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Citations de Patrick Modiano (1621)


Il m'était arrivé une aventure semblable, vingt auparavant. j'avais appris que mon père était hospitalisé à la Pitié-Salpêtrière. Je ne l'avais plus revu depuis la fin de mon adolescence. Alors j'avais décidé de lui rendre visite à l'improviste.
Je me souviens d'avoir erré pendant des heures à travers l'immensité de l'hôpital, à sa recherche. J'entrais dans des salles communes où étaient alignés des lits, je questionnais des infirmières qui me donnaient des renseignements contradictoires. Je finissais par douter de l'existence de mon père en passant et repassant devant cette église majestueuse et ces corps de bâtiment irréels, intacts depuis le XVIIIè siècle et qui m'évoquaient Manon Lescaut et l'époque où ce lieu servait de prison aux filles, sous le nom sinistre d'Hôpital Général, avant qu'on les déporte en Louisiane. J'ai arpenté les cours pavées jusqu'à ce que le soir tombe. Impossible de trouver mon père. Je ne l'ai plus jamais revu.
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Patrick Modiano
Le présent et le passé se mêlent l'un à l'autre dans une sorte de transparence, et chaque instant que j'ai vécu dans ma jeunesse m'apparaît, détaché de tout, dans un présent éternel.
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J'étais étonné de découvrir chez Yvonne une telle aptitude à l'abandon. Chez moi, cela correspondait à une horreur du mouvement, une inquiétude vis-à-vis de tout ce qui bouge, ce qui passe, ce qui change, le désir de ne plus marcher sur du sable mouvant, de me fixer quelque part, au besoin de me pétrifier. Mais chez elle? Je crois qu'elle était simplement paresseuse. Comme une algue.
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Je pourrais d’abord évoquer les dimanches soir, ils me causaient de l’appréhension, comme à tous ceux qui ont connu les retours au pensionnat, l’hiver, en fin d’après-midi, à l’heure où le jour tombe.
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Il s'était enfin décidé à profiter du silence de la nuit pour relire une dernière fois toutes les feuilles du "dossier". Mais à peine avait-il commencé sa lecture qu'il éprouva une sensation désagréable : les phrases s'enchevêtraient et d'autres phrases apparaissaient brusquement qui recouvraient les précédentes, et disparaissaient sans lui laisser le temps de les déchiffrer. Il était en présence d'un palimpseste dont toutes les écritures successives se mêlaient en surimpression et s'agitaient comme des bacilles vus au microscope.
Il mit cela sur le compte de la fatigue et ferma les yeux.
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On finit par oublier les détails de notre vie qui nous gênent ou qui sont trop douloureux. Il suffit de faire la planche et de se laisser doucement flotter sur les eaux profondes, en fermant les yeux.
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- La perquisition a été fructueuse, Plusieurs volumes de Proust et de Kafka, des reproductions de Modigliani et de Soutine, quelques photographies de Charlie Chaplin, d'Eric Von Stroheim et de Groucho Marx dans les bagages de ce monsieur.
- Décidemment, lui dit le dénommé Elias Bloch, votre cas devient de plus en plus grave ! Emmenez-le !
Ils le poussèrent hors de la cabine. Les menottes lui brûlaient les poignets. Sur le quai il fit un faux pas et s'écroula. L'un des policiers profita de l'occasion pour lui donner quelques coups de pied dans les côtes, puis le releva en tirant sur la chaîne des menottes. Ils traversèrent les docks déserts. Un panier à salade, semblable à ceux que la police française utilisa pour la première grande rafle des 16-17 juillet 42, était arrêté au coin d'une rue. Elias Bloch prit place à côté du chauffeur. Il monta derrière, suivi des trois policiers.
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Des photos comme il en existe dans toutes les familles. Le temps de la photo, ils étaient protégés quelques secondes et ces secondes sont devenues une éternité.
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A cette époque, il n'avait cessé de marcher à travers Paris dans une lumière qui donnait aux personnes qu'il croisait et aux rues une très vive phosphorescence. Puis, peu à peu, en vieillissant, il avait remarqué que la lumière s'était appauvrie ; elle rendait désormais aux gens et aux choses leurs vrais aspects et leurs vraies couleurs - les couleurs ternes de la vie courante.
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Les gens, d’ordinaire, en disent beaucoup trop.
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En écrivant ce livre, je lance des appels, comme des signaux de phare dont je doute malheureusement qu'ils puissent éclairer la nuit. Mais j'espère toujours.
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Patrick Modiano
J'ai toujours pensé que le passé, ou le temps qui s'écoule, est une masse d'oubli où ressurgissent quelques brides. Ce qui occupe la mémoire, c'est un nuage d'oubli.
Evidemment, il y a de temps en temps des petites brides, des éclats qui remontent à la surface mais la principale matière, c'est quand même l'oubli.

Dans le journal "Le Soir" du 08/10/2021
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Mille et mille sosies de vous-même s’engagent sur les mille chemins que vous n’avez pas pris aux carrefours de votre vie, et vous, vous avez cru qu’il n’y en avait qu’un seul.
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Patrick Modiano
Ecrire, pour moi, est quelque chose de désagréable, donc je suis obligé de rêver beaucoup avant de m'y mettre, de trouver des façons de rendre agréable ce travail assez long et difficile, de trouver un dopant.
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Je serais d'ailleurs incapable, à ma grande honte, de dire ce qui se passait dans le monde en avril 1966. Nous sortions d'un tunnel, mais de quel tunnel, je l'ignore. Et cette bouffée de fraîcheur, nous ne l'avions pas connue, les saisons précédentes. Était-ce l'illusion de ceux qui ont vingt ans et qui croient chaque fois que le monde commence avec eux ? L'air m'a paru plus léger ce printemps là.
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La danseuse arrivait, le matin, à sept heures quarante-cinq, gare du Nord. Ensuite le métro jusqu’à la place de Clichy. Le bâtiment du studio Wacker était vétuste. Au rez-de-chaussée, une dizaine de pianos d’occasion, rangés en désordre comme dans un dépôt. Aux étages, une sorte de cantine avec un bar et les studios de danse.
Elle prenait des cours avec Boris Kniaseff, un Russe que l’on considérait comme l’un des meilleurs professeurs... Une odeur particulière de vieux bois, de lavande et de sueur.
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Que l’on me pardonne tous ces noms et d’autres qui suivront. Je suis un chien qui fait semblant d’avoir un pedigree. Ma mère et mon père ne se rattachent à aucun milieu bien défini. Si ballottés, si incertains que je dois bien m’efforcer de trouver quelques empreintes et quelques balises dans ce sable mouvant comme on s’efforce de remplir avec des lettres à moitié effacées une fiche d’état civil ou un questionnaire administratif.
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Le temps avait effacé au fur et à mesure les différentes périodes de sa vie, dont aucune n’avait de lien avec la suivante, si bien que cette vie n’avait été qu’une suite de ruptures, d’avalanches ou même d’amnésie.
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Il éprouvait de la méfiance pour Camille bien qu’elle n’eût aucune mauvaise intention à son égard. Elle lui cachait certaines choses, mais cela lui donnait un charme particulier. L’un de ses livres de chevet, avec les Mémoires du cardinal de Retz et quelques autres ouvrages, était un traité de morale qui s’intitulait « L’Art de se taire. » Depuis son enfance, il avait toujours essayé de pratiquer cet art-là, un art très difficile, celui qu’il admirait le plus et qui pouvait s’appliquer à tous les domaines, même à celui de la littérature.
Son professeur ne lui avait-il pas appris que la prose et la poésie ne sont pas faites simplement de mots mais surtout de silences ?
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Pourtant je n’ai pas rêvé. Je me surprends quelquefois à dire cette phrase dans la rue, comme si j’entendais la voix d’un autre. Une voix blanche. Des noms me reviennent à l’esprit, certains visages, certains détails. Plus personne avec qui en parler. Il doit bien se trouver deux ou trois témoins encore vivants. Mais ils ont sans doute tout oublié. Et puis, on finit par se demander s’il y a eu vraiment des témoins.

Non, je n’ai pas rêvé. La preuve, c’est qu’il me reste un carnet noir rempli de notes. Dans ce brouillard, j’ai besoin de mots précis et je consulte le dictionnaire. Note : Courte indication que l’on écrit pour se rappeler quelque chose. Sur les pages du carnet se succèdent des noms, des numéros de téléphone, des dates de rendez-vous, et aussi des textes courts qui ont peut-être quelque chose à voir avec la littérature. Mais dans quelle catégorie les classer ? journal intime ? Fragments de mémoire ? Et aussi des centaines de petites annonces recopiées et qui figuraient dans des journaux. Chiens perdus. Appartements meublés. Demandes et offres d’emploi. Voyantes.
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