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Critiques de Osamu Dazaï (88)
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Soleil couchant

Un magnifique court récit sur la fin d’une époque et un pays en changement !

Ce pays est bien entendu, le Japon, le pays du Soleil Levant mais Osamu Dazai va nous décrire le couchant de son pays au travers du Crépuscule de l’aristocratie en cette période d’après-guerre.



C’est l’histoire d’un triangle de personnages, Kazuko, son frère Naoji et leur mère. Un triangle, car au-delà de leurs liens familiaux, il semble y avoir d’autres liens qui les entrainent les uns avec les autres et les emmêlent dans le fil de leur déchéance.

Les propriétés de ce triangle sont selon moi difficiles à définir. Un triangle quelconque, isocèle ou équilatéral selon que nous regardions, le côté ascendant-descendants, l’impact de chacun de leurs actes, la chronologie de leur mort.



En effet, au moment de devoir se résoudre à vivre plus simplement, il ne reste de cette famille aristocrate que Kazuko et sa mère mourante. Son père est déjà mort, son frère Naoji est porté disparu au combat et seul un oncle lui reste assez proche.

Nous allons les suivre vers leur progressive déchéance avec leur perte de repères, les désenchantements, la décadence, puis la révolte, quelle qu’en soit la forme. Et pour cela, Osamu Dazai va nous donner à lire de nombreux dialogues, et surtout des lettres.



La question posée est alors qu’est ce qui est à l’origine de leur devenir, l’un d’entre eux, tous ou aucun et ce sont seulement tous les changements en cours dans leur pays ?



La particularité de ce récit pour moi a été que je l’ai fini, puis y suis revenu régulièrement. J’ai relu de nombreux passages dans différents ordres, un passage en appelant un autre. Je ne l’ai pas relu pour savourer de nouveau quelque chose que j’avais initialement apprécié comme pour d’autres livres mais pour une meilleure compréhension et au fur et à mesure comme par nécessité.

Et à chaque relecture, ma vision changeait, il prenait de l’ampleur, devenait de plus en plus intense car j’y entrevoyais davantage. Il y a bien plusieurs niveaux de lecture. Le premier niveau, en lecture linéaire, est déjà fort agréable, suivre l’évolution de Kazuko dans son adaptation aux changements de vie. Néanmoins, le niveau suivant, en lecture je dirais « labyrinthique » (mais je ne connais pas le vocabulaire littéraire adéquate car pas non plus cyclique, si l’un d’entre vous pouvait me renseigner !?!) est bien plus et je sais que c’est cela justement qui va me rester de ce livre.

Cette structure se superpose en fait parfaitement à ce que j’ai pu aussi percevoir des liens entre ces trois personnages. J’ai suivi le fil qui les enserre progressivement et forme un motif équivalent à celui d’une toile d’araignée avec un résultat tout aussi fatal que pour sa proie.



Je ne lui ai pourtant pas mis la note maximale uniquement par ressenti personnel et en comparaison de ce que j’ai pu ressentir à la lecture d’autres auteurs japonais comme Yukio Mishima.

Cependant, il est certain que je vais poursuivre avec Osamu Dazai, non seulement après la lecture de ce récit mais aussi de sa biographie.
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La déchéance d'un homme

Souvent écrit avec un style particulier, parfois difficilement abordable, et racontant des histoires particulièrement complexes ou terriblement liées aux us et coutumes, les classiques littéraires d’un pays ne sont pas toujours faciles à aborder. Même en aimant plus que tout la lecture, nous ne pouvons pas tous nous vanter d’avoir lu les plus grands classiques de la littérature de notre pays. Je ne parlerai pas ici de la littérature française ou belge, mais bien de la japonaise dans laquelle j’aime me plonger ces derniers temps. Après avoir lu quelques romans de littérature contemporaine, je me lance maintenant dans les classiques, dans les ouvrages que tous les Japonais ont découverts pendant leurs années de collège ou de lycée. Pour commencer cette nouvelle aventure – aidée par le challenge de littérature japonaise -, j’ai choisi La Déchéance d’un homme d’Osamu Dazai.



Vous raconter le récit de La Déchéance d’un homme est plus compliqué qu’il n’y parait car il s’agit « simplement » de la vie d’un homme, parmi tant d’autres. Pourtant Yôzô n’est pas comme tout le monde. En effet, il a en lui une mélancolie, une tristesse, une solitude, une sensibilité extrême et inexplicable qui le différencie d’autrui et qui l’exclut de la société dans laquelle il peine à s’intégrer. Effrayé d’être détesté par son entourage, il se crée un faux visage, celui d’un idiot naïf, pour faire rire et ainsi se faire aimer. Mais un jour, un de ses camarades de classe le démasque, déclenchant ainsi le point de départ de la descente aux enfers progressive de notre personnage principal. Passionné d’art, il monte plus tard à la capitale pour devenir un grand peintre. Mais très vite, encouragé par un « ami », il se met à sortir et à dépenser son argent sans compter en alcool et en femmes et s’éloigne du droit chemin que son père souhaitait pour lui. Il ment sans arrêt à sa famille pour recevoir de l’argent, s’endette fortement et finalement n’arrive à survivre qu’en vivant sous la coupe des femmes qu’ils rencontrent alors qu’il est soûl. Menant une vie des plus honteuses pour la société japonaise de l’époque, ce pauvre Yôzô n’attire à lui que des personnes et des situations malheureuses et désastreuses qui l’enfonceront toujours davantage dans ses ténèbres. On assistera ainsi à sa déchéance progressive, qui finira par le rendre indigne d’être qualifié « d’humain ».



Je ne rentrerais pas davantage dans les détails du noir récit de La Déchéance d’un homme pour vous laisser un minimum d’intérêt pour ce court roman. Seulement composé de cent pages, si vous pensez qu’il se lit rapidement, vous feriez fausse route. Il est pénible à lire tout comme l’est Yôzô et c’est justement cela qui fait la force de ce livre ! Le roman d’Osamu Dazai reflète en effet parfaitement la personnalité de l’individu que l’on suit jusqu’à ses 27 ans. Après une brève introduction écrite par un personnage inconnu, le récit est écrit en focalisation interne, nous permettant de suivre de très près tous les faits, gestes et réflexions de notre antihéros. On découvre ainsi son mal-être, ses bouffonneries factices, ses vains efforts, sa mélancolie constante, ses dépendances maladives, son égoïsme enfantin, etc. Alors que la narration à la première personne du singulier offre généralement l’opportunité aux lecteurs de s’identifier au héros, ici aucun rapprochement n’est possible. On a comme l’impression que l’auteur construit un mur invisible entre nous, lecteurs, et son personnage. C’est ce qui m’a particulièrement plu dans ce roman : tout comme Yôzô qui semble être séparé de la société par un immense vide, le récit, dans sa manière stylistique, suit cette même logique. Jamais l’auteur ne nous donnera l’occasion d’aimer son personnage, qui n’est en réalité qu’un monstre en son for intérieur.



Dans un style direct et simple, le récit nous livre Yôzô à nu, comme un auto-portrait sur une toile. Ceci fait que jamais nous ne le prenons en pitié et que l’on a même du mal à comprendre ce qui attire tant les femmes chez cet énergumène. En réalité, celles-ci n’ont jamais accès à son véritable lui, et tombent amoureuses d’un pauvre malheureux qui ne désire qu’être aimé. Car en effet, notre personnage, qui n’est doté d’aucune sorte d’amour et qui est terrifié par les hommes de manière générale, est en permanence en recherche d’affection pour réchauffer son cœur froid et vide.



Si l’ambiance générale qui englobe le récit est morose et pessimiste, il arrive parfois qu’un petit sourire se décroche sur notre visage car le style frôle de temps en temps la comédie, permettant de reprendre en quelque sorte notre souffle dans cette histoire si étouffante. On notera également de nombreuses conversations ou réflexions philosophiques remettant en question les valeurs humaines et la société japonaise du début du 20e siècle en pleine crise identitaire. Je fais ainsi référence par exemple à la question du bonheur, à celle de l’hypocrisie des gens, à celle concernant le regard d’autrui ou encore à celle au sujet du lien existant entre les individus.



En lisant La Déchéance d’un homme, qui est un livre semi-biographique d’Osamu Dazai, on découvre également un auteur talentueux mais surtout torturé et malade de l’esprit. Cet ultime roman se présente en quelque sorte comme un aveu, une confession de ce qui ‘il était réellement. D’ailleurs, l’écrivain réussira finalement à se suicider quelque temps après cette dernière publication, qui est aujourd’hui considérée comme son plus beau chef-d’oeuvre.



La Déchéance d’un homme n’est très certainement pas un « chouette » livre. Pénible à lire car l’on suit une vie sans intérêt d’un pauvre homme qui semble finalement se complaire quelque peu de son malheur, on ressort de cette lecture presque sans aucune émotion. Tout l’intérêt de ce roman, que l’on pourrait presque considérer davantage comme une nouvelle, se trouve dans son style littéraire parfait.



Ce livre a inspiré plusieurs adaptations au Japon, dont un film d’animation disponible chez Kaze et en streaming sur ADN. Pour faire court, celui-ci est plus facilement abordable que le livre, même si cela ne reste toujours pas agréable à regarder. Il faut cependant noter qu’il y a plusieurs points qui diffèrent de la version originale. J’ai ainsi par exemple beaucoup aimé l’incorporation de fantastique dans le récit. Par contre, le réalisateur a fait en sorte que l’on s’apitoie plus sur le sort de Yôzô et lui laisse encore une certaine forme d’humanité – ce qui diffère complètement du roman !



La Déchéance d’un homme, bien que difficile à aborder, est très clairement l’un des grands chefs-d’œuvre de la littérature japonaise. Confession intime d’un personnage en mal-être, ce court roman est construit avec brio et nous est rendu dans un style à la fois pessimiste, froid mais également quelque peu poétique. Si le récit est sans intérêt, il se pose en miroir parfait, nous reflétant ainsi dans les moindres détails la non-humanité de son personnage principal.
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Cent vues du Mont Fuji

Tout d'abord, je vous propose une courte introduction sur l'auteur. Osamu Dazai est un auteur japonais incontournable de la première partie du XXème siècle. Ses écrits sont caractéristiques du style littéraire Watakushi shōsetsu, c'est à dire qu'ils sont rédigés à la première personne et comportent de nombreux éléments autobiographiques.

D'un point de vue plus personnel, c'est un auteur tourmenté qui est connu pour ses excès (alcools, drogues, femmes) et pour ses tentatives de suicides (la dernière ne fut pas qu'une tentative).



Les éditions Philippe Picquier ont choisi de réunir dans ce roman plusieurs nouvelles écrites par Osamu Dazai à des moments-clé de sa vie. Chaque texte est précédé d'une présentation de l'éditeur nous expliquant le contexte de celui-ci.

Ce choix me semble judicieux pour ce livre, car il renforce l'aspect biographique et dramatique de l'oeuvre.



Dramatique, c'est bien le mot pour décrire ce que l'on ressent à la lecture du livre. Les textes sont souvent noirs et pessimistes mais portés par une plume agile et poétique.



« On a dépassé la mi-septembre. Mon yakata immaculé n'est déjà plus de saison, et j'ai le sentiment que sa blancheur tranche sur les couleurs du soir avec un éclat trop brutal : mon chagrin n'en est que plus intense, et je prends la vie en horreur. Le vent, dont le souffle vient rider l'étang de Shinobazu, est tiède et chargé d'odeurs d'égouts. Les lotus, que l'on a laissé croître sans prendre soin d'eux, commencent à pourrir : hideux tableau - ce sont autant d'images cadavériques ; et les promeneurs du soir affluent, le visage stupide et l'air épuisé : spectacle de fin du monde. »



Au début du livre, l'auteur ne m'était clairement pas sympathique. Il apparaît comme un jeune homme issu d'une famille riche avec un ego surdimensionné et qui de plus s’évertue à foutre sa vie en l'air...

Mais rapidement, on commence à comprendre son cheminement et sa souffrance. C'est un être fascinant, un homme qui cherche désespérément son chemin.





« Immobile, je pleurais. J'eus l'agréable sensation que mes larmes faisaient fondre cette frénétique raideur qui m'habitait.

Oui, j'avais perdu - et tant mieux : il le fallait. La victoire de ces êtres illuminera la route que je suivrai demain.»



Dans cette quête d'identité, on sent par moments qu'il s'apaise. Son écriture devient plus légère et il joue alors avec ses lecteurs.



« Lecteur, écoute moi : si tu es avec ta bien-aimée et qu'elle éclate de rire, tu peux t'en féliciter. Ne le lui reproche surtout pas : la signification de ce rire, c'est tout simplement qu'avec toi, elle se sent parfaitement en confiance et que ce sentiment la submerge.»



Il retombe cependant bien rapidement dans la frustration, la peur et le dégoût de lui-même. Ce cheminement est parfaitement rendu par ce livre, où l'on découvre la vie de l'auteur par le prisme déformant de ses textes. La fiction se mélange à la réalité, les faits sont déformés mais au travers de son style et de ses écrits l'auteur se met à nu. Il nous fait partager ses sentiments, nous fait entrevoir sa solitude.



« Qu'on veuille bien me pardonner. Je suis allé trop loin. Devant la vie, je n'ai pas à me comporter en accusateur ni en juge. Je n'ai pas qualité pour condamner mes semblables. Je suis un enfant du mal. Je suis maudit. J'ai commis sans doute cinquante ou cent fois plus de péchés que vous. C'est un fait : à l'heure présente encore, je suis en train de faire le mal. J'ai beau être vigilant, c'est peine perdue : il ne se passe pas de jour que je ne fasse le mal.»



Pour conclure, Cent vues du mont Fuji est le livre fort et poignant d'un auteur tourmenté dans une période chaotique. Un livre indispensable pour qui veut découvrir les grands auteurs japonais.



Note : 8/10



Pour lire mes chroniques :
Lien : http://www.les-mondes-imagin..
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Cent vues du Mont Fuji

Très belle lecture, avec de faux airs de "facilité". on ne peut pas parler de ce livre sans aborder la vie de son auteur; Osamu Dazai, car c'est de lui qu'il s'agit dans cette série de nouvelles plus ou moins courtes. Dazai est né au sein d'une famille privilégiée du Japon, il a trois frères aînés,et je ne sais plus combien de sœurs, deux je crois,et ce n'est pas anodin d'en avoir oublié le nombre , il n'en parle quasiment jamais, contrairement à ses frères.Le père meurt assez tôt dans la vie de cette famille influente, et c'est au frère aîné, âgé alors d'environ vingt ans, de s'occuper de la famille. Dès le début, Dazai montre des signes de "turbulences". Il est l'enfant terrible au coeur tendre, incapable d'exprimer ses émotions, mort de timidité avec tout le monde, la tête pleine de rêve et de projets, mais aussi de dégoût envers tout le monde et de "malaise" quant à ses origines. Il balance sans arrêt entre l'absolue certitude de son génie, et le désespoir complet devant sa "nullité", entre le mépris pour ce que pensent les autres -écrivains ou non- de son oeuvre, et le désir secret, douloureux d'avoir leur approbation. Alors il se comporte honteusement, s'endette, boit, ne finit pas ses études alors qu'il la promis tant de fois- et sincèrement- à son frère afin que celui ci continue de l'aider financièrement. Et quand rien ne va (c'est à dire presque tout le temps), que la douleur l'envahit, il tente de se suicider, plusieurs fois, seul ou accompagné, et se rate à chaque fois , (mais pas celle qui l’accompagne), jusqu'à cette dernière tentative. Sans oublier les maladies, la toxicomanie, la guerre. Cent vues du mont Fuji parle de tout ça, sans détour, simplement, très simplement, avec un style qui semble être l'évidence même de l'écriture, directe, mais tout en profondeur et sincérité. Les descriptions sont limpides, lumineuses. Les nouvelles sont tantôt drôles, tantôt touchantes, et d'autres fois douloureuses (avec l'impression de voir Le Tombeau des Lucioles). Et c'est toujours Dazai qui se lamente, se plaint, promet de faire des efforts, avoue ses torts, mais reprend ses vieilles habitudes....et pas une fois il n'est condamnable, parcequ'il souffre, profondément, et c'est superbement retranscrit dans ce livre, donnant envie de voir ce que ça donne avec une oeuvre de fiction.
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La déchéance d'un homme

Cette histoire est celle de la lente descente d'un homme falot, sans grande personnalité, issu pourtant d'une bonne famille mais qui passe à côté de sa vie.

Il rate ses études, sa carrière d'artiste et même ses tentatives de suicide..

Il tente de se réfugier dans le saké, trouve un réconfort auprès de prostituées. Mais rien n'arrivera à sauver cet homme qui se laisse glisser inexorablement.

Ce texte est beau, sensible, parfois émouvant, souvent déroutant.

Toutefois, quelque peu déprimant, donc reporter la lecture de ce livre si vous avez le moral en berne !
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Bambou Bleu

Ce recueil se compose de trois histoires, où sont réécrits deux contes. D'abord un conte chinois de Pu Songling, « Robe de corbeau », qui devient ici « Bambou-Bleu », nom du corbeau femelle dont s'éprend le héros au cours d'une métamorphose lui promettant d'échapper à une vie insatisfaisante. Mais la fuite est-elle une solution ? Et plus largement, le rôle de la fiction n'est-il pas de transfigurer le réel plutôt que de le nier ?…



Dazaï pousse à s'interroger non seulement sur le récit, mais aussi sur la narration. Et de façon drolatique. En effet, dans les deux histoires suivantes, Dazaï met en scène l'acte d'écriture a travers un groupe de cinq frères et soeurs qui rédigent des histoires en brodant à tour de rôle la suite d'un récit initié par le frère cadet très maladroit. Cette partie du recueil met en lumière l'humour pince-sans-rire de Dazaï, à travers la description de ces personnages pleins de défauts, souvent désireux d'impressionner leur famille. Leur ambition (et l'ennui) les amènent dans la dernière histoire à réécrire le conte de la princesse Raiponce, pour le faire dériver bien loin du stade où il est censée s'achever chez les frères Grimm. Les caractères des frères et soeurs tirent le récit dans des directions très différentes, et avec plus ou moins de talent. Dérapages incontrôlés à prévoir !



Avec humilité, Dazaï prévient en incipit de son dernier conte que son travail peut paraître insignifiant et «bâclé ». Cependant, la tendresse qu'il reconnaît éprouver à l'égard de l'histoire de cette famille, et le plaisir qu'il a pris à l'écrire (et à la relire) au regard de ses oeuvres plus ambitieuses devraient alerter le lecteur sur les clés que peuvent nous donner ces fables frivoles pour comprendre Dazaï. Sous les habits du mensonge se trouve la vérité, et cette exploration des personnalités et styles contrastés de nos écrivains en herbe se rapproche d'un regard ironique porté par Dazaï sur les tiraillements narratifs qui l'agitent selon ses humeurs, ses envies. Et qui, avec un peu d'imagination, peuvent devenir d'autres personnalités possibles…
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Le Mont Crépitant

Dans toute son œuvre, DAZAI Osamu a composé des écrits à fortes teneurs autobiographiques, dans un style simple, ironique et plein d'humour. "Le Mont Crépitant" est un recueil de contes populaires, avec une interprétation originale et personnelle du narrateur, qui les lit à sa fille dans un abri antiaérien. Les récits des contes sont donc ponctués par des réflexions personnelles sur le sens de événements et les personnages, ainsi que des allusions autobiographiques avec toujours une tonalité humoristique.

Le premier conte est Les Deux Bossus : c'est une petite histoire où deux êtres, atteints de la même difformités, en font un atout positif ou non. Pourtant, chacun des deux en sera tout de même affectés négativement.

Le second conte, très poétique comme une œuvre de Hayao Mikasaki, est Mr Urashima. C'est l'histoire d'un homme un peu imbu de sa personne, qui est conduit par une tortue dans le palais du dragon. Bon nombre de ces certitudes et de ses convictions seront modifiés par ce voyage. C'est le conte le plus esthétique, avec de longues descriptions pour créer un monde irréelle et merveilleux.

Le troisième conte est Le Mont Crépitant, récit cruel où un raton, ayant bien peu de qualités, sera le jouet d'un lapin/jeune fille tortionnaire. La frontière entre le bien et le mal est bien difficile à distinguer.

Enfin, le dernier conte est Le Moineau à la langue coupée, est celui qui correspond plus à la tradition japonaise : amours contrariés, femme/oiseau, vieille femme qui sera punie par cupidité, présence de démons dans tous les aspects de la vie traditionnelle....

Dans l'ensemble de ces contes, les personnages sont des êtres profondément solitaires (par choix ou non), incompris de leur entourage et qui verront le sens de leur vie se modifier le plus souvent négativement à la fin de l'histoire. Cet aspect pessimiste est un des traits caractéristiques de Dazai, homme autodestructeur ayant une estime de lui-même désastreuse. Le choix des contes de ce recueil n'est donc pas anodin.

Même si ce livre est un recueil de contes populaires et donc à destination des enfants, je ne le considère pas comme étant lus par les plus jeunes. Le style simple, l'humour , le description vivante des situations et des personnages pourraient correspondre à un public jeune. Mais ce sont les commentaires, les digressions qui sont plus dédiés à un public adulte : la trahison, la honte, l'amour à sens unique, la distinction, la jalousie amoureuse sont des thèmes plus adultes.

C'est un livre qui se lit très facilement et qui donne des explications sur les coutumes et les mœurs japonaises de façon ludique.


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La Femme de Villon

Nouvelle assez terrifiante ayant pour cadre le Japon de l'immédiat après-guerre. Une jeune femme raconte la vie misérable qu'elle endure avec son fils de 4 ans, à cause de l'alcoolisme et des turpitudes de son mari. Laissant peu de place pour les sentiments, les personnages sont tous englués dans leurs démarches pour survivre.

Une remarquable peinture de cette époque.
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Soleil couchant

Une famille d’aristocrates se voit ruinée à la fin de la seconde guerre mondiale. « Tels sont les gens du Soleil couchant » (lancée par Osamu Dazai, cette expression a fait fortune au Japon, au point de qualifier aujourd’hui, jusque dans les dictionnaires, les membres déchus de l’aristocratie) (extrait de la quatrième de couverture). Elle doit se résoudre à quitter sa luxueuse maison pour déménager dans un chalet de montagne plus sobre. Cette famille est composée de la mère et de Kazuko, la fille. « A présent, Mère était ruinée. Elle avait tout dépensé pour nous, pour Naoji et pour moi-même, sans nous refuser un yen, et elle était forcée de quitter la maison où elle avait passé tant d’années, pour entreprendre une vie de misère dans un pavillon, sans la moindre servante. » Le père est mort dix ans auparavant et le fils, parti dans les îles du sud pacifique n’a pas donné de nouvelles. Jusqu’au jour où l’oncle Wada leur apprend qu’il est toujours en vie et qu’il va revenir une fois qu’il sera désintoxiqué de toutes ses drogues. En effet Naoji est un drogué et ce depuis longtemps.



C’est vraiment très dur pour la mère de partir ainsi : « Je vais à Izu parce que tu es avec moi, parce que j’ai charge de toi. (…) – Et que feriez-vous si vous ne m’aviez pas ? demandai-je malgré moi. Mère fondit en larmes. – Je n’aurais rien de mieux à faire que de mourir. Je voudrais mourir dans cette maison où ton père est mort. » Kazuko, la narratrice, comprend alors le désespoir « Pour la première fois de ma vie, je réalisai quel enfer horrible, lamentable et sans espoir de salut représente la ruine. » Les débuts sont difficiles, Kazuko provoque un incendie sans le vouloir et c’est pour elle un terrible déshonneur. Elle aurait pu mettre le feu à tout le village alors de maison en maison elle va présenter ses excuses et remettre une liasse de billets. Elle ira travailler dans les champs, elle a été mobilisée, et Naoji reviendra. Mais que de façon ponctuelle car il ira ensuite régulièrement à Tokyo pour s’alcooliser avec un certain Monsieur Uehara Jirô, auprès duquel il contractera des dettes. Kazuko rencontrera cet homme une fois et elle tombera amoureuse de lui. Cependant cet homme l’ignorera sans répondre à ses lettres. La mère a des problèmes de santé et petit a petit son état se dégradera.



Dans ce roman très bien écrit, on nous parle du désespoir humain, de la condition de ces aristocrates déchus avec la seconde guerre mondiale, où l’aristocratie prendra un sacré coup de scalpel. Comment se comporter, comment vivre lorsqu’on perd son statut, sa richesse. Comment se recréer des repères quand les valeurs ne sont plus les mêmes et que tout ce que nous connaissions s’envole en fumée. Comment vivre avec la peur de l’avenir ? La force de garder certaines traditions de noblesse. On y parle aussi du désir vital pour une femme d’avoir un enfant et de tout ce qu’elle est prête à faire, aussi par amour. Ici on trouve toute la volonté de vivre de Kazuko et de sa croyance en l’avenir et tout le désespoir de son frère. Une souffrance de vie. La jalousie entre un frère et une soeur. Une écriture qui dépeint parfaitement le trouble de cette période difficile et transitoire au Japon, les émotions des personnages, leurs malaises et leurs préoccupations.



Et sans dire de qui il est, il faut savoir que dans ce roman est écrit un testament qui est, selon moi, une merveille d’écriture et qui relate parfaitement les errances mentales et la guerre intérieure d’une personne. On retrouve aussi dans ce roman l’expression parfaite de la déchéance physique pour certains mais aussi l’amour tortueux, l’amour plein, l’amour assouvi, l’amour secret ou encore l’amour platonique. L’amour familial est, de même, très présent dans cette histoire. Et tout ceci dans une société en pleine mutation. Cette histoire écrite par Osamu Dazai est forte de signification quant à un pan de l’histoire du Japon. C’est un livre de dramaturge, il est à prendre comme tel, une lecture très intéressante d’après moi. La plume y est parfois poétique et parfois violente. On y perçoit toute le tumulte, les tourments et la souffrance de cet auteur, suicidé alors qu’il n’avait pas encore 40 ans. Mais ici une personne essaie de s’en sortir, une raison de vivre non négligeable, mais je ne peux vous en dire plus…
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La déchéance d'un homme

Les antonymes de Déchéance sont des mots comme Ascension, Avènement, Conservation, Gloire, Progrès, Réhabilitation… Tout ce que Yôzô – le narrateur et antihéros de ce roman – a tenté d’atteindre, mais a surtout manqué pour s’enfoncer dans cette déchéance. Sa vie telle qu’il nous la raconte n’est qu’une longue cascade de désespoir vers un abime presque infernal. Alors qu’il avait tout pour réussir au départ – sa famille est riche et influente –, Yôzô échouera à cause de sa nature humaine, à cause de sa sensibilité, son manque d’assurance, sa peur du conflit, de prendre des décisions et d’intégrer la complexe hiérarchie sociale japonaise. Jouant au « bouffon », ses farces ne sont qu’un maigre masque contre la laideur de son existence.



Ayant raté ses études, raté son destin de peintre, raté sa première tentative de suicide et aussi raté son mariage en étant trompé, Yôzô ne supporte plus ce monde trop individualiste et diffus à la fois. Il est évident que ce livre a quelque chose de Dostoïevskien dans l’âme, Yôzô est une sorte de Raskolnikovdont le vrai crime n’est ni plus ni moins de ne pas intégrer ce Monde, cette société nippone. Les interrogations sur ce monde sont nombreuses et amenés finement. Qu’est ce que réellement le monde pour Yôzô sinon un ami de bar et quelques femmes éloignées ? Qu’est ce que réellement cette société avec son carcan et ses obligations culturelles proche de la démence ?



Car au fond, Yôzô a beau joué le bouffon ou le clown devant les autres, il ne fait que s’attribuer un masque, un rôle qui vaut autant que celui de politicien ou de flic. On joue un rôle pour être accepté dans cette société, pour appartenir à cette grande famille qu’est l’humanité (c'est-à-dire tout et rien à la fois) quitte à se mentir parfois à soi même et passer un mauvais quart d’heure devant le miroir.

Une bonne découverte sur la littérature japonaise en tout cas !
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Soleil couchant

Curieux roman que Soleil couchant ! Curieux et néanmoins plaisant, attachant, original !

Kazudo, la narratrice, et sa mère doivent quitter leur très belle demeure de Tokyo faute de pouvoir en assumer financièrement l’entretien. Nous sommes durant la seconde guerre mondiale. Elles partent s’installer dans un modeste chalet de la campagne. Kazudo va travailler la terre, participer aux tâches de la maisonnée. C’est aussi où le fils de la famille revient sous totale dépendance à la drogue.

Il ne faut pas chercher dans ce court roman une quelconque action ; le rythme est assez lent, la narration sous le point de vue de la fille peut sembler un peu monotone, et assez lisse. Malgré tout il est assez caractéristique de cette époque, en décrivant une société à la croisée des chemins, une société en train de perdre ses repères, une société qui en quelque sorte entre dans l’ère moderne et qui regarde, incrédule, la fin d’une époque et constate son déclin sans paraître capable de s’adapter à ce qui semble se préparer.

Ecrit avec beaucoup d’élégance, de concision et de justesse, ce roman m’a parfois décontenancée sans jamais entamer ma curiosité.

De littérature japonaise pur jus, dans ce qu’elle comporte d’originalité, dans son abord un peu froid, exotique et parfois hermétique.


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La déchéance d'un homme

Une tristesse profonde découle de ce livre. Je ne sais pas si c'est cela dont j'ai besoin en ce moment... Néanmoins, le roman évoque une réalité bien réelle de la vie, rappelant à quel point il peut être dur de vivre en ayant l'impression de ne pas être à sa place.
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La déchéance d'un homme

Dazaï peint ici l'auto-portrait d'un homme sans confiance en lui et donc sans véritable désir de s'affirmer et d'impulser une direction à sa vie. Sachant pertinemment que sa personnalité apathique est mal vue par ses semblables, il craint leur jugement plus que tout. Un jugement qui s'incarne par diverses figures d'autorité, Dieu inclus. J'ai d'ailleurs été un peu étonné de retrouver des concepts chrétiens dans un roman japonais : la culture nippone n'est peut-être pas si éloignée de la nôtre que je le pensais. Ainsi, avec une obsession tragi-comique, le narrateur entrevoit la faute dans la moindre de ses actions. Pour retrouver un semblant d'équilibre mental, il se créé un alter-ego farceur, "le bouffon". Celui-ci lui permet de faire rire les autres pour alléger en surface sa pesanteur intérieure. Une action qui, par ricochet, résume sans doute la démarche de Dazaï dans ce roman proche de l'autobiographie : il se caricature de façon parfois risible, mais ne fait que donner le change à ses démons, les mêmes que ceux de son anti-héros... qui, au fil du récit, est amené à devenir caricaturiste. Coïncidence ? Je ne crois pas.



Les femmes sont les personnages secondaires les plus présents. Les deux derniers tiers du récit sont rythmés par leurs apparitions dans la vie du narrateur, et leur départs, toujours amers. Elles sont tout aussi imperméables au narrateur que les autres hommes, et il ne parvient guère à instaurer une relation au-delà du rapport charnel. Les prostituées, qui n'ont pas besoin d'être considérées au-delà de ce rapport, lui paraissent d'ailleurs étrangement compréhensibles et réconfortantes au point d'en devenir des saintes à ses yeux :



"J'ai vu certaines nuits, sur ces prostitués stupides ou demi-folles,

se dessiner l'auréole de Marie"



Ce retournement des valeurs religieuses n'est pas qu'une simple moquerie : il témoigne aussi de la mauvaise conscience du narrateur. Tout en montrant de façon désabusée le caractère relatif des valeurs religieuses, il ne parvient pas à s'en défaire, et il en souffre. le caractère tragi-comique de ce passage nous révèle l'essence du rire du "bouffon". Un rire aigre. Je n'ose pas écrire jaune, par crainte de faire un mauvais jeu de mot.



Pour noyer et faire taire son esprit tourmenté, l'anti-héros a recourt à des méthodes telles que le sexe et la drogue… ce qui donne raison à sa peur du pêché, bien évidemment. Cette auto-destruction, les autres ne font que la retarder. Ils sont capables de protéger physiquement le narrateur, mais jamais d'influer sur ses dispositions mentales. Ainsi ne font-ils que prolonger son supplice, dont la fin reste en suspension, peut-être par pudeur, ou peut-être pour laisser espérer un jugement favorable, un rachat des pêchés. Hercule sera-t-il sauvé de son bûcher ? le Christ ressuscitera-t-il ?



En tout cas, dans la réalité, Dazaï se suicidera sans ambiguïté, après nombre de tentatives avortées qui lui auront au moins laissé le temps d'écrire (et de s'épanouir ?) davantage que son triste personnage, ce qui confirme la nature auto-caricaturale de cette autofiction. Là réside cependant la seule distinction claire entre la vie de l'auteur et celle de son personnage.



Le titre du roman résume sans fioritures cette spirale irrésistible, à l'image du style de l'auteur. Simple, sobre, pas un adjectif de trop. Cela n'alourdit pas le caractère pathétique du récit, mais ne le rend pas plus agréable à lire non plus, dans ses passages les plus démoralisants. Cependant, le côté caricatural sous-jacent permet à Dazaï de s'autoriser quelques fantaisies pour mieux dépeindre la peur du narrateur, qui voit souvent les autres comme des monstres, des spectres ou des esprits incompréhensibles. A ceux qui apprécient cette facette de Dazaï (très légèrement esquissée ici), je ne peux d'ailleurs que recommander les recueils où Dazaï réécrit les récits merveilleux du folklore asiatique, avec la même sobriété désabusée mais pas cynique, de celui qui ne connaît « ni le bonheur ni le malheur ».
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La déchéance d'un homme

Dans ma liste d’envie subite, j’ai eu une montée du besoin de lire un grand classique de la littérature japonaise. Autrement dit, c’était limite du sur-mesure avec « La déchéance d’un homme ».



Ce roman, d'une profondeur et d'une finesse incroyable, explore les méandres de l'âme humaine avec juste ce qu’il faut de pudeur.



Dazaï, à travers son personnage principal, Yozo, parvient à capturer l'essence même de la détresse existentielle. Chaque phrase, chaque tournure de phrase est méticuleusement ciselée pour transmettre les émotions les plus subtiles et les questionnements les plus profonds.



L'écriture de Dazaï est empreinte d'une certaine poésie mélancolique. Les images qu'il évoque sont d'une beauté sombre, presque envoûtante. On se laisse entraîner dans un tourbillon d'émotions contradictoires, entre désespoir et espoir, entre désillusion et aspiration à la rédemption.



De plus, le Japon des années 30, c'est le décor parfait pour ce roman. Une société rigide, des conventions étouffantes, une pression sociale qui écrase tout. Yozo essaye de s'adapter, de jouer le jeu, mais il est un peu comme un poisson hors de l'eau. Il se sent exclu, déconnecté, et ça forcément ça résonne minou.e, que ce soit justifié ou pas, on a tous connu ce sentiment d'être un peu à côté de la plaque, nan ?



Yozo est un bouffon, usant autant d'humour que d'ironie. Sa quête incessante de sens et son incapacité à se conformer aux normes sociales amènent à réfléchir sur notre propre place dans le monde.



Ok, c’est une grosse place à l’introspectif, faut en avoir envie, mais c’est bon de savoir que ça existe. Ça transcende les frontières culturelles, alors le jour où t’es cap de te triturer le cerveau, go.



C’est bon comme un Cioran que t’aurais encore jamais lu bb.


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Soleil couchant

Texte étrange ou je dirais plutôt un récit écrit par une jeune femme révoltée mais qui cherche un but à sa vie , à la continuité d'une vie autre que celle qu'elle a connu.

L'écrivain parle de la déchéance de l' Aristocratie dans un Japon en plein changement dans un pays déboussolé et ruiné. Lui même détruit par la drogue et l'alcool se suicidera avec sa maîtresse en 1948.

Dans son livre il aborde les thèmes de :

- l'amour maternel,

- l'amour que porte la fille à sa mère dont elle estime ne pas être payée en retour ; sa mère vouant une adoration inconditionnelle à son fils ,

- la déchéance de la famille d'Aristocrates qu'ils sont et le mal être à vivre comme gens du peuple .

Tout un cheminement au travers des pensées de Kazuko nous raconte leurs vies, l'aboutissement irrémédiable de leur mal être et pour elle cependant cette envie d'inventer sa propre liberté.



* Je tiens à remercier la masse critique pour m'avoir sélectionné . Ai reçu ce livre très bien emballé par les Editions Les Belles Lettres .

Suis ravie de l'avoir lu même si le début ne m'emballait pas spécialement, j'ai pu au fil des pages apprécié cet auteur qui m'était inconnu jusqu'alors et que je relirais avec plaisir.



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Cent vues du Mont Fuji

Osamu Dazai (1909–1948) dont le vrai nom est Shuji Tsushima est l'un des écrivains japonais les plus célèbres du XXe siècle, où il fait l’objet d’un véritable culte. Cent Vues du mont Fuji est paru en 1993.

L’ouvrage est un recueil de dix-huit nouvelles largement autobiographiques où l’écrivain se livre sans complexes. Il faut admettre qu’il a matière à écrire car si sa vie fut courte, elle fut aussi riche en expériences éprouvantes. Très jeune attiré par l’écriture, le suicide de son écrivain préféré Akutagawa Ryūnosuke en 1927, changera son destin. Il délaisse alors ses études et s’enfonce lentement dans une vie dissolue tout en tentant d’écrire et se faire publier. Fils de bonne famille, l’un de ses frères entrera à la Diète (parlement japonais) durant quelques mois, il est rejeté et ne survivra que grâce à la modeste somme qui lui est versée chaque mois. Communiste, alors que ce parti est clandestin au Japon, il est souvent arrêté par la police, amateur de femmes, il se mariera plusieurs fois et aura plusieurs enfants, il boit beaucoup, se drogue un peu. Sorte de dandy nippon, son caractère dépressif le poussera au suicide à de nombreuses reprises sans suites tragiques, jusqu’à ce 13 juin 1948 où il se noie avec sa dernière compagne dans un canal.

Ce sont ces éléments de vie qui nourrissent l’inspiration de Dazai, mais s’il part de faits réels et vécus, il sait faire œuvre d’écrivain en leur ajoutant sa touche ou disons plutôt, en les transposant pour en faire de la littérature. On découvrira ses années de jeunesse dans Mes frères, sa profonde détresse dans Paysage doré ou encore le Tokyo d’après-guerre dans Merry Christmas pour ne citer que quelques exemples.

Nouvelles ou journal intime, le lecteur a du mal à faire la différence car tous les textes sont écrits à la première personne du singulier, d’une écriture très fluide sans afféterie. Ce qui peut surprendre par contre, ce sont ces traits d’humour qui parfois éclosent à la surface de ce fleuve sombre, car ne nous leurrons pas, l’idée du suicide est omniprésente induite par son pessimisme profond et sa souffrance perpétuelle, « ma vision du monde, l’art, la « littérature de demain », la « nouveauté », tout cela donnait lieu à des interrogations répétées, qui m’angoissaient et – je n’exagère pas – me torturaient ».

Le bouquin est complété par une introduction biographique de Ralph F. Mc Carthy particulièrement intéressante puisqu’elle permet de remettre dans leur contexte les nouvelles qu’on s’apprête à lire. Mais c’est surtout la courte postface du traducteur Didier Chiche qu’il ne faut pas rater, et même parcourir en premier car nous expliquant comment lire l’écrivain. « Dazai n’arrive peut-être pas à donner le meilleur de lui-même lorsqu’il recherche le lié, le suivi. Mais il est incomparable dans le fragmentaire et le discontinu. En somme ce qu’il y a de plus important chez Dazai, c’est peut-être le rythme. »

Malgré la réputation littéraire de l’écrivain et la postface déjà évoquée, j’avouerai que ce n’est pas mon Japonais préféré. Les artistes maudits et autodestructeurs, certes, certes…

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Cent vues du Mont Fuji

Première lecture de cet écrivain très célèbre au Japon. Je dois dire avoir eu un peu de mal avec cette lecture. Ce recueil de 18 nouvelles retrace une grande partie de la vie de l'auteur : Il parle de ses vingt ans, de son premier suicide d'amour (raté), de sa poursuite (laborieuse) dans ses études, de ses premiers pas en tant qu'écrivain, de sa famille et de sa vie pendant la seconde guerre mondiale. L'auteur est très centré sur lui même, il se cherche, boit énormément. D'une famille aisée, il reçoit une maigre pension d'un des ses frères : il est donc à la fois riche par rapport à de nombreux de ses contemporains car il n'a pas réellement besoin de travailler et pauvre par rapport à ce dont il a eu l'habitude dans sa jeunesse. Dans l'édition que j'ai emprunté à la bibliothèque , un court passage présente chaque nouvelle dans le contexte de l'époque et cela m'a bien aidé à comprendre la vie de cet écrivain.

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J'ai aimé certaines de ses réflexions sur sa façon d'écrire et de rechercher l'inspiration (Par exemple dans cet extrait de la nouvelle "I can speak") : "Comme elles sont pénibles, ces nuits d'efforts obstinés et ces aubes de désespérance! Qu'est-ce donc que vivre en ce monde : se contraindre à la résignation ? Supporter la misère ? Ainsi, au fil des jours disparaît la jeunesse, rongée petit à petit. Il faut pourtant trouver le bonheur en ce monde....

Ma voix était devenue muette ; et dans le désoeuvrement de ma vie tokyoïte, je me mis à écrire, fragment par fragment, des textes qui, à défaut d'être des chants, méritaient bien d'être appelés "morceaux de vie" : ainsi ma propre création m'aida-t-elle à prendre conscience de la voie qui serait désormais la mienne en littérature. Petit à petit, un sentiment qui ressemblait à de la confiance s'empara de moi".P91

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J'ai également aimé certaines descriptions très poétiques comme celle- ci dans la nouvelle "Belle enfant" : (Cette nouvelle se passe dans un sanatorium où Dazai accompagne sa femme, soignée pour une maladie de peau).

"A l'angle opposé du bassin se trouvaient trois personnes, accroupies et formant un groupe serré : un vieillard d'à peu près soixante-dix ans, au corps tout noir et raide, et au visage étrange, parcheminé et rétréci ; une vieille du même âge, petite et maigre, et dont la poitrine laissait deviner les côtes, saillantes comme les lattes d'un volet. Avec sa peau jaunie et ses seins qui évoquaient des sacs de thé flétris, elle faisait pitié. Ce couple n'avait pas même figure humaine : on aurait dit des blaireaux réfugiés dans un trou et regardant tout alentour. Mais entre eux, il y avait , tranquillement installée, une jeune fille qu'ils semblaient protéger - leur petite fille, peut être...Et elle était d'une merveilleuse beauté : une perle attachée à ces coquillages hideux- ou plutôt, protégée par ces coquillages noirâtres. Comme je ne suis pas homme à épier les choses et les gens du coin de l'oeil, je l'observais bien en face. Elle devait avoir seize ou dix-sept ans, dix-huit, peut-être....Son corps, un peu pâle, ne donnait cependant aucune impression de faiblesse : grand et ferme, il me faisait penser à une pêche verte. Shiga Naoya dit quelque part que le moment où la femme est la plus belle est celui où elle devient nubile - expression qui m'avait surpris par sa hardiesse. Or, maintenant qu'il m'était donné de contempler le corps nu de cette beauté, je me disais que dans les mots de Shiga, il n'y avait pas la moindre lubricité : comme pur objet d'observation, ce corps me parut d'une splendeur qui touchait au sublime." p98

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"Le chien" est la seule nouvelle qui m'ait fait rire : par son sens de l'autodérision, l'auteur, tout en déclarant détester les chiens se comporte comme s'il les aimait. Il se voit poursuivi par un chien qui peu à peu prend une place très importante dans sa vie, sous le regard un peu narquois de sa femme.

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J'ai également aimé la nouvelle Pa-pa où l'auteur raconte sa vie pendant la seconde guerre mondiale, il perd deux fois son logis dans des bombardements, se retrouve hébergé dans de la famille, sa fille étant gravement malade aux yeux. Dazai Osamu écrit de très belles pages sur le sentiment de responsabilité d'être parent (ce qui ne l'empêche pas de "gaspiller" ses économies en achetant 10 bouteilles de whisky)

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En conclusion : Malgré quelques très bons passages, j'ai ressenti une (petite) déception donc avec ce recueil (peut être en attendai-je trop? ). L'auteur est trop tourmenté ou trop narcissique (c'est d'ailleurs le titre d'une nouvelle : Narcissisme et cigarettes) pour moi peut être.....


Lien : http://l-echo-des-ecuries.ov..
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Cent vues du Mont Fuji

Dazai Osamu est mort en 1948, mais il fait toujours l'objet d'un culte au Japon. Pour avoir été en révolte contre une société rigide et conformiste, il demeure l’éternel favori des jeunes gens. C'est un riche héritier d'une famille de classe dirigeante; qui le bannit pour avoir sympathisé avec les idées communistes. De ce fait, il restera très souvent dépendant de son frère, chef de la famille et devra toujours trouver les moyens pour survivre. Ses relations avec les femmes ont été sources de beaucoup de scandales : il a vécu avec une geisha de basse extraction, puis a laissé une jeune femme, qu'il connaissait à peine, mettre fin à ses jours dans le premier des trois "suicides d'amour" et, comble du scandale, il a exploité ces événements pour en faire la source de son inspiration littéraire. Tout cela est décrit ou suggéré de façon romancée dans Les Cent vues du mont Fuji.

Mr Dazai est un écrivain maudit, qui s'est noyé dans l'alcool, les femmes et autres. Ce que l'on ressent à travers ce livre c'est surtout son désespoir, une lucidité cruelle sur ses insuffisances et tout ce qu'il détruit (lui-même et autour de lui). Mais en même temps, les épisodes se succèdent harmonieusement, de façon c'est dynamique, et c'est bourré d'humour et d’auto-dérision. L'épisode du chien errant est hilarante et très savoureuse. Enfin, j'aime la nostalgie dans les descriptions de la vie quotidienne du Japon au début du siècle.
Lien : http://toshoedwige.blogspot...
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La Femme de Villon

Amour aveugle, abnégation totale, masochisme pervers, sublime indifférence ou subtile résilience, comment qualifier le comportement de cette femme affublé d'un mari courailleur, alcoolique et totalement irresponsable autant comme mari que comme père ou même simple citoyen? Vouloir effacer ses dettes de beuveries alors qu'il la néglige grossièrement et qu'elle n'a même pas les ressources pour nourrir convenablement son enfant m'est complètement incompréhensible. Est-ce l'absurdité de ce comportement qu'a voulu ici illustrer l'auteur ou est-ce l'étrangeté du destin qui fera en sorte que tout, ou presque, s'arrangera à la satisfaction de tous les protagonistes de cette brève nouvelle? Curieuse lecture d'un auteur que je ne connaissais pas; bizarre, mais je ne suis toujours pas certain de le connaitre maintenant!
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Soleil couchant

Dans un quartier huppé de Tokyo, Nishikata, Kasuko, jeune femme de vingt-neuf ans vit avec sa mère. Le père est décédé depuis une dizaine d’année et le frère, Naoji, est à la guerre.

Kasuko nous raconte les bouleversements de la société nippone après la guerre, qui a tout dévasté. Les valeurs ont changé, il faut s’adapter coûte que coûte. Mais comment faire face, quand on a eu une vie protégée ?

Les changements ne sont pas seulement matériels.

« Ma mère ne m’avait jamais, au grand jamais, parlé de sa détresse jusqu’à ce jour ; et ces violents sanglots étaient un spectacle qu’elle ne m’avait jamais encore donné. Ni lorsque mon père était mort, ni lorsque je m’étais marié, ni lorsque j’étais revenue enceinte chez ma mère, ni lorsque j’avais à l’hôpital mis au monde un enfant mort-né, ni, lorsque moi-même malade, je m’étais alitée, ni non plus lorsque Naoji s’était mal conduit…non, jamais ma mère n’avait laissé voir une telle détresse. »

Ces deux femmes, enfermées dans une relation silencieuse, vont devoir tout quitter pour s’installer à Izu, dans une propriété à la campagne. C’est l’exil.

Kasuko, montre les fissures créées par ces changements par un attachement obsessionnel à des détails : des œufs de serpent brûlés, un feu déclenché par des braises mal éteintes, qu’elle rattache à la dégradation qu’elle observe chez sa mère. Et en même temps, le concept de devoir et d’honneur perdure : « A l’heure qu’il est, appartenir à la famille impériale ou à la noblesse, ce n’est plus ce que c’était ; et pourtant, si cela doit périr, j’ose le dire : périssons en beauté. »

Concernant Naoji, il est vivant mais il est retourné à son addiction : l’opium.

En conséquence Kasuko se voit assigner par son oncle Wada la tâche de se trouver un nouveau mari ou « travailler » mais selon un critère restrictif, question d’honneur et pour alléger les charges de l’oncle. Elle est piégée et va se révoltée contre ce diktat afin de trouver sa liberté.

Eclate enfin ce qui était tu et insupportable pour Kazuko : « Et vous, quand vous apprenez que Naoji va venir, me voilà tout d’un coup devenue pour vous un fardeau, et vous me dites d’aller me placer comme domestique dans une grande famille ! Trop, c’est trop ! »

Naoji va plonger le lecteur dans les affres de la création, écrivain conscient d’avoir du génie mais pas de reconnaissance et la dichotomie entre ce qu’il veut exprimer et ses écrits…

Une conscience prégnante que le suicide sera sa seule issue honorable (l’auteur s’est suicidé avec sa compagne à l’âge de trente-neuf ans).

« Pour un homme il est impossible de continuer à vivre sans se dire des choses telles que : je suis un être d’élite. »

J’ai aimé ce roman pour cette originale étrangeté qui pour moi préfigure une belle réflexion sur le monde et donne des clefs sur l’évolution de ce pays.

Une écriture double, féminine et masculine qui nous fait passer par différentes phases, de l’empathie à la distanciation, cet effet yo-yo qui nous garde en éveil sur un propos aussi profond que le style est fluide.

La noirceur que l’on met en exergue chez cet auteur me semble exagérée, elle me parait mâtiner de lucidité, que chacun choisit d’affronter ou non.

Oui le nihilisme de Dazai Osamu – Naoji est omniprésent mais la lumière est donnée à travers cette voix de femme qu’est Kazuko, c’est d’une force incroyable, car elle montre qu’après l’effondrement des valeurs qui suit la défaite du Japon en 1945, un pays qui voit tout disparaitre a tout à reconstruire. Qui mieux qu’une femme, qui s’est vu attribuer des rôles sans que la société ne s’interroge sur leur bien-fondé, peut relever les défis comme le déclassement et ses corollaires, le désespoir d’un monde qui sombre…interdite de séjour ou en exil dans sa propre société, elle ne peut qu’être l’étendard de la révolte nécessaire à la Vie. L’auteur est très original dans cette démarche et par son écriture qui sait se faire féminine quand c’est nécessaire, il montre un aspect qui caractérise le Japon à cette période mais va au-delà des frontières.

Au vu de ce qui se passe dans le monde actuel, certaines voix de femmes portent des révoltes salvatrices.

Si ce livre date de 1947, il reste sur une réflexion universelle et donne sens à la belle littérature, celle qui demande une lecture exigeante comme la vie.

Merci à Masse critique Babelio et aux éditions Les Belles Lettres.

Chantal Lafon-Litteratum Amor 21 octobre 2017.

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