« J’ai toujours été capable de tuer, dit Gilmore. Il y a une partie de moi-même que je n’aime pas. Par moment je peux être totalement dénué de sentiment pour autrui, tout à fait insensible. Je sais que je suis en train de commettre quelque chose d’affreux, mais je continue et je le fais. »
Passionnant d’un bout à l’autre, c’est avec une certaine nostalgie que j’en ai achevé la lecture ; et ce malgré ses 1300 pages !
Il y a quelques années de cela, j’avais déjà été subjuguée par le tristement célèbre Gary Gilmore ausculté du point de vue de son frère cadet Mikal Gilmore dans le remarquable ″ Un long silence ‶. Et forcément, j’ai assez eu vite envie d’aborder l’ouvrage de Norman Mailer qui lui valu son second Prix Pulitzer.
Ce document est une œuvre journalistique exhaustive qui reprend de manière chronologique la vie et la mort de Gary Gilmore sous tous les angles possibles. On y retrouve donc sa famille, proches et moins proches, ses femmes et surtout celle qu’il a aimée envers et contre tout, ses juges et la presse qui a tourné autour de l’affaire de loin comme de près.
Pour faire un bref rappel des faits, nous sommes au milieu des années 70, Gilmore alors âgé de 35 ans est en liberté conditionnelle après un long parcours judiciaire et carcéral. A peine quelques mois plus tard il se rend coupable de deux meurtres pour lesquels il sera condamné à mort. Le hic de l’histoire, c’est que, primo, l’Utah (terre des Mormons, un détail qui aura son importance pour la suite) n’applique plus la peine capitale, et, secundo le condamné va refuser catégoriquement tout recours pour commuer sa peine, tout appel et fera tout pour être mis à mort. Gilmore est ″l’homme qui voulait mourir ‶
« Pour l’instant je suis prisonnier de mon corps. Je suis enfermé en moi-même. C’est pire que la prison. »
Norman Mailer fait donc ici une photographie quasiment minute par minute de tout ce qui s’est passé autour de cette affaire.
Il met en lumière le système judiciaire compliqué des Etats Unis du en partie à la coexistence d’un système propre à chaque état et des grands principes ayant la primauté sur les lois de chaque état.
Mailer met également en lumière un état dans l’état : la presse et toutes les manigances des journalistes indépendants comme des grands groupes, chacun à la recherche de l’exclusivité.
Mailer laisse une large place à l’environnement familial et intime. Il y a beaucoup de lettres entre Gilmore et Nicole, celle qui était prête à mourir en même temps que lui.
Dans cet état mormon, il faut aussi souligner le rôle des abolitionnistes dans cette véritable course contre la montre que Gilmore finira par gagner.
Dénué d’affect, avec malgré tout une évidente opposition de l’auteur à la peine de mort, ce livre se lit comme un ouvrage journalistique parfaitement écrit et redoutablement et diversement documenté.
Certes le ‶morceau ″ peut effrayer : 1300 pages, et un certain poids dans la main. Mais il est très abordable, passionnant ; et pour peu que l’on ait un peu de temps devant soi et l’esprit suffisamment libéré du quotidien, il n’y a aucune raison de ne pas en venir à bout !
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