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Critiques de Nnedi Okorafor (253)
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Sankofa : La fille adoptive de la mort

Sankofa; la fille adoptive de la mort; Sankofa est une réfugiée assez choyée. ... Elle était attendue. "Cette chose est à moi. C'est une chose qui m'écoute." écrit avec beaucoup de poésie, destiné à un lectorat débutant... A la fois simple, clair et compréhensible mais sans piments et sans passages de forte impression. Pas vraiment de personnage forts à part Sankofa. La fin était plutôt osée.
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Kabu Kabu

C’est en 2013 que l’autrice américano-nigérianne Nnedi Okorafor fait son apparition sur la scène littéraire française avec « Qui a peur de la mort », roman récompensé par un World Fantasy Award et mettant en scène une Afrique post-apo dans laquelle l’autrice abordait des thématiques jusqu’alors peu mises en lumière dans les littératures de l’imaginaire (le viol utilisé comme arme de guerre, l’excision…). Réédité l’an dernier par les éditions ActuSF, le roman a depuis été rejoint par plusieurs autres textes, à commencer par « Kabu Kabu », un recueil de plus d’une vingtaine de nouvelles précédemment publié par les éditions de l’Instant. On retrouve tout ce qui fait la spécificité et le charme de la plume de Nnedi Okorafor qui fait une fois encore le choix de placer la quasi-totalité de ses intrigues en Afrique, et plus précisément au Nigeria. Un environnement peu familier au lecteur occidental qui ne manquera par conséquent pas d’être rapidement dépaysé par ces paysages désertiques, ces villages de cases ou ces forêts luxuriantes, mais aussi par une faune et une flore qui sortent de l’ordinaire (babouins, serpents, vautours…). Cette originalité se retrouve également du côté du folklore mobilisé, ainsi que du profil des personnages puisque l’autrice ne met quasiment en scène que des femmes, et systématiquement des personnes noires. « Le nègre magique », premier (court) texte en charge d’ouvrir le recueil, donne d’ailleurs clairement le ton. L’autrice y insiste sur le rôle dérisoire accordé aux personnages noirs dans les histoires, ces derniers ne servant trop souvent que de faire-valoir au héros blanc. Une mise-en-bouche déstabilisante au début, mais finalement hilarante et qui tient en quelque sorte lieu d’avertissement au lecteur : chez Nnedi Okorafor se sont l’Afrique et les Africains qui se trouvent au cœur du récit.



Il en résulte un recueil foisonnant et absolument passionnant mettant en lumière plusieurs sujets spécifiques à la situation actuelle ou passée du Nigeria. Les vingt-et-une nouvelles que comprend l’ouvrage sont d’ailleurs globalement réparties par thème, un classement risqué dans la mesure où la succession de textes abordant le même sujet aurait pu s’avérer lassant pour le lecteur, or ce n’est absolument pas le cas. Chaque nouvelle vient au contraire compléter l’autre, apportant un nouveau regard sur le propos développé précédemment plutôt qu’une redite, ce qui renforce l’impression d’avoir affaire à un tout cohérent plutôt qu’à un assemblage hétéroclite. La première grande thématique abordée est celle de la stigmatisation d’une ethnie, suivie de son génocide ou de sa soumission. « La tâche noire » met ainsi en scène deux ethnies différentes déjà évoquées dans « Qui a peur de la mort », les Nuru et les Okeke, la première ayant asservi la seconde jugée néfaste car responsable du courroux de la Déesse et de la destruction du monde. Déshumanisation de toute une communauté, esclavage, viol… : l’autrice aborde des thèmes douloureux avec un réalisme saisissant qui parvient efficacement à susciter le malaise et la réflexion du lecteur. On retrouve le même sujet dans « Tumaki », un très beau texte mettant en scène l’histoire d’amour entre un coureur de vent (une figure emblématique de l’imaginaire de l’autrice) et une jeune femme qui a fait le choix de porter une burka pour pouvoir vivre et exercer son métier en toute tranquillité. Dans cette nouvelle c’est avant tout le cadre qui suscite l’intérêt, l’action prenant place dans une Afrique post-apocalyptique dans laquelle des vestiges de technologies persistent mais sont sur le point de disparaître et où la magie a refait surface. Un texte fort et poignant, porté par deux personnages touchants. « Bakasi » met quant à lui en scène l’arrivée au pouvoir d’un dictateur et illustre la rapidité avec laquelle toute une population peut en être menacée. On retrouve la question du racisme dans les deux seules nouvelles qui ne se déroulent pas dans un cadre africain mais qui mettent néanmoins en scène des jeunes filles noires confrontées aux insultes de leurs camarades en raison de leur couleur de peau. La première s’en tirera grâce à sa combativité (« Zula, de la cour de récré de quatrième »), la seconde à sa ruse et au lien qu’elle entretient avec ses sœurs (« La fille qui court »).



Une autre question qui revient dans plusieurs nouvelles concerne l’extraction du pétrole au Nigeria et les conséquences de cette exploitation sur la population. Dans « Icône », l’autrice met en scène deux journalistes étrangers venus rencontrer des pirates rebelles appartenant au Niger Delta People’s Movement, une organisation terroriste déterminée à saboter et empêcher les grandes compagnies pétrolières d’extraire du pétrole dans le Delta du Niger. Aucun ne s’attendaient à l’imprévisibilité du chef des pirates, ni à la violence à laquelle ils allaient se retrouver confrontés. Un texte court mais dont un passage en particulier a de quoi remuer. Le texte « Popular Machanic » aborde plus en détail la question du pétrole et du rôle qu’il joue dans la région. On y apprend que le Nigeria figure parmi les plus gros producteurs de pétrole au monde : « Le gouvernement, au grand dam du pays, engloutissait la plupart des bénéfices du pétrole et ne se souciait absolument pas de ce que l’extraction pouvait bien faire au pays et à ses habitants. » Ironiquement, alors que le pétrole coule à flot sur leurs terres, les Nigériens se retrouvent ainsi régulièrement à cours d’essence ! La nouvelle de Nnedi Okorafor illustre bien ce paradoxe en mettant en scène une femme cherchant à sauver son père après que celui-ci ait décidé de saboter un pipeline pour permettre aux habitants de récupérer un peu du précieux liquide. On retrouve ces pipelines et les extracteurs de pétrole dans « L’artiste araignée », sans doute l’une des nouvelles les plus réussies du recueil. Pour protéger les infrastructures chargées d’acheminer l’or noir à destination, l’autrice imagine que les autorités aient investi dans des drones ultra sophistiqués capables de détecter la moindre approche sur les tuyaux. Et puis, un soir, l’un de ces zombies tant redoutés s’approche de l’héroïne pour l’écouter jouer de la musique… Un très beau texte encore une fois, et un très beau portrait de femme.



Plusieurs des nouvelles du recueil mettent aussi l’accent sur les coureurs de vent, des individus dotés du pouvoir de voler et qui, bien que nombreux et vénérés autrefois, ne sont maintenant plus qu’une poignée et font l’objet des pires superstitions de la part des habitants. Dans « Comment Inyang obtint ses ailes » et « Les vents de l’Harmattan », Nnedi Okorafor décrit bien comment la peur et la superstition peuvent gangrener toute une communauté, au point de lui faire commettre l’irréparable. La première nouvelle met en scène une jeune fille qui se découvre capable de léviter mais sans contrôler son pouvoir. Son ancêtre la met alors en garde contre le risque qu’elle court si le village l’apprend. L’héroïne est encore une fois très attachante, mais ce sont surtout les références à des pratiques matrimoniales surprenantes qui retiennent l’attention (excision, jeunes filles enfermées dans des huttes d’engraissement avant leur mariage…). Le second texte met en scène l’ancêtre de la précédente héroïne, une jeune femme dont le mari découvre qu’elle est une coureuse de vent. Par amour, lui va garder le secret et elle renoncer à son don et surtout à retrouver son âme-sœur, celui que possède tout coureur de vent et vers lequel son instinct la pousse. Là encore, l’autrice signe un beau portrait et met en scène une héroïne à laquelle on s’identifie dès les premières lignes et dont le sentiment d’enfermement et l’amour qu’elle porte à ses enfants ne peuvent qu’émouvoir. « Les coureurs de vent » et « Biafra » sont également des nouvelles qui se répondent. Dans la première un couple de coureurs de vent ne cesse de se perdre puis de se retrouver, tandis que la seconde met en scène le pendant féminin de ce fameux couple, survolant le Nigeria au moment de la guerre civile du Biafra qui s’est déroulée à la fin des années 1960. Elle est alors témoin des massacres perpétrés sur la population civile et, là encore, le réalisme des descriptions suscite sans mal à la fois émotion et malaise chez le lecteur.



L’autrice se plaît également à choisir des héroïnes qui se sont expatriées à l’étranger et qui, alors qu’elles reviennent le temps de quelques jours ou quelques mois, se retrouvent confrontées à un Nigeria fantastique. C’est le cas dans la nouvelle qui donne son titre au recueil, « Kabu Kabu » qui nous dépeint le périple d’une femme cherchant à rejoindre l’aéroport à temps et qui, pour se faire, va se résoudre à emprunter un taxi miteux conduit par un compatriote. Seulement le chauffeur est d’un genre un peu particulier, de même que les différents passagers qu’il va ramasser sur son chemin. Un récit savoureux qui permet de mettre en lumière plusieurs créatures du folklore nigérian. Dans « La maison des difformités » et « Le tapis », ce sont deux sœurs qui, de retour au Nigeria, se retrouvent confrontées à des phénomènes pour le moins étranges, qu’il s’agisse d’animaux au comportement anormal, ou d’une maison abandonnée qui bruisse de vie une fois la nuit tombée. L’héroïne de « Sur la route » aura moins de chance dans sa rencontre avec le surnaturel tant son expérience se révélera traumatisante. Elle pourra heureusement compter sur les femmes de sa communauté qui, bien qu’avares en informations, semblent en savoir long sur les forces qui entourent le village. Parfois ce sont les locaux eux-mêmes qui tombent dans le panneaux et doivent se concilier des créatures magiques. Dans « L’homme au long juju », une petite fille tombera sur un fantôme malicieux dont la réputation n’est plus à faire : se montrera-t-elle suffisamment maligne ? La nouvelle « La guerre des babouins » met quant à elle en scène trois adolescentes découvrant un raccourcis pour se rendre plus rapidement à l’école. Mais pour l’emprunter, elles doivent traverser une forêt dans laquelle elle sont systématiquement attaquées par des babouins qui se montrent de plus en plus violents à chaque passage. Un texte plein de suspens et dont la chute se révèle, comme dans la plupart des autres nouvelles, déroutante mais satisfaisante.



Recueil de plus d’une vingtaine de nouvelles, « Kabu Kabu » est un excellent moyen de découvrir le talent de conteuse Nnedi Okorafor dont l’imaginaire influencé par le Nigeria et ses habitants apporte une immense et bienvenue bouffée d’air frais. Chose assez exceptionnelle, tous les textes de l’ouvrage valent le coup, que ce soit parce qu’ils mettent en scène des héroïnes fortes et attachantes, ou parce qu’ils révèlent un aspect de l’histoire ou de l’actualité du pays ici mis à l’honneur. Un gros coup de coeur.
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Qui a peur de la mort ?

Mon premier gros coup de cœur de l'année... Ce roman de fantasy nous entraîne dans une Afrique où deux tribus s'affrontent depuis "toujours", les Nurus et les Okekes. L'héroïne Onyesonwu, dont le nom signifie "Qui a peur de la mort ?", est née du viol de sa mère par un général Nuru. Elle est rejetée de sa communauté, les enfants nés de ces viols violents, appelés "ewus", étant considérés tout aussi violents et dangereux. En grandissant, Onyesonwu va se découvrir certains dons, qu'elle va devoir apprendre à bien utiliser, au risque de faire plus de mal que de bien.

Guerres ethniques, viol, excision, magie, sorcellerie mais aussi amour et amitié sont la base de ce magnifique roman, à lire absolument !
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Qui a peur de la mort ?

Onyesonwu est une ewu, une enfant issue de deux ethnies antagonistes. Fruit d'un viol perpétré contre sa mère par un général ennemi, la jeune femme va grandir dans une société qui la rejette parce qu'elle porte sur elle les stigmates de cette union non désirée. Pire, elle est considérée comme un être qui deviendra violent à son tour. Mais très vite elle se rend compte qu'elle recèle en elle des pouvoirs qui la dépassent...



Attention, ce roman débute par des scènes fortes qui ont tendance à laisser le lecteur un peu K.O. tout de suite. En effet, Nnedi Okorafor commence presque immédiatement son récit par l'évocation par une mère à sa fille du viol qu'elle a subi et qui est à l'origine de son arrivée douloureuse sur Terre. Elle lui dit bien qu'elle ne pourra lui faire ce récit qu'une seule fois, et c'est tant mieux car c'est assez éprouvant pour le lecteur. Comme si Nnedi Okorafor ne voulait pas laisser souffler son lecteur, vient ensuite une cérémonie d'excision. Porteuse d'une violence moindre, le récit de ce rite "barbare" s'avère tout de même pénible à lire, malgré là encore la beauté d'évocation des mots de l'écrivain. Cependant, ces deux moments primordiaux ont le mérite de tout de suite poser les bases de l'univers violent dans lequel baignent les protagonistes. Et l'auteure américaine d'origine nigériane le fait avec une telle magnificence (la beauté de l'atroce) qu'on se sent tout de suite happé par son récit.



Même si aucun pays n'est jamais cité (sauf une fois, à la toute fin du roman), ni aucune date donnée, c'est d'une Afrique du futur dont il s'agit ici. Un futur indéterminé, seulement signalé par de subtiles évocations d'objets du quotidien qui n'appartiennent pas à notre présent. Pourtant, ce quotidien futuriste est tellement imprégné de traditions ancestrales (guerre, racisme, excision) qu'on aurait aimé voir dépassées, qu'il nous rend ce récit totalement intemporel. C'est peut-être là la plus grande force de ce Qui a peur de la mort ?, quatrième roman de Nnedi Okorafor. Elle explique d'ailleurs dans une postface en forme d'hommage à son père, qu'elle a commencé à le rédiger en apprenant la mort de celui-ci. En le lisant, on sent toute la rage, tout le désespoir face à la perte qu'elle a pu y mettre.



Si ce roman peut être classé dans la case Science-Fiction puisqu'il se déroule dans un futur post-apocalyptique, c'est tout de même bien avant tout une oeuvre de Fantasy. En effet, la magie y est omniprésente. Et même s'il m'a fallu un certain temps avant d'assimiler le fait que dans le monde décrit ici il était normal pour l’héroïne de se transformer en animal (même si elle-même met un certain temps à le comprendre), ou bien d'autres choses encore, j'ai fini par l'admettre, par l'intégrer. En fait, je me suis dit que s'il est possible d'accepter que la magie puisse exister dans un récit se déroulant dans un monde européen pseudo-médiéval, pourquoi n'existerait-elle pas dans une Afrique du futur ? Cette suspension d'incrédulité chère à Coleridge m'a, au final, grandement fait apprécié ce roman.



Malheureusement, ce livre fait 500 pages bien tassées et c'est cent ou cent-cinquante pages de trop. En effet, l'improbable quête menée par Onyesonwu (qui veut dire, justement, Qui a peur de la mort) et ses amis les fera traverser le désert. Certains d'entre eux se demanderont même ce qu'ils sont venus faire là. Nous aussi. C'est tellement long qu'on se demande presque si un sort n'a pas été jeté sur le lecteur pour qu'il ne le termine jamais (je suis un lecteur lent et j'ai vraiment trouvé ça interminable, au sens littéral du terme). Seule la fin (oui, quand même) fait retrouver au lecteur un regain d'intérêt.



Heureusement que c'est superbement bien écrit d'un bout à l'autre du livre, sinon ce roman serait depuis longtemps retourné d'où il vient, c'est-à-dire la médiathèque de ma ville.



Bon, pour ne pas terminer sur une note trop négative (que le livre dans son ensemble ne mérite pas), on signalera la magnifique couverture signée par le graphiste sud-africain Joey HiFi, dont on avait déjà pu admirer le travail sur le roman de Lauren Beukes, Moxyland.
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Le livre de Phénix

Popularisée en France grâce à son roman « Qui a peur de la mort ? », Nnedi Okorafor est une autrice américaine naviguant aussi bien entre la fantasy, le fantastique et la SF, les romans adultes et la jeunesse, mais aussi la forme courte ou la forme longue. Son univers sort indubitablement des sentiers battus, que ce soit en terme de décor (une Afrique post-apocalyptique dans laquelle la magie a refait son apparition) ou de thématiques (le viol comme arme de guerre, l’excision, les ressorts qui conduisent au génocide, ou encore l’émancipation par l’art). « Le livre de Phénix » se veut une préquelle indépendante de l’histoire d’Onyesonwu et vise à relater les événements qui ont précédé et mené à l’apocalypse. Le roman met en scène une femme âgée en apparence d’une quarantaine d’années, née et « amenée à maturité » dans la Tour 7, l’un de ces immenses édifices implantés un peu partout dans le monde et dans lesquels des scientifiques se livrent à toutes sortes d’expérimentations secrètes. Remplies de speciMen, des créatures génétiquement modifiées selon différentes méthodes et avec différents objectifs, ces tours et les personnes qui y travaillent semblent disposer d’une impunité totale et de moyens exceptionnels pour façonner l’humanité de demain. Les résultats ne sont cependant pas toujours à la hauteur de leurs attentes, les différents sujets réagissant parfois mal à ces transformations radicales. Bien que les rapprochements entre résidents soient proscrits, Phénix s’est liée au fil des mois avec Saeed, un autre Speci-Men qui, contrairement à beaucoup d’autres, paraît encore capable d’interagir et de sociabiliser. Mais lorsqu’on lui annonce le suicide de ce dernier, notre héroïne se résous à voir son environnement pour ce qu’il est réellement, non pas une bulle la protégeant du reste du monde mais une prison. Dotée d’une puissance extraordinaire qu’elle commence tout juste à appréhender, la jeune femme va prendre la fuite avec une obsession en tête : venir à bout de toutes les autres tours, libérer les Speci-Men enfermés, et comprendre d’où elle vient et quel est l’objectif recherché par celles et ceux qui sont à l’origine de ces expériences.



Phénix est un personnage ambivalent et qui porte l’essentiel du récit sur ses épaules. Difficile à cerner en raison de la distance qu’elle impose entre elle, narratrice, et le lecteur, l’héroïne n’en demeure pas moins attachante. Marquée par les épreuves qu’elle a du subir et rongée par la colère qu’elle éprouve envers ses anciens geôliers, la jeune femme réagit de façon complexe, et donc très humaine, aux événements qui résultent de son évasion. Habitée par un désir de vengeance en passe de la consumer, Phénix est un personnage puissant qui tente en permanence de cerner les mécanismes qui ont conduit à son exploitation et celle des autres Speci-Men. Elle se rapproche ainsi beaucoup d’Onyesonwu, la petite sorcière revêche de « Qui a peur de la mort », toutes deux assumant leur passé, aussi douloureux soit-il, et désirant ardemment renverser le système de domination à l’origine de leur souffrance. L’intrigue, en revanche, est bien moins maîtrisée et souffre de problèmes de rythme, à commencer par de nombreuses longueurs qui rendent parfois la lecture laborieuse. Le récit part régulièrement dans des directions inattendues qui, sans être inintéressantes, s’apparentent souvent à des digressions. L’autrice a voulu dire beaucoup de choses, trop sans doute, si bien que le roman possède un aspect un peu brouillon nuisible pour l’attention du lecteur qui ne peut s’empêcher de temps à autre de décrocher. De nombreuses réflexions amorcées ici par Nnedi Okorafor sont pourtant intéressantes et rejoignent en partie celles déjà évoquées dans « Qui a peur de la mort » ou dans plusieurs nouvelles du recueil « Kabu Kabu » : le racisme, bien sûr, et plus largement les différentes manières dont s’exerce une domination ; la violence et jusqu’où elle peut aller ; mais aussi la puissance potentiellement destructrice d’un récit. Autant de thématiques passionnantes qui sont malheureusement ici traitées de manière trop confuse.



« Le livre de Phénix » est un roman difficile à saisir dont l’objectif est d’expliquer l’origine de l’apocalypse qui donnera lieu bien des années plus tard au monde tel que dépeint dans « Qui a peur de la mort ». Nnedi Okarafor met en avant des sujets selon un angle original et est parvenue à donner vie à une héroïne complexe particulièrement poignante, mais le récit souffre de longueurs, sources de confusion et, parfois, de lassitude chez le lecteur.
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Qui a peur de la mort ?

Un immense merci à Tatooa qui m'a donné envie de lire ce livre. Dévoré en à peine deux jours de temps, je suis encore dedans alors que j'ai tourné les dernières pages il y a quelques heures déjà.

Un véritable coup de cœur pour ce roman hybride entre post-apocalyptique, fantasy mystique et quête initiatique. Onyesonwu (qui signifie "Qui a peur de la mort ?") est l'héroïne de ce roman. Et quelle héroïne !! Un personnage fort, complexe, mystérieux et d'une puissance infinie ! Je me suis d'emblée attachée, dès les premiers chapitres qui, je dois bien l'avouer m'ont fait l'effet d'une douche froide. Les thématiques abordées dans ce livre sont extrêmement dures : viol, excision, génocide, misogynie traditionaliste. Là réside la force de ce roman : aborder et ancrer des thèmes si empreints d'une terrible réalité dans un contexte de sorcellerie séculaire où les dons sont aussi divers que les personnes qui les possède.

Suivre le petit groupe à travers le désert m'a complètement embarquée. Je ne suis pas habituée à enquiller un pavé d'une traite mais ici, aucun problème, puisque chaque chapitre appelle le suivant, la quête file et les pages avec elle. Si j'ai un seul bémol à donner pour l'intrigue c'est la résolution un peu rapide à la toute fin.

Au niveau personnages, Onye... je ne sais même pas par où commencer avec ce personnage tant il est riche et ambivalent et je ne peux que vous encourager à tenter l'aventure avec elle. Sa relation avec Mwita est l'une des plus belles que j'ai lues en fantasy à ce jour, ne tombant jamais dans le sentimentalisme ou la mièvrerie, c'est un lien d'une force incomparable. Les personnages secondaires que ce soient les compagnes d'Onye ou les figures magiques, bienveillantes ou malveillantes sont toutes très justes dans leur rendu.

L'esprit mystique du roman, les multiples créatures et capacités magiques vous emportent dans un monde original, sombre mais grandiose. L'esprit au-delà du corps, l'amour par-delà la mort. Cette histoire vient se hisser dans mes plus gros coups de cœur imaginaire. Et je ne saurai que vous en recommander la lecture car, après tout, Qui a peur de la mort ?
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Qui a peur de la mort ?

"Qui a peur de la mort ?" est un roman initiatique qui brise les codes du genre en proposant un récit où magie, technologie, humanité se mêlent dans une Afrique post-apocalyptique passionnante.



Beaucoup de sujets d'actualité sont abordés, c'est un livre dur et violent, esclavage, racisme, viol, excision, ne sont que le reflet de notre société. C'est également en contre poid des sujets cités précédemment, un roman sur l'amour, l'espoir, la combativité.



Les personnages sont bien travaillés, très approfondis dans leur psychologie, j'ai véritablement apprécié le caractère de l'héroïne Onyesonwu. En ce qui concerne les décors vous serez dépaysé en parcourant quelques villes, disons le, qui ne sont pas très différentes de maintenant mais par contre le désert est magnifiquement conté avec ses dangers et ses surprises, avec ses rencontres hautes en couleur.



La magie est très présente, non pas la magie du genre Harry Potter mais plutôt proche du chamanisme, du soin en passant par la métamorphose ou encore le voyage dans le monde des morts.



Nous sommes en présence d'une histoire qui m'a beaucoup plus, transporté, et qui demeurera présente longtemps dans ma mémoire. À lire.



Voir la chronique sur mon blog :
Lien : https://unbouquinsinonrien.b..
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Binti, tome 1

Du fond, de la créativité, Binti est une novella très prometteuse qui met en lumière une jeune femme pleine de fougue. Ce space opera oppose le peuple des Meduse aux êtres humains, un conflit qui surgira dramatiquement dans la vie de la jeune femme. Les thématiques sont abordées avec finesse et élégance, avec des mathématiques au cœur de l’équation. L’obtention des deux prix font grimper des attentes qui seront sans doute déçues en raison du format trop court pour exploiter son potentiel, et d’un traitement presque YA. Presque. Mais pour 100 pages, c’est plutôt très engageant, je lirai la suite.



Critique bien plus complète sur mon blog
Lien : https://albdoblog.com/2017/1..
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Qui a peur de la mort ?

Ce livre est un vrai coup de coeur. Il me marquera longtemps de part son ambiance, ses personnages, l'histoire, l'écriture de l'auteur. Bref, j'ai tout aimé.

Je ne connaissais pas Nnedi Okorafor, ses origines, son histoire qui imprègne le roman. Avec son écriture fluide, elle aborde des sujets de fonds, encore très présents en Afrique comme les guerres ethniques, le viol, l'excision...

Avec Onyesonwu, qui signifie, dans une langue ancienne : " Qui a peur de la mort ?", nous découvrons un personnage fort et fragile à la fois, une jeune femme "ewu", c'est à dire issu du viol, qui découvre petit à petit son histoire passée et qui évolue grandement au travers de roman. Accompagnée de ses amis, elle voit ses dons se développer et évoluer. A partir de là, nous voyageons avec eux au travers d'une Afrique sauvage où la magie, le "juju", tient un rôle prépondérant.

A la fois poétique et violent, ce livre nous transporte dans un univers riche et magnifique, un lieu où les sentiments tels que l'amourv vrai et l'amitié indéfectible ne font que se renforcer au fil des pages.

c'est un livre magnifique, à lire absolument !
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Le livre de Phénix

Alors, c’est un roman qui me laisse un avis mitigé. J’y ai découvert de bonnes choses, mais d’autres mon laissé un peu circonspect. Je ne connaissais pas l’auteur avant cet ouvrage.





Tout d’abord, le livre en tant que tel est assez joli et sa couverture reprend les éléments forts du roman, l’héroïne, le feu, et les brins d’adn. Une couverture qui m’avait donné envie de découvrir ce qu’il renfermait. Ce qui est assez rare chez moi, mais à croire qu’en vieillissant j’apporte de l’attention à l’écrin.





L’histoire en tant que telle n’a rien de folichonne, on va partir sur une situation bien brossée, ou l’on comprend rapidement ou l’on est et dans quel contexte. Après un élément déclencheur, on va basculer sur quelque chose d’assez monomaniaque pour notre héroïne : la vengeance. Le pitch est léger, mais l’univers dans lequel cela se déroule est attractif et relativement immersif.





J’ai trouvé que les personnages n’étaient pas assez poussés, j’entends par là que leur arc est assez simple, pas trop de rebondissements ou d’évolutions. Quelques infos glanées sur leur passé, mais je ne trouve pas que cela impact concrètement leur caractère. En somme des personnages un poil plat ; peut-être Saaed qui sort un peu du lot.





Ensuite, j’ai trouvé la plume de l’auteur assez inégale au fil du roman. J’ai eu le ressenti que l’auteur avait d’excellentes idées, mais que l’écriture n’exploitait par de manières évidentes le potentiel de l’univers qu’elle avait entre les mains. C’est dommage, par endroit cela aurait mérité une attention plus poussée pour vraiment nous happer.



La mise en page et la traduction n’ont peut-être pas aidé non plus, mais par endroit ça avait l’air un peu décousu, un sentiment difficile à retranscrire.





Cependant, je ne vais pas bouder mon plaisir, je me suis concentré sur les choses qui me plaisaient le plus et ai passé un bon moment. Mais ce goût d’inachevé est présent.





Les thèmes principaux sont vraiment mis en avant, le racisme, les modifications génétiques, l’ambiance pré-apocalyptique, l’écologie, le rapport à la nature.
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Qui a peur de la mort ?

Plutôt déçue pour ma première incursion dans la fantasy "africaine" avec Qui a peur de la mort ? de Nnedi Okorafor.

L'auteure, née et vivant aux Etats-Unis cumule tous les poncifs sur l'Afrique qui étaient déjà dénoncés par Gaston Kelman dans Je suis noir et je n'aime pas le manioc il y a vingt ans.



L'"Afrofuturism" serait, selon l'auteure, le règne de la sorcellerie, de l'esclavage, du viol, de l'excision, des guerres civiles dans un grand désert. Bref, l'Afrique post-apocalyptique ressemble furieusement à l'Afrique pré-coloniale.



L'héroïne, dotée de superpouvoirs, passe plus de temps à se soucier de ses vêtements et de ménager la susceptibilité de son amant que d'agir pour changer les choses.

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Le livre de Phénix

Le Livre de Phénix est un conte pré-apocalyptique brûlant qui s'est déjà illustré en recevant le prix Kund Lakwitz du meilleur roman étranger et en étant finaliste des prix Campbell et Arthur C. Clarke.



Phénix est un organisme accéléré aux capacités bien supérieures à celles d'un humain lambda. Crée dans l'une des tours préposées aux expérimentations génétiques, elle ne se pose que peu de questions quant au sens de ces expériences et à son propre rôle dans tout ceci, mais tout change après le décès de son amant, Saeed. En cherchant à comprendre ce qui lui est arrivé, elle va prendre la mesure de l’ignominie perpétrée entre ces murs et chercher par tous les moyens à y mettre un terme. Or, une seule solution s'impose à elle : la fuite afin d'avoir les mains libres pour détruire toutes les tours. Elle est rejointe par d'autres dans sa quête de vengeance et de justice, pour autant, pourront-ils réussir l'impossible ?



Le Livre de Phénix est un récit de science-fiction qui dessine le futur d'une humanité génétiquement modifiée.



En nous attachant aux pas de Phénix, Nnedi Okorafor donne une réalité aux rêves et fantasmes de quelques scientifiques. En effet, elle y a imaginé la création d'êtres supérieurs, réalisés à partir de cellules humaines dont la croissance est accélérée et côtoyant des humains également améliorés ou des créatures hybrides modifiées ou fusionnées avec d'autres.



Sous le couvert de faire progresser la recherche et de trouver des remèdes à de graves maladies, des expériences scientifiques sans aucune éthique sont menées ici. Balayant la souffrance des êtres créés ou modifiés, les scientifiques en charge agissent sans le moindre état d'âme, ni esprit critique. Mauvais traitements, exploitation et déconsidération, voilà ce que subissent jour après jour les créations entre les murs de ces tours.



En mettant l'accent sur ces dérives scientifiques, Nnedi Okorafor alerte sur les dangers d'une science mégalomane qui pulvérise la morale au profit d'intérêts privés.



En outre, elle souligne aussi l'importance de prendre en compte les sentiments et les émotions de ces êtres qui ne doivent en aucun cas être considérés comme des choses sous peine de faire naître la révolte.



Le Livre de Phénix nous parle de futur mais aussi de présent et de passé car l'autrice y dénonce aussi les abus et les outrages que le peuple africain subit sous la forme d'essais cliniques sauvages et non consentis. Ce roman est donc aussi un coup de gueule d'une autrice qui souhaite que les minorités cessent d'être les victimes de puissances rêvant à l'immortalité ou au profit.



Comme Le Livre de Phénix est vraiment un récit puissant riche de sagesse et de sagacité, il lui fallait une héroïne incandescente pour porter cette histoire pleine de férocité. Or, Phénix incarne tout ça et même plus encore car elle est une âme qui ne meurt jamais et renaît toujours de ses cendres. A chaque coup d'éclat la poussant à s'embraser, elle revient plus forte, plus déterminée pour mener à bien sa quête. Révoltée et insoumise, elle s'est arrogée la mission de faire cesser ces atrocités. Pour ce faire, elle est disposée à envoyer un message fort à l'organisation gouvernementale qui se cache derrière le financement de ces expérimentations, en détruisant tous les laboratoires. Fière et téméraire, elle brave tous les dangers et louvoie même pour échapper à une traque sans merci.



Lire son histoire est une expérience bouleversante car on ne peut pas rester indifférent à ce destin qui s'écrit dans la peine et la douleur. On ne peut donc que s'attacher à cet esprit libre en quête de justice et d'humanité.



Avec Le Livre de Phénix, Nnedi Okorafor signe un texte passionnant qui nous questionne quant au futur que l'on peut souhaiter à l'humanité. Magnifiquement écrit, ce livre happe dès les premières pages au point de ne pas avoir envie de le lâcher, alors je vous le recommande...suite sur Fantasy à la Carte.


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La fille aux mains magiques

Un court conte plein de magie, de puissance féminine, de nature mystique et d'art, l'art qui libère et qui fédère.

Une fable qui vous accompagnera même une fois que vous en aurez oublié les détails. Parce qu'elle transporte une douceur d'espoir qui dépasse son récit.

Le tout superbement illustré, pour mettre en images et en couleurs l'histoire de cette petite fille et son trait. Un beau livre à découvrir vite si vous le pouvez.



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La fille aux mains magiques

Après Jean-Laurent del Socorro (« La guerre des trois rois ») et Alan Moore (« L’hypothèse du lézard »), c’est au tour de Nnedi Okorafor de faire son entrée dans la toute nouvelle collection graphique d’ActuSF avec « La fille aux mains magiques ». Marc Simonetti et Cindy Canévet laissent quant à eux leur place à Zariel, auteur de l’ovni graphique et littéraire « Zombies – Mort et vivant », publié l’an dernier chez le même éditeur. La novella se déroule au Nigéria et met en scène une jeune fille, Chidera, dont l’enfance est particulièrement malheureuse. Coincée entre une mère déprimée et un père colérique, la petite fille ne brille ni par sa beauté ni par son intelligence mais fait preuve de beaucoup de bonne volonté, aussi vit-elle très mal le manque d’intérêt de ses parents. Un événement va toutefois venir bouleverser son quotidien : sa rencontre dans la forêt avec trois esprits féminins qui vont éveiller chez elle un don jusqu’à présent endormi : celui du dessin. Pour Chidera c’est une vraie révélation, et son talent va peu à peu avoir des effets bien au-delà des simples supports sur lesquels elle s’essaye à la peinture. J’avais découvert Nnedi Okorafor il y a longtemps avec « Qui a peur de la mort », puis plus récemment avec l’excellent recueil « Kabu Kabu », et cette nouvelle œuvre ne fait que renforcer tout le bien que je pense du travail de l’autrice. Loin de l’ambiance oppressante de « Qui a peur de la mort », qui abordait des thèmes rudes comme l’excision ou le viol comme arme de guerre, « La fille aux mains magiques » est un texte très positif qui prend des allures de contes d’apprentissage. Bien que parfaitement adapté à un lectorat adulte, la novella peut ainsi tout à fait être lue par de plus jeunes lecteurs qui ne trouveront dans le texte qui bienveillance et incitation à la création.



Comme la plupart des textes de l’autrice, l’histoire se déroule au Nigéria, et les particularités propres à la culture et aux paysages africains participent à stimuler la curiosité du lecteur. Nnedi Okorafor y décrit succinctement le quotidien d’un petit village nigérian : les spécialités culinaires, la socialisation des femmes au puits ou au marché, l’habitat, les croyances et traditions… On est finalement très proche ici de certaines nouvelles au sommaire « Kabu Kabu » qui faisaient la part belle à un Nigéria fantasmé, où les esprits arpentent quotidiennement la terre et abreuvent ses habitants de leur magie, de même semble-t-il que de « Binti », que je n’ai pas encore eu l’occasion de découvrir. L’autrice accorde une place particulière dans son récit aux personnages féminins puisque, outre l’héroïne, plusieurs jeunes filles ou aînées du village vont participer à l’épanouissement de Chidera. Le surnaturel est quant à lui peu présent, quand bien même son intrusion est à l’origine des changements dans la vie de la jeune fille, et ne revêt à aucun moment une forme effrayante ou dérangeante comme c’est souvent le cas dans ce type de récit. A l’exception du père de l’héroïne, les autres personnages sont d’ailleurs du même acabit et adopteront tous une attitude bienveillante et compréhensive qui fait un bien fou au lecteur. Les dessins eux, sont un peu particuliers et, si je n’ai été que peu sensible aux illustrations en noir et blanc de l’artiste, je dois reconnaître que les quelques planches en couleur m’ont fait beaucoup d’effet tant elles retranscrivent à merveille l’ambiance et la positivité du texte. Illustrations et narration s’équilibrent parfaitement tout au long de l’ouvrage et la combinaison des deux permet indéniablement de renforcer l’immersion dans cette Afrique ou modernité et traditions coexistent et s’entremêlent, notamment par le biais des femmes.



« La fille aux mains magiques » vient enrichir la jeune collection « Graphic » des éditions ActuSF et séduit aussi bien par la bienveillance qui se dégage du texte d’Okorafor que par l’immersion renforcée dans ce Nigéria fantastique provoquée par les illustrations de Zariel. Une belle découverte, qui constitue une excellente porte d’entrée à l’univers de l’autrice pour ceux qui ne la connaîtraient pas encore.
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Binti, tome 1

J’ai reçu Binti de la part des éditions ActuSF, ce roman fait partie de la collection Naos, une collection destinée aux lecteurs jeune adulte. J’avais découvert l’autrice grâce à son roman “Qui a peur de la mort ?”, un post-apo allié à une quête d’identité. Ici, Nnedi Okorafor nous offre un space opera.



L’ensemble du livre a été une bonne surprise. J’ai été très séduite par cet univers coloré, qui part du désert pour nous emmener jusque dans l’espace. Le roman se divise en différentes parties, qui suivent plusieurs étapes de la vie de la jeune prodige des mathématiques Binti, de son voyage, sa vie à l’université et son retour difficile parmi les siens. Le roman nous offre des paysages, des sensations et des cultures très variés, pour un ensemble dépaysant et unique.



L’autrice a également créé des éléments très originaux. Par exemple, le talent de Binti est d’être une harmonisatrice, c’est à dire qu’elle est capable de s’apaiser et d’apaiser autrui à travers des transes mathématiques. Elle a don pour les énigmes logiques. Autre exemple, l’un des peuples existants est appelé les Méduses. Il s’agit d’êtres agressifs qui sont en guerre avec les Khoush, l’une des peuplades majoritaires sur Terre. Mais l’un d’entre eux deviendra l’ami de Binti. Il est très rare que des créatures non anthropomorphiques soient choisies comme personnages importants.



J’ai également apprécié que bien que l’écriture soit simple et accessible, Nnedi Okorafor n’hésite pas avec Binti à aborder des thèmes complexes et durs comme le deuil ou la séparation de sa famille. Le premier motif récurrent est la notion de culture, avec ce qu’il implique de différences. La culture joue un rôle prépondérant dans le roman. Binti appartient aux himbas, un peuplé méprisé par les Khoush, mais elle est métissée du peuple des sables, une population elle-même méprisée par les Khoush et les himbas. Cette idée de métissage montre bien à quel point l’identité est reliée à ses origines, et que les traditions sont des éléments culturels complexes.



Binti est ainsi tiraillée entre les traditions de son peuple (coiffure, produit qu’elle porte sur la peau…) qui la font paraître étrange aux yeux des autres, et un monde qui s’offre à elle, qui n’est pas accepté par son clan et ses origines. Si les différences crée les différends entre les peuples, elles en sont d’autant plus source d’appartenance, de fierté et d’affirmation. Et renoncer aux traditions, c’est renoncer à son clan. Binti choisit de s’éloigner de ce conformisme et doit pour cela apprendre à accepter qu’elle ne sera jamais la fille parfaite si elle veut suivre son propre chemin.



Ces considérations montrent une grande maturité de la part de l’autrice dans la façon dont elle a construit son roman et ses personnages. Loin de faire partie de ses livres axés jeunesse qui choisissent d’ignorer les drames, Nnedi Okorafor choisit de faire de ses personnages des êtres faillibles, qui craignent leurs décisions, évoluent au fil de l’histoire pour découvrir qui ils sont, et accepter la richesse qui repose en eux. Binti et Oksu la Méduse offre un duo de protagonistes réussis et sympathiques.



Le seul bémol est pour moi la fin, qui est très ouverte. En fait, il s’agit d’un premier tome mais ce n’est pas clairement précisé. Du coup, on nous laisse avec un cliffanger assez violent et une fin un peu rapide qui ne résout pas grand chose. On aurait presque dit que ce n’était pas prévu au départ, ce qui est assez déstabilisant.



Binti est un chouette voyage dans l’afro-futurisme ! Avec une écriture directe, Nnedi Okorafor construit un univers riche et bigarré, qui séduit grâce à son originalité et de multiples éléments technologiques et culturels qui forment une histoire mature et maîtrisée. L’autrice n’hésite pas à aborder des thématiques complexes comme le deuil, le trauma et l’intolérance. C’est donc une belle lecture à mettre entre toutes les mains.


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Qui a peur de la mort ?

Qui a peur de la mort ? est avant tout l'histoire d'Onyesonwu



En Fantasy, on parle souvent d'univers. Mais dans ce livre, c'est surtout et avant tout l'histoire d'Onyesonwu qui est passionnante. Cette petite fille est née dans un contexte particulièrement rude car elle est le fruit d'un viol d'un homme pale, grand sorcier. Il a "choisi" sa mère lors d'une expédition car elle a aussi des dons de sorcellerie. Il voulait un fils Enwu, c'est à dire un métis sorcier, sûrement pour le seconder par la suite. Mais la force de la mère d'Onye est qu'elle choisi de mettre au monde une fille. Malheureusement pour Onye, elle nait avec les caractéristiques physiques d'un métis c'est à dire qu'elle a les cheveux clairs et la peau plus claire. Or, les Enwu sont rejetés par les populations africaines car ils sont réputés être des enfants nés de la violence. Ainsi, toute sa vie, Onye devra se battre pour être acceptée.



Pour cela, elle va se trouver l'amour paternel auprès de son beau père, un forgeron qui habite dans un village. La relation entre ces deux personnes, en dehors du fait que son beau père aime aussi la mère d'Onye, est magique car cet homme va être le premier à l'accepter telle qu'elle est. Ainsi, il va l'amener à l'école, la pousser à s'intégrer auprès des autres enfants et de lui offrir le cadre de vie le plus normal possible mais sans non plus se plier à toutes les coutumes du village. Ainsi, l'auteure va nous parler ici de la coutume de l'excision, coutume encore largement pratiquée en Afrique dans des sociétés largement machistes (il faut le dire). Onye va pratiquer cette opération et Nnedi Okorafor va nous expliquer la pression sociale exercée sur elle pour qu'elle accepte cette pratique à l'insu de ses parents. Car en effet, on aurait compris si ses parents l'avaient forcée à le faire, mais elle a dans sa famille le statut d'une femme libre, similaire au statut d'une Occidentale actuelle. Mais Onye va se plier aussi aux traditions africaines, même si elles peuvent s'avérer mauvaises ou moralement discutables. Ce sujet est magnifiquement traité je trouve car quelque part, on arrive à comprendre pourquoi ces jeunes filles le pratiquent, même si nous n'approuvons pas du tout. On se rend compte aussi de l'ignorance qu'elles ont à ce sujet, et de la douleur qu'elles ont lorsqu'elles se rendent compte de ce qu'elles ont perdu.



Mais revenons à notre héroïne, Onye va ainsi grandir dans un milieu propice à l'amour, et elle va même tomber amoureuse. Là, elle devra aussi montrer sa nature de femme forte car elle reste dans une société machiste. Elle va enfin trouver sa voie en tant que sorcière et découvrir non seulement ses pouvoirs mais aussi les origines de son père.





La Fantasy africaine et sa mythologie.



Nous sommes dans un environnement futuriste mais qui obéit à des codes de fantasy. Comme je vous le disais tout à l'heure, le père d'Onyesonmu est un sorcier. On se demande aussi quel type de sorcellerie va être développé dans ce livre. Je dirai que c'est une magie assez shamanique. Onye, par exemple, peut se transformer en n'importe quel animal, même si elle affectionne plus le vautour. Elle veut obtenir les enseignements d'un sage qui pratique les points mystiques,ce qui donne des visions. Il y a des projections qui correspondent un peu aux projections astrales qui sont assez communes dans toutes nos formes de sorcellerie. Enfin, nous rencontrons dans ce livre un peuple nomade qui agit sur la météo.



Le statut d'Onye est surtout très particulier car elle est métis. Et c'est aussi pour cela que les Enwu sont craints. En effet, ils possèdent toute la magie que je qualifierai africaine, c'est à dire les points mystiques, la transformation en animal. Mais ils possèdent aussi une magie presque occidentale. Cela reste un peu flou car non développée réellement dans ce livre mais il y a de la projection astrale, du déplacement de force, et autres petits détails.



Je trouve qu'on s'acclimate très vite à cette magie du désert, à ce monde particulier. Car la plume de l'auteure nous amène les explications de manière très douce, très fluide. L'univers est aussi très addictif car nous avons un parler un peu africain, elle nous donne quelques petites coutumes et quelques petits tics de son peuples, mais aussi les codes vestimentaires, les habitudes alimentaires. On se sent ainsi très à l'aise dans cet univers. Le fait même d'avoir des noms à consonance étrangère pour nous ne reste pas un handicap. On s'habitue très vite à reconnaître les différents personnages.





Enfin, Qui a peur de la mort est aussi un roman de femmes dans un univers très dur



Viols, massacres, excisions, mariage, incestes, relations sexuelles, éducations sexuelles. Tant de sujets dits sensibles pour nous et qui sont abordés ici de manière quasi naturelle car on sent que l'auteure maîtrise son sujet. On apprend les codes vestimentaires de celles qui portent un voile, celles qui s'habillent autrement, ceux qui veulent soumettre les femmes et ceux qui veulent les respecter. Autant de sujets graves et importants dans un seul livre, en dehors même de l'histoire principale de ce roman qui est la vie d'Onyesonwu.



Tout ceci en fait un livre d'une richesse incroyable, un livre coup de poing, un livre coup de cœur. Un livre pour nous les femmes mais aussi pour vous les hommes. Un livre table de chevet qui mérite son prix de Fantasy, certes, mais qui mérite surtout d'être mieux connu. Il faut des littératures imaginaires aussi riches dans notre vie car c'est tout juste beau, magnifique, quoique sombre. Ce livre est à l'image de sa couverture: énigmatique et à multiples facettes.


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Kabu Kabu

C'est l’histoire d’une américaine qui voulut écrire l’Afrique et son pays d’origine, le Nigéria. L’histoire d’une femme qui souhaitait parler d’un ailleurs avec ses beautés et ses horreurs, ses travers et ses mérites. Son nom : Nnedi Okorafor. Pour parler de son Afrique, celle que l’on enseigne pas aux occidentaux, celle du juju et des mascarades, Nnedi écrit Qui a peur de la mort ? (traduit chez Panini puis réédité par ActuSF) en 2010. Couronné par le World Fantasy Award l’année suivante puis par le prestigieux prix Hugo pour sa novella Binti en 2016, l’écrivaine connaît un succès croissant qui pousse la chaîne HBO à acquérir les droits télévisuels de son magnifique Qui a peur de la mort ?. Pourtant, Nnedi Okorafor n’est pas seulement une auteure de romans. Elle est également une brillante nouvelliste malheureusement délaissée en France…jusqu’à aujourd’hui ! Comme elles l’avaient fait pour Un Étranger en Olondre, le sublime roman de Sofia Samatar, les éditions de l’Instant se sont fendues d’une traduction du recueil de nouvelles de l’américaine intitulé Kabu Kabu. Dix-neuf nouvelles et deux essais plus tard, replongeons quelques instants dans une Afrique magique au-delà du temps.



Après un court essai drôle mais oubliable sur le Nègre Magique, Nnedi Okorafor nous propulse sur un autre continent, entre légendes et mythes. Kabu Kabu, tant la nouvelle du même nom que le recueil dans son entier, offre au lecteur une porte d’entrée vers un univers dépaysant convoquant les créatures fantastiques de l’Afrique Noire. Que ce soit au cours d’un voyage en taxi (Kabu Kabu) ou lors d’une promenade en forêt (L’homme au long juju), l’américaine raconte un folklore étonnant qui effraie parfois mais enchante à coup sûr. Au cours de ces dix-neuf nouvelles, Nnedi Okorafor revient dans son magnifique univers de Qui a peur de la mort ? aux confins de la fantasy et de la science-fiction. La tâche noire renvoie d’ailleurs à la tradition des nurus et leur haine du peuple okoke par l’intermédiaire de l’histoire de deux frères, Uche et Ifeanyi, et d’un amour interdit. Dans le monde de Nnedi, l’amour et l’amitié entrent en conflit avec les traditions et les superstitions mais aussi, tout simplement, avec la bêtise ordinaire des hommes. Bien souvent, le plus effrayant n’est pas le fait du surnaturel mais bien de la banale cruauté de l’être humain.



La haine de l’autre, la question de la différence, la violence. Voici trois des monstres qui traversent Kabu Kabu et tentent de rompre sa poésie. Nnedi recycle le mythe du super-héros, du “méta-humain” revu et corrigé à la sauce africaine, pour parler de tolérance et de féminisme. La figure mythique de la coureuse de vents arpente la sublime mais cruel Tumaki, une histoire de génocide où deux êtres différents s’aiment dans une société au bord de la haine. Sous couvert d’un fantastique délicat, l’américaine brosse des portraits féminins et féministes où les hommes engraissent les femmes et les excisent pour les empêcher de voler (Comment Inyang obtint ses ailes). Une image claire, magnifique et puissante. A l’envie d’émancipation de ses héroïnes, Nnedi oppose la tradition et la misogynie mais aussi le poids des occidentaux qui s’approprient les dernières grandeurs d’un pays déjà affaibli par la guerre et la pauvreté. Tout n’est pas affaire de dieux et d’esprits dans Kabu Kabu.



Outre le fantastique et la fantasy, l’auteure explore l’horreur et le réel transformant tantôt des toilettes en lieu maléfique et inquiétant dans La maison des difformités, tantôt un simple tapis en objet magique aux pouvoirs insoupçonnés (Le Tapis). Auteure polymorphe, l’américaine n’a pourtant pas son pareil lorsqu’elle plonge dans l’histoire de son pays d’origine, que ce soit à travers la guerre du Biafra et ses horreurs (Biafra) ou en lui imaginant un futur dramatique entre exploitation pétrolière, néo-colonialisme et oppression économique dans Popular Machine, Icône ou encore L’artiste araignée. La constante pourtant, c’est l’humanité et la douceur qui affleurent sous les thématiques douloureuses hantant les textes de Nnedi. Derrière les privations d’une société misogyne, on trouve le courage de femmes magnifiques et courageuses dont le portrait illumine une Afrique méconnue. Les héroïnes de Nnedi Okorafor résistent, luttent et s’affirment, pour un chemin (La guerre des babouins) ou pour un palmier (Le bandit des palmiers), devenant bien davantage que ceux qui les oppriment, ouvrant la voie à leurs sœurs, à leurs filles et à leurs mères. Enfin, Kabu Kabu raconte Nnedi Okorafor elle-même, à travers la sublime Zula, de la cour de récré de quatrième ou l’autobiographique La fille qui court. Du racisme ordinaire chez des enfants empêtrés dans les préjugés raciaux de leurs parents. Non, finalement, ce n’est jamais le surnaturel qui terrifie le plus durant cette lecture mais bien notre monde moderne venant conclure ce recueil à la fois magique et poignant.



Grâce à Kabu Kabu, les éditions de l’Instant nous offrent un voyage vers un continent fascinant sous la plume intelligente et militante de Nnedi Okorafor. Sous prétexte de fantastique ou d’horreur, elle nous parle de femmes tiraillées entre leurs origines et leur envie de liberté, entre leur envie d’aimer et d’exister. A travers ces dix-neuf nouvelles, l’auteur américaine marrie modernité et traditions pour une autre vision de l’Afrique. Une vision plus belle, plus juste et surtout plus humaine.
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Qui a peur de la mort ?

En Résumé : J’ai passé un excellent moment avec ce roman qui se présente comme un récit de Fantasy, avec quête, vieux maître bourru et prophétie, le tout dans un futur indéterminé, mais qui va se révéler bien plus. En effet l’auteur arrive à sortir de ce carcan classique pour offrir une lecture immersive et captivante. L’univers présenté s’avère fascinant à découvrir, bien porté par la touche de culture africaine que vient apporter l’autrice tout du long que ce soit dans la société, la représentations ou encore dans les mythes et les us et coutumes. Un univers intemporel, dépaysant, ou la violence et la haine sont très présentes et qui donne pourtant envie d’en apprendre plus, de le comprendre. Les réflexions soulevées dans ce roman sont aussi un des gros points forts, que ce soit sur la position de la femme, la guerre et ses conséquences, l’influence d’écrits mystiques, les traditions culturelles archaïques, l’environnement Nnedi Okorafor brasse énormément de sujets. Mais sa grande force et de le faire de façon juste, sans jamais tomber dans l’excès ou dans la naïveté. Les personnages sont très intéressants à suivre, s’avérant complexes, humains. On plonge dans un groupe de héros forgé par la douleur, la différence avec ses tensions, ses visions différentes mais qui pourtant accroche et montre qu’il est possible de changer. Alors après, c’est vrai, la troisième partie m’a paru manquer un peu de rythme et une ou deux facilités se font ressentir, mais franchement rien de bloquant. La plume de l’auteur est simple, incisive, entraînante et colle parfaitement au récit. Je lirai avec plaisir d’autres écrits de Nnedi Okorafor.





Retrouvez la chronique complète sur le blog.
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Le livre de Phénix

J’aime beaucoup l’œuvre de Nnedi Okorafor, très distincte et forte. Avec Le livre de Phénix, l’autrice nous replonge dans une l’univers de Qui a peur de la mort ? dans un préquelle de son autre roman. J’avais hâte de lire cette extension de l’histoire de cet univers très mémorable.



Le livre de Phénix nous propose un monde apocalyptique. C’est un roman qui nous plonge dans les derniers moments d’une société à bout de souffle. Nnedi Okorafor met en scène des êtres modifiés enfermés dans des tours immenses. Les scientifiques, apprentis magiciens, tentent de manipuler la génétique pour créer des êtres supérieurs. Phénix est un organisme accéléré qui n’a jamais rien connu d’autre. Inexpérimenté, elle vit à travers les livres numériques qu’elle dévore à foison, peu curieuse du monde extérieur.



Ce dernier meurt à petit feu. catastrophes naturelles, monstres, robots mortels et guerres civiles sont devenus le quotidien des populations, qui vivotent malgré tout. Malgré les temps difficiles, Phénix découvre des communautés solidaires dans lesquelles elle parvient, pour un temps, à trouver une forme de paix. Mais sans compter sur ses Geôliers, les scientifiques fou à l’humour tordu qui la retrouvent régulièrement, détruisant au passage tout ce qu’elle a pu construire. En retour, elle se lance en quête de vengeance et de destruction.



Phénix est un personnage complexe. De par son nom, on a l’idée qu’elle sera amenée dans la Renaissance du monde. Mais comme pour l’oiseau mythique dont elle tire son nom, cela ne passera que par l’anéantissement. D’elle-même dans un premier temps. Car, dans un parallèle christique, Phénix se consume à plusieurs reprises pour mieux renaître. Ce qui prendra d’autant plus de sens à la fin du livre, même si elle est souvent comparée à un ange vengeur. Elle à fois soleil et incendie. Son pouvoir est de brûler de l’intérieur pour mieux réchauffer, tout comme elle peut anéantir.



Mais Phénix n’est pas la seule à être un symbole. Dans plusieurs passages du roman, l’opposition entre nature et technologie apparaît. Dans la tour d’origine de l’ange de feu, un arbre géant finit par pousser de manière incontrôlable. Notre héroïne finit par récupérer une graine précieuse qu’elle déposera en Afrique. Ses alliés, Saeed, surnommé la graine, est une arme vivante capable de se nourrir de ce dont un humain ne peut. Quant à Mnuo, il est seul à échapper au contrôle du Grand Œil grâce à sa capacité à passer à travers la matière, montrant comment il échappe à tout un système.



Le livre de Phénix nous entraîne dans une série de voyages. Nnedi Okorafor maîtrise très bien son rythme : je me suis vraiment très peu ennuyée. Nous faisons face à un roman d’apprentissage qui se mue en vengeance. Phénix commence par fuir l’Amérique, puis décide de mettre un terme aux agissements du Grand Œil en s’attaquant au mal à la racine. On voyage d’un bout à l’autre du monde, avec des personnages variés. Le point de vue de Phénix est très unique, teintée de colère, mais rendue charmant par son inexpérience et son amour pour la lecture.



Mais malgré la puissance de l’héroïne et des messages portés, j’ai trouvé parfois l’enchaînement des événements artificiel. Il y a des moments où je n’étais plus certains de comprendre où l’histoire nous emmenait, ce que l’autrice souhaitait faire de ses personnages ensuite. J’ai également été un peu déstabilisée par des éléments narratifs qui semblaient tenir plus de la magie que de la science-fiction. Du coup le roman appartient plus à une forme de science-fantasy.



Une fois de plus, Nnedi Okokafor nous propose un roman fort et marquant. Elle exploite jusqu’au bout la colère et l’envie de vengeance, jusqu’à les symboliser dans son personnage principal. L’incandescente Phénix, une femme capable de consumer tout ce qui est autour d’elle et de renaître de ses cendres, tel le feu purificateur. Le parallèle avec le christianisme peut se faire à travers ses Renaissances. Mais cela va plus loin. L’autrice met en avant un monde futuriste et apocalyptique dans lequel des scientifiques jouent avec la génétique pour créer des êtres humains supérieurs, mais torturés. Phénix est avant tout un ange vengeur. Elle nous entraîne dans une odyssée captivante, mais dont certaines étapes apparaissent parfois comme un peu confuses.
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Qui a peur de la mort ?

Challenge Plumes féminines 2018-2019



Onyesonwu est issue d'un viol. En tant que telle, elle est marquée, et mise au ban de la société. Enfin, la société essaie de la mettre au ban, mais elle n'est pas du genre à se laisser faire. Ou alors, elle lui trouve une bonne raison à la société : c'est également une sorcière, très puissante. Bon et puis elle fait partie d'un peuple ostracisé, réduit en esclavage et massacré épisodiquement. Et tant qu'à faire, elle est probablement le sujet d'une prophétie.

Ca fait beaucoup ? Peut-être. Mais ce roman est tellement dense, tellement fort et bouscule tellement, fait s'interroger le lecteur que finalement, tout trouve sa place. Ce roman, présenté comme post-apocalyptique, semble pourtant terriblement contemporain : viols comme arme, massacres, esclavage, intolérance envers la différence. Très honnêtement, pendant une très grande partie de ma lecture, je me suis demandée où se trouvait le post-apo ; il est à la marge, presque anecdotique. En revanche, j'ai eu des visions de la BD Aya de Yopugon, de l'actualité, de la lutte contre l'excision, du docteur Mukwege... Bref, ce roman, je le prends comme une manière de parler de nous mais avec une note d'espoir et de puissance féminine. Parce que oui, la grossesse n'est pas vue comme une faiblesse, mais comme une force et une force qui fait peur parce qu'elle peut être une forme de renouveau (mais ce n'est pas tout ! Lisez pour savoir !)

L'auteur présente sa démarche d'écriture dans la postface, que j'ai presque plus aimé que le roman : place des esprits, lutte contre le désespoir... à ce demander si Onyesonwa et Nnedi ne sont les pas les 2 faces d'une même pièce.
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