte complètement la lutte des classes.

Ainsi Nicolas Matthieu recherche sans arrêt les suffrages, les applaudissements pour une phrase réussie, ou une situation marrante ou un cliché, et il perd complètement le propos qui pourrait être vraiment signifiant socialement, la donnée sociologique raffinée qui mettrait en évidence les déterminismes.

Et je me demande si auréolé de son prix Goncourt, l'auteur a encore envie de renverser l'ordre social et ses injustices.

Est-ce que finalement il n'est pas plus confortable depuis son trône d'écrivain national de commenter des photos sur Instagram à l'infini ?

C'est cet effet que m'a fait ce livre, celui d'une mosaïque de photos posées les unes à côtés des autres, mais sans vrai direction, à la limite sans point de convergence et donc presque sans point de vue autre que celui d'un souverain pontife.

Suffit-il de juxtaposer des photos de pauvres pour être socialiste ?

Je ne crois pas et je dois même dire que j'ai été mal à l'aise à la lecture de deux scènes qui se veulent rapportées du prolétariat. Celle du « lance-patate » et celle du mariage à la fin. J'ai trouvé qu'il s'agissait de sommets de condescendance et que Nicolas Mathieu aurait pu appeler son livre « Pardonne leur, ils ne savent pas ce qu'ils font » dans la lignée de ses illuminations bibliques précédentes.

Finalement il opte pour un titre de Sardou supposé résonner avec sa région lorraine, mais ça ne marche pas. Les prolétariats de la région Centre, mais aussi de la Bretagne, de la Picardie ou de la Corrèze se l'approprient de la même façon.

C'est comme ça que fonctionnent les tubes, avec des lieux communs et des cadences simplistes qui peuvent toucher les affects les plus profonds du plus grand nombre, mais n'ont surtout absolument aucune portée subversive.

C'est aussi comme ça que marche ce livre finalement.

Commenter  J’apprécie          5714
Leurs enfants après eux

Ils ne sont pas si fréquents les romans qui peignent une fresque sociale, qui disent l'injustice par le biais de l'intime ou peut-être que d'habitude on passe à côté de ces romans, pour des raisons diverses....



Impossible de passer à coté de "Les enfants après eux", même avant sa récompense suprême on avait très envie de le lire. Ce roman est avant tout le portrait d'une région (l'est de la France, les hauts fourneaux) sinistrée par la désindustrialisation, une France des villes moyennes et des zones pavillonnaires plutôt invisible dans les médias.



C'est aussi un retour dans les années 90 à travers 4 étés (avec plein de références qui font tilt) et le portrait d'adolescents qui rêvent tous de fuir ce lieu qui semble comme une entrave à leur liberté.



💪Les super pouvoirs de ce roman 💪



Démonter quelques idées toutes faites : On a coutume de dire que, lorsqu'on est jeune, tout est possible, pourtant, l'auteur nous suggère (car il n'est jamais dans la démonstration) le poids du milieu social. Non l'école n'est pas ce fameux ascenseur social, les formations sans débouchés sont légion, les emplois abrutissants aussi. J'ai souvent entendu mes parents dire qu'ils vivaient mieux que leurs parents mais aujourd'hui ?



Instiller une ambiance singulière et palpable : Tout au long du roman, s'installe comme une sensation de moiteur, d'anesthésie liée à la chaleur, à l'alcool et la drogue qu'on consomme pour oublier mais aussi comme pour traduire ces destins englués par leur situation sociale.



Réussir à aborder la précarité et la misère sociale avec justesse et sans pathos : le propos n'est jamais didactique car tout est dit à travers les trajectoires d'adolescents, leur éveil à la sensualité, leurs relations avec les parents. Même si j'ai trouvé qu'il y avait quelques longueurs dans ce roman, "Leurs enfants après eux" réussit à nous dépeindre des vies d'ennui et sans beaucoup d'espoir mais construit de telle sorte qu on a envie de connaître la suite.



Assez désespérant, on ne le cache pas mais assurément salutaire et éclairant sur notre société actuelle ! ♦️♦️
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          570
Leurs enfants après eux

C'est un roman au déterminisme social assez tragique que propose Nicolas Mathieu. En effet, les enfants, comme leurs parents semblent avoir peu de choix. La vie passe et les possibilités diminuent...J'ai particulièrement aimé l'époque de ce récit, parfaitement décrite (qui m'a rappelé ma jeunesse) ; la construction judicieuse (sur 4 étés) qui laisse le temps aux personnages de se construire ; les personnages également finement campés et attachants ; l'écriture enfin toujours juste. C'est vraiment un magnifique roman, nostalgique, qui laisse après lecture un arrière-goût de tristesse.
Commenter  J’apprécie          574
Connemara

Hélène a 40 ans . Elle a réussi.Belle maison , beau poste dans le consulting, métier transformant le vent en or , deux fillettes adorables , un mari intelligent et bien placé. Mais l'équilibre est fragile depuis le retour en province.

Christophe, deux ans de plus, a une existence sans relief entre son père malade , sa femme barrée et son fils qui est harcelé ; lui, l'ex star locale de hockey est aussi à la croisée des chemins.

On va donc suivre 400 pages Hélène et Christophe , voir comment s'est construite leur vie , comment ils ont été éduqués, l'adolescence , les années lycée, la perte d'innocence que l'auteur décrit si bien.

Comment va évoluer l'existence d'un surdoué en sport et d'une élève au niveau scolaire hors du commun ?

L'auteur nous apporte un réponse claire, argumentée, comme une démonstration mathématique dont les étapes seraient anachroniques.

C'est beau , terriblement ancré dans le quotidien de chacun.L'âge, le temps qui se perd et ne se rattrape pas , la vie sans merci, la concurrence , la mesquinerie, l'envie d'ailleurs qui ne passe que par le cul mais dans quel but, les rapports familiaux.

Et l'auteur qui a coup d'images nous entoure de sa prose et nous ramène à notre vie. Revenir dans la ville de son enfance et s'y sentir aussi bien qu'en enfilant un pull moelleux , dégagé des contraintes numéraires et parentales, c'est tellement vrai.

Alors oui, les références musicales , télévisuelles parlent aux gens de ma génération et donnent un intérêt supplémentaire à l'ouvrage .Mais , pas besoin d'avoir vécu les années 80 ou 90 pour s'enthousiasmer à cette lecture.

J'ai tout aimé , l'auteur qui prend son temps de construire ses personnages, l'histoire , la beauté des mots pour relater le quelconque.

La partie sur l'adolescence m'a clairement rappelé les chansons de Damien Saez, un des seuls chanteurs à couilles en France .





Il ne parle pas à ses vieux.

Il prend le bus, le mp3

et du métal dans les oreilles.



Il voit les vies de tout ces gens qui s'en vont droit aux abattoirs

Cet inutile qui nous surprend

parfois qu'on verrait l'espoir.



Damien Saez ,les cours des lycées.

Merci monsieur Mathieu pour ce grand livre et tout ce qu'il évoque.

Commenter  J’apprécie          569
Leurs enfants après eux

Un très beau roman qui se déguste comme une madeleine de Proust, aux parfums bigarrés de nostalgie, remords et regrets.

Ils sont à l’aube d’une adolescence qui leur promet de réaliser tous leurs rêves, de leur offrir la liberté. Ils habitent une petite vallée dans l’Est de la France, une ville provinciale où la principale usine de métallurgie a fermé ses portes laissant les parents errer entre chômage, alcoolisme et petits boulots. Ils s’appellent Anthony, Hacine, Stéphanie ou Hélène et mettent un pied dans le grand bain de la vie. Les multiples pièges les guettent, drogues, vols, grossesses… Mais l’immense espoir de ne pas finir comme leurs parents les animent et surtout le désir irrépressible de fuir ce coin paumé au milieu des forêts et d’une industrie en friche. Et pourtant : « La vie allait se poursuivre. C’était le plus dur. La vie se poursuivrait. »

Nicolas Mathieu nous emporte avec ces gamins dans une histoire poignante se déroulant sur six années, de 1992 à 1998. Il dissèque avec maestria et beaucoup de sensibilité ces destinées où la tragédie est omni présente, impitoyable, guettant le moment opportun pour frapper sans scrupule, aveuglément.

Prix Goncourt 2018, une récompense largement méritée pour une fois. A découvrir absolument si ce n’est pas déjà fait.

Editions Acte Sud, Babel, 555 pages.

Commenter  J’apprécie          554
Connemara

Le titre fait référence à la chanson « Les lacs du Connemara » que Sardou chantait dans les années 80. Une chanson nostalgie qui rappelle l’époque de l’adolescence.

Le lecteur suit les protagonistes de cette histoire dans leur vie de quarantenaire et les retours sur leur adolescence. Il y a Hélène, la surdouée qui a su s’extraire de sa classe sociale modeste grâce à des études supérieures. Et ça a marché. Après un début d’une carrière prometteuse à Paris, elle fait un burn-out et se retrouve senior manager dans une boite de conseil dans l’est de la France. Elle passe sa vie à courir les rendez-vous, à remplir des power point et faire défiler des slades. Tout cela en jonglant avec sa vie de famille car son mari, cadre supérieur, n’est pas souvent là pour leurs deux filles.

En alternance, on suit aussi la vie de Christophe, qui, depuis son divorce, vit avec son fils chez son père, dans une petite ville de province qu’il n’a jamais quittée. Il a u emploi de commercial et vend de la nourriture pour chiens. Il n’a pas brillé à l’école mais a eu son moment de gloire lorsqu’il a été, pour un temps très court, star du hockey sur glace de la région.

Ces deux-là, qui sont à un tournant de leur vie de quadragénaires, dans un flottement assez déprimant, vont se recroiser. Car ils se connaissent de l’époque du lycée et des fêtes entre ados, ce temps où Christophe était le jeune champion adulé par les filles et Hélène l’adolescente mal dans sa peau qui ne rêvait que de départ.

La réussite de l’une et la médiocrité d e l’autre les a placés dans des classes sociales éloignées et, malgré ou à cause de leurs destins que tout oppose, ils vont croire qu’un nouveau départ est possible.

L’histoire est construite avec des flash-back sur leur adolescence, leur vie en famille. On comprend mieux comment s’est construite leur personnalité. Et ce nouvel amour, comme un élan pour repartir, ressemble à cette chanson de Michel Sardou, pleine de la nostalgie d’un temps révolu.



L’auteur a épinglé la vie de l’entreprise avec ses enjeux et sa « novlangue corporate », parfois cela frise la caricature. Je me suis prise au jeu du récit avec ses protagonistes inquiets et qui se retournent sur leur passé mais, très vite, je me suis lassée de ce ressassement qui n’en finit pas, de ces atermoiements et de ces différences de classe un tantinet trop appuyées.

Lecture mitigée et déception car je m’attendais à plus de profondeur.





Commenter  J’apprécie          553
Connemara

Il y a tellement de choses à dire sur ce roman. En surface, bien sûr cette histoire d'amour entre Hélène qui a tout fait pour partir de cette petite ville médiocre et Christophe qui est resté, sans ambition que celle de vivre son histoire avec son premier amour. Entre eux cette chanson de Michel Sardou qui survit à toutes les générations, tous les mariages, toutes les fêtes. Celle qui, soi-disant, parle d'un lac. Mais cette histoire d'amour est glauque, c'est un résidu d'un désir d'adolescente. Leurs rencontres, leur intimité, rien n'est naturel et comme dans la vie professionnelle, c'est une représentation, une compétition. Elle est où la tendresse ? Pourtant pour eux c'est une bouffée d'air frais dans une vie compliquée. Hélène a fait un burn out et se rend compte que l'argent ne fait pas vraiment le bonheur et Christophe est séparé, apprend que son enfant va partir loin et son père chez qui il vit est atteint de cette maladie dont on parle tant : Alzheimer. Que du bonheur vous dis-je. Alors à travers ses deux personnages, on dissèque tous ces passages qui font une vie : l'enfance, l'adolescence, la honte de ses parents, les amis, les amours, les rencontres, les enfants, puis le travail, celui d'antan fatiguant et sain, et celui de maintenant avec ses ambiances délétères, ses injonctions contradictoires, ses bassesses entre collègues et ses histoires de cul, les collectivités territoriales qui font le jeu au milieu. C'est déjà beaucoup et le ressenti est bizarre car on a l'impression de lire sa vie en partie mais comme une bête monstrueuse et insidieuse, le social-politique englue et recouvre tout, le grignotage des acquis sociaux et des avantages année après année malgré les luttes de moins en moins présentes car la fatigue est là, le ras le bol et puis il faut lutter aussi contre l'extrême droite qui monte, monte, alors le gouvernement en place met les gens en face de leurs responsabilités et ils votent pour un Président qu'ils ne voulaient pas. Les lotissements avec ses propriétés bien délimitées où les gens sont persuadés d'avoir tous les droits au nom de la liberté.



Quand vous avez lu tout ça, vous êtes déjà dans un drôle d'état, essayant de reprendre votre respiration, essayant de vous retourner sur votre vie pour voir si c'est pareil, et là le coup final, la mise à mort : le mariage et sa fête. le mariage parce que qu'il y a un enfant en route, sur un malentendu, sans réelle histoire d'amour bien sûr, la cérémonie à la mairie vite expédiée, la salle des fêtes éloignée en pleine campagne et déjà on cherche des responsables qui vont rester sobres pour raccompagner les fêtard, la bouffe en quantité et insipide, les jeux débiles, celui de la jarretière, les enfants sans surveillance, l'auteur nous a évité le tragique fait divers, l'alcool qui coule à flot, les rails de coke dans les sanitaires, la musique trop forte et la décadence, l'accident inévitable et la remise en question de cette histoire d'amour bouffée d'oxygène, résidu d'un désir d'adolescente.



La vie continue dans cette petite ville et les autres car il y a souvent une suite, des chemins tortueux, des évidences lumineuses ou une médiocrité persistante, des retrouvailles fortuites et non désirées où la première chose que l'on a envie de faire c'est fuir, au bout d'un rayon dans un magasin de bricolage et on se demande alors pourquoi ?



Je suis sortie de cette lecture avec un drôle de ressenti, l'impression d'avoir passé un long moment dans la machine à laver sur le cycle essorage. Cela fait longtemps que je n'avais pas lu une telle fresque sociale. L'auteur, d'une écriture puissante, nous met en pleine face ce que nous ne voulons pas voir, c'est flamboyant et déroutant.
Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
Commenter  J’apprécie          545
Connemara

Et le vainqueur est ? Michel S.....Pardon Nicolas Mathieu

Je viens de finir le plus beau livre que j'ai lu ces derniers temps. Je partais il en vrai en terrain favorable ayant beaucoup aimé ses deux romans précédents. Mais j'ai vraiment adoré celui-ci. Et ce n'est pas ici une formule creuse. Un roman impressionnant de réalisme, de profondeur, d'humanité. Un livre qu'il serait inutile et dangereux d'adapter au cinéma tant nous semble voir l'histoire se dérouler sous nos yeux.

Epinal, le hockey-sur-glace, Nancy, les écoles de commerce, la fusion des régions, les différences culturelles, la paternité, alzheimer...Un roman qui parle de tout cela magnifiquement. On n'est pas prêts d'oublier les personnages principaux et certaines scènes resteront durablement gravées en nous (je n'en dis rien pour ne pas spoiler le livre).

J'ai oublié l'essentiel, les qualités d'écriture du livre. On pourrait, ce n'est pas une formule, mais j'ai un peu la flemme je dois le dire, extraire des centaines de phrases superbes. Quel style ! J'ai commencé à y penser et ai renoncé devant le nombre. A-t-on le droit de citer tout un livre ? Il me semble que non, et dans le doute, je me suis abstenu.

Certains éléments du livre sont semble-t-il autobiographiques (il a parlé dans télérama récemment du retour avec son fils le dimanche soir pour le ramener chez sa mère) mais il ne nous raconte pas sa vie, il construit un roman puissant et universel, qui parle de chacun d'entre nous, et à chacun d'entre nous. On retrouve chez lui des thématiques que l'on retrouve chez d'autres (Aurélien Bellanger, Houellebecq...), mais pour moi c'est vraiment incomparable.

Un seul reproche, celui de nous mettre dans la tête une chanson qui est ensuite difficile à en déloger. Mais une fois le livre terminé ce titre prend tout son sens, à l'image du reste. C'est magnifique. Avec Ouistreham, Pas son genre, un livre qui peut-être nous incite à réfléchir aux rapports sociaux de manière forte et salutaire.
Commenter  J’apprécie          5412
Leurs enfants après eux

Un livre sur l’ennui et le désœuvrement dans le nord-est de la France, dans une ville dévastée par les retombées économiques de la désindustrialisation. Ce roman de 430 pages dépeint une certaine jeunesse des années 90 en Lorraine, celle d’ados qui s’ennuient, qui boivent, qui fument, et qui, pour la plupart, n’ont aucune volonté pour s’en sortir.



Le roman se lit facilement car il est écrit avec un certain talent et le regard d’un sociologue, toutefois les personnages ne sont pas réellement attachants en dépit de l’empathie de l’auteur à leur égard ; il les suit, les observe, les dépeint. Toutefois, les dialogues entre adolescents sont assez pauvres, ce qui est logique, les personnages, qui pour la plupart vivotent, n’ont pas d’autre ambition que de fumer de l’herbe, boire de la bière, voler des mobylettes ou regarder le « foot ». Ainsi, une certaine forme de violence est toujours présente, prête à exploser, comme si tout le monde était sous tension.



Nicolas Mathieu ne juge pas, mais traite ses personnages avec une certaine tendresse et donne à chacun le droit d’exister pleinement. Il a en partie puisé dans son vécu et ses souvenirs, les ados qu’il décrit ne sont pas loin de lui, explique-t-il dans ses interviews. Cependant, après un bon début, j’ai longtemps attendu que le récit prenne enfin son envol, peine perdue, il n’y a malheureusement pas vraiment d’histoire, pas d’émotion, la vie continue tout simplement, sans grand intérêt. Nicolas Mathieu a certes réussi à faire ressentir la monotonie et la lassitude des protagonistes, il les a hélas transmises à ses lecteurs. C’est dommage, surtout pour un Goncourt !

Commenter  J’apprécie          541
Connemara

Hélène, bientôt 40 ans, sur le papier, elle a tout, la maison d’architecte, le job à responsabilités, une famille comme dans Elle, un mari plutôt pas mal. Reste ce truc indéfinissable qui la mine, une lézarde qu’elle trimballe, l’impression d’être vieille. Christophe, lui, n’a jamais quitté le pays où il a grandi avec Hélène, mais sans se soucier de réussite, il vend de la bouffe pour chien, rêve de reprendre le hockey de ses 16 ans et croit encore que tout est possible.



Nicola Mathieu prix Goncourt 2019 pour « Leurs enfants après eux » poursuit sa fine analyse de la société en racontant avec Connemara le parcours de deux quadragénaires, deux âmes à la dérive, entre deux milieux sociaux, entre le passé et le présent. Cette évocation d’un couple adultère en proie au malaise existentiel est une fulgurante chronique sociale. Nicolas Mathieu décrit avec justesse et empathie la mélancolie d’avoir quitté l’adolescence, le temps qui passe, inexorable et cruel, les rêves inaboutis. Observateur précis, il évite les clichés, tout sonne juste, le fonctionnement des entreprises et des administrations, leur implacable logique capitaliste, l’adolescence où l’on trouve que sa vie est trop étroite, le désir de la réussite sociale, les scènes d’amour crues. Une fois de plus Nicolas Mathieu réussit avec talent à explorer l’intime d’une France dont on entend rarement la voix.

Commenter  J’apprécie          532
Leurs enfants après eux

La qualité essentielle de ce livre est sans doute qu'il ne s'y passe rien.Parfois un flingue ou un couteau surgit au bout d'un bras, mais sans que cette arme devienne un point de bascule qui définisse un avant ou un après. La fin, évidemment, revient au début: mais si le voleur se fait voler par celui-là même qu'il dépouilla autrefois, cela ne signifie pas que l'un ait pris l'ascendant sur l'autre: mais plutôt que le roman prend acte d'un équilibre des destins, tous également touchés par l'aile de la médiocrité.

Les 400 coups de l'adolescence semblent annoncer l'envol vers un ailleurs: devenir un caïd ou un légionnaire, promotions à portée d'ambitions, mais qui échoueront d'un rien, d'un rien pourtant inéluctable.

Qu'est-ce qui justifie cette incapacité à aller de l'avant? La crise? Même pas. Les personnages sont rarement au chômage. Plutôt l'impossibilité à être fier de soi, la force physique qui n'est plus une compétence, les compétences du bricoleur raillées par la société du tout-jetable. Et surtout le rapport à l'école dès lors qu'elle n'est considérée que comme un lieu de passage obligé. Seul le goût d'apprendre permet de rompre l'éternel retour: petit boulot, fond de vallée, mariage décevant - comme les parents.

C'est souvent très bien écrit. Mais bon, à quoi sert-il, finalement, ce roman? Sinon à dire des choses que l'on sait déjà, que les Gervaise qui deviennent de riches blanchisseuses n'en finiront pas moins dans leur trou de déchéance. Je n'ai pas vraiment de sympathie pour le Zola de L'Assommoir qui contemple de loin les rêves impossibles des ouvriers. Pour qui Nicolas Mathieu écrit-il? Lui non plus, il ne décrit pas des gens qui pourraient être ses lecteurs mais nous laisse admirer sa prose avec comme un arrière-goût de supériorité satisfaite, parce que nous, finalement, nous avons laissé derrière nous la vallée vosgienne.

Sur le même sujet, je ne saurais trop conseiller "Douches froides" d'Antony Cordier, film bouleversant sur les décalages sociaux et les corps adolescents en surchauffe, et qui, lui, ne nous donne jamais l'impression d'être simple spectateur.
Commenter  J’apprécie          531
Leurs enfants après eux

Si Anthony était resté ferme et avait refusé d’emprunter la moto de son père pour se rendre à une fête avec le cousin, peut-être que l’avenir aurait été différent ou du moins différé.



Mais voilà, son père, un brin alcoolique, qui violente sa mère, ne fait plus de moto mais il tient à cette vieillerie et personne n’a le droit d’y toucher.



Hacine, un jeune de la cité, lui volera la moto pendant la fête.



Ce groupe d’adolescents vit les premiers moments de liberté, les premiers émois sexuels. Il se cherchent et dans cette période de la vie bien particulière, les barrières tombent, le niveau social n’existe pas. Le tri se fera après, au moment du bac. Certains fuient leur ville natale, d’autres y reviennent, quelque uns restent cloués sur place.



Les parents sont désespérants ou désespérés, peu ont encore un niveau de vie correct, mais il n’y a plus de travail dans cette ville où toutes les usines ferment les unes après les autres. Le décor est sinistre, l'humeur des gens aussi. L’horizon est bloqué, fermé.



Les pères vont noyer leur existence sordide au bistrot, pendant que leurs femmes tentent de rester féminines et désirables. Le travail en intérim crée la précarité, l’individualisme, des espaces divisés. La société explique aux gens rebelles que leur désir de vivre correctement est déraisonnable..



Tous sont en survie et n’ont pas d’autres choix que d’accepter leur sort.



Les pères meurent tôt après avoir emmerder le monde des années durant avec leurs têtes d’enterrement et leurs coeurs broyés, parfois les enfants aussi et les femmes vivent avec leurs souvenirs et les voyages organisés.



Nous sommes dans les années 90.



J’ai mis du temps à lire cet ouvrage qui fait écho à la révolte des gilets jaunes. Je l’avais réservé avant son prix mérité.



La résilience d’une vie ou une vie résignée ?




Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
Commenter  J’apprécie          530
Connemara

La nostalgie imprègne ces pages qui oscillent entre présent au passé et passé au présent. L'adolescence des deux héros, marquée par la découverte de soi, de l'autre et le désir de grandir, vient rythmer leur morne quotidien de quarantenaires. À deux extrémités de l'échelle sociale, la lassitude est désormais la même, l'envie de rompre la monotonie tout en retrouvant ces jours enfuis, cette douceur de la jeunesse pourtant si vite chassée pour embrasser une vie d'adulte qui s'étiole déjà (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2022/02/01/connemara-nicolas-mathieu/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
Commenter  J’apprécie          522
Le ciel ouvert

Waouh ! Enormissime. Trois fois amoureux. D'abord de son interview à France Inter et Quotidien, me disant "il faut que je le lise vite" (d'accord avec Yann, il est "intimidant"). Puis follement amoureux de ce texte, plein de faits et gestes, de tout et de rien, qui prend des proportions démesurées, qui dessine le beau, qui met l'imagination en ébullition. Ces petits textes rassemblés sont hors norme. Un chef d'oeuvre, avec de jolis dessins colorés en prime. Enfin, amoureux, parce qu'on souhaite à tous cette rencontre, ces fusions, cette énergie, cette poésie nucléaire, encore et encore. Carrément une ode à l'infidélité, sinon au foudroyant sans avenir. Et ce qu'on fait du temps qui passe. A toutes ces séparations et ces absences qui rendent l'autre omniprésent dans les veines et sur la peau. Il me fait repenser à cette phrase : "Tu es parti, tu es partout". Merci. Merci. Merci.
Commenter  J’apprécie          518
Connemara

Quatre ans après avoir obtenu le prestigieux prix Goncourt avec "Leurs enfants après eux", Nicolas Mathieu nous reviens avec un troisième roman "Connemara" au titre éponyme inspiré directement de l'hymne de Michel Sardou. Nicolas Mathieu n'a pas son pareil pour dépeindre une situation sociale difficile, celle des laisser pour compte, des gens de peu, des oubliés de nos sociétés. Ici aussi l'auteur reprend son ouvrage là où il l'avait laissé pour son précédent roman. Ici aussi le désenchantement est crépusculaire, les pavillons des petites villes sont gris, les habitants usés par les plans sociaux, l'oubli, le temps qui passe, trop occupé à oublier leurs soucis dans les bars, les petits resto d'antan. Une petite ville de l'Est de la France figée, comme si le temps s'était arrêté. Nous allons suivre tour à tour Christophe et Hélène, nés tous les deux dans un milieux ouvrier où l'on est habitué à prendre des coups, à serrer les dents face à l'injustice de leurs conditions. On parle peu, les attitudes et les regards se suffisent. Hélène n'a depuis l'adolescence qu'une seule envie : s'extraire de cet endroit, fuir cette ville et tous ces gens. Une sorte de honte la ronge, elle souhaite faire de belles études pour avoir un cadre de vie agréable, un salaire conséquent, une belle maison, des enfants, un mari. Ce rêve est accessible, l'ambition ne l'effraie pas bien au contraire. Hélène réussi et elle vit à présent dans la plénitude de ses quarante ans. Mais rien n'est simple, cadre supérieure, elle gagne très bien sa vie. Mais pourtant, il lui manque l'essentiel : l'amour. Son mari et elle ne se voit presque jamais, la fatigue des enfants, le boulot qui épuise et créé des tensions. Hélène se cherche. Lorsqu'un jour, par hasard, elle aperçoit Christophe, toute son adolescence refait surface. La vie passe si vite et Christophe ne s'en rend pas toujours compte, lui qui n'a jamais voulu quitter sa ville, lui le père divorcé avec un enfant qu'il voit de moins en moins du fait d'une séparation qui se passe mal. Christophe voit ses potes, il boit des bières, sniffe un peu de temps à autre pour oublier. La tristesse est là, lancinante et elle le broie. Il vit chez son père. A quarante ans, il souhaite reprendre le hockey sur glace dans son club, celui qui l'a vu grandir, lui qui était la star locale de ce sport, celui qui faisait tourner la tête aux jeunes filles. Christophe profite, il est au pinacle mais la volonté va lui manquer, où peut-être ce brin de chance qui fait basculer sa vie d'un côté ou de l'autre. Ce virage, Christophe l'a manqué. C'est un roman sur l'abandon, celui des rêves et des lendemains qui déchantent, sur l'irruption de l'amour entre deux êtres si différents, si éloignés et pourtant si proche. Il y a comme une contradiction lorsque l'on y pense. Nicolas Mathieu en romancier talentueux qu'il est, nous plonge dans les tumultes de la vie, le poids des choix, le renoncement ou à l'inverse la réussite mais tout cela n'est qu'une façade, à l'intérieur d'eux mêmes, les personnages de cette histoire sont troublant car ils nous invitent à l'introspection car nous pouvons tous, selon les aléas de la vie, être davantage Christophe ou bien au contraire Hélène. Ce roman est formidable pour toutes les raisons explicitées plus haut. Nicolas Mathieu s'inscrit comme l'un des auteurs majeurs et il confirme, s'il en était besoin, tout son talent.
Commenter  J’apprécie          517
Leurs enfants après eux

Somptueusement déprimant. Et si j’osais, je parlerais d’un manifeste sur les gilets jaunes. À croire que le jury du Goncourt avait anticipé les émeutes de novembre. Des générations qui galèrent aux confins du territoire, des petites vies rythmées par la bière et les joints. Le consumérisme, le sexe et le football pour se consoler de ne pas avoir d’avenir radieux. À croire que l’auteur s’est gavé de Bourdieu pendant ses études. Ça rappelle les paroles de la comédie musicale « Les Misérables » quand ils évoquent le père et la mère qui font des cabrioles après leur dure journée de labeur : « entre nous et les bourgeois, c’est avec l’amour, la foi, le seul moment ou y’a pas de différences… et voilà nos vacances. Aime ce que tu as quand t’as pas ce que t’aime… » Presqu’un résumé de ce roman naturaliste qui après « en finir avec Eddy Bellegueule » et plus récemment « Fief » nous ressert les provinces déshéritées et le désespoir des classes moyennes en difficulté. La question est la suivante : si, aujourd’hui, on lit avec respect les déboires des Rougon-Macquart, lira-t-on en 2165 le roman de Nicolas Mathieu ? Alors certes, je commence à en avoir ras la soupière de ces récits noirs de mégots calcinés, de ces êtres à la dérive cherchant le réconfort dans le corps de leur prochain mais je dois avouer que l’auteur en parle avec un grand talent. Il y a des pages magnifiques où chaque geste, chaque expression des personnes sont décrites avec une acuité, une lucidité, une cruauté et une inventivité qu’on avait pas vues depuis longtemps, peut-être chez Houellebecq, la condescendance et le cynisme en moins. La page 392 en offre un bon exemple. Je remercie l’auteur de ne pas nous avoir pondu une fin à la « Goncourt de Queffélec » (un drame, un crime) et de nous laisser imaginer un dénouement, même heureux, même contre le cours du jeu. On se délecte donc, page après page, regrettant tout ce désenchantement, mais c’est le choix de l’écrivain. Je trouve aussi qu’il y a une perte d’intérêt et de vitesse dans les cents dernières pages (de trop ?). On a envie qu’il en finisse, qu’Hacine assassine ou qu’Antho. nique. Donc, plutôt pas mal et surtout, un vrai roman, pas un essai déguisé et bien ficelé comme le Vuillard de l’année dernière. Mathieu, c’est officiel, on vous tient à l’œil !
Commenter  J’apprécie          519
Leurs enfants après eux

L’effroyable douceur d’



A laisser venir la nostalgie, près des canoës,

Pauvre jeunesse désenchantée, sur la plage Déchetterie,

Pataugeant dans leurs rêves de platitude…

A laisser s’épanouir le bourdon de leurs vies grises,

Rends toi compte de leurs frissons adolescents,

Tournoyant dans un cloaque de résignation.

Epanche-toi, sur ce doux roman d’initiation,

N‘oublies rien, de leurs résidus d’émotions charnelles…

Immersive, leur condition d’immobilité sociale,

Respire leurs vies, entre désir et désespoir.



« Et de même , leurs enfants après eux. »





Anthony et les autres rament leurs destins étriqués,

Sur un lac absorbant leur fol espoir de liberté…

Nicolas Mathieu leur donne le sel d’une existence,

A fleur de maux, à cœur de peaux, à grain de plaisance.
Lien : https://fairystelphique.word..
Commenter  J’apprécie          510
Connemara

A presque quarante ans, Hélène doute de sa réussite. Elle a quitté sa petite ville des Vosges, elle a une belle maison à Nancy, de beaux enfants, un beau mari, un travail valorisant. Mais comment va-t-elle ? Est-elle heureuse ? Pas complètement puisqu’elle cherche sur les sites de rencontres un moyen de s’évader d’un quotidien trop routinier. Lors d’une escapade, elle revoit par hasard Christophe Marchal. Et c’est toute son adolescence qui lui revient. Il était la star du lycée, le beau gosse de l’équipe de hockey, un idéal inaccessible pour Hélène accaparée par ses études. Que reste-t-il trente ans plus tard du héros de ses fantasmes ? Un homme qui n’a pas voulu ou pas pu quitter la région, un père en instance de divorce, un ex-sportif qui prend du ventre. Cette fois, Hélène est en position de force. Elle n’est plus l’adolescente bûcheuse invisible. C’est une femme accomplie, élégante, séduisante, cultivée qui met facilement Christophe dans son lit. Une histoire d’amour est-elle possible entre cette femme qui a tout et cet homme qui espère encore un avenir meilleur … ?



Comme à son habitude, Nicolas Mathieu situe son histoire dans le Grand Est et raconte le clivage entre ‘’la France d’en bas’’ et les classes dirigeantes.

Sous couvert d’une banale histoire d’adultère, il se livre à une véritable étude sociologique du pays. Mais qu’on ne s’y trompe pas, derrière un point de vue éminemment politique, on lit tout l’amour et la tendresse de l’auteur pour sa région et ses personnages.

Des personnages qui abordent la quarantaine avec dans le cœur la nostalgie du passé. Christophe veut rechausser les patins, revivre les moments de gloire de sa jeunesse, malgré les kilos en trop, malgré les beuveries avec ses potes, malgré son père qui perd la mémoire, malgré son fils qui va partir loin avec sa mère. Hélène va faire l’amour avec Christophe, pour rattraper les années perdues à étudier, pour prouver qu’elle peut encore séduire, pour montrer que maintenant c’est elle qui a les cartes en main.

Nous sommes en 2017, Macron va faire son entrée en scène. Ce pourrait être l’heure de gloire pour Hélène et ses semblables, ceux qui ont fait HEC, ceux qui brassent de l’air (et des euros), ceux qui vendent du vent. La start up nation va faire exploser la classe politique, valoriser le néant et mépriser les classes populaires. Et pourtant, ils vont continuer à (sur)vivre, à se battre, ceux qui, comme Christophe, pensent qu’il fait bon vivre en province, que quand on n’a rien on peut toujours espérer un peu plus, que rien ne vaut un samedi soir entre potes autour d’une bière à hurler ‘’ Terre brûlée au vent Des landes de pierres Autour des lacs, c'est pour les vivants Un peu d'enfer, le Connemara’’ avec Michel Sardou.

Encore une fois, Nicolas Mathieu nous propose une vaste fresque sociale, psychologique et quasiment historique. Sa belle écriture se met au service de personnages qui nous deviennent proches, dans lesquels on se reconnait sans peine. Il ne faut rien savoir de la France, de l’Est, du peuple, pour le taxer de condescendance. Au contraire, il est la voix des petites gens, les petites commerçants, les résidents des lotissements, les amis du café du commerce, les sportifs du dimanche, les femmes de ménage, les buveurs de bière, les viandards, les gros fumeurs, les fans de barbecue et de Michel Sardou.

Elle est touchante la France de Nicolas Mathieu. Elle nous prend aux tripes et au cœur, elle nous renvoie aux bonheurs et aux espoirs simples et concrets, à la vie telle qu’elle est.

Un roman sociétal qui nous fait vibrer au son cadencé des lacs du Connemara. Coup de cœur.

Commenter  J’apprécie          502




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Nicolas Mathieu Voir plus

Quiz Voir plus

Connemara

De quelle école de commerce Hélène est-elle diplômée ?

Sup de Co Reims
Esc Lyon
ICN(Nancy)
HEC

6 questions
8 lecteurs ont répondu
Thème : Connemara de Nicolas MathieuCréer un quiz sur cet auteur

{* *}