AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Nicolas Mathieu (1583)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Leurs enfants après eux

Prix Goncourt 2018, "Leurs enfants après eux", des destins avortés entre espérance et réalité.



Dans l'Est de la France et ses hauts-fourneaux fermés, Nicolas Mathieu nous parle de « vies minuscules » pleines d'un espoir majuscule.



Moi, si j'étais un homme...

Cette chanson de Diane Tell rapidement évoquée dans ce livre pourrait peut-être en être l'esquisse.



Lorsqu'on a 14 ans et que l'on vit dans une région sinistrée par la désindustrialisation, on rêve d'un ailleurs différent. Entre le corps qui se transforme et les premiers émois à la vue d'une goutte de sueur s'écoulant entre deux seins, ou en piquant une barque pour aller voir plus loin, c'est comme découvrir une nouvelle contrée. C'est l'aventure qui commence.



Anthony ne veut pas de la vie qui l'attend : « licencié, divorcé, cocu ou cancéreux ». Dans son monde, « Les hommes parlaient peu et mouraient tôt ». C'est élevé dans ce milieu, « sur de grandes dalles de colère, des souterrains de peine agglomérées », qu'il ambitionne d'être quelqu'un d'autre, ne plus vivre sa vie à moitié, prisonnier de rouages qu'il ne maîtrisera jamais. Il veut exister.

Et, pour ça, il ne voit qu'une solution : « foutre le camp » !



Les années 90 en quatre étés

Une écriture à fleur de peau. Nicolas Mathieu met en scène Anthony, Hacine, Stéphanie, Hélène, Patrick et tous les autres par les descriptions charnelles de leurs sensations, de leurs émotions. le contexte est introduit culturellement par de nombreuses évocations d'objets ou de sujets typiques des années 90, et socialement, avec un portrait d'une ville imaginaire détaillée entre petits-bourgeois, familles populaires et « cassos ».



L'action se déroulera sur quatre étés : 1992, 1994, 1996, 1998. Et quatre chansons : Smells like teen spirit, You could be mine, La Fièvre et I will survive. Toute une époque restituée.

Une écriture à fleur de coeur. L'auteur replonge dans la jeunesse, avec des frissons dans le corps, de ceux qui ont connu cette période.



Mais Leurs enfants après eux n'est pas seulement un roman d'initiation ou générationnel. Nicolas Mathieu connaît l'art d'émouvoir mais aussi celui de dépasser les clivages.



Une vie à corps et coeur perdus

Être raisonnable, c'est ce que toute leur vie leur enjoint de faire : leurs familles résignées, les formations sans débouchés, les administrations donneuses de leçons ou les emplois abrutissants. Se taire, ne pas faire de vague, accepter sa condition. Mais à 14, 16, 18 ou 20 ans, on n'a pas l'âge d'accepter une « vie à peu près », une « vie peinarde et modérément heureuse », et se satisfaire « de salaires décents et d'augmentations raisonnables ».



Fuir, partir, tout quitter, tout sauf cette « vie réduite et anesthésiée ». Et en attendant le grand soir, avant le « pincement des petits matins blêmes » s'oublier dans la drogue ou l'alcool, s'occuper avec des menus larcins ou construire des trafics interdits mais remplis d'espoir, se griser de vitesse sur un vélo, une mobylette ou une moto. Courir, s'échapper. Et aimer, s'enivrer d'amour à en crever. Si comme dans la chanson de Diane Tell, être un homme, c'est être romantique, Anthony l'est, le problème est que la vie ne l'est pas avec lui.

« le paradis était perdu pour de bon, la révolution n'aurait pas lieu ; il ne restait plus qu'à faire du bruit ».



Ce serait donc ça être un homme ? Se contenter, se résigner, accepter sa condition ?

« Moi, si j'étais un homme, je serais capitaine ». Anthony, Hacine ou Stéphanie sont tous dans le même bateau. Un bateau « vert et blanc », comme dans la chanson. Deviendront-ils capitaines de leurs navires, maîtres de leurs existences ? Pourront-ils s'arracher aux affres de la reproduction sociale et du conditionnement culturel qui les étreignent et les empêchent de mener une vie libre.



À l'aide de personnages attachants et puissamment romanesques, Nicolas Mathieu nous offre une superbe ode à la liberté et une farouche dénonciation de l'injustice sociale.



À lire avec l’idéal d’absolu qui le caractérise, "Leurs enfants après eux", portrait d’une jeunesse qui refuse de vivre au rabais, bouleversant de justesse par son besoin illimité d’exister.



« De la vitesse, de l’oubli, à l’infini ». Merci Nicolas Mathieu.



Lu en septembre 2018.



Mon article sur Fnac.com/Le conseil des libraires :
Lien : https://www.fnac.com/Prix-Go..
Commenter  J’apprécie          37386
Leurs enfants après eux

Voilà, c'est fini, déjà et, comme à chaque fois que je "sors"d'un bouquin qui m'a vraiment tenu en haleine comme celui-ci, les questions qui m'assaillent sont nombreuses. D'abord, moi qui suis d'une "autre génération", plus ancienne et qui ai donc vécu une autre adolescence, bien différente, aurais-je aimé vivre auprès d'Anthony, Hacine, Coralie, Steph et Compagnie dans ce bourg d'Heillange à la même époque? Heillange, c'est pour ces jeunes le désoeuvrement, la drogue, l'alcool, les menus larcins, la prise de conscience que, rester sur place, c'est se condamner à vivre la vie étroite et sans grand avenir, des parents. Le seul horizon, le seul espoir de liberté, c'est le départ vers un ailleurs plus attrayant, moins glauque et désespéré.

Il sera très curieux de constater que tous, sauf Steph, seront condamnés à se retrouver à leur point de départ, après avoir entrevu l'espoir, au Maroc pour l'un, au service militaire pour l'autre....

Ah, et puis, il y a la libération des moeurs, l'envie de "baiser"sans entraves mais pas sans préservatif , les maladresses, les envies de jouir sans envisager d'autre lendemain que le plaisir d'un soir....Et puis, de l'humour aussi, c'est vrai qu'il s'est souvent révélé gênant, ce satané frein à main et son copain, le levier de vitesse !!!!!

Les personnages sont touchants, irritants, séduisants, têtes à claques, paresseux, insolents mais tellement "attachiants", des ados, plus gamins mais pas vraiment adultes dont l'horizon semble tout de même bien bouché.

Alors, pour beaucoup de raisons, et bien qu'issu d'un milieu très modeste, je n'aurais pas aimé vivre dans ce bourg et avoir 20 ans à cette époque car quoi, ils sont jeunes et les portes se sont déjà refermées sur eux, ce qui n'a pas été le cas pour moi, même s'il conviendrait d'en dire un peu plus, ce qui n'est pas le sujet.

Ce livre est admirable de finesse, de subtilités, bien écrit, variant remarquablement récit et dialogues. Pour moi, c'est un des meilleurs que j'ai lus cette année et, si j'en crois les critiques, je ne suis pas le seul. J'ai cru y retrouver parfois l'atmosphère de "Malataverne"de B Clavel, qui m'avait beaucoup marqué en son temps.

Non, je n'aimerais sans doute pas retrouver nos héros , mais, par contre,j jaimerais bien les retrouver, mes 20 ans, et "savoir ce que je sais", comme on dit....

Je vous conseille cette lecture, sans aucune hésitation , et quel que soit votre âge, on y retrouve tout le parfum de sa propre histoire.

Ah, un dernier mot: ma fille avait 20 ans en 1998....Elle a "fini " un soir de match, avec des camarades, dans la fontaine de la ville...Et 1, et 2, et 3...zéro.

Et si je lui proposais de le lire, ce livre, ce serait sans doute l'objet d'un bel échange entre un père et sa fille, non?
Commenter  J’apprécie          37127
Connemara

Ce magnifique roman confirme l'exceptionnelle qualité du regard de Nicolas Mathieu. Dans la lignée de Leurs enfants après eux, l'auteur laboure ses invariants avec une acuité éclatante de justesse : le temps qui passe, l'incandescence de l'adolescence, les complexes de classe et notre rapport à la réussite sociale, toujours avec un ancrage géographique fort dans le Grand Est.



Connemara est un roman politique. Il ne dessine pas d'horizon à atteindre mais il saisit les fractures sociales béantes de notre époque en interrogeant sur la construction d'une identité d'aujourd'hui à travers ces deux personnages principaux, deux quadragénaires. Dans le camp des gagnants de la mondialisation, Hélène a coché toutes les cases du mètre étalon de la réussite professionnelle et sociale : mariée, deux enfants, cadre supérieure dans une société de conseil, maison d'architecte and co. Mais elle a fait un burn-out. Elle, le transfuge de classe qui s'était acharnée à conquérir sa réussite et à fuir aussi bien sa famille et sa région, est revenue. Christophe n'est jamais parti. Lui s'est laissé porté. Ex-star de l'équipe locale de hockey, ex-obsession des lycéennes, il est de ceux qui n'ont pas profité, désormais représentant en nourriture canine, divorcé, vivant seul dans un triste pavillon à carrelage avec son père et son fils.



Ces deux personnages sont totalement incarnés et existent au-delà des emblèmes sociétaux qu'ils représentent. Ils se déploient, se rencontrent dans un monde vivant. Jamais on ne perd leur grain de peau, on est toujours à fleur de peau de leur existence, de leur rencontre, puis de leur histoire d'amour. le récit prend son temps, refusant l'allusif ou l'elliptique. On plonge dans les détails de ces moments de vie avant de basculer dans de superbes plans séquences et des flash-backs époustouflants sur l'adolescence comme si on aurait voulu rendre éternel ce qu'on fut, un seul instant.



« L'adolescence est un assassinat prémédité de longue date et le cadavre de leur famille telle qu'elle fut gît déjà sur le bord du chemin. Il faut désormais réinventer des rôles, admettre des distances nouvelles, composer avec les monstruosités et les ruades. le corps est encore chaud. Il tressaille. Mais ce qui existait, l'enfance et ses tendresses évidentes, le règne indiscuté des adultes et la gamine pile au centre, le cocon et la ouate, les vacances à La Grande-Motte et les dimanches entre soi, tout cela vient de crever. On n'y reviendra plus. 

Alors Mireille regarde sa fille ( Hélène ). Elle l'envie, lui en veut, elle voudrait la toucher. L'amour au-dedans lui fait mal. Elle pense petite idiote, mon coeur, grande saucisse, ma chérie, pour qui tu te prends, ne t'en va pas. Elle est si fière. Elle a tellement de peine à lâcher. »



Nicolas Mathieu est l'auteur français qui parle le mieux de cette période

Hélène et Christophe veulent une deuxième chance, ils veulent suspendre le temps en rejouant quelque chose de leur adolescence, cette période indépassable de leur vie. Et c'est déchirant de les voir retrouver une énergie à la fois candide et désillusionnée jusqu'à un épilogue terriblement mélancolique ( très LaLaLand ), attendu mais qu'on soupirait de le voir dévier.



Et puis, il y a ses plans larges, des passages quasi analytiques qui règlent leur compte au néo-libéralisme contemporain. Ce n'est évidemment pas un hasard si le roman se déroule en 2017, à un moment de bascule, à la veille de l'ère macroniste. Avec une sens réjouissant du sarcasme et de la satire, très proche d'une comédie anglaise à la Jonathan Coe, Nicolas Mathieu réjouit en dézinguant le volapuk de l'entreprise, cette novlangue ( plus très nov' d'ailleurs ) managériale révoltante qui s'infiltre partout sans qu'on s'en rende compte. L'humour est féroce pour décrire les menées de ce cabinet de conseil pour collectivités territoriales déroutées par la réforme refondant les régions.



Remarquable roman qui nous interroge profondément sur ce qui vaut le coup dans la vie, sur ce qui malgré nous nous imprègne, nous habite, nous soumet ou nous révolte, au-delà des lézardes de la vie sans pour autant briser notre quête de sens et d'amour.







Commenter  J’apprécie          30561
Leurs enfants après eux

*** Rentrée littéraire 2018 ***



Leurs enfants après eux.

Magnifique titre pour un roman qui l'est tout autant, de la première à la dernière ligne.



Leurs enfants après eux. Est-on condamné à mener l'existence de nos parents ? Peut-on conjurer le sort et lever la malédiction, quitte à prendre des chemins de traverse ? Ces pères, ouvriers au chômage qui rabâchent la mémoire ouvrière et donnent à ceux qui ne l'ont pas vécu le sentiment d'être passés à côté de l'essentiel. Ces pères immigrés, « suspendus entre deux rives, mal payés, mal considérés, déracinés, sans héritage à transmettre. » Ces mères qui «  finissaient toutes effondrées et à moitié bonniches, à ne rien faire qu'assurer la persistance d'une progéniture vouée aux mêmes joies, aux mêmes maux »



Anthony, Hacine, Clem', Steph', enfants de prolos, d'immigrés, de petits-bourgeois dans une Lorraine sinistrée depuis la fermeture des hauts fourneaux, ne se résignent pas à ces vies qui leur sont promises en héritage. Années 90. Ils ont 14, 16, 18, 20 ans au fil de quatre chapitres qui nous font plonger dans leur être le plus profond, leurs émois, leurs rêves, leurs fantasmes d'adolescents puis de jeunes adultes. Leurs rêves et leurs dépouilles.



Ce roman est juste formidable dans sa façon de parler de cette jeunesse qui va se désenchanter au contact de cette putain de réalité. Toute la beauté brute, l'incandescence de la jeunesse est décrite avec une subtilité dingue. Tout est juste dans cette chronique de l'adieu à l'enfance pour laquelle tout n'est que promesse avant de s'y casser les dents. L'intensité , la précision, la crudité de la langue permettent à l'auteur de faire jaillir des personnages tous très attachants. La vie pulse en eux et on ressent chacune de ses pulsations. Surtout lorsqu'on suit Anthony, le personnage le plus lumineux, coincé entre un père qui sombre et une mère qui le protège comme une louve. On le voit grandir, évoluer mais toujours attaché à ses rêves.



Moi aussi j'ai eu 14 ans en 1992 et 20 ans en 1998, comme les personnages, comme l'auteur. J'ai savouré toutes les références générationnelles qui parsèment les pages. Mais ce roman va au-delà de la simple chronique réussie d'une jeunesse à un moment donné.

Malgré toutes ces clins d'oeil qui nous renvoient aux années 90, le propos est ultra contemporain sur la France d'aujourd'hui. En 2018, les choses sont-elles si différentes lorsqu'on entre dans l'âge adulte ? le roman se fait alors chronique sociale, politique même lorsqu'il fait écho à la rage de ceux qui se découvrent coincés comme l'ont été leurs parents dans la précarité ou la sclérose intellectuelle.

Nicolas Mathieu dresse là une carte des territoires de l'immobilité sociale, de la France des périphéries avec une rare acuité. L'écart est terrible entre Anthony, le fils de prolo, et Steph', la fille de petits bourgeois dont il est tombé amoureux. Lui ne voit pas le fossé qui le sépare. Elle, oui, d'emblée. Le propos est sombre, certes, mais ne tombe jamais dans le pathos, traversé par des lueurs d'espoir qui éclairent tout. Un grand roman sur l'arrachement et le décillement. Une superbe fresque sociale et politique par l'angle de l'intime.



A écouter en compagnie de Nirvana

https://www.youtube.com/watch?v=0TbtMFOtiBc



Lu dans le cadre des matchs de la rentrée littéraire Price Minister - Rakuten France 2018

Commenter  J’apprécie          26039
Connemara

Nicolas Mathieu n'est pas l'écrivain de la désillusion. Si la frustration est au coeur de ses romans, un vent d'espérance n'y souffle pas moins pour autant.



Avec Connemara, c'est à l'aube du mitan de la vie qu'il s'attele. Hélène approche des quarante ans, deux filles, un beau mariage et un poste à responsabilité. L'heure des bilans pour celle à qui tout semble avoir réussi. C'est sans compter ses humeurs noires qui la harcèlent et prennent source dans sa propre terre de désirs inassouvis.



Jusqu'au jour où le hasard mettra sur sa route une ancienne gloire de son lycée que toutes les filles convoitaient.



Christophe est en instance de divorce, et ne voit pas assez son fils. Il est représentant en nourriture canine, et organise son temps en fonction d'objectifs inatteignables. L'heure des comptes, pour celui qui semble avoir tout raté. Il a pourtant la ferme intention de reprendre son activité de hockeyeur, comme du temps où il en était star locale.



"Il fallait vivre pourtant et espérer, malgré le compte à rebours et les premiers cheveux blancs. Des jours meilleurs viendraient. On le lui avait promis." Page 52.



Quelles raisons le poussent à vouloir revivre ses instants de folle exaltation et d'espoirs sans fin ? Peut-être les mêmes que celles qui ont conduit Nicolas Mathieu à nous offrir ce nouveau roman à la frontière entre le générationnel et l'universel. Une écriture à fleur de peau, alliée à un souci constant du détail, comme un "chassé-croisé des espérances et de la peur" inspiré de sociologie, de psychologie et d'une putain de lucidité qui fait du bien !

Start-up nation balbutiante, exploitation des classes populaires, vacuité des valeurs, repli sur soi, nous sommes en 2017. C'est dans cette ambiance crépusculaire - sur laquelle le soleil ne s'est toujours pas levé - que les Français vont élire un président dont ils ne veulent pas.

Reste la rage de vivre, avec fougue, de celle que l'on retouve dans ces hymnes populaires qui traversent les générations et des classes entières, car "on dit que la vie est une folie, et que la folie ça se danse".
Commenter  J’apprécie          19624
Connemara

Quatre ans après avoir remporté le prix Goncourt pour « Leurs enfants après eux », Nicolas Mathieu invite à suivre deux quadragénaires qui font le bilan de leurs vies…



Née dans un petit bled de l’est de la France, Hélène semble pourtant avoir réussie sa vie. Parvenue à "s’extraire" de son milieu grâce à de brillantes études, elle a un poste à responsabilités très bien rémunéré, un mari que beaucoup lui envient et deux filles charmantes. Alors certes, il y a eu ce petit burn-out qui l’a incitée à quitter Paris pour retourner dans une région natale plus reposante, mais sur l’échelle de la réussite sociale, il n’y a tout de même pas vraiment à se plaindre. Jusqu’au jour où elle croise Christophe, ex-star de l’équipe de hockey d'Epinal, dont toutes les filles du lycée étaient folles, mais qui est en instance de divorce et a perdu beaucoup de sa splendeur d’antan…



« Connemara » invite à vivre la crise de la quarantaine de deux êtres qui se demandent s’ils ont réussi leurs vies. Lui, vend de la bouffe pour chiens dans un bled qu’il n’a jamais pu/su quitter, tout en rêvant de rechausser ses patins à glace afin de pouvoir revivre ses plus grands moments de gloire. Sur papier, elle semble avoir réussi, sauf qu’elle se retrouve dans un système économique hypocrite qui brasse autant d’air que d’argent, tout en ayant l’impression d’avoir sacrifié/raté son adolescence. Leur rencontre va donc permettre à l’un de s’attirer à nouveau le regard rempli de convoitise d’une femme, de surcroît issue d’un milieu social plus élevé, de quoi revigorer son égo. Quant à l’autre, elle va pouvoir rejouer son adolescence en mettant à ses pieds une ancienne star du lycée qui n’avait d’yeux que pour les autres filles, de quoi rattraper le temps perdu et se sentir à nouveau belle et jeune, tout en assouvissant un léger sentiment de vengeance…



« Connemara » c’est la confrontation de deux mondes que tout oppose, de deux classes sociales qui vont se réunir dans une belle partie de jambes en l'air que l’on qualifiera volontiers d’amour. À l’image de la chanson populaire de Michel Sardou, Nicolas Mathieu va rassembler la France d’en haut et celle d’en bas, sans fausses notes, mais en faisant tourner des serviettes au-dessus des têtes qui ne sont plus vraiment blanches, mais parsemées de vilaines tâches…



Car même s’il nous sert une histoire d’amour, Nicolas Mathieu aime gratter là où cela fait mal, là où la crasse s’est accumulée au fil des ans. Dans un style totalement opposée à celui des réseaux sociaux, qui s’attellent à embellir notre quotidien à coups de photos triées sur le volet, voire même retouchées pour l’occasion, Nicolas Mathieu, lui, préfère décaper pour enlever les couches de verni. Outre un récit intime qui invite à découvrir les regrets et les frustrations de deux quadragénaires, il livre également une fresque sociale et politique qui se déroule durant l’élection présidentielle de 2017 et ne manque pas de déglinguer au passage ces consultants qui nous vendent de l’air à prix d’or. Un véritable régal !



Alors oui, « Connemara » est un récit lent, sombre et pessimiste, qui invite à se demander ce qu’est "une vie réussie", mais qui laisse également un peu de place à l’amour, tout en livrant quelques notes positives sur fond de Michel Sardou…



Là-bas au Connemara… on dit que la vie, c'est une folie… et que la folie, ça se danse…
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
Commenter  J’apprécie          17610
Connemara

Il y a les romans doudous et les romans bourre-pif ; celui-ci relève clairement de la seconde catégorie.



Nicolas Mathieu raconte la rencontre, 25 ans après le lycée où ils se sont croisés, de Christophe et Hélène. A l'époque, il était la belle gueule champion de hockey-sur-glace, et elle, la bûcheuse bêcheuse. Rien entre eux ne s'est passé alors, même si elle en rêvait. Et tout à coup, elle va tenter de le conquérir à nouveau -mais pareille aventure a-t'elle encore un sens, alors que tout les sépare désormais ?



Je sors de ce roman KO. J'ai l'âme meurtrie, et je ne sais pas si je l'ai aimé ou détesté, tant il m'a fait mal. Nicolas Mathieu cogne à chaque page avec une force de malade, et sans jamais faiblir. On ne se méfie jamais assez des types à lunettes qui portent des pulls à col rond sur leurs chemises bien boutonnées.



Et pourtant, c'est brillant, c'est puissant. L'auteur nous offre une radioscopie de la France des années '90 à 2017 d'une précision douloureuse. Tout y passe : l'enfance, l'adolescence, la vie adulte, la vieillesse, le couple, les grandes écoles, l'esprit de revanche, le monde du travail, la capitale, la province, les premiers de cordée et les autres, tous les autres. Nicolas Mathieu se saisit de chacun de ces sujets avec une justesse impitoyable, mais sans jamais juger, ni se complaire dans son rôle de conteur : on sent, on sait, qu'il écrit pour lui autant que pour nous.

Et tout sonne effroyablement vrai dans ce roman, des aspirations pleines d'audace et d'assurance de la jeunesse, aux barouds d'honneur rageurs de la quarantaine, où l'on tente tout pour repousser les renoncements prêts à nous engloutir. Autant de lucidité m'a laminée. (La prochaine fois, je lirai Foenkinos, ce sera plus simple).



Mais tout n'est pas que souffrance. En romancier tranquille et talentueux qu'il est, Nicolas Mathieu nous fait nous attacher à ses personnages, piteusement et magnifiquement humains (bien que je n'aie pas apprécié Hélène), et l'on a envie de connaître leur devenir. Il alterne les époques et les chapitres consacrés à l'un ou l'autre de ses protagonistes, mais sa maîtrise de la narration est telle que l'on n'est jamais perdu. En outre, son écriture est un pur plaisir de littéraire.

Ce qui ne m'a pas empêchée d'avoir envie de jeter ce roman monstrueux contre un mur, sitôt terminé, tant il m'a fascinée et mortifiée. Mais un livre qui remue autant ne peut qu'être remarquable et exceptionnel (même si on se retrouve avec du Sardou en tête pendant toute la lecture).



Alors, blindez-vous avant de le lire à votre tour. Prévoyez des pauses, des petits remontants, des sucreries, et respirez par le ventre. Mais pour Sardou, il n'y a rien à faire.
Commenter  J’apprécie          16850
Le ciel ouvert

L'auteur nous livre un roman court, un véritable petit bijou,une pépite, à la limite du chef d’œuvre,Un roman qui m'a marqué au plus profond de mes tripes, de mon être, l'auteur m'a envoûtée par son écriture sensible, subtile, et tellement poétique, Un roman que l'on dévore , un roman qui se déguste, un roman que l'on englouti une fois la lecture commencée. Une histoire d'amour, de mélancolie, de nostalgie, Une série de texte qui s'assemblent, se fusionnent sur les différents passages de la vie, passée, présente et future. Un roman avec de magnifiques illustrations, Ce roman est une ode à la vie, une ode à l'amour. Un roman à lire de toute urgence.
Commenter  J’apprécie          16618
Leurs enfants après eux

Pas de long commentaire , Sébastien a déjà tout dit.

Août1992: une petite ville de l'est de la France, perdue, résignée, comme rouillée , abîmée,brisée à l'ombre des hauts - fourneaux éteints., un lac immobile , un aprés-midi de chaleur écrasante, odeur de goudron, de poussière sèche ....



Anthony a quatorze ans lorsque s'ouvre le roman .

Nous le suivrons durant quatre étés , lui et d'autres adolescents , Hacine, Clem ....pris au piège des barbelés d'une vie sans échappatoire où le temps semble s'être arrêté ....figé....

L'auteur dresse un tableau brillant ---hyper réaliste ----des doutes, du désœuvrement , des premiers émois amoureux, des rêves encalminés , non aboutis noyés dans l'alcool , la poisse, la résignation sociale , la fin de l'enfance , le drame du licenciement du pére ....

La construction est originale, l'écriture est riche, précise, vibrante, dense, vigoureuse, acérée.

Même si la trame est sombre et si ce texte conte la vie d'hommes usés au travail, de vies par défaut, le malaise , le son de la télé monté au maximum , les factures , l'odeur des gauloises , les bêtises des jeunes, l'ennui , l'échec, les faux départs, la nostalgie et le déclin, il est éclairé, électrisé par la lumière de l'été , les désirs sexuels, la rage de vivre,les questionnements : tous rêvent de fiche le camp mais la plupart de ces jeunes sont condamnés à mener une existence semblable à celle de leurs pères.

Anthony, ce gamin jamais heureux à l'école, son pére, sa mére, Steph, qui lui échappe sans cesse et se refuse .....

Le texte emporte le lecteur par son acuité, son extraordinaire sensibilité comme si l'auteur avait vécu cette période.....

Un récit bouleversant , déchirant , énergique, rageur, qui nous prend aux tripes, lu dans le train dans l'urgence emportée par la justesse de ces brouillons de vies , de toute beauté !

Comme une carte postale géante de ces années - là, grave, lumineuse et vivement colorée à la fois!

Semblable à un film au ralenti de cette France de l'entre- deux,loin, très loin de la mondialisation sans frein, la France d'une époque...une tragédie où la jeunesse devra trouver sa voie dans un monde qui meurt .......



" Il en est dont il n'y a plus de souvenirs,

Ils ont péri comme s'ils n'avaient jamais existé;

Ils sont devenus comme s'ils n'étaient jamais nés ,

Et, de même, leurs enfants aprés eux . "

Siracide. 44, 9.







Commenter  J’apprécie          15819
Leurs enfants après eux

Août 1992, à Heillange, petite ville de l'Est de la France, Anthony, du haut de ses 14 ans, s'ennuie ferme. Il n'y a rien à faire ici, pendant les deux longs mois d'été. Avec le cousin, pour tromper leur ennui, ils volent des canoës et naviguent au gré du courant, tentant d'échapper aux monos du club qui les poursuivent. Apercevant deux jeunes filles au loin, ils décident d'accoster sur une berge. L'air faussement désinvolte, ils les approchent et les retrouveront à une soirée, plus tard. L'été ne fait que commencer... L'adolescence aussi...



L'on suit pendant quatre étés durant, de 1992 à 1998, le destin d'une bande d'adolescents, ô combien attachants, issus de différents milieux sociaux. Pourtant, dans leur cœur, cette même envie de vivre. Pleinement, chichement, intensément. Partir et découvrir un autre que cette ancienne zone post-industrielle, vestige des hauts-fourneaux aujourd'hui éteints Ne pas s'engluer et subir la même vie que leurs parents, même si, pour certains, il ne pourra en être autrement. En quatre tableaux, en quatre étés, en quatre saisons chaudes et étouffantes, Nicolas Mathieu dépeint avec force et intensité une véritable fresque chorale, sociale et familiale. Vibrant, passionnant et foisonnant, ce récit, bien que sombre parfois, est illuminé par l'étincelle, la fougue et l'énergie des adolescents. Ce portrait réaliste d'une France désoeuvrée est remarquable de par la justesse des mots et des dialogues, l'intensité et l'émotion qui s'en dégage et l'illusion, cruelle, qui leurre ces adolescents véhéments.

Remarquable !
Commenter  J’apprécie          1516
Connemara

Connemara, Les lacs du Connemara, cette chanson a inspiré Nicolas Mathieu, consacré par le Prix Goncourt 2018 avec Leurs enfants après eux. Si vous avez un peu oublié – est-ce possible ? - ce titre signé Jacques Revaux, Pierre Delanoë et Michel Sardou, écoutez-le à nouveau et l’air vous trottera dans la tête jusqu’à devenir obsédant comme il obsède Christophe et ses amis.

Dès le début de son roman, l’auteur s’attache à l’histoire d’Hélène qui, avec Christophe, justement, fait partie des deux personnages principaux de Connemara. Hélène est mariée à Philippe. Ils ont deux filles : Mouche et Clara. Leur réussite professionnelle semble exemplaire. Ils vivent à Nancy après une période parisienne.

Tous les deux, ils sont très occupés par leur travail mais, quelque chose m’intrigue. Hélène revient d’un rencart à Épinal, à environ une heure de voiture de Nancy. Au boulot, chez Elexia, « une boîte qui vendait du conseil, de l’audit, des préconisations dans le domaine des RH, toujours la même chose. », elle a embauché Lison comme stagiaire et attend impatiemment qu’Erwann, le patron, lui donne le poste d’assistante qu’elle mérite, à la direction.

De son côté, Christophe Marchal vit à Cornécourt, petite ville pénarde où le FN est arrivé en tête aux dernières élections… Ce quadragénaire, ex-gloire des Loups, l’équipe de hockey sur glace d’Épinal, rêve de recommencer à jouer mais il deux grands amis, Marco et Greg, qui le poussent à boire plus que de raison. Malgré sa volonté de ne pas céder, il craque à chaque fois et cela aura de graves conséquences pour lui.

De plus, Christophe est en pleine rupture avec sa femme, Charlotte, qui se fait appeler Charlie. Ils ont un fils, Gabriel, dont son grand-père, Gérard Marchal, adore s’occuper. La naissance de ce gosse est un moment fort du livre.

Ainsi, Nicolas Mathieu me permet de faire connaissance avec chacune de ses personnes, remontant à leur enfance, leur adolescence avec tous les problèmes mais aussi les joies de ces périodes décisives pour leur vie d’adulte.

Hélène, n’étant pas du tout satisfaite de sa vie de couple, Philippe étant souvent absent pour son travail, se lance sur le web pour tenter de trouver une relation qui lui plaise car ce n’est pas dans son travail qu’elle obtient les meilleures satisfactions malgré toutes ses qualités et son investissement maximum dans les tâches qui lui sont confiées.

Avec Elexia, Nicolas Mathieu permet de comprendre l’engrenage infernal dans lequel nous sommes plongés avec ces boîtes privées censées conseiller nos élus, les collectivités, les Conseils départementaux ou régionaux. D’ailleurs, la création des grandes régions comme celle du Grand Est est une aubaine permettant à ces entreprises de gagner un maximum de fric sur le dos des contribuables en proposant des réorganisations, des transformations, des réformes ayant le plus souvent pour conséquence la suppression de postes.

S’il ne faut pas divulgâcher les étapes importantes et décisives de ce roman, je dois mentionner des pages très sulfureuses et détaillées de relations sexuelles fort bien décrites…

J’ai appris aussi beaucoup de détails sur le hockey sur glace, un sport que je connaissais bien mal. Comme il l’avait fait pour son roman primé, Nicolas Mathieu sait parfaitement nous faire découvrir la Lorraine avec ses qualités mais aussi les problèmes rencontrés par ses habitants.

Une nouvelle fois, Nicolas Mathieu m’a régalé par son style direct, sans fioriture, allant au plus près de la psychologie de ses personnages tout en ayant un regard acéré sur l’époque que nous vivons. Son sens critique est approfondi, avec des exemples concrets accompagnant un déroulement bien maîtrisé agrémenté de surprises qui décuplent de plaisir de la lecture. Allez, je vous laisse pour écouter encore Les lacs du Connemara après m’être régalé avec la lecture de Connemara.




Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          1457
Le ciel ouvert

Etant grand fan de Nicolas Mathieu (« Leurs enfants après eux », « Connemara ») depuis son Goncourt en 2018, je n’ai pas hésité à me jeter sur ce récit autobiographique pourtant assez atypique de l’auteur. Ce roman réunit en effet les textes écrits par l’auteur sur les réseaux sociaux depuis 2018 et en particulier ceux qu’il adressait publiquement sur Facebook et Instagram à une femme désirée, mais qui n’était pas libre. Une histoire d’amour clandestine qui n’est plus, mais dont il se rappelle chaque instant…



L’auteur annonce d’emblée que la littérature n’est pas vraiment capable de saisir l’amour tellement celui-ci est vaste, mais en décrivant avec une maestria incroyable ces petits gestes et ces petits instants anodins qui constituent l’essence même de l’amour profond, force est de constater qu’il parvient néanmoins à capter avec brio ce concept universel qu’est l’amour.



Au fil de petits textes qui peuvent initialement paraître décousus, mais qui au fil des pages finissent par constituer un ensemble lié par l’amour sous toutes ses formes, allant de l’amour adultère, parfois impossible et souvent blessant, à l’amour du père pour son fils et du fils pour son père. L’auteur profite également de cette ode à l’amour pour s’interroger sur le temps qui s’écoule, tout en pointant du doigt cette société qui nous consume en bouffant la majorité de notre temps.



__« Ne cède pas ton temps en vain. Ne vends pas ta force à vil prix. Ne crois pas les « c’est comme ça », les « que veux-tu qu’on y fasse? ». Ne donne pas ton sommeil à ceux qui le muent en or. Réserve toi le plus possible pour la joie. Écoute moi. Tu n’as qu’une vie: défends-la. »



Parsemé de mélancolie, de tendresse, de nostalgie et de délicatesse, cet ouvrage qui combine à la fois l’intime et l’universel capte à merveille la moindre trace laissée par l’amour, de l’attente de l’autre au souvenir sa peau, en passant par le manque, le désir, l’éloignement et la fusion. Le tout rehaussé par les illustrations de la dessinatrice Aline Zalko et par la plume sensible et foncièrement poétique de Nicolas Mathieu.



Si certains passages, plus décousus, m’ont moins touché, surtout par manque de contexte, la plupart sont d’une beauté époustouflante et m’ont laissé sans voix.



Un roman qui ne se dévore pas mais qui se déguste !
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
Commenter  J’apprécie          1349
Connemara

Hélène, je m'appelle Hélène,

Je suis une fille comme les autres,

Héééélèèèèène, je m'appelle Héééélèèèèène,

Jeeeeeeeeee suis une fille comme les aaaaauuuutreeeees,

En toute logique, une fois ce livre refermé j'aurais dû m'égosiller sur cette chanson et me rebaptiser Hélène, comme le personnage principal de ce bouquin, mais finalement non, car fort heureusement, j'ose croire que je n'ai pas grand-chose en commun avec Hélène.

Pourtant au départ, ça matchait pas mal entre nous, même génération, fille unique, à peu près les mêmes études et des ressemblances dans le boulot, deux enfants, des parents qui ont acheté un petit appart à la Grande-Motte pour les vacances, qui ont payé de belles études à leur fille, études qu'eux-mêmes n'ont pas été en mesure de faire parce que dans leur milieu on n'en faisait pas et qu'on n'aurait pas su comment s'y prendre…

Donc le phénomène d'identification aurait dû fonctionner à plein régime ; les feuilletés Picard qu'on sort du four le soir après une journée de boulot pour faire plaisir aux gamins et surtout car on est crevés, les clins d'œil appuyés de Nicolas Mathieu sur les souvenirs de notre enfance et adolescence, aaah, les Mystérieuses cités d'or avec Dorothée sur RécréA2, … l'incontournable chanson de Sardou que tout le monde connaît par cœur… Nicolas Mathieu aime caresser sa cible de lecteurs dans le sens du poil…

D'ailleurs Nico est passé chez Brico, et en plus des croquettes, il a pris le plus grand râteau qu'il pouvait trouver pour ratisser un maximum de lecteurs. Tant mieux pour lui, la pêche semble avoir été bonne, mais, ça n'a pas pris en ce qui me concerne …

D'abord toutes ces ficelles, ces références à la pelle, ça m'a fait l'effet du mec hyper lourdingue qui fait du pied sous la table en se croyant au summum de l'art de la séduction alors qu'on a juste envie de lui coller une bonne baffe …

Le pamphlet de Nicolas Mathieu sur les cabinets de conseil m'a paru complètement ridicule et caricatural. Donc, si je résume sa vision acérée, dans les cabinets de consulting, travaillent des méchants consultants qui piquent le fric du contribuable avec l'aide de fonctionnaires hauts placés qui ne pensent qu'à protéger leurs arrières et assurer leur promotion par la grâce de réorganisations vides de sens. Pour ce faire, le consultant grassement payé, débite dans un sabir franglais incompréhensible un discours truffé de chiffres avec de beaux camemberts powerpoint et tout le monde se tape dans la main à la fin. Là je me pose tout de même la question de savoir si Nicolas Mathieu a vraiment rencontré des gens qui travaillent dans le conseil ou s'il a juste acheté à la Fnac le guide « le Conseil pour les Nuls » ?

De même, dans la continuité de la « vision » de l'auteur, la plupart des gens ont des vies de merde, font un boulot de merde qu'ils soient en haut ou en bas de la pyramide sociale, et sont au choix : des ratés ignares complètement bas de plafond (comme ce débile de vieux beau de Christophe qui vend des croquettes pour chiens – votez 1 pour Christophe) ou de purs égoïstes incapables d'aimer autre chose que leur nombril et mettent leur intelligence au service de leur cynisme (votez 2 pour Hélène).

Comment ça vous ne vous reconnaissez ni dans l'un ni dans l'autre ? Ah, merci ça me rassure tout de même un peu… Je n'ai pas vraiment adhéré à cette façon nihiliste de voir les choses, car si ma vie n'est pas toujours rose ni un long fleuve tranquille, il y a au moins un ingrédient présent dans ma vie, et heureusement aussi dans celle de beaucoup d'autres personnes, et qui m'a fait cruellement fait défaut dans ce pavé, c'est l'amour ! La seule trace que j'en ai trouvée dans toute cette déprime et toute cette tristesse, c'est dans la jolie relation entre le grand-père et son petit-fils ! (mais là n'était pas l'essentiel du récit).

En toute sincérité, ces pages m'ont mortellement ennuyé, ces personnages sans âme et caricaturaux, nombrilistes, traités avec condescendance par l'auteur, je n'y ai pas cru et ne leur ai trouvé aucun intérêt… Entre les longueurs interminables (les matchs de hockey, le journal d'ado apparemment repris en mode copier/coller (tiens une habitude de consultant), les descriptions à n'en plus finir des beuveries entre potes et des effets de l'alcool, les invraisemblances (les confidences d'Hélène à sa petite consultante, qui va jusqu'à perdre son poste pour elle au cours d'un entretien surréaliste, des primes à 5 chiffres pour plusieurs collaborateurs dans une société de conseil à Nancy..), les approximations (le cabinet Arthur Andersen cité comme grand cabinet alors qu'il a sombré depuis 2002 à la faveur du scandale Enron, l'EM Lyon classée dans le Top 10 des écoles de commerce alors qu'elle est dans le Top 5 depuis 30 ans) … je n'ai rien ressenti au cours de cette lecture, à part de la déception et de l'agacement …

Commenter  J’apprécie          13433
Aux animaux la guerre

Je n'ai pas choisi de lire ce roman parce que son adaptation télévisée était programmée en ce moment , non , j'avoue ne pas l'avoir regardée.

Je n'ai pas choisi ce roman en raison de la nouvelle notoriété de son auteur et de l'obtention de son prix prestigieux , non.

Je n'ai pas choisi ce roman en raison de l'actualité sociale qui bouleverse le pays en ce moment , non (et pourtant...)

Alors , pourquoi ? Tout simplement parce que j'ai lu "leurs enfants après eux" avant l'obtention du Goncourt et que j'avais tout simplement adoré.

Me voici donc parti dans les Vosges , dans une entreprise qui , comme bien d'autres , hélas , s'apprête à laisser sur le bord du chemin des hommes et des femmes dont le seul tort est de se trouver là au mauvais moment . Des licenciements , des plans sociaux , la paupérisation, obligent les personnages à apprendre à évoluer dans un monde hostile , sans autre perspective que la désespérance , au mieux la survie .

Ces personnages , on va les suivre , vivre leur présent, revenir sur leur passé , sans jamais entrevoir vraiment leur avenir .

Et c'est toute la misère qui nous saute à la figure , le salaire qui ne permet pas de payer la maison de retraite de la mère , la bagnole déglinguée toujours en panne , et puis les combines plus ou moins louches, plus ou moins licites , l'alcool , la "gueule de bois" tous les matins ou presque , la drogue , les trafics , les engrenages de la descente aux enfers , l'inflation de la violence , l'atteinte aux droits fondamentaux....

Les personnages évoluent entre deux mondes , et , peu à peu poussés par un force irrésistible, un tsunami de violence , glissent , glissent le long des parois gluantes et impitoyables du désespoir.

J' ai " dévoré " ce roman , cherchant à chaque page un sourire , voire un éclat de rire , en tout cas une parcelle de bonheur . Peut-être ai -je lu trop vite ou mal , tout est possible , mais....

La construction , passant d'un personnage à l'autre , est très judicieuse et nous permet de toujours rester au coeur de l'action , pas de répit, chaque situation , chaque parole , chaque geste a son importance . La deuxième partie, conséquence de la première , relève du thriller , rythmée , indécise, effrayante mais ....

Pour moi , Nicolas Mathieu frappe fort , là où ça fait mal .Lorsque j'étais jeune , j'ai "dévoré "Zola , découvrant des vies dont on pensait qu'elles ne pourraient plus jamais exister .Triste utopie .Nous sommes au XXIème siècle , Zola est mort depuis bien longtemps mais ses personnages , eux , sont malheureusement là , et bien là, de plus en plus nombreux. Pour combien de temps ?
Commenter  J’apprécie          13112
Aux animaux la guerre

Aux animaux la guerre. J'ai acheté ce premier roman à sa sortie, il y a 4 ans, très intriguée par ce beau titre et l'image d'une usine en dessous dans l'édition chez Actes Noirs. le coup de coeur pour Leurs enfants après eux, du même auteur, a suscité l'envie de le relire.



Aux animaux la guerre donc. Un titre emprunté à un vers des Animaux malades de la peste ( La Fontaine ).

La peste, c'est la désindustrialisation qui frappe les Vosges, le chômage, le RSA, le déclassement qui attend les ouvriers victimes de la fermeture de leur usine qui délocalise où ça marne pour moins cher, la fin d'un monde dont personne ne sort vainqueur.

Les animaux, ce sont tous les personnages de ce roman choral, tous en perdition. Des ouvriers laissés sur le carreau, Martel, syndicaliste charismatique, Bruce, une brute sous cocaïne et stéroide, un vieux militant de l'OAS, un ado maladroit juste amoureux fou. Jamais caricaturaux, jamais manichéens même quand la violence économique explose en violence tout court, quand la violence sociale pousse Martel à des magouilles miteuses qui lui pète à la figure. Une prostituée slave enlevée qui disparaît.



Nicolas Mathieu a un talent fou pour camper ces personnages de perdants magnifiques, richement complexes, profondément humains même lorsqu'ils sont lâches et ridicules. Celui de Rita est le plus réussi, l'inspectrice du travail, rugueuse femme libre et cabossée à la fois, désenchantée par expérience mais y croyant encore.



J'ai lu et relu ce roman noir d'une traite, savourant particulièrement la truculence et la précision des dialogues, souvent drôles. Ok ce n'est pas aussi maitrisé que Leurs Enfants après eux. Sans doute trop de personnages qui gravitent autour de l'intrigue, certains se volatilisant laissant au lecteur une sensation d'inachevé. Mais on sent toute la puissance à venir de l'auteur pour la fresque sociale, politique même. La fin est superbe, pétrie d'empathie. Un excellent polar, très original.



Hâte de découvrir la série télé qui sera diffusé sur France 3 à partir du jeudi 15 novembre. Casting alléchant avec notamment Roschdy Zem dans le rôle de Martel.
Commenter  J’apprécie          1137
Rose Royal

Pas facile d'écrire et publier après l'acmé que constitue l'obtention d'un prix Goncourt, surtout après un si beau roman, si personnel que Leurs enfants après eux. Malin, Nicolas Mathieu se permet une petite respiration, un pas de côté fort réussi avec cette novella résolument noire de 77 pages ciselées chez l'éditeur In8.



L'héroïne, Rose, pourrait être la mère d'un des ados provinciaux de son roman précédent. Elle a 50 ans «  un âge difficile où ce qui vous reste de verdeur, d'électricité, semble devoir disparaître dans le bouillon des jours », une « élasticité d'ensemble qui ressemble à de la jeunesse » mais un visage qui ne tient plus si bien la route. Elle est fatiguée, Rose. Divorcée, deux grands enfants qui font leur vie. Pas d'homme, trop compliqué, une copine avec laquelle elle picole le soir, après le taf, dans un rade comme il y en a plein. Malgré tout, elle se sent forte, surtout depuis qu'elle a acheté un flingue, au cas où un homme lui manque de respect, on ne sait jamais, c'est déjà arrivé et elle ne veut plus se laisser faire.



Nicolas Mathieu dresse un magnifique portrait de femme « ordinaire » avec le sens de la formule qu'on apprécie chez lui, son écriture empathique et sensible, tendre mais sans oeillère. Ses mots disent l'humain avec une acuité amère très juste sur notre époque et les rapports homme – femme.



Dès les premières pages, on l'aime, Rose, le lecteur veut croire à un nouveau bonheur possible lorsqu'elle rencontre Luc. Mais il se sent vite impuissant face à la fatalité en marche. Jusqu'à ce dénouement perturbant. Il m'a ébranlée profondément. Je ne m'y attendais pas , alors que toute la finesse de la construction du texte convergeait vers ce final-là.



Un texte concis, dense et déchirant qui confirme, si besoin, le talent de l'auteur.
Commenter  J’apprécie          1114
Leurs enfants après eux

On se glisse sans mal dans cette histoire d'adolescents, en proie à leur désir de vivre et de s'émanciper, prisonniers sans le savoir du déterminisme social qui décide de la place de chacun, que l'avenir, brillant et tout tracé des uns, a déjà pour les autres un goût de médiocrité programmée.



Le titre est superbe, le ton est juste, les personnages crédibles et attachants, la situation d'une vallée en plein marasme économique est réaliste. Bref, le tableau se regarde avec intérêt et plaisir. Toutefois je serais tentée de dire que si Leurs enfants après eux est un roman bien écrit, au naturalisme très réussi, il lui manque peut-être, pour vraiment nous atteindre et avoir une portée plus universelle, une dimension émotionnelle.
Commenter  J’apprécie          1059
Leurs enfants après eux

Heillange, les 90's. Une France de l'entre-deux, ni fauchée ni aisée, vue à travers des ados branchés mobs, alcool, shit et sexe. Une France pavillonnaire ou de cité, selon les origines. Les paternels d'Anthony et Hocine montrent le chemin de la violence comme remédiation à la vie et ses problèmes. Anthony veut se taper Steph, envisage l'ascension sociale par le sexe. Hocine est plus direct, son ascension il l'appréhende par le fric.

L'on suit ces ados et d'autres durant quatre été, de 92 à 98. L'écriture si juste n'en est presque plus une, elle se fait oublier et agit comme un scan social à l'acuité virtuose, l'immersion est permanente entre dialogues taillés dans le vif du vrai, réflexions incisives ou sexe à fleur de peau. J'ai pensé à Virginie Despentes, pour la facilité à tailler un portrait social dans la mouise.

Un roman, pffft.... Une claque plutôt. J'ai commandé le premier de Nicolas Mathieu.



« Être adulte, c'était précisément savoir qu'il existait d'autres forces que le grand amour et toutes ces foutaises qui remplissaient les magazines, aller bien, vivre ses passions, réussir comme des malades. Il y avait aussi le temps, la mort, la guerre inlassable que vous faisait la vie.  »
Commenter  J’apprécie          1044
Leurs enfants après eux

Il y a des livres qui déclenchent immédiatement votre consentement de lecteur, sans qu'on puisse se l'expliquer clairement et encore moins s'y contraindre. Quoi de meilleur, pour nous lecteurs, que de consentir à une voix , de la 1ère à la dernière ligne, ce cadeau, le fameux livre qu'on a tellement envie de retrouver le soir ! C'est ce que j'ai éprouvé avec ce livre, j'y ai totalement adhéré.

Même si je lui ai trouvé quelques petits défauts: peut-être abuse-t-il un peu du langage formaté ado : "Nan mais genre..." L'intérêt étant malgré tout que cela donne une justesse aux dialogues et que cette "lourdeur" donne un poids naturel au texte, une attraction terrestre qui nous enfonce les pieds dans le béton du bal du 14 juillet, entre Johnny et Indochine.

Certains ont ressenti comme une forme de mépris pour ces laissés pour compte qu'il décrit. Ce n'est pas mon impression, j'ai plutôt senti au contraire que l'auteur était totalement immergé dans la question lancinante qui traverse tout le récit: celle de l'engluement social, qui a la fâcheuse tendance à faire retomber dans la vase ceux qui cherchent à s'en extraire.

Leur vie, qu'ils voulaient à tout prix différente de leurs parents (échapper au chômage, à l’alcoolisme, au machisme, et pire que tout à la routine), reprend la trajectoire elliptique d'un destin, une malédiction antique à laquelle on ne pourrait échapper. Ces vies qui viennent d'éclore, bourrées de toutes sortes d'énergies échevelées sont fauchées à leur tour par la malédiction sociale. Pour l’amour ou pour les bagarres, ça ne loupe pas, ils tombent toujours sur les mauvaises personnes.

Oui j'ai plutôt senti chez l'auteur à travers ce texte, une furieuse envie de déballonner un passif personnel sur tout ce gâchis.

La justesse des dialogues, des rapports humains, le thème fort de la pesanteur sociale, des désirs inassouvis aussi, tout cela fait qu'on s'attache à ses personnages, on a envie de les protéger, on espère avec eux , une éclaircie au moins, un moment magique qui catalyserait leur vie. A ne pas lire en diagonale car il y a des trouvailles littéraires à ne pas rater, des images inventives qui surgissent par à-coups. Un livre très prenant , qui prête à réflexion et aux émotions.

Commenter  J’apprécie          1035
Leurs enfants après eux

Quelle frustration quand les livres qu'on aime se terminent...



Pour moi, il filera toujours,  par un 14 juillet radieux, sur cette  bécane empruntée, dans un instant éternel, suspendu,   faisant la nique au destin.

Grave heureux.

Anthony. ..



Quelle cruauté,

quand on sent que , derrière la dernière page refermée,  se ferment aussi les portes de la chance.

Quel déchirement,

quand les défis s'étouffent  comme des pétards mouillés  dans l'indifférence et la routine.





Pourtant, ils avaient tant rêvé,  tant déconné aussi: c'était si bon de ruer dans les brancards des vieux...



Eux, les fils, on ne les aurait pas. Ils ne seraient jamais comme leurs pères.



Les pères. Des alcoolos avachis, humiliés, depuis que s'était  éteint pour toujours le rougeoiement  des hauts-fourneaux qui leur faisait comme une aura.



La classe ouvrière n'ira pas au paradis.



Leur enfer, aux pères, c'est ici, à Heillanges, Lorraine, dans ce F4 miteux, même pas fini de payer, entre le vieux divan où ronronne la télé et le frigidaire plein de bières.



Ou alors leur enfer, c'est le regard que leur jettent leurs fils, à  ces éternels étrangers, pas vraiment d'ici, plus vraiment d'ailleurs,  naviguant entre  Lorraine et  Maroc, usés  par le travail, discrédités par le chômage.



Des pères à l'aura perdue, des pères à l'autorité disparue.

Patrick, Malek..



Non, on ne leur ressemblera pas! On y va, à cette teuf de bourges, on la pique, et même deux fois plutot qu'une, la bécane du vieux, on les drague, les poulettes à queue-de-cheval, on les fume , ces péts' , et même on les deale,  on n'a peur de rien, un jour on se tirera d'ici. On sera des caïds, on sera des héros.

 Anthony, Hacine...



On s'encanaille avec les "cassos". Pas question d'attendre, comme nos mères,  d''être veuves ou divorcées pour respirer enfin. On n'en veut pas de leur télé, de leur piscine. On s'encanaille avec ces bad boys, mais, passée la séance de mains dans la culotte, c'est la loose. On a tout compris du système, on a les codes, et puis le fric des parents, ça aide,  on y met un grand coup à l'école, sur le tard,  et on file, vers ces écoles de commerce qui sont le sésame- ouvre- toi de la réussite..

Steph', Clem...



Quel plaisir de vibrer, de sentir, de toucher, de trembler, de désirer,  avec cette petite bande, disparate et libre, de chiens fous, qui échappent , un temps, au carcan de leur classe,  dans ce grand charivari émotionnel et hormonal de l'adolescence où  ils sont tous égaux!

Anthony, Hacine, Steph', Vanessa, le cousin, Clem'...



Quel régal  de les entendre parler "djeun" (peut-être un peu moins "raccord" avec l'époque, leur tchatche a un goût d'aujourd'hui, me semble-t-il...ou alors ces petits lorrains des 90's  étaient grave des précurseurs), de les voir prendre des poses blasées , pas dupes, - "Mais nan? - Sérieux?" - "Trop pas! " "Grave!", quand leur coeur bat la chamade..



Quelle joie de sentir , malgré la chape de plomb qui inexorablement retombe sur eux,  l'immense tendresse, contagieuse, de l'auteur pour ses personnages!



Quelle admiration devant la mécanique impeccablement huilée du "suspense" qui jamais ne cède aux effets faciles, devant la construction impeccable, savante même  qui orchestre avec maestria cette moderne  tragédie du déterminisme social.



En quatre actes, six ans, quatre fêtes- et quatre chansons - B.O. résolument années 90!- autour d'une moto empruntée,  volée, brûlée, remplacée, Nicolas Mathieu avec un humour assez  tendre et une  lucidité un peu cruelle- ou est-ce un humour cruel et une lucidité tendre?-  déroule, brillamment ,  cette chronique d'un échec annoncé. 



Et nous on s'attache, on compatit, on rit, on tremble...



Un pur bonheur qu'on aimerait ne jamais voir finir.



- Tu te répètes, là.  Tu vas pas t'en remettre, de l'avoir fini, ce bouquin..

- Trop pas!

- T'es grave mordue, alors?

- Grave!

Commenter  J’apprécie          10114




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Nicolas Mathieu Voir plus

Quiz Voir plus

Connemara

De quelle école de commerce Hélène est-elle diplômée ?

Sup de Co Reims
Esc Lyon
ICN(Nancy)
HEC

6 questions
8 lecteurs ont répondu
Thème : Connemara de Nicolas MathieuCréer un quiz sur cet auteur

{* *}