Citations de Nikolai Gogol (788)
Mais un noble, bougres d'idiots, un noble, cela étudie ; si on le fouette à l'école c'est pour son bien, pour qu'il apprenne quelque chose d'utile. Tandis que vous, vous commencez par des filouteries ; votre patron vous bat parce que vous ne savez pas tromper les gens ! Étant gamins, avant de savoir votre Pater, vous commencez déjà à frauder, et quand vous avez pris du ventre et que vous vous êtes rempli les poches, vous vous croyez arrivés et vous faites les fiers-à-bras ! En voilà des m'as-tu vu ? Parce que vous vous enfilez vingt samovars dans la journée vous faites les importants ? Mais moi, je crache sur vos têtes et votre importance.
LE GOUVERNEUR : Hélas ! telle est l'insondable loi de la destinée : dès qu'un homme est intelligent, ou bien c'est un ivrogne ou bien il fait des grimaces à faire fuir tous les saints du paradis.
LE GOUVERNEUR : Suffit ! Écoutez-moi, Stépane Ilyitch ! Le fonctionnaire de Pétersbourg est arrivé. Quelles dispositions avez-vous prises ?
LE COMMISSAIRE : Mais celles que vous m'avez ordonnées. J'ai envoyé l'agent Pougovitsyne, avec une équipe de civils, nettoyer le trottoir.
LE GOUVERNEUR : Quant à vous, Ammos Fiodorovitch, je vous conseillerai de faire un peu plus attention à ce qui se passe dans l'enceinte du tribunal. Dans votre vestibule, par exemple, où se tiennent les plaideurs, votre gardien élève des oies et leurs oisons. Ils viennent vous caqueter dans les jambes. C'est évident, l'élevage domestique, en soi, est une occupation parfaitement louable (...). Seulement, je vous assure, en un lieu pareil c'est plutôt déplacé. (...) De plus, il est regrettable que dans votre salle d'audience il y ait toujours un tas de vieilles nippes en train de sécher et, juste au-dessous de l'armoire à dossiers, votre fouet de chasse. Je sais, vous aimez la chasse, mais vous feriez mieux de l'enlever, ce fouet, quitte au besoin à le remettre après, quand le révizor sera passé... C'est comme votre assesseur, c'est sans doute un homme très bien dans sa partie, seulement il dégage une de ces odeurs, il sent le tonneau à plein nez !... (...) Il doit y avoir des remèdes, quand bien même, comme il le prétend, cela serait son odeur naturelle.
Or, depuis un certain temps, Akaky Akakiévitch ressentait au dos et à l’épaule des morsures particulièrement douloureuses, bien qu’il s’efforçât de parcourir le trajet habituel aussi vite que possible. Il songea enfin qu’il pouvait y avoir quelque accroc à son manteau.
L’ayant examiné bien attentivement, il découvrit qu’en deux ou trois endroits, précisément au dos et à l’épaule, l’étoffe était pareille à une fine toile : le drap, usé, était devenu transparent, et la doublure s’effilochait sous les doigts.
Quant à moi, je le sais, une puissance supérieure me contraint à cheminer longtemps encore côte à côte avec mes étranges héros, à contempler, à travers un rire apparent et des larmes insoupçonnées, l'infini déroulement de la vie. Le temps est encore lointain où l'inspiration jaillira à flots plus redoutables de mon cerveau en proie à la verve sacrée, où les hommes, tremblants d'émoi, pressentiront les majestueux grondements d'autres discours...
Puis, il aperçut une ondine qui sortait d’une touffe de grands roseaux, ses épaules scintillantes et se jambes, arrondies et fermes, mais toutes tissées de lumières et de frémissements. Elle tourna vers lui son visage aux yeux clairs et perçants. Avec un chant qui s’insinuant en Thomas, elle s’approchait, atteignant presque la surface de l’eau, et après avoir tressailli d’un rire éclatant, plongeait et s’éloignait encore. Elle se renversa sur le dos, et les contours de sa gorge, blanche comme la porcelaine qui n’est pas encore vernie, semblèrent transparents aux rayons caressants de ce soleil nocturne. Une foule de petites bulles la couvrirent comme autant de perles ; elle évoluait au fond de l’eau, égrenant son rire.
Il existe, dans les annales de l’humanité, bien des siècles que l’on voudrait effacer, faire disparaître comme inutiles. Tant d’erreurs ont été commises qu’un enfant, semble-t-il, éviterait aujourd’hui ! Quels chemins étroits, tortueux, détournés, impraticables, a choisis l’humanité en quête de l’éternelle vérité, alors que devant elle s’ouvrait une royale avenue, large et droite comme celles qui mènent aux demeures souveraines. Ensoleillée le jour, illuminée la nuit, cette voie dépasse toutes les autres en splendeur ; cependant les hommes ont toujours cheminé dans les ténèbres sans l’apercevoir. Si parfois, obéissant à une inspiration d’en haut, ils s’y engageaient, ils s’égaraient bientôt à nouveau, se rejetaient en plein jour dans d’inextricables fourrés, prenaient plaisir à s’aveugler mutuellement et, se guidant sur des feux follets, arrivaient au bord de l’abîme pour se demander avec effroi les uns aux autres : « Où est l’issue ? Où est le bon chemin ? ». L’actuelle génération comprend maintenant tout cela, elle s’étonne, se moque des égarements de ses ancêtres, mais elle ne voit pas que cette histoire est tracée avec le feu du ciel, que chaque lettre en est claire, que de partout un doigt impérieux la désigne, elle, justement elle, l’actuelle génération : elle se complaît en sa raillerie et commet fièrement de nouvelles erreurs, dont se moquera à son tour la postérité.
Une longue conversation s'engagea que les convives menèrent d'étrange façon. Un colonel, vieux débris de 1812, raconta une bataille qui n'avait jamais eu lieu, puis, sans qu'on sût trop pourquoi, enfonça dans un gâteau un bouchon de carafe. Bref on ne se sépara qu'à trois heures du matin ; certains cochers durent emporter leurs maîtres à bras-le-corps comme des ballots ; et dans sa calèche, Tchertokoutski, malgré tout son aristocratisme, branlait si fort du chef et l'inclinait si bas qu'il ramena deux glouterons dans sa moustache.
Il s'agit de sauver notre patrie !... Elle ne meurt pas sous les coups d'une invasion de vingt peuples ennemis... Ce sont nos crimes qui la tuent... Et aucune homme d’État, fût-il le plus habile, le plus sage des législateurs, ne pourrait remédier au mal même s'il faisait surveiller les fonctionnaires les plus misérables. Ceux-ci sont devenus une force occulte redoutable, un véritable gouvernement de l'Empire, un puissant État dans l’État... Et tout l'effort restera vain tant que chacun de nous n'aura pas compris, comme aux grandes époques des invasions de notre patrie, que c'est à lui, à lui seul de lutter contre l'iniquité...Je m'adresse à vous comme un Russe à des Russes... Je m'adresse à ceux qui savent ce que signifie la noblesse du cœur et de la pensée... Je vous invite à vous souvenir du devoir sacré qui incombe à tout homme sur la Terre...
Le manteau
[...] Le régistrateur de collège devait faire son rapport au secrétaire de province, le secrétaire de province s'adressait au conseiller titulaire ou à quelque autre fonctionnaire, et ainsi de suite, en passant par tous les degrés de la hiérarchie. C'est ainsi que se passent les choses dans notre sainte Russie : chacun y joue au chef et copie son supérieur. (p. 51)
Le vieux Tarass pensait à son passé ; sa jeunesse que le cosaque surtout
regrette, car il voulait toujours être agile et fort pour sa vie d' aventures .
Un homme qui se noie s'empare avidement du moindre copeau flottant à la surface ; ce copeau, il est vrai, sert de barque à un insecte pesant la millième partie d'une once, tandis que lui, l'homme, pèse cent cinquante livres, s'il n'en pèse pas même deux cents : mais il ne fait pas ce calcul.
Voix basse, enrouée ; il traîne les mots et renifle sans cesse, comme ces vieilles horloges qui grincent d'abord, et seulement ensuite donnent l'heure.
Ivan Iakovlévitch était un grand cynique, et chaque fois que l'assesseur de collège Kovaliov lui disait pendant qu'il se faisait raser : " Tu as les mains qui puent, Ivan Iakovlévitch ! ", Ivan Iakovlévitch lui répondait par cette question : " Pourquoi est-ce qu'elles pueraient ? " — " Je ne sais pas, mon vieux, mais elles puent ", disaient l'assesseur de collège, et Ivan Iakovlévitch, après une prise de tabac, le savonnait [...] partout où ça lui chantait.
Rien n’est plus beau que la Perspective Nevski ‘, du moins à Petersbourg; elle est tout pour lui. Y a-t-il rien qui manque a la splendeur de cette artère, la reine de beauté de notre capitale? Je suis sur qu’il n’est pas un de ses habitants pâles et gradés dans la bureaucratie qui voulut changer pour tous les trésors du monde la Perspective Nevski.
Je vous le déclare sur mon honneur, si je perdais tout mes biens – et j’en ai plus que vous, – je ne pleurerais pas. Car ce qui compte, ce ne sont pas les biens qu’on peut nous confisquer, mais ceux que personne ne peut ni voler ni enlever! Vous avez assez vécu dans le monde. […] Oubliez ce monde et ses séductions. Que lui aussi vous oublie ; il ne procure pas la paix. Vous le voyez, on n’y trouve que tentation ou trahison.
Mais sitôt la nuit tombée, il redevient visible et se reflète de nouveau dans les lacs, tandis que derrière lui, tremblante, galope son ombre.
PLIKAPLOV : Mais elle ne possède rien.
OMELETTE : Comment, et la maison en pierres ?
PLIKAPLOV : C'est une façon de parler, qu'elle est en pierres : si vous saviez comment elle est construite ; les murs ont juste une brique d'épaisseur, et Dieu seul sait ce qu'on a mis dans ces briques — des détritus, des bouts de bois, des copeaux.
OMELETTE : Oh ?
PLIKAPLOV : Puisque je vous le dis. Comme si vous ne saviez pas ce que c'est que le bâtiment, par le temps qui court ? — On ne construit que pour hypothéquer.
LE MARIAGE.
Le rire est une grande chose : il n'enlève à personne ni la vie ni les biens, mais le coupable n'en est pas moins devant lui comme un lièvre aux pattes ligotées.
Notes sur le Théâtre à Saint-Pétersbourg.