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Critiques de Paul Claudel (125)
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L'annonce faite à Marie

C'est toujours un peu la même chose avec ces auteurs pro religieux chrétiens les Georges Bernanos, Les Julien Green et Cie, ou aujourd'hui les Paul Claudel.

Qu'est-ce que je m'y ennuie ! (Et encore c'est parce que je tiens à rester absolument polie que j'emploie " ennuyer " car à la vérité, ce n'est pas le premier verbe qui m'est spontanément venu à l'esprit.)

On se dit qu'on ne veut pas mourir ignorante (car idiote, malheureusement, ça c'est presque acquis déjà à l'heure qu'il est). On se dit que ça pourrait être intéressant, pourquoi pas ? Alors on se laisse prendre encore une fois et fatalement, encore une fois l'on est déçue !

Aaah ! C'est à vous décourager de la lecture et, comme disait Brassens, peut-être même d'autre chose. (Pour mémoire et pour ceux qui avaient oublié le passage de Misogynie À Part : " Au lieu de s'écrier : " Encore ! Hardi ! Hardi ! " Elle déclame du Claudel, du Claudel, j'ai bien dit, alors ça, ça me fige ! Elle m'emmerde, elle m'emmerde, j'admets que ce Claudel soit un homme de génie, un poète immortel. J' reconnais son prestige mais qu'on aille chercher dedans son oeuvre pie un aphrodisiaque, non, ça, c'est d' l'utopie ! Elle m'emmerde, vous dis-je...")

Bref, nous voilà donc plongés dans cette tragédie en quatre actes et l'on s'ennuie ferme dès le prologue et pendant un bon bout de temps mais, au moment où déjà on ne l'espérait plus trop, coup de théâtre, et l'intérêt décolle un peu lors de la scène 3 de l'acte II lorsqu'on apprend que Violaine est porteuse de la lèpre. Qu'en dira son fiancé Jacques Hury ? Accélération du rythme, sursaut dramatique, on pense : " Ouf ! on l'a échappé belle ! "

Mais non ! Non, on l'a rien échappé du tout et la chienlit revient aussitôt après, et au triple galop même, vous embourber, vous engluer dans un jus d'évangile et de confiteor.

Or voilà, moi j'ai toujours préféré le beurre au confiteor sur mes tartines et c'est sans grand appétit que je les avale en pareil cas. Les passages de résurrection, les versets bibliques ou les extraits de messe en latin sont mortellement ch... euh ! ennuyeux, oui, c'est ça le bon mot ou bien alors un tantinet lassants voire très faiblement captivants, comme vous voudrez.

Le message de Paul Claudel est simple, limpide, clair, net et précis. Vous le voulez ? Tenez ! le voici, il est pour vous :

" Croyez en Dieu. Chiez-en autant que vous pouvez (et même plus si possible). Endurez votre destin merdique et vos souffrances sans broncher. (Parce que si, en plus, vous aviez trouvé le moyen d'être heureux, ça n'aurait pas été drôle, voyons !) Aimez sans condition (un peu les hommes, en passant, mais surtout Dieu, bien sûr). Pardonnez tout ce qu'on vous fait subir et rendez-vous à l'heure de l'ultime soupir avec la Mort, unique planche de salut en ce bas monde. Alors, vous vous retrouverez avec tous vos semblables, tous potes, à jouer aux billes avec les angelots au pied du trône de votre bienaimé Seigneur, qui vous couvera d'un oeil bienveillant pour des siècles et des siècles. Amen "

Splendide ! Merci Popaul ! J'insiste, merci vraiment, car sans ça, je ne sais réellement pas comment on aurait pu s'en sortir.

Sans rire, je me demande sincèrement comment on pouvait encore écrire un tel tissu de conneries en 1912. De la part d'un évangéliste, religieux fanatique à tendance sectaire d'il y a deux mille ans, passe encore. Mais de la part d'un haut fonctionnaire, diplomate appelé à représenter la France en qualité d'ambassadeur dans différents pays et pas des moindres (États-Unis, Brésil, Japon, Belgique), après l'identité acquise par la France suite à sa révolution et après le symbole fort de sa loi de 1905 sur la laïcité, là, j'avoue que j'ai plus de mal à encaisser et à avaler la pilule sans sourciller.

Au demeurant, s'il n'était que le propos, je trouverais cette pièce seulement lamentable mais il me faut aussi dire deux ou trois choses du style, que j'ai trouvé plat et atone, comme les litanies dont il se fait le chantre. À peine quelques phrases ont ponctué ma somnolence de faibles rehaussements de paupières, mais en toute honnêteté, absolument rien de transcendant dans le maniement du verbe, l'art de la réplique ou un quelconque lyrisme. C'est pire que de passer 40 jours dans le désert !

Alors, promis, la prochaine fois qu'on me demandera si j'aime Claudel, je répondrai : " Ce que j'aime chez Claudel, c'est qu'il a eu une soeur qui s'appelait Camille et qui, elle, nous a légué d'authentiques oeuvres d'art. "

Au final, vous comprendrez aisément que je considère Paul Claudel comme un auteur qu'on peut se permettre de ne pas lire, mais bien sûr, ce n'est là que mon misérable avis, c'est-à-dire, pas grand-chose, et quelqu'un d'autre que moi vous dirait peut-être tout autrement.
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Le soulier de satin

Je sais, le mot est galvaudé, mais là que dire d’autre? «ÉNORME !» Et pas seulement parce que c’est un sacré challenge pour le metteur en scène: jouée, la pièce dure facilement une bonne dizaine d’heures. Comme le dit Olivier Py, on a l’impression que «C'est une oeuvre cosmogonique qui tente d'embrasser le monde». Dans Le Soulier de satin, Claudel rompt les digues, laisse les flots tourbillonnants de son imaginaire, de sa créativité, nous emporter, brassant lieux et personnages multiples, des plus poétiques, comme l’Ombre double, aux plus farcesques, comme les pédants; les registres les plus divers se mêlent, du drame mystique à l’humour distancié de l’exhibition des artifices théâtraux, voire à un comique burlesque. La composition, immense, foisonnante, entrelace de façon complexe plusieurs fils narratifs: les amours de Prouhèze et Rodrigue, que Claudel rapproche des amants stellaires de la légende chinoise qui «chaque année après de longues pérégrinations arrivent à s'affronter, sans jamais pouvoir se rejoindre, d'un côté et de l'autre de la Voie lactée»; le merveilleux chant, la mélodie joyeuse des amours de Doña Musique; l’énergie bouillonnante de la lumineuse fille de Prouhèze, Doña Sept-Épées, aussi déterminée à combattre qu’à aimer; l’histoire des conquêtes espagnoles qui entraînent les personnages aux quatre coins du monde...



Mais c’est surtout l’originalité de la pièce, sa capacité à nous faire écarquiller les yeux et à nous plonger dans un étonnement rêveur qui impressionne. On se laisse porter par la beauté poétique du style, l’étrangeté envoûtante de son rythme, son côté mystérieux, par l’ampleur, la profondeur de l’univers si singulier, extrême, du Soulier de satin.

Et on se dit qu’on y reviendra encore, parce que, comme le déclare l’annoncier au début de la pièce, «c’est ce que vous ne comprendrez pas qui est le plus beau», et ce mélange d’éblouissements et d’obscurité a un sacré goût de revenez-y.
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L'otage

Paul Claudel n'est plus qu'un nom de rue, ou pour certains le frère de Camille. Triste, mais si Français, d'enterrer l'un de ses plus grands poètes pour simplement faire un peu de place dans la mémoire nationale. On lui reproche d'avoir fait enfermer sa soeur à l'asile injustement, d'avoir fort longtemps penché pour le camp du Maréchal avant de rejoindre celui du Général. Matière à de longues discussions, qui ne sont pas l'objet de cette critique. Mais ce qui est indéniable, c'est que sa maîtrise de la langue française n'est pas égalable. Il n'y a pas, et il n'y aura probablement pas, de plus grand poète dans notre langue.



'L'otage' est l'une de ses pièces de théâtre, presque oubliée aujourd'hui. Celui qui pense y patauger dans les bondieuseries sera surpris ; car on n'y trouve que doutes et confusion. Chaque scène, à l'exception de la première, est un duel. Un duel où les phrases sont des armes, et les mots des balles.



Quelque part en Champagne, quelques années après le sacre de Napoléon. Le château a été brûlé, les parents guillotinés, mais la fille est revenue. Sygne de Coûfontaine. Faire sonner les noms de ces personnages n'est pas un art facile. Dans la nuit, son cousin Georges surgit soudain. Avec lui, un prisonnier qu'il a soustrait à l'empereur. Le Pape. Mais on l'a vu. Le préfet de l'empereur, l'ancien frère de lait, le vieux révolutionnaire endurci, l'homme qui a fait décapiter leurs parents et brûleur le château, sait qu'il est là. Toussaint Turelure. Les noms, vous disais-je. Le prix de son silence ? La main de Sygne.



Les personnages sont extrêmement complexes. Sygne n'est pas du tout, mais alors pas du tout prête à accepter le rôle de victime désignée que tout le monde lui réserve. George de Coûfontaine, muré dans sa noblesse hiératique, toujours défait, toujours humilié, combattant et sacrifiant tout pour une cours en exil qui ne lui en sait nul gré. Toussaint Turelure, Talleyrand au petit pied, tout à la fois repoussant et fascinant de force et d'intelligence, fier de son passé de révolutionnaire bouillant, revenu de tout et prêt à toutes les trahisons. Le Pape, roseau tout droit planté au milieu des chênes déracinés...



A lire pour la magie des mots, la beauté des mots, l'âpreté des mots.
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Partage de midi

Oh ! Ooh ! Oh oh oh ! Je ne sais comment m'y prendre pour parler de cette pièce qui demanderait au minimum deux lectures, facilement trois. J'avais demandé que pour les derniers niveaux du challenge Théâtre on nous propose des auteurs un peu moins accessibles que les autres, et j'avais également, de façon fort irréfléchie, lancé le nom de Claudel en passant. Eh bien, pour quelqu'un qui n'avait jamais lu Claudel, et qui aurait sûrement attendu longtemps avant de le lire s'il n'y avait eu ce petit coup de pouce pour m'y pousser, je confirme que l'auteur n'est pas facilement accessible et que j'en ai chié (qu'on ne s'y trompe pas, je ne me réfère pas pour autant à la métaphore de la défécation de Valère Novarina, que je trouve... grotesque).





Et c'est une souffrance (une souffrance et un plaisir ? Non, essentiellement une souffrance) que d'avoir eu à réfléchir à cette critique, et à présent de l'écrire. Souffrance, c'est d'ailleurs bien le terme qui convient à cette pièce qui met en scène trois hommes et une femme sur un bateau en partance pour la Chine. Ysé est au centre de l'attention des trois hommes ; elle a été la maîtresse d'Amalric, qu'elle n'a pas aimé, est mariée à de Ciz, qu'elle n'aime pas, et elle est attirée, de façon réciproque, par Misa. le premier acte ne m'a vraiment intéressée que lorsque Misa et Ysé se retrouvent face à face, pour se dire que leur amour est impossible, interdit puisqu'adultère - bien que l'interdit soit surtout problématique pour Misa. Ellipse temporelle. En Chine, on retrouve Ysé et Misa qui s'avouent ouvertement, cette fois, leur amour réciproque et décident de consommer leur relation. Nouvelle ellipse. Toujours en Chine, en pleine insurrection, Ysé vit alors avec Amalric et l'enfant qu'elle a eu de Misa. Ils s'apprêtent à mourir à l'aide d'un dispositif d'explosifs, mais l'arrivée inopinée de Misa, détenteur d'un passe qui leur permettrait, à Ysé, l'enfant et lui-même, d'échapper à la vindicte de la population chinoise. Mais le roué Amalric subtilise le passe à Misa après l'avoir blessé pour s'enfuir avec Ysé. Pourtant, Ysé reviendra alors auprès de Misa pour mourir avec lui.





Claudel s'est inspiré de sa vie amoureuse et de sa relation avec Rosa Vecht, rencontrée sur un bateau qui allait en Chine. Si le personnage d'Ysé doit à Rosa Vecht, celui de Misa doit encore plus à Paul Claudel lui-même, surtout lorsqu'on sait qu'avant cette rencontre, il avait pensé sérieusement à entrer dans les ordres. Depuis longtemps, pour Claudel, la révélation spirituelle (qui prend chez lui la forme du catholicisme) s'était combinée à la révélation littéraire. Dans Partage de midi, l'autobiographie s'en mêle également pour nourrir une oeuvre où l'homme est la femme sont sans cesse confrontés, où l'aspiration au spirituel est contrarié par le désir charnel, où l'amour divin et l'amour humain entrent en conflit par le biais du personnage de Misa. Mais Ysé elle-même est contradictoire, à la fois pleine de vie et lasse de vivre, aspirant à quelque chose qu'elle ne nomme pas et qui reste assez vague pour le lecteur, jusqu'à cette union finale qui réconcilie le profane et le sacré, l'humain et le divin, et dépasse même tous les conflits intérieurs, toutes les souffrances qu'ont pu endurer les personnages, pour leur permettre d'accéder à un apaisement clairement d'origine divine (Claudel n'était pas catholique pour rien).





Je me vois écrire cette critique (nous appellerons ça de la métacritique, histoire d'en jeter), et je me dis que raconté comme ça, ça a l'air génial et que tout le monde va penser que j'ai adoré la pièce - alors que j'ai parfois peine à faire comprendre que j'aime les pièces de Maeterlinck. Pas du tout ! J'ai eu beaucoup de mal avec le style de Claudel, et si ce n'a pas été un mur entre sa pièce et moi, ça a clairement rendu ma lecture peu aisée. Les versets de Claudel, c'est quelque chose de très à part, qu'on ne retrouve guère que dans la poésie, avec une prosodie marquée par des césures dont je n'ai pas réussi à percer les arcanes. Et puis ce passage de dialogues vaguement naturels à des passages ultra-lyriques, le lyrisme en lui-même... Ben j'ai eu du mal, quoi. Donc bon, je pourrais chanter les louanges de Claudel et de Partage de midi, mais ce serait un tantinet hypocrite, vu que, oui, ça été une souffrance (supportable, certes) de lire cette pièce. le plaisir n'est venu qu'ensuite, quand je me suis posée pour réfléchir à cette satanée critique que j'allais devoir pondre pour le challenge.





Je ne suis donc pas la mieux placée pour analyser la beauté et la profondeur du texte. Néanmoins, c'est une découverte qui, après réflexion, vaut le coup à mes yeux, et cela même si j'en appréhendais la lecture après avoir abandonné L'Échange du même Paul Claudel. C'est donc au final une souffrance et un plaisir, pour paraphraser un réalisateur français (oui, j'avais déjà utilisé cette référence, il est temps que je me renouvelle !)


Lien : https://musardises-en-depit-..
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Cent phrases pour éventails

Une divine surprise! J'avoue détester Claudel, ses pompes, ses oeuvres et ses versets...et voici qu' un ami sculpteur me met entre les mains ce bijou de grâce, de fragilité, d'humour-mais oui, il en a!- et d'élégance!



Jolie édition en fac-similé, avec la calligraphie à la plume de monsieur le diplomate...



"Laissons à chaque mot, qu'il soit fait d'un seul ou de plusieurs vocables, à chaque proposition verbale, l'espace- le temps - nécessaire à sa pleine sonorité, à sa dilatation dans le blanc."dit Claudel en avant-propos.



Oui, les haïkus claudéliens dégagent leur ligne pure, tracés au bâton d'encre sur la blancheur du papier, - et la poésie, la vraie, s'ouvre alors, comme ces fleurs japonaises jetées dans l'eau, prenant un espace insoupçonné.



Quelque chose de sculptural se dégage alors de ces mots couchés sur le papier.



Quelque chose de fort. Une rare présence.
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L'annonce faite à Marie

Claudel est, pour moi, l’un des plus grands poètes de la langue française. Chacune de ses phrases est une cathédrale, dont les lourdes pierres minutieusement ajustées s’élèvent, solides et pourtant d’une étonnante légèreté. Mais c’est un texte très particulier que nous avons là, pas le genre à avoir beaucoup de lecteurs de nos jours. Il s’agit d’une modernisation d’un style théâtral datant du Moyen-Âge : les ‘Mystères’, ces pièces à thèmes religieuses qui étaient jouées par des confréries sur les places publiques. Ce qui n’est pas sans rappeler l’auteur japonais Yukio Mishima, qui cinquante ans plus tard tenta lui aussi de moderniser l’antique théâtre Nô et ses représentations d’exorcismes aux origines chamaniques.



Pour en revenir à Claudel, c’est donc littéralement un ‘mystère’. Un texte religieux gardant volontairement une certaine obscurité, et destiné avant tout à la manifestation de la grâce divine. Le maitre d’un grand domaine décide, du jour au lendemain, de tout abandonner pour partir à Jérusalem. Il a deux filles, mais un fils adoptif. Il fiance ce dernier à sa fille ainée, lui abandonne son bien et part après avoir une dernière fois rompu le pain pour toute la maisonnée. Mais la cadette est amoureuse du jeune homme ; dotée d’un tempérament de feu, elle compte bien évincer sa sœur ainée. Or cette dernière cache un pénible secret : la lèpre…



Pour Claudel, la noblesse est liée à la terre, et que ce lien soit une particule ou une charrue, chaque génération en est un quartier. Une longue réflexion suit également le thème de la grâce ; aux évènements racontés se mêle le sacre de Charles VII : la grâce du royaume et celle d’un enfant mort et ressuscité se rejoignent.



Un texte complexe et avant tout religieux, donc. ‘L’otage’, texte beaucoup plus dur et à la portée beaucoup plus large, reste incontestablement plus accessible, et constitue je pense une meilleure porte d’entrée à l’œuvre de Claudel.
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L'annonce faite à Marie

Je comprends que ce soit déboussolant de lire une oeuvre évoquant, comme celle-ci, des élus de Dieu, des Anges Terrestres ou du Ciel.

A Rheims, au temps de Jehanne d'Arc, Anne Vercors, agriculteur propriétaire, donne sa première fille Violaine en mariage à Jacques, un homme courageux, avec pour dot, ses terres.

Puis, déçu par l'invasion anglaise, mais aussi par le grand schisme d'occident, il part faire un pèlerinage à Jérusalem.

Mais, à Rheims, tout ne va pas se passer comme il le souhaitait.

.

Voyons voir... Par quoi commencer ? C'est difficile de suggérer la trame de cette pièce jouée en 1912 puis reprise en 1948, qui pose question...

L'auteur lui-même semble paradoxal, et mal à l'aise dans ses baskets : pourquoi un haut diplomate-écrivain croyant, et même relativement mystique --- la religion catholique étant dans le pardon et l'amour ---, a t-il poussé et abandonné sa célèbre sœur Camille Claudel ( encore une femme célèbre merveilleusement jouée par Adjani ), dans un centre psychiatrique ?

.

Revenons à cette pièce, qui a deux actes IV finaux possibles.

Sans révéler quoi que ce soit, je pense que Paul Claudel assimile le sacrifice de Violaine à l'histoire de Jeanne d'Arc.

Mais surtout, l'auteur assimile le miracle que fait Violaine à celui de Dieu :

en effet, à Noël, "l'annonce faite à Marie" par l'Ange Gabriel, est celle de la naissance de Jésus... "par l'opération du Saint-Esprit".

De même, et au moment de l'Angélus ( Ange ) à ce Noël moyenâgeux, le bébé Aubaine de sa sœur Mara ressuscite dans les bras de Violaine !

Ahem.... Voilà-voilà...

;

Pour corser le tout, nous avons Mara, sœur de Violaine, qui n'est pas dans le bien, jalouse, manipulatrice et criminelle ;

Anne Vercors, le père, qui parle comme un psaume !

Jacques, le beau-fils, perdu dans ses amours et ces miracles ;

.

et....

Pierre de Craon, bâtisseur d'églises et de cathédrales, dont on aurait besoin aujourd'hui : )

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L'échange

Belle découverte! Belle pièce de théâtre! Il y a de la poésie, de la tragédie, de l'amour, un peu de légèreté. De l'amour à l'épreuve, bien des âmes succombent à la tentation au point de se perdre totalement. L'échange met en confrontation l'amour contre l'argent. Peut-on vivre l'amour sans argent, ou encore peut-on on avoir de l'argent sans avoir de l'amour? Peut-on avoir les deux? Alors, ici il s'agit de deux couples différents: le premier est amoureux sans argent et le deuxième est riche sans être amoureux, et si on faisait l'échange! Mais d'autres vont y laisser leur peau!
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Le Pain Dur : Drame En Trois Actes

J'ignorais que 'L'otage' avait une suite, j'en sais gré à ma liseuse de me l'avoir signalé. Une suite plus oubliée encore que l'original...



Des années ont passé. Louis-Philippe Ier règne, et l'industrie prospère. Nous retrouvons le baron Turelure vieilli, usé jusqu'à la corde, mais toujours bon œil et bonne tête pour les coups tordus, et la dent toujours aussi dure. Il a une maîtresse juive, Sichel, avec le père de laquelle il est en affaire. Il a un fils, le capitaine Louis de Turelure-Coûfontaine. Un nom à grincer des dents. Faut-il le préciser, père et fils se haïssent. Parti en Algérie, le fils a bâti de ses propres mains un domaine pour lequel il s'est endetté jusqu'au cou, jusqu'à dix mille francs que lui a prêté sa fiancée, Lumîr. Mais cet argent n'était pas à elle, elle n'en était que la porteuse. Il appartenait à une cause. L'indépendance polonaise.



Nouvelle époque, nouvelles combines. L'empire et la révolution ne sont plus que des souvenirs, une nouvelle ère de prospérité règne, les colonies se développent, le chemin de fer s'étend. Louis n'est qu'amertume, haine, mépris pour ce sale animal de Turelure qu'il sent vivre en lui. En Algérie, il a voulu redevenir Coûfontaine, mais le Turelure l'a rattrapé. Le voici de retour dans ce trou de Champagne, ruiné, aux abois, face à un père lui refusant tout secours. Et Lumîr réclame son dû...



Dure suite d'une œuvre dure.
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Le père humilié

Troisième volet des pièces historiques de Claudel. De nombreuses années encore ont passé. Napoléon III tient les rênes maintenant, mais ce sont toujours les mêmes hommes qui le guident. Louis, comte de de Turelure-Coûfontaine, ambassadeur de France auprès du Saint-Siège. Cela vous pose un homme, n'est-ce pas ? Même quand il tient de plus en plus de son père...



Il a épousé la maîtresse juive de ce dernier, Sichel. Ils ont eu une fille, Pensée. Mais cette fille tant aimée, cette fille aux multiples dons, à l'esprit insondable et à la beauté fragile... Cette fille est aveugle. A Rome, ils vivent la vie fastueuse et insouciante de la noblesse. Mais les nuages s'amoncellent. Rien ne va plus entre la France et la papauté, prise dans les conflits et les crises de l'unification de l'Italie. Garibaldi tonne, Victor-Emmanuel manœuvre. Que deviendront les états pontificaux, dans une botte unifiée de Palerme jusqu'à Milan ?



Cette question, deux frères inséparables se la posent aussi. Orian et Orso, neveux du pape et soldats de métier. Et tous deux aiment Pensée. Mais elle est amoureuse d'une voix, et c'est celle d'Orian. L'ombre de Sygne plane sur cet amour, et celle de Turelure sur les affaires du monde. Un tel mélange ne saurait rien donner de bon...



Cette conclusion, il faut le dire, nécessite un peu plus de connaissances historiques. Loin de la Champagne humide et du Paris hivernal glacé, elle prend place dans une Rome un peu féerique ; mais le thème du renoncement y reste le fil rouge. L'art des mots de Claudel y est toujours à son sommet. Le sang des Coûfontaines peut dormir en paix : le sacrifice a été consommé jusqu'à la dernière goutte d'amertume.
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Le soulier de satin

C'est au Danemark en 1919 que Claudel a eu la première idée de ce qu'allait devenir le soulier de satin. Au départ, il devait s'agir d'un « petit drame espagnol », qui devait même servir de prologue à Protée. Mais petit à petit, le petit drame s'étoffe progressivement, jusqu'à devenir lors de son achèvement en 1924 la pièce que l'on connaît à la longueur exceptionnelle. La pièce ne sera publiée en entier qu'en 1928, et ne connaîtra la scène qu'en 1943, dans une version abrégée, à la Comédie Française, dans la mise en scène de Jean-Louis Barrault. Ce dernier aura pendant de nombreuses années une sorte d'exclusivité sur la pièce, dont il donnera des versions différentes, sur différentes scènes. Mais c'est Antoine Vitez qui donnera ce qui ressemble à la première véritable intégrale de l'oeuvre en 1987, au festival d'Avignon. le spectacle durait plus de 10 heures...Un grand voyage et une grande aventure. On s'est un peu plus habitué maintenant à des pièces très longues, mais à l'époque c'était complètement hors normes. Depuis, d'autres metteurs en scène se sont attaqué à l'oeuvre, dont Olivier Py. Manoel de Oliveira en a fait une adaptation cinématographique, condensée en 7 heures.



Oeuvre de toutes les démesures, oeuvre somme, le soulier de satin compte des adeptes convaincus, comme des détracteurs acharnés. Sacha Guitry aurait ironisé à la sortie de la première représentation « Heureusement qu'il n'y avait pas la paire ».



La pièce est composée de quatre journées, et se déroule sur des dizaines d'années, entre l'Espagne, l'Afrique, l'Amérique...L'auteur situe l'action « à la fin du XVIe siècle, à moins que ce ne soit le commencement du XVIIe siècle ». Certains événements historiques sont évoqués (l'invincible Armada, la bataille de Lépante…) mais plutôt comme une sorte d'arrière fond, des situations archétypales, qui font sens pour le spectateur, plus qu'ils ne renvoient à un contexte historique précis, certains d'ailleurs sont trop éloignés dans le temps pour avoir pu se dérouler pendant la pièce. Les deux rois d'Espagne qui se succèdent dans la pièce ne sont même pas nommés, ce sont des rois, tout simplement. Claudel ne vise aucune exactitude ni vraisemblance historique, nous sommes dans un espace-temps où tout est possible, où tout est à la disposition de l'imaginaire de l'auteur et du spectateur.



L'intrigue principale de la pièce concerne l'amour impossible de Dona Prouhèze et Don Rodrigue. Elle est mariée au vieux Don Pélage qui l'envoie en Afrique, lui est nommé vice-roi des Indes par le roi, et doit partir aux Amériques. Une lettre arrivée avec dix ans de retard rendra leur union définitivement impossible. Elle mourra sans qu'il la sauve, il finira mutilé, misérable. Mais l'essentiel est l'union spirituelle, que la séparation ici-bas magnifie. En dehors de ce couple, nous ferons connaissance avec des dizaines de personnages, rois, pêcheurs, bandits, européens, africains, asiatiques...Qui chacun auront leur scène, avant de disparaître.



Foisonnante, chatoyante, jouant sur tous les registres, la pièce est un immense patchwork dans lequel chaque pièce a sa place, la seule possible. Les commentaires évoquent les influences de Shakespeare et du théâtre espagnol du siècle d'or, pour le côté baroque, la façon de mélanger le sérieux et le rire, le lyrique et le comique, la mort et la farce. Sans oublier le découpage en journées, pratiqué en Espagne. J'aurais envie d'y enjoindre la tragi-comédie, pratiquée dans le théâtre français du début du XVIIe siècle, même si je ne sais pas à quel point Claudel pouvait la connaître, mais dans le théâtre français, c'est ce qui s'en rapproche un peu. Comme un certain théâtre romantique, dont celui de Victor Hugo. Cromwell, dans sa démesure n'est pas sans évoquer la démesure du Soulier de satin. La représentation n'est au fond qu'une façon possible de l'existence du texte, même par réellement nécessaire. La phrase claudélienne se déroule, coule, et engloutit le lecteur-spectateur-auditeur, comme la phrase proustienne se déroule, coule et engloutit...Le mot, l'image, la réalité intime de l'auteur emporte le spectateur dans un monde de sensations, de ressentis, d'affects, subjectif et de ce fait irrévocable.



C'est une expérience inoubliable.
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Cent phrases pour éventails

C'est grâce au challenge Poévie que j'ai découvert l'an dernier que Paul Claudel avait écrit un recueil de haïkus. A la lecture des critiques sur Babelio je me suis laissée tenter. Je n'ai jamais réussi à lire une pièce de Claudel jusqu'au bout, j'ai eu l'impression d'être complètement hermétique à cet auteur. Et là, j'ai bien failli ne pas arriver au bout non plus, mais pour une toute autre raison, bassement matérielle ! Qu'est-ce que c'est que ce texte illisible sans loupe, terriblement fatigant pour les yeux ? J'ai réussi à trouver une version pour liseuse, espérant pouvoir grossir le texte. Peine perdue, la taille maximale est à peu près celle de la version papier. du coup, comme le titre comme la mise en page m'attirait je l'ai lu à doses homéopathiques, ce qui n'est sans doute pas l'idéal pour une vision d'ensemble, mais qui m'a en tout cas permis d'aller jusqu'au bout. Et ça en vaut la peine ! D'abord il y a le graphisme des pages, avec pour chaque haïku des idéogrammes (qui correspondent aux premiers mots) à gauche ainsi qu'un mot ou quelques lettres, et le reste du haïku à droite, ce qui donne parfois un effet de calligramme. de plus certaines lettres ont des airs d'enluminures, souvent les S, qui ressemblent à de petits dragons chinois. C'est plein de délicatesse et en même temps d'humour (ce qui m'a surpris de la part de Claudel). Quel dommage qu'il soit techniquement si dur de les déchiffrer.
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L'Otage - Le Pain dur - Le Père humilié

Le pain dur



La pièce composée par Claudel entre 1913 et 1915, d’abord consul à Hambourg, puis après le début de la guerre installé à Bordeaux, paraît en 1918 à la NRF. Elle sera représentée en France pour la première fois en 1949, au théâtre de l’Atelier. Elle fait suite à l’Otage, c’est le deuxième volet de ce qui est appelé généralement « La trilogie des Coûfontaine ».



Nous suivons Turelure, devenu baron : après avoir été révolutionnaire sous la Terreur, il est devenu monarchiste sous Louis-Philippe. Sa femme Sygne est morte peu de temps après avoir donné naissance à un fils, Louis. Militaire, il s’est lancé dans l’achat de terres en Algérie, qu’il voudrait faire prospérer, mais il a contracté des dettes. Ses relations avec son père sont mauvaises, ils se sont affronté au sujet de l’héritage maternel de Louis.



Turelure vit avec une jeune femme juive, Sichel, qui espérait qu’il allait l’épouser. Arrive Lumir, la fiancée de Louis, venue lui réclamer de l’argent, à la fois celui qu’elle a prêté à Louis, alors qu’il était un dépôt pour entretenir la résistance des Polonais révolutionnaires, et aussi de l’argent qui permettrait à Louis de faire face à ses échéances. Turelure ne veut rien entendre, même s’il a reçu les sommes en question en vendant un bien au père de Sichel, ce que cette dernière révèle à Lumir. Turelure propose à Lumir de lui donner la somme nécessaire à condition qu’elle l’épouse, tout en faisant un transfert de façade de ses biens à Sichel pour qu’ils échappent à son fils.



Louis arrive, l’explication avec son père a lieu, Lumir lui a révélé les propositions de Turelure et le fait qu’il est en possession de l’argent, Louis vient armé, pour essayer de faire peur à son père. La confrontation sera terrible, et tous les personnages vont être renvoyés à leurs choix de vie.



C’est une pièce très noire, les personnages se laissent aller à leurs instincts, sans aucune limite. Le mariage devient une simple affaire commerciale, qui se conclut contre une somme d’argent. Les relations de famille sont dépourvus d’amour, le fils et le père sont des rivaux, qui s’affrontent pour les possessions matériels ou pour une femme, l’envie de triompher de l’autre étant aussi importante que le désir de posséder.



La pièce s’inscrit beaucoup plus dans l’histoire que les pièces précédentes de Claudel, nous sommes à une époque précise, et nous voyons les conséquences des évolutions sociales et technologiques : Turelure s’apprête à transformer le domaine de Coûfontaine en papeterie, l’arrivée du chemin de fer peut faire monter le prix des terres, la spéculation bat son plein. Il y a aussi en arrière plan la colonisation de l’Algérie, les révoltes en Pologne etc.



Mais tout cela ne se traduit que une féroce compétition et la perte de valeurs, en particulier religieuses : Claudel dépeint un monde qui a perdu la foi, dont Dieu est absent, ce que symbolise la vente du crucifix sauvé par Sygne dans l’Otage. Vendu à vil prix, vestige dont il s’agit de se débarrasser, pour passer à autre chose. Mais cet autre chose n’est au final que misère, vide, et insatisfaction.



C’est une pièce très grinçante, à l’humour noir, avec beaucoup moins d’envolées lyriques que dans d’autres œuvres de Claudel, basée plus sur des dialogues brefs, qui sont des affrontements entre les personnages, en guerre contre le monde entier. Elle met en évidence la brutalité de l’histoire, la vacuité du quotidien, la solitude des individus.



C’est impressionnant (en particulier la scène de la confrontation père-fils) mais plus sec, peut-être plus à sens unique que d’autres œuvres de Claudel.
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L'endormie

Il s’agit de la première pièce connue écrite par Paul Claudel. Le texte a donné lieu à des controverses sur la date à laquelle il aurait été écrit. L’auteur lui-même se montre vague, insistant sur sa grande jeunesse au moment de l’écriture. Actuellement, la critique tend à penser que la pièce date des années 1886-1887. Ce qui est en revanche certain, c’est que l’auteur l’a envoyé au comité de lecture du théâtre de l’Odéon en 1888. Le manuscrit a été retrouvé seulement en 1925, alors que l’auteur était devenu connu, et publié, ce dont Claudel ne semble pas avoir été particulièrement heureux.



Le texte est très court. Nous sommes dans un univers imaginaire : une clairière dans laquelle s’ébattent des faunes mâles et femelles. Le vieux Danse-la-nuit apparaît, il rêve à une nymphe endormie, que rien n’arrive à tirer du sommeil. Arrive la mutine Volpilla, qui tourne en ridicule la vieille ivrognesse Strombo. Un poète qui traîne dans les environs est ensuite sujet des moqueries de Volpilla et Danse-la-nuit, qui ne veut surtout pas que l’humain s’essaie au réveil de la nymphe de ses rêves. Le poète, réalisant qu’on s’est moqué de lui, s’enfuit. Danse-la-nuit peut revenir à ses rêves sur la belle nymphe.



C’est bien sûr une œuvre de jeunesse, qui aurait peu de choses d’être éditée aujourd’hui si elle n’était pas de la plume de Claudel. On peut évidemment y chercher les prémices de l’oeuvre future : il y a déjà quelque chose de terriblement claudélien dans l’écriture. Et le texte, très poétique par moments, un peu irréel, sans grand souci de vraisemblance, mais plutôt créant une atmosphère, générant des images, des métaphores, est évidemment annonciateur des textes à venir. Mais c’est quand même une lecture plutôt réservée aux passionnés de Claudel.
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Partage de midi

En lisant cette pièce je sentais bizarrement la même émotion que j'avais lors de la lecture de Péguy ! Le divin et le verset sont les points communs peut-être.



Quatre personnages seulement, une femme et trois hommes (ça nous rappelle le soleil se lève aussi, un voyage dans un lieu étranger et une femme qui est avec trois hommes).



Un excellent texte sur le conflit entre la chair et l'esprit, le religieux et le profane, l'amour divin et l'amour interdit.



Le point fort de ce drame n'est sans doute pas l'intrigue, ni les personnages (qui nous sont vraiment étrangers, loin!) mais le style de Claudel; son fameux verset sublime. On savoure les longs dialogues surtout au dernier acte.



Une pièce à lire même si l'on ne sympathise pas beaucoup avec le respectueux Claudel.
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L'otage

Ecrit entre 1908 et 1910, L’Otage est publié dès 1911, d’abord dans la NRF, puis la même année en volume. La pièce sera créée sur scène dès 1914 par Lugné-Poe ; à cette occasion Claudel proposera une fin alternative, mais il ne réécrira pas l’oeuvre comme il l’a fait pour la plupart de ses autres pièces. La pièce est la première d’une trilogie, La trilogie des Coûfontaine, qui comprend également Le pain dur et Le père humilié. Les trois pièces ne sont toutefois pas « la réalisation d’un plan préétabli » mais « sont nés l’un de l’autre, l’un après l’autre […] comme sous l’appel d’une nécessité à la fois fatidique et musicale ». Dès 1920 Claudel envisageait un quatrième drame qui aurait clôt le cycle, mais cet opus n’a jamais été écrit finalement.



L’otage a été conçu comme le récit des origines de la France contemporaine, née de la Révolution, et de l’homme à qui elle a donnée naissance, d’où l’opposition entre les Coûfontaines et Turelure, l’Ancien Régime et le nouvel ordre qui naît sur ses décombres. Le drame va continuer dans les épisodes suivants de la trilogie, de génération en génération, pendant que se déroule l’Histoire. Claudel veut opposer une vue à court terme, à hauteur d’une vie d’homme, de catastrophes individuelles, à une vision plus large, qui derrière des destins individuels, suit un schéma, un plan plus large. Ce qui rapproche son cycle des tragédies grecques qu’il aimait et qu’il a traduites : comme dans l’Orestie d’Eschyle, à qui de nombreuses composantes des drames de Claudel font écho, les desseins de la Moïra ne se révèlent que dans le temps, dans la durée. Mais chez Claudel le destin devient la Providence du Dieu chrétien, ce qui change la tonalité d’ensemble.



Au premier acte, nous sommes en France, à la fin du Premier Empire. Sygne de Coûfontaine, une jeune femme noble, dont les parents ont été guillotinés pendant la Révolution, et qui a patiemment reconstitué la fortune familiale accueille dans sa propriété son cousin proscrit, Georges, à qui elle destine tous ses biens. Mais Georges a vu disparaître femme et enfants, il est très amer. Sygne et lui évoquent le passé, puis prennent l’engagement de se marier. Mais Georges est venu dans la vieille maison pour cacher un hôte encombrant : le pape qu’il a fait évader de l’emprisonnement impérial.



Au deuxième acte, le baron Turelure, fils d’une servante du domaine de Coûfontaine, devenu le préfet sous l’empire, vient demander à Sygne de l’épouser. Il la menace de faire saisir Georges et le pape. Le curé, M. Badilon, arrivera à la convaincre de consentir à cette union.



Au troisième acte, nous sommes en 1814, Paris est assiégé. Turelure, commandant des forces armées, est à même de donner le pouvoir au roi Louis XVIII. Il s’engage à le faire, à condition que Georges signe un renoncement à tous ses droits, y compris à son nom, en faveur du fils qu’il a eu avec Sygne. Cette dernière doit faire accepter ces conditions à son cousin, qui vient comme émissaire royal. Georges fait de violents reproches à Sygne, mais accepte de parapher les papiers. Il tente de donner la mort à Turelure, mais blesse à mort Sygne, pendant que lui même est assassiné par Turelure. Sygne, avant de mourir, refuse de revoir son fils et de pardonner à Turelure, risquant la damnation.



Malgré le contexte historique, un aspect très romanesque aussi (enlèvement du pape, siège de Paris etc) la pièce est en réalité très simple dans son déroulé. Elle se compose de violents affrontements entre des personnages antagonistes, qui symbolisent des forces, des attitudes, des positions idéologiques opposées à l’extrême. C’est donc très dramatique, très intense, Claudel peint des instants d’une grande violence, où ses personnages sont saisis dans des moments paroxystiques qui les résument et en donnent la quintessence. Comme toujours chez Claudel, les personnages sont plus des symboles, des métaphores que des vraies personnes, et leurs positionnements expriment bien plus qu’un sentiment ou ressenti individuel. Même si, Georges dans son amertume et orgueil, Sygne dans sa force et son refus de plier, Turelure dans sa roublardise, son opportunisme et son cynisme, sont un peu plus de chair et de sang que d’autres figures claudéliennes.



Encore une très belle réussite de Claudel.
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Théâtre IV : Le repos du septième jour - L'Agam..

Claudel écrivit cette pièce assez rapidement, alors qu’il se trouvait en Chine, pendant les années 1895-1896. De façon très exceptionnelle dans sa production, la pièce n’a pas été reprise. Elle a été publiée dans le recueil L’Arbre en 1901. Elle a été créée en 1928 à Varsovie, au Théâtre National (Teatr Narodowy), je n’ai pas vraiment trouvé des informations sur ce que pouvait être cette création. Dans les années 50 du vingtième siècle elle a connu des mises en scène en Allemagne, avant d’être enfin créée en France en 1965 dans une mise en scène de Pierre Franck.



La pièce est découpée en trois actes. Dans le premier, l’Empereur de Chine s’inquiète : les morts remontent sur terre, et menacent d’envahir les vivants. Le souverain essaie de comprendre ce qui se passe, un Nécromant fait apparaître le fantôme de l’empereur Hoang-Ti avec qui dialogue l’Empereur sans arriver à résoudre le problème. Il décide de descendre au royaume des morts pour comprendre ce qui se passe et quel pourrait être le remède. Le deuxième acte se passe chez les morts, dans le noir. L’Empereur dialogue successivement avec sa mère, puis avec un démon qui tente de l’effrayer et de l’égarer. Survient l’Ange de l’Empire, qui finit par donner la solution : il faut respecter le repos du septième jour, signe de ralliement à Dieu. Au troisième acte, le prince, héritier de l’Empereur à qui il a confié son royaume, est aux abois. Un soulèvement généralisé va l’emporter demain. Le prince invoque son père, qui se manifeste. Il annonce qu’il va terrasser les rebelles, et donner les instructions à suivre au peuple, ce qu’il fait le lendemain, avant de retourner au monde souterrain, mais en laissant le bâton de commandement royal, transformé en un symbole de la croix.



Nous sommes dans une Chine de conte, un pays ancestral et mythologique, qui n’est pas sans rappeler le monde de la Grèce antique, avec son voyage aux pays des morts, au cours duquel l’Empereur dialogue avec différents personnages, avec ses pratiques magiques, avec le roi masqué, avec la présence de nombreux personnages de cour, qui ont quelque chose d’un choeur de tragédie. Un monde païen, sans le dieu « véritable » dont l’Empereur aura en quelque sorte la révélation dans son voyage aux enfers, d’où il reviendra avec le commandement biblique du respect du repos du septième jour. Il reviendra marqué par la lèpre, mais ses stigmates, plus qu’une malédiction, sont un signer d’élection : c’est par la souffrance et le sacrifice que s’accomplit le salut de son peuple. Le voyage initiatique du souverain lui révèle successivement la nature du mal, leçon délivrée par le démon, puis la voie du salut par la voix de l’ange.



La pièce est extrêmement simple malgré la présence de nombreux personnages, la descriptions de costumes et décors somptueux. Elle a un côté grandiose et majestueux, mais aussi un aspect très épuré. La langue, la poésie de Claudel peuvent s’exprimer pleinement dans ce cadre, et frappent d’autant plus dans une action très minimaliste, qui dans son découpage symbolise le passage de l’ignorance à la révélation, de la vie égarée à la mort, avant de revenir à la vie véritable.



C’est très impressionnant.
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L'annonce faite à Marie

Cette pièce est très importante dans l’oeuvre de Paul Claudel, il s’agit de la première pièce de l’auteur à être jouée, ce qui va changer son rapport à l’écriture, et permettre une vraie diffusion de son œuvre, une rencontre avec un public. L’annonce faite à Marie a vraiment été écrite pour la scène : en 1909, le projet de monter La jeune fille Violaine est soumis à Claudel par le biais d’André Gide qui assure les intérêts littéraires de Claudel en France (qui à ce moment est en Chine). Claudel refuse, et propose de refondre son œuvre. Il reprend le texte de La jeune fille Violaine, en garde la trame, mais apporte de nombreuses transformations.



La pièce est dénommée « mystère en 4 actes et un Prologue ». Dans le prologue, Violaine rencontre Pierre de Craon, le bâtisseur d’églises la nuit. Il l’a aimé, elle l’a repoussé, car elle aime son fiancé, Jacques. Elle lui exprime son pardon, et lui donne l’anneau d’or que Jacques lui a donné pour aider à la construction d’une église. Pierre lui avoue qu’il est devenu lépreux, ce qu’il vit comme un châtiment de son désir. Au moment de leur séparation, Violaine l’embrasse. Mara, sa sœur, cachée dans l’obscurité assiste à la fin de la scène.



Au premier acte, Anne Vercors, le père de Violaine et Mara annonce à son épouse qu’il a décidé le mariage de Violaine et de Jacques. Son épouse essaie de lui faire comprendre que Mara est amoureuse de Jacques et que le mariage de sa sœur risque de la pousser aux dernières extrémités. Mais Anne est décidé à faire le mariage le plus rapidement, d’autant plus qu’il veut partir immédiatement en pèlerinage à Jérusalem. Mara menace de se tuer, et demande à sa mère de parler à Violaine pour la dissuader de se marier avec Jacques. Anne ramène Jacques, Violaine exprime son accord au mariage, Anne dit adieu à sa famille avant de partir.



Au deuxième acte, Mara intrigue. Elle a révélé ce qu’elle a vu entre Pierre et Violaine à Jacques, qui ne la croit pas, et fait pression sur sa mère pour qu’elle transmette ses menaces de se tuer à Violaine. Violaine parle à Jacques, elle lui révèle qu’elle est devenue lépreuse. Jacques interprète cet aveu comme une confirmation de liens entre Violaine et Pierre, et décide la mettre dans une léproserie et ne pas l’épouser.



Au troisième acte, Mara vient à l’endroit où vit Violaine, lépreuse et aveugle. Sa petite fille est morte, et elle espère, que Violaine va la ressusciter. C’est la nuit de Noël, une étrange nuit entre la musique et les chants religieux, et le dialogue entre les deux sœurs, entre le profane et le sacré. Au matin, la petite fille est vivante, Violaine l’a d’une certaine façon de nouveau mise au monde.



Au quatrième acte, Mara vient de tuer Violaine. Pierre de Crayon guéri de la lèpre, la ramène agonisante dans la maison familiale. Elle révèle à Jacques se qui s’est vraiment passé et lui demande de pardonner à Mara. Pierre l’amène mourir ailleurs comme elle le souhaite. Anne de Vercors revient, lui et Jacques pardonnent à Mara.



Les transformations que Claudel a fait subir à La jeune fille Violaine vont à la fois dans le sens d’une simplification et d’une complexification. Une simplification de l’intrigue, qui devient plus limpide, moins conte sans doute, moins mélodrame aussi, des personnages qui sont plus humains, moins chargés, Mara n’est plus complètement cette sorcière méchante et cruelle de bout en bout, on sent poindre en elle une souffrance, une aspiration à quelque chose qu’elle ne peut saisir ; Pierre de Crayon n’est plus cet ange immaculé mais devient un homme, avec des désirs coupables, une violence possible.



En même temps, les niveaux d’interprétation et les parallèles sont plus nombreux. L’histoire se passe maintenant au Moyen-âge, nous sommes à l’époque de Jeanne d’Arc, dont le sacrifice et la mort vont sauver le pays, comme le sacrifice et la mort de Violaine vont sauver les membres de sa famille. C’est au final Mara qui révèle Violaine à elle-même en lui permettant de réaliser le miracle, et restaurer ainsi un espoir, un ordre du monde, alors que le roi Charles VII devient le souverain français et que la papauté sort du grand schisme d’Occident (les dates ne concordent pas complètement entre les deux en réalité, mais Claudel s’est autorisé un petit anachronisme pour renforcer sa symbolique).



La simplicité de l’action, un côté hiératique aussi, sont au final d’une grande efficacité dramatique. La pièce est sans conteste une réussite, elle a une grand cohérence et une grande force. Elle a souvent été mise en scène, c’est une des œuvres phare de Claudel, incontestablement à juste titre.
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L'échange

Claudel a écrit la première version de cette pièce à la fin du XIXe siècle, alors qu’il se trouvait aux USA, au début de sa carrière diplomatique. Elle paraîtra en 1901 dans le recueil l’Arbre. Il va la remanier dans les années 50 du vingtième siècle, pour Jean-Louis Barrault qui souhaitait la monter. Elle avait déjà été jouée : dès 1914 Jacques Copeau la monte eu Théâtre du Vieux Colombier, et elle avait connue ensuite plusieurs autres mises en scènes.



Nous sommes sur la côte est des Etats-Unis, au bord de la mer, dans la propriété d’un riche homme d’affaires, Thomas Pollock Nageoire. La propriété est surveillée par Louis Laine, un métis Indien. Il a épousé en France une jeune femme, Marthe, qui l’a suivi jusque là, mais elle est inquiète, elle a peur qu’il ne la quitte. Le propriétaire arrive, avec une jeune femme, peut-être son épouse, Lechy Elbernon, une actrice. Une liaison se noue entre Louis et Lechy. Thomas est fasciné par Marthe ; il propose à Louis de l’argent pour qu’il l’abandonne. Louis finit par accepter. Lechy se moque de Marthe et lui révèle sa liaison avec Louis. Mais Louis revendique avant tout sa liberté, et s’apprête de partir seul. Lechy le menace, ce qu’il ignore. Lechy va le faire tuer, et incendie la maison de Thomas, ce qui provoque sa ruine. Marthe rend l’argent que Thomas avait donné à Louis et prend en charge ses obsèques.



Une pièce relativement sobre et dépouillée, avec seulement quatre personnages, loin des foisonnements baroques habituels de Claudel. Il a peut-être été inspiré par les traductions d’Eschyle qu’il faisait au moment de la rédaction de la pièce. Mais Claudel entrecroise, comme à son habitude, plusieurs niveaux dans la pièce. Une sorte de sordide vaudeville, entre adultère, et surtout la vente de Marthe par Louis, la description d’une société mue par l’argent, le goût du profit rapide, l’attribution d’une valeur marchande à tout, y compris aux êtres, un meurtre provoqué par la jalousie. Mais aussi un questionnement sur les valeurs : celles de l’argent opposés à quelque chose de spirituel, qui échappe au matérialisme grossier. Thomas ressent comme un obscure besoin d’échanger son monde matérialiste contre autre chose, que symbolise Marthe. C’est au moment où il perd tout, dans l’incendie, qu’un rapprochement avec Marthe peut s’esquisser. Louis qui aspire à la liberté, qui refuse tout lien, finit par périr victime de ce qui ressemble davantage à une tentative de fuite qu’à une libération. Le seul personnage inébranlable, fidèle à elle-même du début jusqu’à la fin, est Marthe, qui dans son aspiration à servir, trouve la vraie liberté.



Claudel, dans une lettre à Marguerite Moreno, indiquait qu’il était d’une certaine façon les quatre personnages de la pièce, les facettes contradictoire de sa personnalité et de ses aspirations, s’opposant dans l’opposition des quatre protagonistes. On trouve à la lecture une sorte de complémentarité dans le quatuor, une polyphonie qui s’unit. Bien sûr, comme dans les autres œuvres de Claudel, nous ne sommes pas dans une description psychologique, les personnages sont plus des métaphores, des idées qui s’opposent et se complètent que des véritables êtres de chair et de sang, mais néanmoins, l’Echange est plus proche d’un récit avec une intrigue qui adopte des schémas familiers au lecteur et spectateur. Associé à la relative sobriété évoquée précédemment, cela rend sans doute la pièce plus facile à représenter que d’autres pièces de l’auteur.
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La jeune fille Violaine

Une pièce dont il est difficile de reconstituer la genèse : Claudel aurait commencé une première version en 1892, qu’il aurait achevée vers 1893. Mais des bribes d’une version antérieure subsistent. Cette « première version » ne sera publiée qu’en 1926 ; entre temps, à son habitude, Claudel aura retravaillé le texte pour aboutir à une « seconde version » qui paraît dans le recueil l’Arbre en 1901. La première mise en scène de l’oeuvre ne verra le jour qu’en 1944, et le texte n’inspirera que peu de metteurs en scène ensuite.



La deuxième version de la pièce est écrite à un moment charnière de la vie de Claudel, alors qu’il envisage le choix de la vie monastique qui lui sera refusée, et qu’il revient en Chine en faisant sur le bateau la rencontre de Rosalie Vetch, la femme de sa vie, avec qui il vivra pendant quelques temps une passion adultérine, et qui lui inspirera un certain nombre d’oeuvres, dont Le soulier de satin. La question de la foi est devenue centrale dans la vie de Claudel, et encore plus la façon de vivre cette foi. L’interrogation du rapport à Dieu sera essentielle dans La jeune fille Violaine.



Dans le premier acte, Pierre de Craon, un ingénieur, vient la nuit dans la maison des Vercors. La fille aînée, Violaine, l’entend et vient à sa rencontre à la fenêtre. Ils se sentent très proches, ils évoquent le prochain probable mariage de Violaine avec Jacques Hury, et Pierre communique à Violaine sa conviction que l’amour s’accomplit dans le don de soi, à l’imitation du Christ. La jeune sœur de Violaine, Mara, surprend le baiser que Pierre dépose sur la joue de Violaine en guise d’adieu. Anne Vercors, le père de Violaine, annonce à son épouse qu’il part pour les Etats-Unis, suite au décès de son frère, pour prendre en charge sa famille. En attendant, il a décidé le mariage de Violaine avec Jacques, qui doit avoir lieu immédiatement. Son épouse tente de le retenir, et de le dissuader de ce mariage : Mara, la sœur de Violaine, est amoureuse de Jacques. Mara, qui a entendu la conversion, adjoint à sa mère d’aller voir Violaine pour la dissuader du mariage, en la menaçant de se suicider s’il a lieu. Anne revient avec Jacques, Violaine exprime son accord pour le mariage.



Au deuxième acte, après le départ du père, la mère a parlé à Violaine de la menace de Mara. Mara laisse entendre à Jacques que Violaine a eu une intrigue amoureuse avec Pierre de Craon, en évoquant le baiser. Violaine annonce à Jacques son souhait de rompre le mariage, il lui fait des reproches sur son supposée infidélité, mais se déclare prêt à l’épouser quand même. Elle refuse toujours. La mère, apprenant la perfidie de Mara, est prête à dénoncer ses manigances, mais elle a une attaque. Mara fait signer à Violaine un renoncement à son héritage, la rend aveugle en lui jetant de la cendre du foyer dans les yeux et la chasse de la maison.



Au troisième acte, Mara, avec son petit garçon né aveugle, cherche à retrouver Violaine, supposée faire des miracles. Cette dernière vit dans les bois, dans une misère extrême. L’échange entre les deux sœurs tourne au dialogue de sourds, Violaine proclame l’importance de la foi, son rapport à Dieu, le rôle purificateur de la souffrance, alors que Mara n’escompte qu’un bénéfice matériel et trivial. Mais Violaine finit par guérir Aubin, le fils de Mara.



Au quatrième acte, nous sommes de nouveau dans la maison des Vercors, Mara vient de rentrer, après avoir, pense-t-elle, tué Violaine. Mais Pierre de Craon arrive avec Violaine sur une civière, mourante. Violaine a un échange avec Jacques, et lui raconte ce qui s’est passé. Il lui reproche de ne pas l’avoir aimé suffisamment pour lui avoir avoué la vérité à l’époque, et l’avoir laissé épouser Mara. Violaine lui parle de sa foi, et pardonne à Mara. Elle souhaite partir, pour mourir seule. Anne Vercors revient, Jacques lui raconte les faits. Pierre de Craon annonce la mort de Violaine. Il explique son changement de vocation d’ingénieur en architecte, architecte d’une église, mystique et métaphorique qu’il décrit longuement.



Le récit de la pièce s’apparente au mélodrame, et aussi au conte, avec le motif des deux sœurs, une bonne et l’autre mauvaise et égoïste. Mais le texte se nourrit des lectures théologiques faites par Claudel à l’époque (en particulier St Augustin) et transforme le mélodrame et le conte en une méditation sur le divin. Mara devient ainsi le mal nécessaire, celui qui permet à Violaine de vivre avec Dieu, et de réaliser sa sainteté, symbolisée par la guérison qu’elle opère sur Aubin. Le pardon final est donc une évidence. Se superposent Violaine retirée dans la forêt, la cathédrale mystique de Pierre de Craon, l’Epouse élue du Cantique des cantiques, et l’Église. Le retrait dans la souffrance, la pauvreté  et la solitude est le chemin qui mène à Dieu, et quelque part à la réalisation de l’individu, qui par le renoncement arrive à la plus grande des richesses et des félicités.



Très poétique et lyrique, le texte de cette pièce est somptueux.
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