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Critiques de Nicolas Mathieu (1584)
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Rose Royal

Avant que Rose ne s’étiole



Le Prix Goncourt 2018 nous offre un court roman noir qui prouve une fois encore son formidable talent. Le portrait de Rose, quinquagénaire qui rêve d’un nouveau printemps, est aussi lucide que cruel.



Il paraît que pour un Prix Goncourt, il est très difficile de reprendre la plume. Il est vrai qu’après le formidable succès de Leurs enfants après, Nicolas Mathieu était très attendu. Avec Rose Royal qui, rappelons-le, n’est que sa troisième œuvre publiée, il se remet doucement en selle, dans un format court, qui par parenthèse permet à IN8, un éditeur régional (basé à Serres-Morlaàs dans les Pyrénées-Atlantiques) de s’offrir une plus grande visibilité.

Rassurons d’emblée tous ceux qui ont aimé ses précédents livres, sa plume est toujours aussi aiguisée, son regard sur la société toujours aussi percutant.

Nous avons cette fois rendez-vous avec Rose dans un café de Nancy. Au Royal elle a pris ses habitudes, s’offrant quelques verres avant de rentrer chez elle, commentant l’actualité avec le patron, croisant la coiffeuse et sa meilleure copine. Bref, elle n’attendait plus grand chose de la vie, même si son physique conservait quelques atouts: «Rose aurait bientôt cinquante piges et elle ne s’en formalisait pas. Elle connaissait ses atouts, sa silhouette qui ne l’avait pas trahie, et puis ses jambes, vraiment belles. Son visage, par contre, ne tenait plus si bien la route.»

En attendant un très hypothétique miracle, elle avait réglé sa vie sur ce rituel qui la mettait à l’abri d’une relation décevante, comme celles que les réseaux sociaux offraient et à laquelle elle s’était quelquefois laisser aller quand la solitude devenait trop pesante. Car après tout, elle ne s’en était pas si mal sortie jusque-là. «Rose s’était mariée à vingt ans. Elle avait eu deux mômes dans la foulée, Bastien et Grégory, et un divorce sans complication majeure.»

L’événement qui va changer son quotidien survient au Royal un soir où le patron a joué les prolongations. En milieu de nuit un homme y trouve refuge avec dans les bras le chien qui vient d’être victime d’un accident. Rose ne le sait pas encore, mais cet homme meurtri est son nouveau compagnon. Ensemble, ils vont faire un bout de chemin, chacun voulant croire à une seconde chance «ne sachant que faire de ce nouvel âge de la maladresse». Après quelques mois, Rose va choisir de quitter son emploi pour seconder Luc et emménager chez lui. Un choix réfléchi? La suite va prouver que non.

Dans une ambiance proche de Aux animaux la guerre, Nicolas Mathieu sait parfaitement installer ces petits détails qui montrent que la mécanique s’enraye, que la belle histoire est un vœu pieux, que peu à peu Rose entre dans «cette escroquerie de la dépendance». Avec un épilogue glaçant que je me garde bien de de dévoiler. En revanche, ce bonbon acidulé est parfait pour nous mettre l’eau à la bouche et faire encore grandir notre impatience de nous plonger dans le prochain grand format de mon compatriote lorrain !


Lien : https://collectiondelivres.w..
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Leurs enfants après eux

Quand on est née comme moi, au mois de novembre et qu’on est passionnée de littérature, le dernier prix Goncourt constitue le cadeau d’anniversaire parfait censé combler sa destinataire.

Malheureusement les choix opérés par le jury se conforment rarement à ma sensibilité personnelle... Encouragée par les critiques élogieuses des babeliotes et soucieuse de découvrir un auteur contemporain que je ne connaissais pas, j’ai abordé ce livre avec un à-priori favorable...jusqu’à ce que ma lecture se transforme en un véritable pensum ...

J’ai vraiment failli à au moins deux reprises « lâcher l’affaire « pour rester dans le champ semantique de l’auteur et il m’a fallu une détermination sans faille pour en terminer avec ce roman qui m’a profondément déçue.

Déjà le sujet est bien loin d’être divertissant : les vies tristes à pleurer d’un groupe de jeunes gens vivant dans l’Est de la France dans les années 1990 , traînant leur mal-être et leur désœuvrement dans une région frappée de plein fouet par la crise de la sidérurgie .

Le manque de repères et de perspectives d’avenir s’accompagne de transgressions diverses, alcoolisme et délinquance...la génération des parents tout aussi paumée, est loin de pouvoir leur apporter le moindre secours.

Bien sûr avec un tel matériau de base, on peut écrire une grande fresque épique qui prend aux tripes ,mais pour cela,il faut avoir le talent d’un Gérard Mordillat.

Écrire dans un style « parlé «  avec les tournures en verlan, les abréviations douteuses, le langage dit « du 9-3 » c’est un pari osé qui peut tomber totalement à plat si on n’a pas la verve d’un Celine à qui on peut certes reprocher bien des choses, mais qui a eu l’audace de triturer la langue par des audaces stylistiques qui emportent l’adhésion sans lasser le lecteur.

Que de désespérance dans cette jeunesse, que de clichés a la vie dure, l’arabe délinquant, la jeune fille de bonne famille qui se « fait sauter »sans état d’âme, la jeune maman qui gâche sa vie en faisant des enfants..Même le sexe est loin d’etre joyeux !..Les adultes sont aussi bien servis , démissionnaires, alcooliques, incapables de comprendre leurs enfants....Que dire du passage sur les femmes mûres qui cherchent à trouver un peu de bonheur loin de leurs hommes indignes !

Quelle noirceur, à la limite de mépris affiché, pour cette population ouvrière oubliée de la croissance ! Le soleil écrasant de ces étés lorrains est bien le soleil noir de la mélancolie.

Je m’interroge sur la réception de ce roman dans le bassin lorrain. Est ce rendre service à ceux que l’on cherche à mettre au premier plan de faire l’impasse sur la solidarité des travailleurs, la générosité de ceux qui n’ont presque rien, l’amour et l’amitié qui peuvent fleurir dans tous les contextes ?

Faut il néanmoins déposer ce roman au pied du sapin de Noël ? Chacun en restera juge.
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Leurs enfants après eux

La critique d'un Prix Goncourt ne se fait pas à la légère, surtout quand on trouve l'auteur sympathique et qu'on sait qu'il traîne sur les réseaux sociaux, et pourrait donc lire cette critique…

Commençons par la fin du roman : il n'y a justement pas vraiment de fin, c'est un peu dommage. Au lecteur d'imaginer. Est-ce pour faire une suite ? Ou pour qu'un producteur fasse une série qui imaginerait la suite ?

Pour le reste, et bien nous avons là une oeuvre type L'assommoir moderne. J'ai pensé à Zola tout au long du livre. D'abord car c'est bien un roman sur le peuple, sur une classe. L'opposition des classes y est décrite. Mais surtout, j'ai reconnu le style de Zola, à peine modernisé, et le style des Enfants me semble bien la grande affaire de ce roman de Nicolas Mathieu. L'auteur a travaillé son écriture, pour un rendu qui devrait ravir les adeptes de l'auteur des Rougon-Macquart et les professeurs de français nés dans les années 40. C'est un compliment attention, et il doit expliquer l'attribution du prix Goncourt, enfin j'imagine.

Comme chez Zola, le description du décor participe au récit, explique la marche des événements. Les lieux semblent parfois comme décrits par les personnages eux-mêmes, on entendrait presque leurs intonations. Ainsi à la Zup : « le ciel était pris dans la mâchoire que dessinaient les tours (…) les fenêtres creusaient des yeux étroits, des bouches malades ». On est chez Zola encore lorsque nous est décrit un enterrement, puis la fiesta qui va avec ; on reverrait presque le repas de mariage de Gervaise. Les mots de Nicolas Mathieu pour décrire les scènes prennent le langage de ses personnages (quand le père lave son fils au jet d'eau : « le père insista sur la nuque, la tête, que ça lui éclaircisse les idées »).

On imagine aisément un cours de français sur les types de discours (indirect libre, etc…), avec distribution d'un extrait comme celui-ci :



Elles rirent. Est-ce que Steph comptait le voir ?

— Jamais de la vie.



On aimerait être dans la salle pour indiquer que cette intervention finale au style direct fait penser pour le coup aux Microfictions de Jauffret. Nicolas Mathieu n'a pas oublié d'être moderne !

Sinon, pour faire découvrir le livre à un jeune public, il faut peut-être chercher du côté du chapitre 7 de la deuxième partie, quand Steph découvre comment s'en sortir via les études, qu'on découvre ses techniques de révision et que la narration emprunte le discours de la jeune fille : « Dans sa filière, toutes les matières comptaient, même la philo. La République de Platon, sérieux ? Mais qui étaient les instigateurs de ces programmes lunaires ? ». Personnellement, je suis sous le charme d'une telle écriture, et même tellement admiratif que je conseille aux autres auteurs d'arrêter d'écrire. Nicolas Mathieu peut désormais suffire à la littérature !

Un dernier mot sur l'objet livre lui-même. En format poche, Babel, l'ouvrage de 550 pages est vendu 9.90 euros. Il y a là un abus évident pour un livre de poche. Les 1000 pages des Microfictions de Jauffret sont vendues 12.50 euros chez Folio…

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Leurs enfants après eux

Les romans de Nicolas Mathieu ont la particularité de laisser une porte ouverte quant au devenir des personnages.

C'est aussi le cas dans Connemara mais ça l'est peut-être encore plus dans ce roman-ci.

Cela peut être déroutant pour le lecteur qui ne sait pas très bien à quoi s'en tenir et qui aimerait bien qu'on lui raconte ce qu'ils vont devenir tous ces personnages auxquels il s'est inévitablement attaché : Anthony, Hacine, Steph, Vanessa et bien d'autres...C'est qu'à force de les côtoyer, de partager avec eux des soirées débridées, des galères monumentales, des flirts, des coucheries par ci par là, on finit presque par s'en faire des potes. Parce que par bien des côtés, ce qu'ils ont vécu, ça nous rappelle un tas de choses, à nous, cette génération qui avait entre 18 et 26 ans lorsque les Bleus nous en mirent plein les yeux en 98.



Il n'y a plus qu'à imaginer une dernière partie qui pourrait s'intituler par un titre de chanson comme toutes les autres : Le premier jour (du reste de ta vie).

ça tombe bien, je crois que cette chanson d'Etienne Daho est sortie en 1998, année à laquelle se termine leurs enfants après eux.



"Rester debout mais à quel prix

Sacrifier son instinct et ses envies

Les plus confidentielles

Mais tout peut changer aujourd'hui.."



Peut-on vraiment tout changer ? Lorsqu'on s'ingénie surtout à ne pas ressembler à ses parents, à sortir de cette vallée de l'Est de la France, à rêver d'autre chose que d'une vie pépère et d'un boulot miteux, et qu'on en vient finalement à se brûler les ailes...
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Connemara

Nicolas Mathieu a tout pour me plaire. Il est le laudateur de la classe ouvrière, le défenseur des sans-dents contre les capitalistes cannibales, le lanceur d'alerte vent debout contre la start-up nation, le chantre de la province, le rétro-utopiste qui analyse inlassablement l'adolescence pour justifier les conneries adultes.





Nicolas Mathieu a tout pour me plaire ; il décrit le monde d'où je viens et ses idées me sont sympathiques. Il plaît d'ailleurs à tout le monde – je ne suis pas originale -, puisqu'il universalise la nostalgie, modélise les comportements et stéréotype les personnages. Chacun peut reconnaître dans le catalogue Manufrance de ses romans, une marque, une nappe à carreaux, une expression qu'il croit personnelle, il y en a pour tous les goûts car l'auteur touche à tout, jacasse sans fin sur tout  : le management ou l'accouchement, facebook ou les règles d'une adolescente, le hockey sur glace ou le clitoris de sa copine ; il est incollable comme du riz Lustucru (je mets ma pierre à l'édifice des marques citées). Il n'y a qu'un seul poncif auquel il a résisté : les vacances ne se déroulent pas comme socialement déterminées à Palavas. Il les a délocalisées à quelques kilomètres, à La Grande-Motte et n'a pas osé ironiser sur une architecture labellisée Patrimoine du XXème siècle, mais on sent que ça le démange. Sinon, tout y passe, la crise existentielle de la quarantaine, le mari cocu, la garde alternée, l'alzheimer de papa, le cancer de maman, et la tête alouette...





Bref, pour faire bref, Nicolas Mathieu a tout pour me plaire et ne me plaît pas. D'où me vient cette sensation étrange que tout ce qu'il raconte est à la fois familier et dérangeant, lourd à donner une vague nausée ? A cause de sa complaisance à caricaturer les goûts simples de ceux du bas ? De son insistance à teinter toute scène d'une connotation misérabiliste  - à ce titre le mariage final est un morceau d'anthologie démagogique, même la danse des canards y est -. Mais ce n'est pas tout. Dans l'est, il n'y a jamais une terrasse de bistro ensoleillée, les troquets ne sont que des « rades » sombres avec les bouteilles d'alcool la tête en bas, quelques alcoolos abonnés collés au comptoir, et les couples adultères fréquentent l'hôtel Kyriad, sans doute faute de F1.





En son temps, son premier roman m'a bien plu, j'ai trouvé le second redondant, et je décide d'arrêter la lecture de cet auteur après Connemara. Tout le monde sait désormais que Nicolas Mathieu est originaire de l'Est, que ses thèmes uniques sont l'adolescence et les masses laborieuses exterminées. Il est grand temps pour lui de se renouveler. J'allais oublier : j'aime pas non plus Michel Sardou.
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Connemara

Connemara semble faire une quasi unanimité dans les louanges. D'où un certain embarras à faire valoir son propre avis, beaucoup plus mitigé, mais n'est-ce pas parce que chacun a sa propre vision de la littérature, sans oublier une vie, une sensibilité et des valeurs très personnelles qui influent nécessairement au moment de "juger"un roman ? Tout cela pour dire que le dernier livre de Nicolas Mathieu, s'il a le mérite d'un ancrage régional profond (cela fait du bien de sortir de Paris) peut agacer par un côté démonstratif, dans le sens où les destins individuels et intimes des différents personnages semblent participer d'une ambition sociologique profonde un peu trop catégorique. Attention, ce n'est pas pour cela que les deux héros du roman ne sont pas attachants, bien au contraire, mais Mathieu les condamne d'une certaine façon à une destinée prévisible selon un certain déterminisme social. En d'autres termes, il les cerne, voire les emprisonne, sans libre arbitre, le genre de choses qui agace certains lecteurs,, ceux qui aiment une littérature moins omnipotente et impérieuse. Par ailleurs, le style de Mathieu, qui se veut populaire, use et abuse de trivialité, comme avec l'utilisation du mot "meuf" qui revient parfois à une dizaine de reprises dans le même chapitre. Fille ou femme sont aussi des termes de tous les jours, non ? Pas convaincu donc par Connemara, ni par sa construction avec ses longs flashbacks vers l'adolescence, pourtant intéressants mais loin de valoir ceux de Une amitié de Silvia Avallone, par exemple, qui traite aussi, d'une façon très différents, des désillusions de l'âge adulte. Enfin, impossible d'approuver la description de l'entreprise de consultants, qui davantage qu'une satire frôle la caricature. A part cela, le roman a de la moelle et de la pertinence sur le thème éternel de la crise de la quarantaine et, plus globalement, de la question existentielle qui nous obsède tous, à savoir pourquoi notre vie est-elle moins belle que celle que nous projetions d'avoir, aux temps candides de l'enfance et de l'adolescence ?
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Leurs enfants après eux

Eté 1992, 1994, 1996,1998

Une chaleur de plomb dans cette vallée du nord-est où les hauts fourneaux se sont tus.

Morosité économique et sociale

En 1994, Anthony a 14 ans.

Adolescence difficile.

Il y a son cousin, ses potes. Tous des ados désœuvrés entre les pétards, la sexualité naissante, parfois la violence.

Côté parents, ce n’est guère plus brillant. Boulots précaires, couples vacillants, alcool….

Et les années passent.

Le livre est assez long mais captivant.

Le désœuvrement de ces jeunes qui peinent à trouver leur voie dans une région où les espoirs d’une belle vie s’amenuisent est analysé avec beaucoup de réalisme.

L’usure des couples aussi.

Un roman social dans une région sinistrée où vivre n’est pas facile.

Il m’a fait penser à « D’acier » de Silvia Avallone où deux adolescentes se cherchent sous les hauts fourneaux d’une ville de Toscane.

C’est le même scénario désespéré.

C’est un bon roman.

S’il n’y a pas d’originalité particulière dans l’écriture, elle est très visuelle et pourrait être le point de départ d’un bon film, comme « Aux animaux la guerre ».

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Aux animaux la guerre

Aux animaux la guerre, ou, le roman des petits Blancs déclassés. Nicolas Mathieu, actuel Goncourt avec son second ouvrage, signe ici le roman très noir de la fin d'un monde.



Vosgien d'origine, il place son intrigue dans ce département, si beau avec ses paysages entre vallées et petite montagne aux courbes douces, des étendues de conifères, ses lacs, sa tarte aux myrtilles, ... Sauf qu'ici, on est loin, très loin, des images de cartes postales. L'auteur montre la désindustrialisation à tout va des Vosges, la casse sociale, le chômage, la jeune génération empêtrée dans une situation économique et professionnelle déjà sans avenir et qui noie son ennui et son amertume dans l'alcool et les joints.



Roman choral à la structure qui ne suit pas toujours une narration linéaire, Aux animaux la guerre dépeint avec réussite une réalité froide et profondément amère. Le démantèlement de l'usine Velocia en est le point d'orgue. Les "vieux" de l'équipe remâchent les solidarités et les coups de force d'antan, quand l'entreprise était florissante, les gamins qui entraient à la suite du père et des autres hommes de la famille comme des patelins alentour. La DRH, quant à elle, explique entre deux mots de compassion qu'aujourd'hui une carrière professionnelle se déroule dans quatre, cinq, six boîtes différentes. Faut évoluer, c'est comme ça.

Productivité, politique du moindre coût, rentabilité et délocalisation sont devenus les quatre cavaliers de l'Apocalypse socio-économique de la France profonde.



Sur cette arrière-plan, Nicolas Mathieu construit une histoire criminelle qui devient presque secondaire tant le jeu des relations et les existences des principaux personnages l'emportent sur le reste. C'est peut-être le bémol du roman, cette affaire d'enlèvement et de rapports avec les caïds du coin paraît assez bancale et, au final, moins intéressante que le cadre contextuel et la personnalité des divers protagonistes. Il présente en effet un panel diversifié avec le bodybuildé sous stéroïdes, sa soeur obnubilée par le désir de plaire, Locatelli, un des ouvriers au bord du gouffre depuis la mort de sa femme et qui ne sait plus comment renouer avec son ado de fils, Jonathan, pourtant un brave gosse, etc.

J'ai particulièrement apprécié Rita Kléber, l'inspectrice du Travail, tenace et forte pour masquer ses fêlures. Un beau personnage bien amené. Tout comme Martel, le secrétaire du CE de l'usine au charisme certain et au passé trouble.



Pour un premier roman, l'ensemble est réussi et possède une indéniable force d'impact. Il dresse une situation noire et morose sans tomber dans le piège du manichéisme.

Originaire de Meurthe-et-Moselle et adepte des balades vosgiennes, j'ai pris grand plaisir à retrouver des coins connus, des particularismes langagiers lorrains (notamment cette habitude de mettre le ou la devant un prénom ou un nom de famille, ou la locution "les camps volants", ...).



J'attends maintenant avec impatience de pouvoir emprunter Leurs enfants après eux.
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Leurs enfants après eux

Prix Goncourt… CHOUETTE ! CHOUETTE ! CHOUETTE !!! Bon, je m’emballe là, mais quelle joie de voir un Lorrain recevoir le prix Goncourt. Et pour ne rien enlever, un TRES BON prix Goncourt. Non, non, je ne dis pas ça par chauvinisme, mais tout simplement parce que « Il le vaut bien ».



Bon j’arrête et je rentre dans le vif du sujet. J’ai tout aimé dans ce livre. Je ne vais pas le résumer, tout le monde le connaît maintenant. L’histoire d’abord. Un auteur raconte la vie du monde ex-ouvrier. Ou plutôt de la génération d’après. Les jeunes rêvent d’un avenir meilleur, tout autant que les parents pour leur progéniture. Mais pas facile de sortir de son milieu. D’autant plus, que le chômage est bien là, et l’avenir professionnel bien incertain. C’est ce que décrit avec brio Nicolas MATHIEU, à travers une bande de jeunes qui se cherchent, espèrent ensemble, essaient, mais malgré leurs efforts, stagnent, vont de petits boulots en petits boulots, ou pire encore, se lancent dans le trafic de drogue. Les « Milieux » se mélangent, pour un temps seulement. On grandit avec ces jeunes et leurs familles, on les suit durant 4 étés, on est avec eux. Nicolas MATHIEU raconte les laissés-pour-compte, les « petites gens », ceux qu’on ne veut surtout pas entendre, leurs rêves, leurs espoirs et leurs désillusions.



L’écriture ensuite. Les dialogues sonnent vraiment justes. Nicolas MATHEU a placé son histoire dans une région sidérurgique bien précise, celle des Hauts-Fourneaux, complétement sinistrée. Mais, cette histoire aurait pu avoir lieu dans bien d’autres villes françaises et plus encore. Tout le monde s’y retrouve. Et c’est ça qui fait la force de ce livre.



J’ai pris le temps de le lire, car j’étais vraiment bien dans cette lecture et je n’avais pas envie d’en sortir. J’aurai tant aimé que cela ne finisse pas. Mais voilà tout à une fin… Peut-être y aura-t-il une suite ?.... Ou pas.

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Nicolas Mathieu, un écrivain au travail

120 pages d'entretien entre Nicolas Mathieu et Richard Gaitet, soit la transcription d'un podcast diffusé en 2020 sur ArteRadio et d'un échange de mails datant d'Avril 2022.



Nicolas Mathieu raconte brièvement les moments-clés de son existence qui ont contribué à faire de lui un écrivain exigeant, lauréat du Prix Goncourt à 40 ans en 2018, pour son deuxième roman "Leurs enfants après eux". Plutôt balèze.

Mais il décrit également son processus créatif, revient sur les auteurs qui l'ont marqué, ausculte ses trois romans et sa novella, et donne des conseils aux apprentis-écrivains ; il propose même un exercice d'écriture. Il aborde aussi les sujets qui l'indignent ou l'émeuvent, comme le grignotage du Code du Travail, le démantèlement de l'industrie, le phagocitage de l'Etat par la pensée managériale, ou le fameux effet "transfuge de classe" ressenti avant lui par Annie Ernaux.

J'ai beaucoup aimé la simplicité des échanges, la justesse et la profondeur des propos, tout ce qui finalement dresse le portrait d'un homme attachant et réfléchi, devenu le formidable auteur réaliste qu'il est dès lors qu'il s'est mis à écrire sur ce qu'il connaissait le mieux : le monde ouvrier et des petites classes moyennes, et surtout "nos vies, qui sont si grandes au fond sous leurs dehors apparemment si médiocres".



C'est donc une lecture qui ravira les fans de Nicolas Mathieu, mais aussi les amoureux de la littérature et les écrivains amateurs. Vraiment, une belle rencontre enrichissante d'un bien bel auteur (soupir, émoticône coeur, smiley bisou, etc.).
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Connemara

Dans mon billet sur le livre précédent de Nicolas Mathieu , Leurs enfants après eux, j'avais écrit ceci :

Par son écriture et son style, Nicolas Mathieu nous ancre dans la peau de ces personnages, dans cette vraie vie, loin de Paris et la mondialisation

C'est terre à terre, charnel, sans équivoque.

Une écriture populaire, des mots simples nous plongent au cœur de ces jeunes, de leurs parents

Aucun voyeurisme, juste l'envie de vivre, d'exister.

Nicolas Mathieu nous parle de la cité, des relations sociales, de nos rêves et utopies.

Il est toujours l'heure de croire.

Il est toujours l'heure d'un départ.

Et bien je peux reprendre les mêmes termes pour présenter le dernier roman de Nicolas Mathieu , Connemara.



On pourrait penser que Nicolas Mathieu fait de la redite.

Ce n'est pas du tout le cas .

Nicolas Mathieu creuse son sillon et approfondi ses thèmes de prédilections.

Derrière son réalisme, pointe surtout une justesse des situations.



D'abord il reste dans cette région du Grand Est qui est sa matrice, son terreau culturel et social.

Ce terreau fait d'un ancien monde industriel, sidérurgique, ouvrier. Ce terreau fait de villages , de bistrots , de collèges, de scooters, de bals , de villes périphériques. Ce terreau qui enlise aussi et qui empêche d'aller voir ailleurs.

C'était le cas dans Leurs enfants après eux.

Hélène et Christophe, personnages principaux de Connemara reprennent à leur compte cette réalité.

Hélène a tenté de s'extraire de Cornecourt cette ville périphérique de 15 000 habitants. Elle est partie faire des hautes écoles à Paris ou en province .

Elle s'est mariée, a eu deux enfants et travaille tout comme son mari Philippe dans une agence de consulting.

Christophe lui est resté à Cornecourt .

Il s'est marié, il a un garçon. Divorcé il est revenu vivre chez son père. Il sillonne les routes du Grand Est en tant que commercial vendant de la nourriture pour chiens.

Pour tous il reste une ancienne gloire de l'équipe de hockey d'Epinal.

Hélène et Christophe son au mitan de leur vie. La quarantaine va les happer et leur faire vivre une parenthèse

Le temps déjà des souvenirs de l'adolescence, de la jeunesse et de la vie qui file.

Que nous renvoie le miroir ?

Avec Nicolas Mathieu tout est question de miroir. Le reflet dans le miroir est il réel, fidèle ou fait il apparaitre les fractures, les zones d'ombre. Qu'est ce qui est le plus important , le plus juste?

Ce jeu de miroir permet de croquer le monde des agences de consulting des Open Space face aux services publics , aux mairies.

Qui y a t il de plus kitch : s'éclater en groupe sur la musique des Lacs du Connemara de Michel Sardou , ou se trouver seul sur Tinder à se fabriquer un profil sexy ?



Nicolas Mathieu travaille la pâte humaine comme un artisan. Toujours le regard, le mot juste. Tous les personnages sont emplis d'humanité, de détresse mais aussi de la possibilité d'une île.



"Là-bas au Connemara

On sait tout le prix du silence

Là-bas au Connemara

On dit que la vie, c'est une folie

Et que la folie, ça se danse."



" Comme avec une chanson de Sardou. Quand, dans un mariage, tout le monde se lève, chante à l’unisson et danse, c’est un phénomène humain puissant, épique et beau, qui mérite d’être rendu. "( Nicolas Mathieu )
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Rose Royal

Deux nouvelles dans ce recueil, et l'on peut jouer au jeu des 7 ressemblances après les avoir lues. En commun, ces thèmes :

- la solitude

- le vieillissement

- l'alcool, beaucoup (trop) d'alcool

- l'Est de la France

- les magouilles pour se sortir du lot, ou simplement s'en sortir au quotidien

- une arme (fatale ?)

Et forcément, le talent de l'auteur pour raconter des histoires plombantes, planter des cadres sombres, des personnages mal barrés. Sa justesse de ton et ses ambiances borderline me rappellent Virginie Despentes (N. Mathieu est cependant beaucoup moins cru) et Marion Brunet.



Dans 'Rose Royal', il est question de décrépitude conjugale vaguement camouflée sous des faux-semblants. Malgré ses expériences malheureuses avec les hommes et le recul de ses cinquante ans, Rose ne veut pas voir que l'histoire se répète. C'est plus confortable de faire des concessions, de lâcher la pression de temps en temps auprès d'une oreille compatissante, de serrer les dents, de se dire que ça ira mieux, de rentrer dans le jeu des vacheries, mesquineries balancées à tour de rôle - douce vengeance courte qui peut se payer cher.

J'ai été furax de découvrir le sujet du récit (son dénouement) avant de commencer l'histoire, à cause d'une critique presse qui lâche les mots clefs d'emblée. Je ne sais pas si cela a biaisé ma lecture, et si c'est pour cela que j'ai su trouver...



La nouvelle 'La retraite du Juge Wagner' a des parfums de vieux roman noir.

Un juge, au placard, qui n'attend pas grand chose de l'avenir, hormis la retraite, tranquillou, sans grands projets.

Redresser les trajectoires pour les gamins mal partis, en revanche, il y croit. Est-ce que cette foi suffit, contre la guigne ?...



Merci à Judith de me rappeler (souvent 😉) que Nicolas Mathieu est un excellent auteur ! Je serais passée à côté de ce recueil, sans cela.
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Rose Royal

Sans battage médiatique, presque en passant, entre deux livres, Nicolas Mathieu nous glisse Rose Royal, une nouvelle noire et profonde qui dit beaucoup, en moins de 80 pages et 30 minutes de lecture chrono.



À travers Rose (clin d’œil à Bouysse ?) et ses cinquante années de quête amoureuse désabusée que l’alcool aide -un peu- à accepter, il dresse le joli portrait d’une de ces femmes dont l’insultante transparence peuple nos quotidiens aujourd’hui. Un boulot lambda, le bistrot, la bonne vieille copine qui écoute, la télé… et des hommes qui n’ont jamais cessé de passer depuis son adolescence, sans jamais s’attarder. Mais chaque nouvel amour, chaque nouvel amant reste une promesse d’avenir. Alors quand Luc apparaît, Rose veut y croire une fois encore…



Une fois encore, Nicolas Mathieu excelle dans la littérature du quotidien, et décortique quasi-scientifiquement les mécanismes simples mais les engrenages terribles qui font les faits divers sordides de nos JT nationaux. Loin de tout phénomène de fatalité ou de coup de sang, il dit parfaitement combien les violences et les drames qui s’abattent sur les femmes sont le fruit des silences, des non-dits, des frustrations opposées aux espoirs perpétuels, et des gens qui se parlent sans plus s’écouter ni s’entendre…
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Leurs enfants après eux

Ce roman n’est pas seulement un roman captivant et débordant d’humanité, c’est aussi une chronique sociale et politique.

« Leurs enfants après eux » raconte l’adolescence, cette période d’errances et d’ennui : la vie de routine, les premiers émois, les soirées foireuses, ce moment de vertige où les attentes sont immenses –envies d’ailleurs, aspirations à une autre vie que celle des parents - et où finalement le quotidien est lent, routinier et ennuyeux surtout quand, comme Anthony, on a 14 ans et qu’on est fils d’ouvrier dans une région de l’Est sinistrée.

C’est l’histoire d’une époque, les années 90, dans cette région des hauts fourneaux de la vallée de la Fensch. Les générations se sont succédées dans les usines, et se sont usé la santé pour rembourser le crédit d'un modeste pavillon. Les usines ont fermé, les existences sont parties à la dérive. La violence économique a enfanté le déclassement, la misère, la brutalité et le racisme.

« Les hommes parlaient peu et mourraient tôt ; Les femmes se faisaient des couleurs et regardaient la vie avec un optimisme qui allait en s’atténuant. Une fois vieilles, elles conservaient le souvenir de leurs hommes crevés au boulot, au bistrot, silicosés, de fils tués sur la route, sans compter ceux qui s’étaient fait la malle »

L’histoire se déroule sur 4 étés, de 1992 à 1998, et entrecroise les destins d’adolescents, souvent enfants d’immigrés qui, comme Hacine, ne se sentent à leur place ni en France, ni dans le pays d’origine de leurs parents et vivent de trafics en tous genre : « Hacine était venu maintes fois au Maroc pendant les grandes vacances mais il n’avait pas voulu se mêler aux habitants. Il les trouvait repoussants ».

J’ai refermé ce livre la gorge nouée, ce livre m’a beaucoup touchée. J’ai fait une belle rencontre, pourtant j’ai beaucoup de mal à mettre en mots ma « chronique ».

Qu’est-ce qui a bien pu me toucher autant ? Probablement d’abord le fait que ce soit ma vallée : les lieux cités, même légèrement modifiés, je les connais ces villes moyennes, ces zones pavillonnaires qui défilent sous mes yeux au fur et à mesure de ma lecture. C’est aussi mon époque. Ces adolescents je les ai côtoyés au collège pour les perdre de vue ensuite car ils n’allaient pas au lycée. Comme eux j’ai assisté aux feux d’artifice du 14 juillet, j’ai vu leurs pères usés par le travail, leurs mères fanées avant l’âge.

Il se dégage de ce livre une grande sincérité, une réelle authenticité et surtout beaucoup d’humanité. Certes j’ai la gorge nouée car j’espérais mieux pour ces adolescents mais je n’éprouve pas ce sentiment de malaise que je ressens en lisant Edouard Louis.
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Connemara

Hélène, quarante ans, belle carrière, mariée, deux enfants, est la bobo nancéienne type.

Christophe, quarante ans aussi, séparé, un enfant, n'a jamais quitté l'endroit où il a passé sa jeunesse et où habitait Hélène.

Tous deux sont à un tournant de leur vie.

Ils vont se retrouver, commencer une liaison.

Autant dire que je me suis copieusement ennuyée à cette lecture.

J'ai lu 200 pages, puis ai sauté bien des passages pour arriver à la fin.

On retrouve le pessimisme qui se dégageait déjà de « Leurs enfants après eux ».

Le manque d'espoir, des personnages désabusés.

Une société qui laisse insatisfait.

Hélène m'a été antipathique.

J'ai eu un peu plus de compassion pour Christophe. Je dis bien, un peu.

Le tout m'a semblé très long, bien trop long.

Tout est traité de manière caricaturale, c'est plein de clichés, de redites, de descriptions interminables.

Un livre qui se veut le reflet d'une société sans beaucoup d'espoir et qui m'a laissé un sentiment de profond agacement.

J'y ai vu une juxtaposition de clichés plus qu'un ouvrage construit voulant laisser un message.

Se voulant profond, ce roman m'a semblé superficiel, même dans l'écriture.

Je ne pense pas continuer avec Nicolas Mathieu.
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Connemara

Ils viennent tous les deux du même bled de l’Est, lui était bon joueur de hockey dans sa jeunesse, elle, une élève brillante n’aspirant qu’à quitter un quotidien trop terne… Il est devenu vendeur de croquettes pour chiens et elle, cadre dans une boîte de consulting… Ils ont la quarantaine… Ne sont pas franchement heureux ou du moins s’attendaient à autre chose de la vie... Alors, ils vont se retrouver, par hasard… C’est l’occas’ … Reste qu’ils n’ont pas grand-chose à se dire dans le fond… Heureusement, il y a les corps… C’est pas mal, les corps... Mais ça suffit pas.

Bon, on ne va pas y aller par quatre chemins, il y a du Flaubert chez Mathieu (waouh, l’immense compliment …) Ces grandes scènes, si justes, si vraies, si géniales, ces passages où l’on se dit : c’est exactement ça. Du petit lait...

Tiens, quatre scènes me reviennent en mémoire. Pourquoi celles-ci ? Je n’en sais rien. Sinon qu’elles sont d’une vérité absolue. C’est l’amant, Christophe, qui dit à sa maîtresse Hélène, après qu’ils ont fait l’amour dans une chambre d’hôtel, quelque chose comme : « tu ne vas pas fumer là, c’est interdit.» Juste ces mots. Ces mots-là. Et l’on sait que ça ne pourra pas durer entre eux. On sait que c’est fini. Ils peuvent toujours continuer, c’est mort, ça ne peut pas marcher. Rien n’y fera. Le truc à ne pas dire, les mots de trop, ceux qu’Hélène, la transfuge de classe, la bourgeoise, ne peut pas entendre. Et lui ne le sait pas, ça. Lui qui est resté où il est né, dans la même zone pavillonnaire ou pas très loin, avec les mêmes potes qui, comme des gosses, jouent le soir avec leur arme artisanale dans le jardin sous des parasols au gaz qui chauffent à plein pot et des enceintes en équilibre qui braillent. Ils picolent et se marrent. Quelle scène, celle-ci aussi ! Il y a une vérité ici rarement atteinte. Une peinture des classes sociales tellement juste et, en même temps, jamais méprisante. On y sent le regard bienveillant de l’auteur pour ce monde ouvrier où l’on donne sans compter, où l’on ne fait pas semblant, où l’on ne connaît pas les codes. On se fout de la façon dont on doit se tenir et l’on se bidonne vraiment.

Une autre scène, plus discrète, celle de la visite de Christophe au père Müller qui élève ses dogues du Tibet : une scène parfaite. Il ne s’y passe pas grand-chose et c’est précisément ce qui la rend incroyable. Les regards, les silences, les gestes...

Je repense aussi à la scène finale, l’extraordinaire scène finale du mariage où là, franchement, on touche au sublime, c’est le feu d’artifice, ça pète dans tous les sens, c’est l’explosion. Et c’est génial, absolument génial.

Et tous ces détails, ces petites choses de la vie qu’on voit sans voir, qu’on fait sans y penser. Tout est là, si juste, si vrai… Quelle perspicacité, quelle acuité dans le regard de l’auteur, quel don d’observation et de restitution incroyable.

Allez, peut-être qu’un peu resserré par-ci par-là (pas grand-chose hein...), le texte gagnerait encore davantage en force, en puissance. Mais peut-être, j’ai dit peut-être !

Bref, je ne vous ai pas dit grand-chose sur Hélène ou Christophe. Ils ont de vous, de moi, des autres…

Vous lirez et vous me direz...

Ce bouquin, c’est de la vie en barre. Allez-y...
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Leurs enfants après eux

Un magnifique roman qui nous plonge dans les moments les plus troubles de l'adolescence, notamment à la phase à la quelle il faut quitter complètement l'enfance pour embrasser une vie de jeune adulte! La surprise est que c'est à ce moment là que l'environnement prend tout son sens, par son influence, par ses limites, par ses forces, par ses faiblesses...des choses dont on avait pas conscience de leur véritable nature vont tout d'un coup paraitre sous un nouveau jour, on y apporte désormais un autre regard, un autre jugement! On oscille entre deux craintes: celle de ne pas dépasser nos parents ou de plus flancher qu'eux! Comme on peut espérer faire plus qu'eux et tout balayer d'un revers de main, leurs échecs, leurs faiblesses! C'est cette question qu'on peut appeler d'héritage que Leurs enfants après eux développe avec tout le naturel possible, et on passe un moment agréable avec ces adolescents qui grandissent en espérant avoir une autre vie que celle de leurs parents, mais les pas de ceux-ci semblent s'attacher à leur ombre...

Un roman qui mérite bien son prix!
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Connemara

Grosse déception ! J'avais beaucoup aimé "Leurs enfants après eux " et "Aux animaux la guerre" et lisant les critiques élogieuses ici et là je m'attendais à un bon moment de lecture et là patatra le vide absolu ou presque .

Un langage qui se veut à la mode et qui ne fait qu'accumuler les poncifs actuels jusqu'à la caricature , des personnages très peu crédibles bref j'ai cessé de m'ennuyer après une cinquantaine de pages .

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Leurs enfants après eux

Repéré dès sa sortie, une couverture attirante, une quatrième de couverture alléchante. Je me réjouis de ne pas avoir pris la tangente; je me suis régalée à la lecture de ce roman, qui n'était pas encore goncourisé. C'est à présent chose faite, et c'est très mérité à mon humble avis.

Ce roman est un régal, un bond en arrière de quelques années (d'un bon quelques années quand même;-)), hyper réaliste; il a parlé à l'adolescente que je fus dans les années 90, j'ai complètement adhéré.

Portrait d'une jeunesse bouillonnante, chaussée de Torsion, habillé d'un tee-shirt Waikiki, dans les oreilles Nirvana et NTM et une console de jeux dans les mains, qui contourne les ordres et défie l'autorité, en proie à leurs hormones, cornaqués pour obtenir de vains brevets qui les destinaient à des formations plus ou moins prestigieuses, mais qui toutes agissaient comme autant de laminoirs d'où l'on sortait accompli ou bien brisé, c'est à dire disponible. Que du bonheur ;-)

« ...ils vont vite, ils sont jeunes, et mourir n'existe pas. »

Portrait très réussi également, avec la noirceur qui va bien, d'un monde ouvrier décadent, celui de la métallurgie en Lorraine.

« Les hommes parlaient peu et mouraient tôt. Les femmes se faisaient des couleurs et regardaient la vie avec un optimisme qui allait en s'atténuant. Une fois vieilles, elles conservaient le souvenir de leurs hommes crevés au boulot, au bistrot, silicosés, de fils tués sur la route, sans compter ceux qui s'étaient fait la malle. »

Le langage est fleuri, le rythme est enlevé, la narration est claire et précise.

Un plaisir de lecture à ne pas bouder. Bravo Mr Mathieu.

« La vitesse leur tirait des larmes et leur montait dans la poitrine. Ils filaient sur la tête éteinte, tête nue, incapables d'accidents , trop rapides, trop jeunes, insuffisamment mortels. »
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Le ciel ouvert

 « Quand je suis seul et que je peux rêver

Je rêve que je suis dans tes bras

Je rêve que je te fais tout bas

Une déclaration, ma déclaration… »



La déclaration mais au masculin cette fois…



« Mais si tu crois un jour que tu m'aimes

Ne le considère pas comme un problème

Et cours et cours jusqu'à perdre haleine

Viens me retrouver… »



Message personnel, au masculin aussi.



Je site Michel Berger et pourtant, en lisant cet ouvrage, j’entendais la voix d'Yves Simon, le voyageur magnifique. Je lisais les mots de Nicolas Mathieu (tiens, deux prénoms également) mais avec le phrasé singulier du fumeur de gauloises bleues qu'il coupait souvent en deux, la, la, la.



Pourquoi ?



Parce que je retrouve dans ces courts textes assemblés ici la même désinvolture énamourée qui animait le pays des merveilles des chansons qui ont baigné mes années de jeune homme.

J'y retrouve la distance qui sublime l’absence et le désir qu'elle suscite et attise.



Ah, l’attente !



Chez Simon, c’était des chansons gravées dans le vinyle noir des 33 tours glissés méticuleusement dans des pochettes 30 centimètres. Ici, chez Mathieu ce sont des posts dématérialisés destinés aux écrans multiformes des réseaux dits sociaux.

Deux époques, deux modes de communication, deux supports pour délivrer pourtant un même message intemporel: Je pense à elle tout le temps.



Des mots choisis, écrits à l’attention exclusive de l’être aimé éloigné mais pourtant soumis à l’écoute ou la lecture de tous.

Une intimité impudiquement dévoilée parce que trop impétueuse pour n’être vécue qu’égoïstement, seul.



Deux ou trois choses pour elle.



Un pétillant vin fou qui, en mousse, déborde de sa coupe et se répand pour que se partage la promesse d'une ivresse collective.



Un homme, une femme (sans cha bada bada), un adultère, les draps blancs froissés des hôtels anonymes du fugace moment d’étreinte de l’après-midi puis chacun vaque et dérive avec ses sentiments.



Des instantanés.

Des instants tannés, le cuir de la vie.

Des instants taris aux amours finies.

Mélancolie !

Nostalgie !



Il y a le voyage et les trains aussi comme les rames du métro parisien au service d’un imaginaire poétique qui idéalise un quotidien par trop vulgaire.

Sans parler du temps qui passe, de la jeunesse qui s’enfuit et la vie aussi, attention futur, les solitudes ont la vie dure !



D’Yves Simon, je connais presque toute l'œuvre par cœur, de Nicolas Mathieu je n'ai lu que deux romans totalement aux antipodes de cet ouvrage-ci : ‘Aux animaux la guerre’ et ‘leurs enfants après eux', deux récits terriens totalement ancrés dans un quotidien austère et pragmatique voire animal qui ne laisse aucune place à la rêverie.



Ici c’est tout l'inverse.



Le mot est roi et le style magnifique qui vous envole comme vous emporte un refrain bien troussé ou vous désaltère par un été caniculaire comme un diabolo-menthe.



Etrange cohabitation cependant que l'idée du post pour futile social réseau et du pérenne style littéraire qui pourtant fonctionne à merveille comme jamais elle n’a fonctionné quand elle était politique.



Etrange compilation que ces billets qui dessinent une vie en filigrane où resurgit l’enfance déjà lointaine quand les premiers assauts du temps forcent à prendre conscience de la finitude et du court passage par le monde.



Un recueil épistolaire à plume et à sens uniques, comme une bouteille à l’amertume du souvenir d’une relation posthume mais vive dans la mémoire virtuelle d'un lointain serveur informatique, exhumée pour que jamais ne meurent vraiment les amours pourtant déjà mortes.



Qu’est-ce que sera demain, début ou la fin ?

 

Merci à Patoux, Yael et Yvan qui ont mis cet ouvrage sur mon chemin.



PS : lisant sur une liseuse électronique en noir et blanc, je n’ai pas pu profiter des dessins qui agrémentent le texte que je ne commente donc pas.
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