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Critiques de Nicolas Mathieu (1583)
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Leurs enfants après eux

Avec Anthony vous vous embarquez dans une sorte de road trip qui fait du sur-place.

Anthony a des fourmis dans les jambes mais il ne fait rien d’autre que les piétiner, il a des étoiles dans les yeux qui ne servent qu’à l’aveugler, il a des rêves plein la tête qui l’empêchent juste de se réveiller.

Anthony, c’est tout un stéréotype : un looser de première, qui rate à l’école, qui a déjà pris de la drogue à quatorze ans, qui passe son temps d’abord à rouler des pétards à défaut de rouler des pelles, qui vomit le trop plein d’alcool dont il se perfusionne à longueur de temps et qui vomit sa rage à coups de poings à défaut de savoir pousser des coups de gueule !



Les dialogues sont bruts de décoffrage mais quel réalisme dans ces trivialités exprimées, les non-dits restant eux en l’état, peut-être même non-pensés, allez savoir…

Et puis comme on suit quelques personnages, on se dit que leurs points communs, c’est la baise et l’alcool, à croire que tous les jeunes ont que ça en tête – façon de parler, ça ne se situe pas exactement là… Bien sûr que non, mais il s’agit d’une rencontre entre le monde des miséreux auxquels appartient Anthony et le monde des privilégiés auxquels appartient Stéphanie. Alors des gosses de riches qui restent sérieux, ne se perdent pas dans l’alcool, se gardent d’histoires de cul excessives, il y en a. Mais ils ne sont pas dans le livre, parce que comment voudriez-vous qu’ils rencontrent Anthony dans ces conditions ? On se fréquente tout de même assez peu dans des milieux si différents, sauf s’il y a une raison. Nicolas Mathieu aurait pu choisir une autre raison, certes, mais ça n’aurait pas été le même livre. Il aurait même pu choisir un Anthony sobre et sérieux, même dans son monde de misère – si, si – mais là non plus, ce n’est pas ce qu’il a voulu écrire.



Immigration, économie parallèle, vieillissement, piston, alcoolisme, chômage, adolescence et jeunesse… beaucoup de sujets abordés, finalement peut-être trop ?

Mais tout est tellement nuancé dans l’évolution de l’alcoolisme du père avec ses différentes phases, le rapport au corps aussi, plusieurs fois évoqué, dans la découverte de la sexualité, dans le vieillissement, évoqué comme élément de maîtrise de soi, il y a aussi le rapport à l’autorité, paradoxal avec cette tentation de l’armée…

Alors c’est une chronique de vie très ancrée dans la réalité, dans une réalité en tout cas, si on en veut d’autres, on lit d’autres livres qui parlent d’autres gens, mais on ne nie pas que ceux-là existent.



Un prix Goncourt amplement mérité à mon sens, mais bien sûr, la notion de mérite, hein…


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Leurs enfants après eux

Le thème de ce roman est un thème majeur de notre début de siècle.Comment vivre, dans son "territoire" abandonné, et non plus aménagé, désindustrialisé, aux emplois délocalisés, aux chemins de fers déclassés, aux usines démantelées, aux cursus scolaires démonétisés, sans être désespéré ?Ce constat est si tristement contemporain que je me demande pourquoi l'auteur a situé son roman dans les années 90, sinon pour se référer à ses propres souvenirs d'enfance, son langage d'alors, ses difficultés à envisager un avenir, un ailleurs ou un autrement revenant ainsi plus facilement sous sa plume de chroniqueur. Leurs enfants apres eux a connu un succès important et a reçu des critiques de presse unanimement élogieuses. Je suis quant à moi très déçue du manque d'intérêt que j'ai pu prendre à sa lecture (Pardonnez-moi, Ô mânes des frères Goncourt), si bien que je n'ai pas pu le terminer. La vie est courte. N'ayant rien lu d'autre de Nicolas Mathieu, je lui conserve ma sympathie pour sa démarche. Mais la terne vie des enfants privés d'égalité républicaine, face à l'éducation (dévalorisation du bac obtenu dans les petits lycées des petites villes,suite à la dernière réforme) privés de desserte, enclavés, ignorés, oubliés, destitués, etc... méritait mieux que cette terne reproduction écrite prétendument réaliste. Ils attendent toujours le souffle et l'humanisme d'un(e) romancier(e) voulant faire décoller la réalité sur les ailes de la littérature.
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Leurs enfants après eux

Oh, que j’aime la littérature quand elle est capable de ça. Une littérature qui ne craint pas de parler d’une désolante réalité.

Voir ces vies que l’on ne saurait voir. Les tribulations des gamins désœuvrés dans la Lorraine des années 90. Et leurs parents rongés, navrés, racistes, l’alcool à vau-l’eau, les classes sociales à fleur de peau.

C’est rugueux, ça sent le malaise, mais que c’est vrai, que c’est bien fait. Des phrases qui claquent, qui m’arrêtent, que je relis par pur plaisir. Des dénouements aussi dérangeants qu’admirables.

Car les personnages ne font pas souvent les bons choix et pourtant - que je les ai aimé.

Anthony, Hacine, Clem’ et Steph’, le cousin, Vanessa, Eliott et même Romain : je les ai tous aimé. Profondément. Avec leurs embrouilles à deux francs, leurs bêtises, leurs audaces, leurs peurs aussi, leurs prises de conscience surtout. Ils grandissent, juste sous nos yeux, à mesure de petits et grands événements - décisifs sur la trajectoire de ces adolescents.

Un très grand plaisir de lecture, et un amour infini pour la littérature capable de ça.
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Leurs enfants après eux

J’ai l’impression d’arriver après la bataille… Le Prix Goncourt 2018 a été obtenu… et une avalanche de critiques de grande qualité, souvent élogieuses, ont été rédigées.

Ma petite bafouille d’aujourd’hui… ne va certainement pas apporter grand-chose… mais cela me fait plaisir de m’essayer à l’exercice pour « ce grand roman social, très réaliste » captivant et prenant du début à la fin, témoin d’une époque…

Plantons le décor : L’été, dans les années 90, dans l’Est de la France, sur fond de zone sinistrée par l’effondrement de la civilisation industrielle, des personnages hauts en couleur se croisent ; des histoires se tissent, se mêlent et se démêlent autour de discussions de comptoirs, des premiers émois, des rêves des uns et des autres, des désillusions et de la décadence.

En aparté, je ne peux cacher que les sujets abordés dans ce livre me touchent. Ils sont pourtant loin de moi aujourd’hui, mais ils me renvoient à mes années 90 lorsque les usines ont commencé à fermer çà et là… Ainsi, je me souviens du jour, de l’heure, du lieu, de la couleur du ciel, lorsque chez moi, le mot « chômage » a été susurré… une situation terrible, honteuse, redoutée qui nous tombait dessus… Pour mon père, travailleur hors norme, courageux et amoureux de son usine, c’était vraiment une situation dégradante et pour la petite fille que j’étais, je savais que cette nouvelle allait bouleverser notre vie… Qu’est-ce que nous allions devenir ? Allions-nous continuer à fêter Noël ? De plus, c’était la rentrée des classes, j’allais devoir écrire sur les fiches au Collège « Profession du père : chômeur » et « Profession de la mère : femme au foyer »… Quel beau tableau ! Alors que la plupart des copains pouvaient se vanter d’avoir des parents qui évoluaient dans le tertiaire… le domaine en pleine évolution… à cette époque…

Ma famille est loin des personnages du roman. Pourtant, ceux-ci « décrits avec la même violence que Zola », ont pour moi un attachant petit air de déjà vu, chez les voisins, les camarades de classe, leurs grands frères, leurs grandes sœurs, les collègues de mon père, tous ceux que l’on pouvait apercevoir au bistrot du coin, les petits caïds des quartiers et puis aussi les bourgeois et les notables, leurs enfants si brillants qui se moquaient bien « des beaufs »… Mais qu’ils ne trouvaient pas si mal pour chasser l’ennui, fricoter en cachette et goûter aux plaisirs interdits.

Je sais que lorsque je retournerai dans mon village, pour une soirée de 14 juillet, dans la foule, je chercherai du regard avec tendresse d’autres Stéph, Clém, Anthony, Hacine, Patrick, Hélène, les parents Chaussoy et leurs descendances ! Que seront-ils devenus ? Qui va s’en sortir ? Est-ce que les schémas familiaux seront reproduits ?

Merci à Nicolas Mathieu pour cette balade en nostalgie dans ce monde ouvrier d’une époque… qui méritait bien cet arrêt sur image !

L’exercice des copies de citations est particulièrement tentant pour ce roman où les mots fusent et résonnent à chaque coin de page ! A suivre… donc…

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Leurs enfants après eux

1992, Heillange, une ville sinistrée de Lorraine, Anthony vient d’avoir quatorze ans, ses parents sont des cons, à la maison les disputes peuvent partir pour n’importe quoi, il a sans cesse envie de cogner, de se faire mal, de foncer dans les murs. C’est les vacances, à la rentrée ce sera la troisième. Il rêve de foutre le camp, il n’y a pas grand-chose à faire, le désœuvrement, les cyclomoteurs qui ne font que tourner en rond, les habitants accoudés à leur fenêtre, jouer à la console en fumant des pet », rejoindre les potes sur la dalle, se marrer, penser aux filles. Le dernier haut fourneau dresse sa carcasse, tout autour prolifère une jungle de rouille. L’usine a sifflé, gémi, brûlé pendant six générations et il ne reste que ça, une grille fermée par un petit cadenas. Jouer au billard, aux fléchettes, picoler avec les copains, les périodes de vaches maigres, les plans sociaux, le chômage, le syndicalisme, la politique, coller des affiches pour le FN.



De 1992 à 1998, pendant quatre étés Nicolas Mathieu nous raconte la vie ou plutôt les galères de trois adolescents. Anthony fils d’ouvrier déclassé après son licenciement de l’usine, « Il n’allait quand même pas finir comme son vieux, bourré la moitié du temps à gueuler devant le JT ou à s’engueuler avec une femme indifférente. Où était la vie, merde ? », Steph fille de parents petits parvenus qui essayent de s’acheter une notabilité, « Steph et Clem découvraient que le destin n’existait pas, il fallait en réalité composer son futur comme un jeu de construction, une brique après l’autre, et faire les bons choix. Et Hacine fils d’immigré résigné, jamais intégré “Car ses pères restaient suspendus, entre deux langues, deux rives, mal payés, peu considérés, déracinés, sans héritage à transmettre. Leurs fils en concevaient un incurable dépit.”



J’ai beaucoup apprécié la façon dont Nicolas Mathieu nous raconte la lente agonie de la France ouvrière à travers les destins mêlés de ces trois adolescents. Un roman social ancré dans son époque, le texte sonne juste, les mots sont vrais, crus, percutants. Un portrait hyper réaliste de cette France de petits pavillons où l’on s’aime sans rien se dire et on se déteste de la même façon. Des hommes qui meurent tôt, leurs femmes une fois vieilles qui conservent le souvenir de leurs maris crevés au boulot, au bistrot, silicosés, de fils tués sur la route, sans compter ceux qui se sont fait la malle. La mondialisation où les usines sont remplacées par l’économie souterraine où le trafic est aux mains de mômes de quatorze ou quinze ans, les plus jeunes employés comme guetteurs, et les familles qui servent de nourrice. “Se faire en un jour ce que son vieux gagnait jadis en six mois”. L’auteur nous entraîne à la suite de ces trois jeunes jusqu’à l’illusion de la coupe du monde de football de 1998 où chacun se plonge dans l’épopée nationale pour mieux oublier le drame quotidien, le sentiment utopique que la victoire va balayer la crise et trois décennies de déveines. Un roman remarquable sur le désenchantement d’une jeunesse qui rêve de jours meilleurs.

« Chez eux, on était licencié, divorcé, cocu ou cancéreux. On était normal en somme. »





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Leurs enfants après eux

Entre chaleur, premiers émois amoureux, petites et grosses conneries, le roman de Nicolas Mathieu sent bon l'été, l'adolescence, mais aussi le réalisme social d'une France prise en étau entre racisme et lutte des classes. de l'été 92 à celui de 98, de la chaleur du ciel à celui des corps, de l'adolescence à la vie adulte, le romancier esquisse une série de portraits couleur sépia. Comme de vieilles photos retrouvées, la vie d'Anthony et de ses parents, d'Hacine ou de Steph, sont des instantanés pris sur le vif. Tandis que chaque été semble décisif, le suivant s'avère être l'évolution du précédent. Alors que la vie n'épargne personne, le soleil, le lac et les flonflons des fêtes, créés un tourbillon au son de la musique estivale. Souvenirs.



A l'été 92 dans l'est de la France, Anthony quatorze ans, a le caleçon qui le démange. C'est l'été et au contact de son cousin, il profite de la proximité d'un lac pour s'adonner pleinement aux excès de l'adolescence. Mater les filles, fumer, boire des bières et plus si affinités : le ton est donné. Hacine, seize ans, passe de son côté un été différent. La cité, la fumette et l'inertie font partis de son quotidien. de ces étés, ils se croiseront, se jaugeront et se provoqueront, quitte à transgresser les règles.



Comment exprimer le relent de nostalgie à la lecture de ce roman sans évoquer les marques de l'époque, la musique ou l'événement footballistique de 98 ? Une bouffée d'oxygène, tantôt grave, tantôt légère s'est emparée de moi, me laissant chancelante à la fermeture du livre. Avec cette façon de décrire les petits riens, l'auteur exprime les joies simples comme les événements les plus tragiques d'une façon presque innocente. Critique sociale d'une France grignoté par le chômage et le racisme, il dépeint à travers ces différents portraits, l'état d'esprit d'une jeunesse confronté au désarroi et à l'incertitude tout comme aux illusions perdues de leurs parents.



Prise entre le feu d'une saison suffocante et les apéros à rallonge, j'aime beaucoup l'apparente simplicité avec laquelle Nicolas Mathieu décrit l'évolution de ses personnages que tout oppose, mais qui semble intrinsèquement liés. C’est léger, tendre, mais aussi brutal. C’est le chant de la vie où se croisent et se recroisent ces personnages. J’ai aimé cette douce mélancolie qui s’en dégage tout comme la luminosité évidente de l’écriture et aurais adoré poursuivre leur évolution, curieuse de savoir où conduiront les chemins d’Anthony et d’Hacine, ces merveilleux meilleurs ennemis.
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Leurs enfants après eux

L’été 1994, Anthony et son cousin piquent un canoë pour se prendre à ce qu’ils croient être une plage naturiste. S’ils sont déçus de ne pas trouver de nudistes, ils sont ravis de rencontrer Steph et Clem. Elles les invitent à une fête à vingt kilomètres de leur domicile. Anthony, qui meurt d’envie d’y aller, emprunte la moto de son père sans sa permission. Arrivé à la fête, il la cache pour s’assurer que personne ne la prendra. Mais au petit matin, quand il est l’heure de rentrer chez lui, la moto a disparu.

Le thème sur les conséquences de la désindustrialisation est peu traité dans la littérature. Il est porté par une belle plume.

Malgré des personnages trop stéréotypés, le livre se lit facilement.


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Leurs enfants après eux

Stéphanie, Clem, Hacine, Anthony, et quelques autres...



Dans le décor d'une région désindustrialisée de l'est de la France, quatre jeunes adolescents tentent de tracer leur chemin dans le blues de leur quotidien familial miné par le chômage, l'alcool, les familles en rupture, les petits trafics et la stigmatisation de l'origine ethnique ou sociale.



Roman d'apprentissage développé sur quatre périodes de deux ans en deux ans, la parole est donnée à deux filles et deux garçons en quête de départ, de reconnaissance et de bonheur, sans jamais tomber dans le pathos de situations parfois dramatiques. Durant quatre étés, on les suit sortant de l'enfance, en crise d'adolescence, obsédés par les relations sexuelles, les prises de risque grisantes de petite délinquance, l'exaspération face à l'autorité parentale.



Les personnages sont construits avec une grande justesse et un soin particulier apporté dans les sentiments exacerbés, les excès, la cruauté de jeunes chiens. Leurs parcours montrent une France semi-rurale, où les espoirs d'une autre vie sont des chimères quand on ne possède pas les atouts pour les réaliser, ou même les imaginer.

La difficile mutation vers l'âge adulte se fait avec une forme de résignation qui rend très illusoire et décalée l'esprit de fraternité, illustree par une compétition mondiale de foot.



On pouvait craindre un roman social dégoulinant, c'est au contraire une peinture contemporaine pertinente qui met l'accent sur l'héritage parental dans la construction des enfants.

Un roman toujours juste, attachant. Une vraie réussite de fiction ancrée dans le réel.

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Leurs enfants après eux

Il y a le monde, la France, et puis il y a Heillange, cette petite ville de Lorraine qui depuis la fermeture des hauts fourneaux, se cherche un avenir pendant qu'autour d'elle, la vie ne l'attend pas.



C'est la même chose pour Anthony, Steph et Hacine, enfants d'Heillange qui le temps de 4 étés des années 90, vont tenter d'échapper à la fatalité sociale et au déterminisme qui les entraîne inéluctablement vers une vie "copier-coller".



Ils ne sont pourtant pas tristes ces 4 été, entre balades en meules, sorties au lac, roulages de 3 feuilles en veux-tu en voilà, bouteilles de vodka tièdes sifflées en loucedé, sans parler de l'amour. Oh pas le grand ! Mais le p'tit coup de sexe vite fait sous la tente ou dans la voiture qui permettra de changer d'âge et d'alimenter les conversations. Sauf que les vacances ont ça de pénible qu'elles amènent nécessairement vers la rentrée, ce demain qui obsède Anthony, Steph, Hacine et tous les autres.



Partir ? Une évidence, pour échapper à cette demie-vie dans une ville où elle existe désormais si peu, entre résignation, alcoolisme et chocs de cités, sous les yeux de semi-bourgeois devenus borgnes au royaume des aveugles. Mais où ? Au bled pour mieux revenir à la case départ en pseudo-caïd ? Avoir le déclic des études pour tenter de s'extirper de ce monde de résignation ? Dans l'armée qui vous accueille aussi généreusement qu'elle vous rejette rapidement ?



Rester ? Un p'tit travail ; une p'tite femme ; un p'tit appart et ensuite, un p'tit pavillon ? Se caser, se ranger. Ici, on a finalement ses repères. Et puis souvent encore le père ou la mère ; le cousin ; les potes...



Mais a t-on vraiment le choix ? Car dans leurs quêtes diverses, Steph, Anthony et Hacine qui se fuient ne cessent finalement de se retrouver, tels des particules métalliques folles attirées par l'aimant Heillange qui les ramène à lui.



Dans leurs enfants après eux, Nicolas Mathieu nous envoie une carte postale grave et mélancolique, mais où pointe ci-et-là des lueurs d'espoirs effleurées dans l'enthousiasme et la fraîcheur de ces adolescents finalement pas si mal dans leurs têtes. Virtuose de l'alternance de style, il bascule constamment entre gravité et fraîcheur, entre digressions réalistes ou sociales et dialogues bruts. Il confirme surtout son habileté à capter une époque dans son entièreté, ralliant ainsi dès les premières pages le lecteur à sa cause.



Brillant !
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Paris-Colmar

Pour le dernier de la collection des Petits polars du Monde et de la SNCF, je reste sur une bonne impression, quel soulagement !

Ici, le lecteur découvre en parallèle un vieux juge et un jeune gamin, petit délinquant mais pas mauvais genre pour autant, Johann qui ne demandait qu'une chose : qu'on lui explique la bonne voie à suivre. Élevé par ses grands-parents et traînant le plupart du temps avec un certain Rollo, pas très futé, Johann n'avait au départ rien pour lui. Se laissant facilement influencer, il ne faisait que suivre le courant. Il ne intéressait à rien de particulier, séchait souvent les cours et passait la plupart du temps avec Rollo. Ah oui, il y avait bien cette fille qui l'intéressait, Virginia mais bon, voilà...Et puis, la rencontre avec l'ancien juge fut un fil déclencheur. il faut déjà dire que celle-ci avait mal débutée car c'est lors d'un braquage que Johann a fait sa connaissance mais le vieil homme a su prendre son mal en patience et à réussi à amadouer le jeune homme. Comment, eh bien c'est là que commence notre polar puisque le juge lui raconte quelles ont été ses affaires en Corse et pourquoi il possède une arme chez lui qu'il lui faut à tout prix préserver. Aussi, si Johann et son pote pouvaient avoir l'amabilité de la lui rendre...qu'ils gardent l'argent mais surtout par son arme !



Un petit polar bien sympathique avec un dénouement prévu d'avance mais là où l'auteur nous surprend, c'est tout ce qui se passe au centre de l'histoire. Un graphisme extrêmement bien travaillé, chose que j'apprécie beaucoup, et une échappée touristique en plein coeur de Colmar qui m'a donné envie d'y retourner, ne serait-ce que pour visiter le musée de jouets...A découvrir !
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Connemara

Je suis d’autant plus mal à l’aise pour rédiger ce billet en demi-teinte, que je suis convaincue que « Connemara » a beaucoup d’atouts pour séduire les lecteurs, d’ailleurs le succès obtenu le confirme largement.

Je suis cependant restée sur le bord du lac, sans parvenir à m’immerger dans ses eaux. Je crois que je n’ai tout simplement pas été séduite par les personnages.

Je n’ai pas réussi à les trouver sympathiques.



Hélène a 39 ans, un métier, un mari, deux filles. De quoi a-t-elle envie ? De changement, d’agrémenter une vie qu’elle juge monotone et sans surprises. Elle tente de se distraire dans les bras de Christophe. Cette Madame Bovary moderne m’a agacée, je n’ai éprouvé aucune bienveillance à son égard.

Christophe, l’amant, n’a pas à mes yeux beaucoup plus de profondeur.



Certains passages m’ont paru terriblement longs. Je me suis ennuyée dans les descriptions de la vie en entreprise.

Je reconnais la qualité de l’écriture de Nicolas Mathieu mais j’attendais plus de l’histoire où il se passe finalement peu de choses.



Un roman de plus à ranger sur l’étagère des « rendez-vous manqués ».



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Connemara

Je ne suis pas sur de m’aligner complètement sur la ligne politique qui fera de Nicolas Mathieu le chef de file de la littératosphére.

Le gars en est à son 3e vrai roman. Chaque titre nécessite 3 ou 4 pages d’explication dans Elle:

« Aux animaux la guerre » c’est La Fontaine, bien sur, avec les animaux malades de la peste.

« Leurs enfants après eux » c’est l’Ancien testament évidemment, rappelant que les ouvriers d’Heillange sont comme s’ils n’avaient jamais existé ainsi que leur descendance.

« Connemara », facile, c’est Tam tata tatatatam et Sardou ,qui arrive toujours au bon moment: mariages, fêtes de village, anniversaire de Papy et fêtes des B.D.E. des écoles de commerce du TopTen.

L’action se passe à la veille des élections de 2017 et, dans une mise en abime involontaire, consacre Nicolas Mathieu en 2022, à la veille des présidentielles.

Ceci étant dit, il s’agit d’un excellent roman, presque totalement flaubertien.

L’auteur est un grand écrivain qui sacralise l’adjectif, l’adverbe et la métaphore courte.

« Elle respire l’odeur surette des draps qui n’ont pas été changé depuis le début du séjour »

«La mère de Charlotte ressemble à ces femmes qui font de la pub pour les crèmes antirides, chics et saines, la petite cinquantaine en sfumato , des joncs en or aux poignets »

« Sous ses fesses, l’extrême confort du matelas Simmons plaidait plutôt pour le statu quo »

« Elle leur adressa des photos d’elle dans sa salle de bain, des compliments comme de bons gros gâteaux pleins de levure. Au bout d’une semaine les deux hommes ne débandaient plus »

« Dire que son vieux s’était échiné quarante ans, et que tout finirait dévoré par les soins, le patrimoine muté en toilettes intimes, petit-suisses et divagations dans le parc arboré »

Et une petite dernière :

« Mais on n’était pas fier, à quarante balais, quand on était père et qu’on avait une vie d’adulte, de taper rousse, beurette ou interracial dans une barre de recherche »



Et bien voilà, le décor est planté dans le Grand-Est, entre Vosges et Lorraine.Régions devenues Territoire. L’auteur y déplie doucement, avec de nombreux flashbacks, une tapisserie narrative de très bonne facture réinventant presque le classicisme social.

Hélène , assurément personnage principal, n’est pas vraiment, comme j’ai pu le lire un peu partout, un « transfuge de classe ». Ces parents ne sont pas pauvres. C’est plus une histoire de culture.Mais ce n’est pas grave: elle boit du picon-biére tout en lisant Mona Chollet



Pour quelqu’un qui vient de faire un burn-out managérial à Paris, elle assure sacrément dans sa nouvelle société nancéienne de conseil, avec ses 2 filles et un mari ESSEC plutôt sympa.

Elle va donc baiser ( infinitif le plus fréquent du bouquin) avec son vieux pote Christophe.



On retrouve alors la question du déterminisme social , essentielle, à travers une constellation de personnages secondaires forgés dans l’acier et la boue.



Alors là il y a 2 aspects du roman qui m’ont vraiment intéressé:

une description formidable du monde du consulting. Là c’est vraiment top à tout point de vue. Dans la forme ( ah le volapuk du management, le portrait de Lison-génèration Z, les Mac partout etc…..) et dans le fond ( et oui ça ne sert pas à grand chose, mais peut-être un peu).

la découverte de la passion d’Epinal ( Nicolas Mathieu dirait spinalienne) pour le patin à glace.

Rien que pour cela le livre vaut son pesant de cacahouètes.



J’ai lu aussi qu’il était drôle (le livre). Je l’ai trouvé absolument mélancolique. Quand on se prend le Réel de plein fouet et que ça fait bien mal, ça a tendance à vous mettre un peu le moral dans les chaussettes.



La fin façon La La Land nous fait abandonner tout espoir.

Mais c’est peut être ça la moral du livre : Toi qui fredonne Connemara, abandonne tout espoir.

Et ce n’est pas si grave.

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Leurs enfants après eux

J'ai eu le ressenti agréable d'un retour à mon adolescence. Pour moi, ce n'était pas l'Est de la France, mais l'agglo Lille-Roubaix-Tourcoing. Le contexte de la désindustrialisation était le même, le sentiment de désenchantement généralisé également. La volonté de partir à l'aube de l'âge adulte est de ne jamais y revenir est aussi un sentiment que j'ai partagé. Le désir de ne pas me conforter dans une classe sociale de cette société de consommation où l'endettement était le seul voile sur la précarité. Ne jamais revenir. Profiter de l'humain, se contenter de l'essentiel. L'ambiance et les références du récit sont conformes à mes souvenirs. Nicolas Mathieu a réussi à retranscrire la réalité sociale d'une époque et d'une génération avec brio.
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Leurs enfants après eux

Ça fait une bonne semaine que je saoule littéralement tous ceux que je rencontre avec Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu, comme tout le monde le sait, prix Goncourt 2018. Ben oui, ça s'appelle une énorme gifle, un coup de coeur, de folie, bref… je suis époustouflée par toutes les qualités de ce texte !

Nous sommes donc dans les années 90, dans l'Est de la France, pas loin de la frontière du Luxembourg, à Heillange (qui rappelle évidemment Hayange en Moselle), ville complètement dévastée par la désindustrialisation et où les quatre hauts-fourneaux ne servent plus que de tristes décors. « Toute la vallée était en soins palliatifs quelque part ... » En effet, le taux de chômage est élevé, les trafics de drogue vont bon train, l'alcoolisme aussi, et l'ennui s'empare de chacun tandis que l'été s'étire mortellement et qu'il n'y a rien à faire, sinon glander en écoutant Nirvana, attendre, attendre et espérer mieux pour un jour prochain. C'est une France périurbaine qui est décrite et les gamins se demandent toujours comment ils vont se rendre là où ils veulent aller. Une France donc qui a besoin d'essence pour vivre et qui n'a pas un sou pour remplir son réservoir. « Chaque désir induisait une distance, chaque plaisir nécessitait du carburant. » Un peu prémonitoire tout ça, non ? 

On suit essentiellement une poignée de personnages : Anthony et ses parents, le cousin Hacine et son père, et deux gamines, Steph et Clem. Certains s'en sortiront plus ou moins bien (grâce à l'école), d'autres pas. Quant aux autres, ils vivoteront, auront des hauts et beaucoup de bas.

Le roman est divisé en quatre chapitres : 1992/1994/1996 et 1998, la coupe du monde et le rêve d'une fraternité qui n'aura pas lieu. Anthony a quatorze ans en 1992. On le quittera en 1998, il en aura donc 20 et sera devenu un homme. Mais quel homme devient-on quand on ne quitte pas ces lieux sinistrés qui n'offrent aucune perspective ? On peut donc parler d'une certaine façon d'un roman d'apprentissage : apprentissage de la vie, de la sexualité, de la frustration surtout, de la galère, de la violence, de la haine et de l'amour.

Le regard de Nicolas Mathieu est aussi celui d'un sociologue ou d'un historien sur une époque et une géographie précises, même si les mots que j'ai lus m'ont semblé souvent prémonitoires : ils contiennent en germe toutes les crises actuelles et l'on pourrait facilement transposer toute cette histoire ici et maintenant. Les choses ont-elles changé dans le fond ? Pas sûr !

Et puis, ce roman, à mon sens, s'il s'intéresse aux gens de peu, aux vies minuscules comme dirait Michon, parle surtout des gens, de TOUS les gens, quels qu'ils soient, d'où qu'ils viennent, de la misère de la vie, de l'absurdité de l'existence : « Ils ne cherchaient pas à changer leur vie, se satisfaisaient de salaires décents et d'augmentations raisonnables. Ils occupaient leur place, favorables à l'état des choses, modérément scandalisés par les forces qui en abusaient, inquiets des périls télévisés, contents des bons moments que leur offrait la vie. Un jour, un cancer mettrait à l'épreuve cette immobile harmonie. En attendant, on était bien. On faisait du feu en hiver, et des balades au printemps. » Ben oui, c'est nous ! Nous tous, lui aussi, l'auteur, forcément. C'est l'humaine condition. « Depuis le temps qu'elle se donnait du mal pour que ça aille et que ça puisse, et rien n'allait, et finalement on pouvait si peu. » A pleurer tellement ces lignes sont belles…

Comme je le disais pour commencer, cette lecture fut en effet pour moi un vrai coup de coeur. J'ai trouvé dans ce roman tout ce qui m'enchante en littérature : une écriture d'abord, à la fois crue, sensuelle, poétique, capable de faire ressentir les premiers émois de l'amour physique, le bonheur d'être bien au bord de l'eau ou de rouler à fond la caisse sur une belle ligne droite en frôlant la mort. Nicolas Mathieu décrit avec une telle minutie les sensations, les émotions, qu'on les vit avec les personnages ! C'est une écriture tellement juste que l'on se dit sans cesse : oui, c'est exactement ça… Et l'on reste bluffé devant tant de talent...

Et puis, il y a ces grandes scènes très cinématographiques qui nous marqueront à tout jamais parce qu'on a eu l'impression d'y être, de sentir la chaleur écrasante, les pétarades de la moto qui passe ou bien l'angoisse qui serre la gorge des personnages. Certaines scènes sont ahurissantes de réalisme : on repense au cinéma des frères Dardenne ou de Bruno Dumont (La vie de Jésus 1997). Une certaine forme de violence est toujours là, latente, prête à exploser comme si le monde était sous tension. Et malgré cela, certains moments évoquent un bonheur intense, extrême, proche de la jouissance. Oui, ce roman est sombre, il est difficile de dire le contraire, mais en même temps, les personnages vivent aussi, malgré leurs mille galères, une adolescence forte, fiévreuse, folle, pleine de sensations, de sensualité. Ils vivent, se débattent pour ne pas entrer dans les cases qu'on leur propose. Et leur vigueur est belle à pleurer...

Ce texte conjugue donc des analyses percutantes et justes sur les retombées économiques de la désindustrialisation et toute l'effervescence de la jeunesse. Le contraste est saisissant : tandis qu'un monde agonise et meurt doucement, un autre, jeune, vif,intense, bouillonnant, plein de fougue et d'impatience, tente de se faire une place et c'est dur.

S'il y a du Zola chez Nicolas Mathieu, j'y ai lu du Flaubert aussi. Un Flaubert qui lors des comices agricoles décrit les mains usées par «la poussière des granges, la potasse des lessives et le suint des laines »  d'une pauvre paysanne tandis que le discours des politiques et « des bourgeois épanouis » vient récompenser « ce demi-siècle de servitude ». Ce regard ironique sur ceux qui dominent est présent dans Leurs enfants après eux : je repense à la scène incroyable où ils annoncent sous l'oeil dubitatif d'une foule incrédule qu'ils envisagent d'organiser une régate pour l'année suivante sur le lac d'Heillange. J'ai éclaté de rire à ce moment-là parce que la scène est incroyablement bien décrite… saisissante de justesse et de vérité. Nicolas Mathieu est un fin observateur et il a vraiment le sens du détail. Oui, incontestablement, c'est un grand, un très grand romancier… (bon, ça y est, ça me reprend….)

J'ai aimé ce texte aussi pour ses personnages avec lesquels on vit, pour lesquels on s'inquiète, on tremble… Combien de fois ai-je pensé que c'en était fini pour Anthony, tellement jeune, tellement naïf lorsqu'on le rencontre, alors qu'il est un pauvre gamin qui ne connaît rien à la vie, lui et sa paupière tombante. On le sent prêt à se jeter la tête la première dans toutes les galères, tous les pièges. Et cette moto… (mais je n'en dis pas plus…) L'empathie de l'auteur pour ses personnages est présente à chaque ligne, dans chaque mot. Il les suit, caméra à l'épaule, les observe de près, scrute leurs déplacements, leur façon de tourner en rond, comme enfermés dans une géographie dont ils ne peuvent s'extraire (sauf quelques-uns, mais rien ne dit qu'ils ne reviendront pas …) Piégés en quelque sorte, comme l'ont été leurs parents, leurs grands-parents et comme le seront certainement… leurs enfants après eux... Il peint superbement ces gens perdus dans des paysages dévastés et nus : « Tous deux ne représentaient rien dans cet espace qui n'était déjà pas grand-chose. » Parfois, on est dans du Beckett ou pas loin : « - On bouge - On bouge où ? - On bouge, on verra bien. » Et malgré tout, c'est dans ces lieux qu'ils trouveront des moments de plaisir intense parce qu'ils sont chez eux et que la terre et l'air seront à jamais ceux de leur enfance.

Allez, je le répète encore une fois, Leurs enfants après eux, est un livre magistral, poignant, terrible, juste, cru, politique, poétique, réaliste, lucide, noir, beau, sensuel, sensible, fin, déchirant, fort, violent, brutal, tragique, vrai, bref ... en tous points REMARQUABLE.

En toute objectivité, bien sûr...
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Leurs enfants après eux

Pour une fois, j’ai lu un Goncourt avant que cette distinction ne lui soit épinglée à la jaquette. Même si ce n’était pas mon petit favori, je me réjouis que Leurs enfants après eux soit honoré de cette distinction. Je me réjouis aussi que le Goncourt soit à nouveau un livre accessible et agréable à lire.



Inutile de vous rappeler de quoi ça parle, le tam tam médiatique résonne déjà dans toutes les chaumières où le besoin de lire est aussi vital que le pain quotidien.



Par contre, ce que j’ai envie de vous dire, c’est que Nicolas Mathieu sait y faire, il a l’envolée belle, il maîtrise son style. Son écriture est tellement fluide et naturelle qu’on finit par l’oublier au profit d’une immersion totale dans ce récit social. Impossible de vous expliquer exactement pourquoi parce que, pendant ma lecture, je me suis surprise à penser que ce livre n’avait rien de particulier . Et pourtant, il se lit presque d’une traite. Oui, les pages se tournent toute seules, le lecteur boit l’histoire jusqu’à la fin, comme par fatalité, par solidarité avec Anthony et les autres, englués dans un déterminisme régional auquel ils tentent d’échapper.



Il y a dans ce livre la magie d’un auteur qui maîtrise son sujet, un auteur qui a été capable d’observer et de saisir tous les codes sociaux d’une époque et la détresse d’une région sinistrée. Et ça, j’en suis certaine, parce que, voyez-vous, Hayange (Heilange dans le livre) est à 50 km de chez moi à vol d’oiseau, avec un changement de pays entre les deux. Cette ‘France d’en bas’, la chute du bassin sidérurgique lorrain, l’appauvrissement de toute une région, j’en ai entendu parler toute ma jeunesse.



Ce livre, c’est le retour à l’époque des mes parents, à celle de mon père, sidérurgiste, heureusement dans « un état providence voisin » comme le dit si bien Nicolas Mathieu. C’est le souvenir des conversations à table où mon père racontait l’usine, les copains « bicots », ceux qui venaient de la Zup. C’est l’époque des apéros au picon bière et des barbecues « des vieux » auxquels nous, ados, tentions d’échapper. C’est aussi un retour aux références musicales et cinématographiques de mon adolescence. Mais la comparaison s’arrête là. Cinquante kilomètres parfois, ça vous laisse le choix, ça vous change une vie. Enfin, quoique, si j’y réfléchis bien … Mais ça, c’est une autre histoire, c’est la mienne et ça ne ferait pas un Goncourt.



Bon voyage en Lorraine les gens !












Lien : https://belettedusud.wixsite..
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Leurs enfants après eux

Je me suis laissé facilement embarqué dans cette histoire… j’ai suivi chaque période, chaque personnage, le récit me plaisait… j’attendais… une fin… une intrigue… du suspens… et bien non ce ne fût qu’une épopée d’adolescents se recroisant tous les deux ans et puis…



Le seul avantage c’est que certaines rencontres m’ont rappelé ma jeunesse, nos retrouvailles, nos attentes, nos espoirs… une vie simple… et puis la vie continuent… tout bonnement.



Donc beaucoup d’attente et beaucoup de déception… cette fin qui pour moi n’en ai pas une !



Bonne lecture !



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Connemara

Hélène s'ennuie. Elle qui a tout réussi, se tirer de sa campagne vosgienne, de belles études, une carrière, deux enfants…

Elle devrait être satisfaite et pourtant…

Christophe est resté à Cornécourt, à côté d'Epinal. Très populaire au lycée car qu'il était non seulement très beau mais aussi jouait dans l'équipe locale de hockey. Aujourd'hui il a un boulot de représentant, deux vieux potes, un vieux père dont la tête se met à battre la campagne, une ex-compagne qui décide de déménager et donc de s'éloigner avec le gosse.

Ces deux là vont se retrouver lors de rendez-vous clandestins, se rapprocher prudemment.. Christophe peut-il vraiment plaire à Hélène l'ambitieuse ? Hélène peut-elle imposer ses choix, ses goûts à Christophe ?

Parce qu'il faut plus que l'entente des corps pour faire un couple.

J'aime décidément l'écriture de Nicolas Mathieu, son style vif, incisif parfois. C'est un fin observateur de ses contemporains ce qui lui permet de dresser des personnages plus vrais que nature : la quarantenaire insatisfaite qui se laisse tenter par des aventures d'un soir sur les suggestions d'une petite stagiaire qui finalement est celle dont elle est la plus proche dans la boite. Ses frustrations de couple : monsieur qui dès que la porte familiale est fermée se lance dans le monde sans aucune inquiétude, scrupule. Il sait que la « maison » va tourner. Ses frustrations professionnelles : deviendra-t-elle associée de la boite ou est-ce le petit dernier recruté aux dents longues qui aura ce privilège ?

Christophe qui après avoir été un cador stagne dans son bled coincé dans ses problèmes de partage de garde, de père devenant Alzheimer, de velléités de retour sur le devant de la scène par une reprise tardive du hockey.

Son analyse des cabinets conseil genre Mc Kinsey qui gèrent non seulement les stratégies des entreprises mais aussi celle des administrations est très juste.

Sa construction aussi est habile. Des allers retours entre les personnages d'Hélène puis de Christophe, aujourd'hui et hier…

Et pourtant, si je ne me suis pas ennuyée une seconde, je ne me suis pas laissée embarquée comme avec « Les enfants après eux ». On retrouve d'ailleurs le thème d'un certain déterminisme social ici aussi.

C'est peut-être le personnage d'Hélène, son cynisme, son égoïsme même me l'ont tenu à l'écart.

C'est peut être l'abondance de la novlangue du management d'aujourd'hui dans certains parties qui m'a rebutée. Ce lexique est juste sur le fond mais qu'il est pénible de lire ce jargon jargonisant !

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Connemara

Nicolas Mathieu est un observateur brillant et critique de son environnement. Il n’a pas son pareil pour démonter la machine capitaliste, croquer la vie des consultants (262-271 de très haute volée), arbitrer la lutte des classes, fustiger la mesquinerie provinciale, pointer la défaillance parentale ou douter de l’amour, cette supercherie moderne. Le tout avec beaucoup de tendresse, sans jamais donner l’impression que l’époque le dégoûte. Cela donne des passages d’une rare acuité à retrouver pages : 19, 97, 111, 126, 135, 146, 174, 254, 294.

Son histoire de coucherie est somme toute banale. Des images d’Épinal. Normal, nous sommes dans les Vosges (« On a si peu de raisons de se réjouir dans ces endroits qui n’ont ni la mer, ni la tour Eiffel, et où les soirées s’achèvent à vingt heures en semaine et dans les talus le week-end »).

Hélène et Christophe approchent la quarantaine avec leur sentiment d’échec. Leur désillusion les aimante. Ils se noient dans l’adultère comme d’autres se jetteraient d’un pont. Classique. Oui mais Nicolas Mathieu raconte de manière sublime l’ennui commun des mortels. Barde de notre temps, il témoigne de cette France étriquée, accrochée à ses gloires passées, indécise devant le grand chambardement d’un monde qui la rend nostalgique ou la répand sur les ronds-points. Plus qu’un Sardou, auquel il emprunte le titre de son livre, il y a du Souchon chez Nicolas Mathieu : la poésie n’est jamais loin de la cruauté. Empathique mas pas dupe. Curieux mais vigilant. Une satire sociale en suçotant des bonbons acidulés.

Je ne lui fais que deux reproches. Le premier, c’est d’être encore trop long. J’ai eu parfois envie de m’échapper, d’aller voir Kessel ou London, car j’étouffais dans ses banlieues d’une « laideur raisonnée ». Le second, c’est la redondance de ses sujets. Nicolas Mathieu répète à l’envi qu’il n’écrit que sur ce qu’il connaît. 1. Ce qu’il connaît est-il toujours digne d’intérêt ? 2. A t-il fait le tour de ce qu’il connaît ? L’avenir nous le dira.

Bilan : 🌹🌹

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Rose Royal

"Rose boit trop et trompe sa solitude avec quelques coeurs fêlés du même genre".



Rose a 50 ans, blasée et dégoûtée de ses nombreuses rencontres et de ses" petites vies "avec les hommes.

Elle jure qu'on ne l'y prendra plus et que c'est elle qui, dorénavant, mènera la danse et n'acceptera plus aucune compromission ; ce sera sans compter sur sa dernière rencontre avec Luc.



- Absences - Silences - Violences allusives - Indécisions

Flash d'une vie, d'une femme ordinaire, trop vite éteinte !



La deuxième partie de ce petit bouquin nous montre un magistrat qui va croiser la route d'un gamin paumé.



Une affection se nouera.



Encore une fois, ce sera sans compter sur les impondérables de la vie.



Pas très gaies comme histoires mais tellement crédibles et qui ne sont pas faites pour faire entrer la lumière !







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Rose Royal

Avant que Rose ne s’étiole



Le Prix Goncourt 2018 nous offre un court roman noir qui prouve une fois encore son formidable talent. Le portrait de Rose, quinquagénaire qui rêve d’un nouveau printemps, est aussi lucide que cruel.



Il paraît que pour un Prix Goncourt, il est très difficile de reprendre la plume. Il est vrai qu’après le formidable succès de Leurs enfants après, Nicolas Mathieu était très attendu. Avec Rose Royal qui, rappelons-le, n’est que sa troisième œuvre publiée, il se remet doucement en selle, dans un format court, qui par parenthèse permet à IN8, un éditeur régional (basé à Serres-Morlaàs dans les Pyrénées-Atlantiques) de s’offrir une plus grande visibilité.

Rassurons d’emblée tous ceux qui ont aimé ses précédents livres, sa plume est toujours aussi aiguisée, son regard sur la société toujours aussi percutant.

Nous avons cette fois rendez-vous avec Rose dans un café de Nancy. Au Royal elle a pris ses habitudes, s’offrant quelques verres avant de rentrer chez elle, commentant l’actualité avec le patron, croisant la coiffeuse et sa meilleure copine. Bref, elle n’attendait plus grand chose de la vie, même si son physique conservait quelques atouts: «Rose aurait bientôt cinquante piges et elle ne s’en formalisait pas. Elle connaissait ses atouts, sa silhouette qui ne l’avait pas trahie, et puis ses jambes, vraiment belles. Son visage, par contre, ne tenait plus si bien la route.»

En attendant un très hypothétique miracle, elle avait réglé sa vie sur ce rituel qui la mettait à l’abri d’une relation décevante, comme celles que les réseaux sociaux offraient et à laquelle elle s’était quelquefois laisser aller quand la solitude devenait trop pesante. Car après tout, elle ne s’en était pas si mal sortie jusque-là. «Rose s’était mariée à vingt ans. Elle avait eu deux mômes dans la foulée, Bastien et Grégory, et un divorce sans complication majeure.»

L’événement qui va changer son quotidien survient au Royal un soir où le patron a joué les prolongations. En milieu de nuit un homme y trouve refuge avec dans les bras le chien qui vient d’être victime d’un accident. Rose ne le sait pas encore, mais cet homme meurtri est son nouveau compagnon. Ensemble, ils vont faire un bout de chemin, chacun voulant croire à une seconde chance «ne sachant que faire de ce nouvel âge de la maladresse». Après quelques mois, Rose va choisir de quitter son emploi pour seconder Luc et emménager chez lui. Un choix réfléchi? La suite va prouver que non.

Dans une ambiance proche de Aux animaux la guerre, Nicolas Mathieu sait parfaitement installer ces petits détails qui montrent que la mécanique s’enraye, que la belle histoire est un vœu pieux, que peu à peu Rose entre dans «cette escroquerie de la dépendance». Avec un épilogue glaçant que je me garde bien de de dévoiler. En revanche, ce bonbon acidulé est parfait pour nous mettre l’eau à la bouche et faire encore grandir notre impatience de nous plonger dans le prochain grand format de mon compatriote lorrain !


Lien : https://collectiondelivres.w..
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