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Critiques de Pedro Mairal (34)
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El año del desierto

Avec cette mystérieuse intempérie qui s'abat sur l'Argentine, Pedro Mairal travaille les mémoires et le pouvoir de renaître au silence, bâtit une métaphore hallucinante des crises récentes mais aussi toutes celles traversées par son pays au cours de son histoire, mais surtout, au travers de ces martyrs à qui la répression ne laisse qu'un oeil, Mairal laisse dans le sillage de ce livre l'image même de l'écrivain : écrire envers et contre tout, pour dire.
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El Gran Surubi

Je vous propose de nous plonger dans un livre d’images, format paysage, concocté par Pedro Mairal et Jorge González. L'histoire ? Une terrible fable, où ce poisson titanesque revêt bien des rôles... La suite de cette chronique à découvrir sur mon blog :
Lien : https://notesvagabondes.word..
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El Gran Surubi

Comment en parler ? C'est toujours la question qui "flotte" quand le livre refermé, il faut trouver un peu de recul, de sérénité après une immersion dans une oeuvre qui a ému, arriver à ordonner touts les feux d'artifices, les connexions avec d'autres oeuvres qui ont affleurées, en tournant les pages...

Lu d’une traite, et, déjà, repris plusieurs fois.



Plongé dans un monde cauchemardesque, basculement cul par-dessus tête dans un monde dictatorial, sans issue, avec la peur la plus froide qui immerge dans ses eaux marécageuses et boueuses.



En premier visuel, le livre est beau, bien équilibré, format à l'italienne.

Six chapitres, en double-pages légères, aérées mettant en valeur et le texte et les dessins, scandant en douceur et fermeté le récit : une pleine page pour l'illustration, l'autre pour le texte et quelques graphismes.



Quant au texte, ce sont des sonnets de Pedro Mairal, toujours présentés sur le tiers gauche de la page, avec immédiatement en dessous, en italiques, le texte original. C’est une colonne, une colonne qui assoit le récit dans sa verticalité. Inconsciemment, le lecteur s’y appuie, y reprend souffle. Ou l’espace restant sur la page du texte est vide, ou, un ou deux petits dessins soulignent le récit. Souvent l’espace est libre et donne encore plus d’éclat et de force au dessin de la contre-page ; là, pas de marge, le dessin occupe tout l’espace et nous fait plonger dans son rêve cauchemardesque (celui de l’auteur et du dessinateur).



Je ne connais pas l’espagnol, mais j’ai apprécié la traduction de Thomas Dassance qui a su transmettre et le lyrisme et la cruauté du récit.



Pedro Mairal construit un récit sur une réalité noire de son pays : l’Argentine de la dictature militaire et de la famine et de la misère de la fin du vingtième siècle. Y a-t-il un fond de vérité ? Je pense que oui, sur la façon brutale de recruter des marins pour la chasse au grand Surubi .



C’est un récit mythique, et somptueux, comme « Le vieil Homme et la mer », avec ce grand plus, de le situer à notre époque.

Etrangement, pour moi, il résonne avec la chanson de Charles Trenet « Je chante », comme le double enfantin et charmant de cette odyssée sans retour.



Quand Pedro Mairal écrit :

« Personne ne te sortirait de ce guêpier,

Y’avait pas de message ni d’ADSL,

Ni de demande à l’aide exceptionnelle,

Tu étais un entre tous, tu étais un poulet. »,

ce sont aussi tous ces otages raptés par quelques groupes armés, ceux qui font la une de nos journaux et dont il est difficile d’entrevoir l’isolement deshumanisant.



Bien sur, on pense à Hemingway, mais dans le « Vieil Homme et la mer » c’est un combat courageux et plein d’honneur tant pour la bête que pour l’homme. Ici, il n’y a pas d’honneur. Ce n’est même pas une lutte pour la survie. Ils sont enrôlés, entassés, humiliés, réduits à l’état de bêtes sauvages, et peut leur chaud qu’ils pêchent pour nourrir leurs concitoyens, les sauver de la famine. Celui-là qui s’en tirera, coupable et humilié, n’est pas mieux que les autres, aussi avili que ces compagnons, que ses gardes. Juste motivé par l’envie de sauver sa peau, ou plutôt d’éviter un enfermement encore pire que celui qu’il vit.



La beauté du texte est équilibré par la beauté du graphisme. Jorge Gonzales utilise des graffitis, ceux que l’on trouve maladroitement gribouillés sur un vieux mur couvert de salpetre, ceux d’une cellule, les tôles rouillées d’une épave, ou les parois métalliques d’un entrepôt plus ou moins désaffecté. Gribouillis qui évoquent la solitude et la douleur d’hommes utilisés, épuisés, désespérés.

Sa palette ce sont des bruns de rouille, des rouges de boue et du gris anthracite comme celui de l’acier. La majorité de l’action se passe sur un fleuve mais il n’y a pas de bleu et le vert clair apparaitra à la fin du récit. Et pas de ciel bleu ! Obscur est le jour.

Sur ces fond sombres se détachent des silhouettes d’hommes, presque toujours éclairés par de la lumière, qui réchauffe et humanise même les trognes des tortionnaires.

Jorge Gonzales nous plonge (presque au sens premier du terme) dans un monde étouffant et cauchemardesque, une ambiance misérable d’où va émerger une lumière. Celle apporter par la confiance en un autre, à un animal, à la nature qui va, au sortir de l'eau marécageuse va le revêtir de blanc " Et avec l'argile je me suis retrouvé tout blanc". Mais cette fausse blancheur ne trompera pas l'enfant pas encore femme, qui lui portera secour et lui fera croire à d’autres possibles.



Comment se fait-il qu’avec un tel récit, de tels graphismes, je garde un souvenir lumineux de cet ouvrage ? Et bien, tout de suite, je n’ai pas de réponse. C’est un peu …comme une magie, un délicieux envoutement.



Cet ouvrage est un véritable cadeau, de la Masse Critique de Babelio et de l’éditeur ; avec un merci tout particulier et joyeux à Nicolas pour la petite carte glissée dans le livre et m’en souhaitant bonne lecture. Ce fut une merveilleuse lecture.

Et puis, avec un tel nom d’édition : « Les Rêveurs » qui aurait pû mieux publier une si belle BD ?

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El Gran Surubi

Merci à Babelio et aux éditions « Les Rêveurs » pour ce magnifique livre illustré, tant par sa qualité graphique que par sa qualité littéraire. Tout particulièrement merci à Nicolas pour la petite carte insérée au sein de « El Gran Surubi ».



J’ai reçu cet ouvrage dans le cadre de l’opération Masse Critique au mois de décembre, je l’ai lu directement… Mais une chronique sur un tel livre, si riche, m’a pris pas mal de temps. Un temps de réflexion pour en parler au mieux, pour décortiquer « El Gran Surubi », une histoire très étrange sur fond d’Amérique Latine.



Un homme, au sortir d’une relation amoureuse, se sent démuni face à cette vie qu’il ne considère plus comme la sienne puisque la femme qu’il aimait l’a quitté sans possibilité de retour en arrière. Les seuls moments de paix sont les parties de football avec ses amis. Il respire enfin le temps d’un match. Tout à coup, son unique moment de liberté et de fraîcheur prend fin lorsque des militaires viennent interrompre cette partie de plaisir afin d’enrôler tous les hommes présents dans une bataille : chasser le grand Surubi. Puis le récit s’obscurcit et laisse place à un univers de terreur. Cette pêche se transforme peu à peu en un embrigadement militaire. Les illustrations s’assombrissent et donnent à l’histoire un côté encore plus horrible. Le lecteur se sent mal à l’aise, plongé dans un monde oppressant, à la limite du fantastique, face à la cruauté de l’Humanité. Les hommes deviennent des appâts vivants pour attraper ce mythique poisson des eaux latino américaines, qui peut mesurer jusqu’à un mètre soixante-dix et peser jusqu’à cinquante kilos.



Je suis réellement restée muette à la fin. Que penser d’un tel livre ? D’un livre qui fait appel à tellement d’émotions, rempli de symboles… J’ai toujours apprécié la littérature latino américaine, elle est, pour moi, toujours poétique et a cette petite pointe de réalisme magique que l’on peut retrouver chez certains auteurs comme Gabriel Garcia Marquez ou encore Carlos Fuentes. C’est une des plus belles littératures au monde. Ici, Pedro Mairal, romancier et poète argentin, descend tout droit de cette tradition littéraire en insérant un élément extraordinaire, surnaturel, dans un monde complètement réaliste : un gigantesque poisson supposé mangeur d’hommes est chassé dans une Argentine en pleine famine, les hommes deviennent des leurres, le lecteur est à la limite de plonger dans un autre univers. Un univers cruel et sombre, magnifiquement rendu par les illustrations de Jorge Gonzalez, avec une palette de couleurs toujours en adéquation avec le texte, toujours aussi poétique que le texte.



Le lecteur est plongé dans un monde de cauchemars mais toujours poétique. Le texte est composé de soixante sonnets, découpé en chapitres, qui m’ont transportée d’une émotion à une autre. La beauté des mots m’a beaucoup touchée, j’ai vraiment été sensible à cette alliance de mots, de rimes, de sonorités. « El Gran Surubi » est une version bilingue, par conséquent, j’ai pu apprécier la version originale en espagnol, aux sons différents. A noter que la traduction a su rendre parfaitement toute la poésie du texte de Mairal.



Cet ouvrage est plein de références historiques et littéraires. L’histoire de l’Argentine, de la crise, de la dictature est omniprésente. Une histoire torturée. La tension politique est palpable, le pouvoir oppressant et opprimant. Comment ne pas penser également à Ernest Hemingway avec « Le vieil homme et la mer » et son combat courageux, à Melville et son « Moby Dick ».



« El Gran Surubi » est un très beau livre avec un texte d’une grande qualité littéraire et aux illustrations soignées. Un livre ciselé avec finesse. L’avantage des opérations Masse Critique est d’avoir accès à des livres à côté desquels nous serions peut-être passés. Pour cela, merci encore, car j’ai passé un grand moment de lecture plaisir.
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El Gran Surubi

Jamon Paz rêve d'une vie qui ne serait pas la sienne. Une vie qui ne serait faite ni de désillusions, ni de tristesse. Par lâcheté ou par désespoir, il voudrait mourir sans le vouloir vraiment. Seuls, les moments qu'il passe avec ses amis à jouer au foot, le désintoxiquent de sa vie désespérée. Peu importe qu'il soit mauvais footballer, le plaisir de rigoler avec les copains compense les peines et les frustrations liés à ses déboires conjugaux. Jusqu'à ce fameux jour où il marque un but. Les flics débarquent en plein match et réquisitionnent toute l'équipe pour un sport bien différent : celui de la pêche au grand surubi. Ce jour de gloire éclipsé par la concrétisation du rêve prémonitoire de Ramon, marque le début d'une obscure odyssée : enrôlés de force par l'armée argentine, les jeunes gens doivent partir à la chasse du légendaire poisson-chat pour nourrir la population affamée de Buenos Aires. Lorsque Ramon est embrigadé pour la pêche au surubi, il se sent allégé mais son soulagement fait vite place à la surprise puis à la peur. Ne croyant qu'à moitié aux légendes qui circulent autour du géant marin, Ramon réalise soudain à la vue de l'oeil de la bête, qu'il s'agit bien d'un monstre dont la puissance doit être incroyable. La difficile partie de pêche qui s'engage ressemble plus à une âpre lutte entre les hommes et l'animal. A la différence du merveilleux combat de Santiago avec le merlin d'Ernest Hemingway (cf. Le vieil homme et la mer, l'un des premiers livres qui m'aient donné le goût de la lecture), celui des argentins contre le grand surubi n'a rien d'une pêche même sportive. Il verse dans l'horreur lorsque les cheftains décident de changer d'appâts... Mettant sa poésie au service de ce beau et sombre récit, Pedro Mairal prête à son héros désabusé les mots suivants : "Mon récit est simple et ne prétend pas, Devenir une fable ou tout comprendre, Je veux juste raconter ce que je vis. Le fleuve, dieu, la mort, le Surubi." Magnifié par les inquiétantes illustrations de Jorge Gonzales, El Gran Surubi convie le lecteur à une incroyable et sinistre partie de pêche... Un hallucinant voyage poétique et graphique qui confirme que les monstres à abattre ne sont pas toujours ceux que l'on croit...



Pour raconter l'histoire d'El gran surubi, Pedro Mairal a choisi de découper son récit en six chapitres composés chacun de dix sonnets (soit soixante sonnets au total). Cette technique narrative à laquelle je n'ai jamais eu l'occasion de me frotter à part pour L'Illiade et l'Odyssée d'Homère, est parfaitement maîtrisée par l'auteur argentin : en seulement quelques courts sonnets, il parvient avec brio à développer une intrigue romancée bien ficelée qui pique très vite la curiosité du lecteur. Le travail d'illustration de Jorge Gonzales vient couronner le tout en apportant une dimension troublante par des dessins dont j'apprécie particulièrement le traitement sur le contraste des lumières et le travail sur les couleurs. En outre, si le récit d'El gran surubi peut parfaitement s'apprécier d'un point de vue purement textuel, la plus-value apportée par les illustrations de Jorge Gonzales et le superbe travail de mise en parge réalisé par les éditions Les Rêveurs, subliment cette fiction. Mais l'agréable surprise relative à la découverte de ce bel ouvrage illustré ne s'arrête pas là car pour les lecteurs hispanophones, notons que l'édition proposée est bilingue. Cette intention qui met intelligement en valeur le difficile travail du traducteur (en l'occurrence Thomas Dassance pour la présente traduction), méritait également d'être soulignée. Pour ces raisons, El gran surubi est assurément un livre peu conventionnel qui trouvera j'en suis sûr, une belle place sur vos étagères.



Enfin, je voudrais grandement remercier Babelio et les éditions Les Rêveurs qui m'ont témoigné leur confiance en m'offrant ce livre et en me confiant la rédaction de sa chronique (Opération Masse Critique).
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L'intempérie

C’est le deuxième roman de Pedro Mairal, publié en 2005 et réédité en 2023.

C’est un roman total, une fable dystopique allégorique, un voyage vers le futur d’une force incroyable. Vingt années sont passées et cette dystopie est presque crédible avec le réchauffement de la planète Terre, une pandémie récente et d’autres malheurs qui nous donnent un avant goût d’apocalypse.



C’est un livre intéressant et bien conçu. La temporalité du récit se fait sur un an de la vie de Maria Valdés, l’héroïne, et dans cet espace de temps l’auteur fait défiler 2 siècles de l’Histoire argentine. Ce livre a aussi une structure circulaire car il débute et finit au même endroit : la Tour Garay au coeur de Buenos Aires. Nous sommes en 2001 quand l’Argentine entame une nouvelle crise politico-économique.



Le coupable de la crise dans cette dystopie est un phénomène que l’écrivain appelle l’intempérie, sans donner d’autres détails. Un phénomène qui commence dans la pampa et se propage vers la capitale, détruisant tout sur son passage. Ceci provoque des flux de populations vers Buenos Aires avec désordres, du chaos, des agressions et des vols à la chaîne. Commence alors une guerre civile avec des gens qui vont se retrancher dans une capitale totalement assiégée et coupée du reste.



Maria Valdés travaille dans une financière haut de gamme au moment où l’Argentine vit un néolibéralisme sans frein.

Mais peu à peu le monde de Maria va basculer et elle perdra tout : l’emploi, son fiancé, la maison familiale, les amis, même son corps et son langage.

Afin de survivre au chaos, elle devra s’adapter à une nouvelle forme de vie : d’hôtesse bien payée d’une filiale internationale elle deviendra tour à tour lavandière, fabricante de cierges, éboueuse, infirmière, employée de maison, prostituée, chanteuse, assassine, fermière, professeur rural, esclave sexuelle et femme d’indien.



Il y a beaucoup de références dans le livre : géographiques, historiques, sur Buenos Aires, littéraires, etc. Et Maria pourrait correspondre au prototype de la femme argentine de classe moyenne ou basse, toujours courageuse pour se battre. Il y a aussi profusion de clins d’oeil culturels argentins.

Au bout de un an d’intempérie, la Tour Garay tient toujours débout, mais les quelques rescapés que s’y terrent sont devenus cannibales afin de survivre et cette grande ville qui est Buenos Aires sera transformée en ville d émigrants alors qu‘elle est connue comme une ville d’immigration.



Un livre qui narre de façon allégorique l’Histoire d’un pays qui va à la dérive.




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L'intempérie

Au début du XXIe siècle, un phénomène, l’Intempérie (ou le Désert en version originale), dévaste l’Argentine. Voilà l’argument du troisième roman de Pedro Mairal, écrit juste après la crise argentine de 2001.



Dès le prologue, des éléments sont mis en place, qui trouveront leur explication au fil des pages. Nous sommes en présence d’une femme, dans un monde anglo-saxon : on parle anglais, la topographie urbaine est celle de la vieille Europe. Cependant le personnage est hispanophone et étrangère. Elle se présente comme dépositaire d’une mémoire et vit hors du temps, ce qu’illustre son travail de bibliothécaire.

Son histoire est celle de son pays natal, l’Argentine. Elle nous est contée comme une métaphore. Maria, réceptionniste de 23 ans, vit à Buenos Aires. Mais une rumeur court dans la ville : l’intempérie avance, tout va être détruit. De fait, toute modernité disparaît, les êtres sont séparés et le pays s’enfonce en l’espace d’une année dans les temps les plus reculés de son histoire.



Ainsi, le lecteur voit passer le film de l’Argentine comme une cassette vidéo qui se rembobine. El futuro es primitivo affirme l’auteur lui-même. A l’époque récente et à son instabilité politique, succèdent les heures noires de la dictature, les guerres d’Indépendance, l’immigration du XXe siècle, l’exploitation des terres agricoles au XIXe siècle, les cultures indiennes exterminées et enfin l’arrivée des premiers colons européens au XVIe siècle. La langue elle-même reflète cette évolution : les amis de Maria retournent à l’italien et à l’anglais, les langues indigènes se développent à partir de l’espagnol en un renversement ironique, Maria ouvre le récit en évoquant son mutisme.



Tout cela est exprimé sans didactisme et le lecteur devra reconnaître lui-même les périodes décrites. Le rythme du roman est très rapide, lecteur comme protagonistes sont pris dans un tourbillon temporel qui ne leur laisse aucun répit.

Cette progression antéchronologique ancre l’Intempérie dans le genre fantastique.



Il faut aussi voir dans le roman une métaphore politique. La crise brutale de 1999-2001 conduit à la faillite de l’Argentine et le recul socio-économique est réel. Le pays, si riche un siècle auparavant, passe du côté du Tiers-Monde. Il n’attire plus d’immigrants. Bien plus, nombre d’Argentins prennent le chemin inverse de leurs ancêtres, en gagnant l’Europe.



Nous n’aurons pas beaucoup de précisions sur ce qu’est ce « désert » qui détruit tout sur son passage : la corruption est physique et géographique, mais aussi humaine et violente. Ce thème est d’ailleurs devenu un topos de la littérature de crise argentine. La violence exprimée n’est pas liée aux narcotrafiquants, par exemple, mais à la déchéance du pays.



Maria, la narratrice, est prise au piège de cette régression. Figure de la jeunesse de son pays, elle ne comprend pas ce qui arrive, et ne peut qu’y assister, impuissante. Elle devient la mémoire vive de ses contemporains. C’est elle qui ne cesse de nommer les gens et les lieux de façon très précise : quartiers de Buenos Aires, rues, fleuves, port, banlieue. Elle tente de retrouver une familiarité dans des paysages ravagés. Elle remplace la voix des personnes anesthésiées ou tuées par la crise.



L’auteur s’est également amusé à introduire une grande intertextualité dans ces évocations : les lieux et les personnages nommés sont également issus d’une Buenos Aires littéraire, empruntée à d’autres œuvres.

En tant que femme, Maria ne va pas combattre au front et devient le témoin privilégié des évolutions sociales de son pays. Ainsi, elle voit décroître les droits des femmes, se développer le racisme, encore prégnant aujourd’hui, envers les populations indigènes du Nord.



Elle-même d’origine européenne, à la fois Irlandaise et Espagnole, Maria se sent avant tout Argentine. Elle commence par refuser son retour en Europe. L’anglais, qu’elle maîtrise, n’est cependant pas sa langue maternelle, elle qui a été privée de mère très jeune. Le personnage devient le symbole d’une jeunesse argentine en perte de repères durant la crise.
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L'intempérie

Je continue ma découverte de Pedro Mairal, après avoir lu Sabrina, l'uruguayenne et son recueil de nouvelles.



L'intempérie est certainement son roman le plus difficile d'accès, pas tellement par son écriture, mais plutôt par son style narratif. Mairal réussit la gageure de décrire une situation post-apocalyptique (l'intempérie détruit tout sur son passage, mais on ne saura jamais ce que c'est). Je dois bien avouer que je n'avais pas saisi que Maria recule dans l'histoire de l'Argentine, mais le remarquable billet d'Anjali84 en 2014 m'a ouvert les yeux.



J'ai également retrouvé du Kakfa dans ce livre.



Ce roman est à part dans l'oeuvre de Mairal mais vaut largement la peine que l'on s'y attarde.



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L'intempérie

Avec cette mystérieuse intempérie qui s'abat sur l'Argentine, Pedro Mairal travaille les mémoires et le pouvoir de renaître au silence, bâtit une métaphore hallucinante des crises récentes mais aussi toutes celles traversées par son pays au cours de son histoire, mais surtout, au travers de ces martyrs à qui la répression ne laisse qu'un œil, Mairal laisse dans le sillage de ce livre l'image même de l'écrivain : écrire envers et contre tout, pour dire.
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L'Uruguayenne

Sur conseil de Bookycooky, je continue mon aventure argentine, et une nouvelle fois, ce fut un conseil avisé!



J'aime énormément cet auteur contemporain qui nous relate l'aventure extraconjugale banale d'un quadra entrecoupée d'une expédition d'une journée à Montevideo moins banale...



Pedro Mairal arrive à dépeindre le quotidien de Mr et Mde tout le monde avec un réalisme saisissant. Sa description du déclin de la vie sexuelle d'un couple est terrible mais tellement réaliste. Ce livre n'est probablement pas à mettre dans les mains de jeunes gens en âge de se marier, ou alors ils seront tellement fleur bleue qu'ils affirmeront que cela ne leur arrivera pas, pas à eux:)



Foncez sans tarder sur l'Uruguayenne...

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L'Uruguayenne

Elles sont deux, qui me traitent en ami pour mieux m'enbobiner. Elles me lancent un hamecon en forme de critique, et moi con que je suis je mords tout de suite dedans (hame hame, con). Et derriere leur sourire a peine esqisse elles suivent de pres mon entortillement autour de ce texte qui enregistre les etapes de ma degringolade, du suicide de mon ego, le deboulement de mon effigie conquerante du piedestal qui l'avait toujours soutenue, pour me retrouver la tete et le coeur dans un ruisseau boueux, pleurnichant, quemandant une pitie que je ne fais meme pas, essayant de me relever a grand-peine, pour marcher tordu a jamais, le regard baisse, la bite molle. Elles jubilent.





Mais elles se trompent. Parce que ma crise de la quarantaine, je ne m'en rappelle plus. Si j'ai laisse au bahut mes habits de conquete, j'ai endosse ceux de l'association. Et je crane avec. N'ayant jamais reussi un look de jeune premier, j'arbore fierement celui de vieux dernier. Sans grands tourments, sans grand talent, devenu vieux sans etre adulte. Et elles feraient mieux de se mefier, car c'est toujours la tendre guerre, de l'aube grise jusqu'a la fin des tours, trois petits tours d'approche, trois petits tours de valse, trois petits tours indecis et le piege peut se fermer, les laissant s'empetrer dans mon reseau virtuel. J'ai mis a la consigne mon surplus de machisme arrogant mais, n'ayant jamais eu de drapeau, je ne leve pas le blanc. Je chancele, je titube, mais je continue ma marche hesitante. Pas seul mais entre d'autres, avec d'autres. Un peu courbe, oui, un peu courbature, mais encore fier en fait, et le temps me fait cortege, encore une fois sans grands tourments.





J'ai emprunte des mots a Brel, en l'ecorchant, pour pouvoir dire: je vous aime encore, vous savez, mes amies, je vous aime, malgre les lectures que vous m’imposez, grace aux lectures que vous me proposez, comme celle de ce livre, qui est un peu douloureux et plein d'espoir, qui est tendre et serieux et drole, le roman d'une crise existentielle, le roman d'un voyage au centre du moi, un voyage geographiquement court, de Buenos Aires a Montevideo, mais qui colporte le lecteur a mille lieues sous les apparences, qui le projette en mille lieux, tous loin de son ancien ego (c'est bon aussi pour la lectrice) tout en le faisant sourire. Un beau voyage.





P.S. Je me demande: mes amies ont elles apprecie autant que moi les references (les citations) au football uruguayien?



N. B. Ce P.S. sent le bon parfum des residus de mon machisme. Comme disait un voisin gitan: Pero que pehte mah guena! Quelle bonne puanteur!

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L'Uruguayenne

Lucas, écrivain, habite à Bueno Aires. Il est en route pour L’Uruguay où il se rend pour toucher ses droits d’auteurs sur ses livres qui vont être publiés à l’étranger, sur un compte ouvert à Montevideo, pour causes fiscales. Sur la navette, il entame un long monologue mental, s’adressant à sa femme Catalina. Le manque d’argent, ses jobs précaires qui le cloîtrent à la maison et l’obligent à s’occuper de son petit garçon , l’empêchant aussi d’écrire, alors que sa femme s’acharne au travail ( et autre part ?) ont miné leur vie de couple jusqu’au plumard. Il mise tout sur cet argent et sur sa rencontre avec la sulfureuse Guerra, une jeune uruguayenne, fantasmée et entrevue deux fois, pour redresser la barre de sa vie. Cette odyssée d’une journée va à jamais changer le cours de son existence et le forcer à prendre son destin en main.

Une parodie du mariage et une ode à la liberté, qui va nous faire tomber de haut, Lucas compris, “Je suppose que l’idée de famille s’est transformée. C’est un peu comme des blocs modulaires. Chacun l’organise comme il peut.”

C’es le dernier livre de Pedro Mairal , un de mes auteurs argentins préférés, (Tôt le matin, Une nuit avec Sabrina Love, L’intempérie, Sauveterre, tout est à lire chez lui). Rien de mieux pour se détendre et rire que l’humour et l’écriture rocambolesque de Pedro, dont je salue encore une fois ici, le talent et le style particulier .



« Lucas, on se fait un Pelicano ? »😃

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L'Uruguayenne

Histoire assez chaotique d'un homme, mal dans sa vie, looser, avec des dettes, écrivain sans succès, marié avec un enfant vivant en Argentine. Il décide de partir une journée en Uruguay retirer deux acomptes versés par des éditeurs en prévision de la sortie de 2 livres. Pourquoi l'Uruguay car le taux de change y est meilleur.

Plus qu'un voyage synonyme de danger, il va tenter de se sentir libre et vivre..... quelques rebondissements à prévoir.

Écriture agréable, riche mais l’histoire ne m’a pas accroché.
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L'Uruguayenne

Belle découverte que cet auteur. Une écriture riche qui porte bien l'émotion.

Je vais lire d'autres de ses livres pour voir si le plaisir se renouvellera.

À lire sans hésitation
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L'Uruguayenne

un exercice de style? une métaphore? ou simplement un court roman? agréable mais laisse un peu sur sa faim.
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L'Uruguayenne

Voici un roman facile à lire, il fait à peine 166 pages et il sonne si vrai...

L'auteur nous sert une histoire hyperréaliste, celle d'un écrivain argentin (homodiégèse?) vers la cinquantaine, marié avec un enfant, qui s'ennuie et déprime.

Il part en Uruguay chercher de l'argent pour des travaux, un argent qu'on lui paye en avance et qu'il pense doubler en utilisant le marché noir du dollar...(Ah, la combinazione argentine...).

Cet écrivain avait autrefois vécu en Uruguay une liaison torride avec une jeune femme de 20 ans qu'il va surnommer Guerre. C'était à l'occasion d'un Festival du Livre. Il est tombé éperdument amoureux de Guerre, de sa jeunesse.

Il fantasme à mort avec l'idée de revivre une aventure pareille en abandonnant femme et enfant si nécessaire.



Un film sera tourné en 2021par Hernan Casciari.
Lien : https://pasiondelalectura.wo..
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L'Uruguayenne

Le déclin du mâle latino-américain avait déjà eu les honneurs du Mexicain Enrique Serna dans Coup de sang. Avec L'Uruguayenne, l'Argentin Pedro Mairal lui bâtit un mausolée.

Lucas est un écrivain fauché homme au foyer et père inquiet. Sa femme maintient le ménage à flot grâce à son boulot dans une clinique. Miné par le syndrome de la page blanche, lassé d'être pauvre et dépendant, il constate chaque jour davantage l'échec de son couple, la fin de la passion, la routine qui mine un quotidien déjà bien morose. Il suppose que sa femme a une liaison et se raccroche au délicieux souvenir de la belle Guerra, une Uruguayenne excentrique qui fut une maîtresse, passionnée, sensuelle, disponible, bref, tout le contraire de sa distante épouse, et qui savait lui parler: « Quelle belle queue! Je vais être un peu basique, mais je suis presque sûr que rien ne plaît davantage à un homme que d'entendre cette phrase. Davantage que tu es un génie, je t'aime, ou n'importe quoi. »

Un jour, le destin lui sourit. L'argent d'un éditeur espagnol se présente et pour bénéficier d'un meilleur taux de change, Lucas décide de l'encaisser non pas en Argentine, mais dans le pays voisin l'Uruguay, et de renouer par la même occasion les liens avec la belle Guerra. Mais il faut se méfier de la « Suisse de l'Amérique »:

"Faut faire gaffe avec l'Uruguay, surtout si tu débarques persuadé que c'est comme une province argentine mais en mieux, genre il n'y a pas de corruption, ni de péronisme, on peut fumer de l'herbe dans la rue, c'est le petit pays où tout le monde est gentil et aimable et toutes ces conneries. Tu lâches prise et l'Uruguay te baise par-derrière. (…)

Ils aiment mordre…

Enzo se mit à énumérer, en comptant sur ses doigts:

-Les rugbymen qui ont mangé leurs amis après l'accident d'avion dans les Andes, les Indiens qui ont mangé Solís le conquistador, le requin Suárez quand il a mordu le joueur italien, elle, là… a-t-il dit en montrant la cuisine. C'est pas des coïncidences. Ils sont sauvages. »



L'uruguayenne est un roman court et drôle, rempli des mesquineries du quotidien, des frustrations, des rêves envolés. Lucas le narrateur quadragénaire constate jour après jour les dégâts causés par son déclassement sur sa famille, et sur sa vie. Il a l'humour des désespérés, autant dire le meilleur, et le lecteur voyeur n'a qu'une envie, voir de quelle manière ce type désabusé qui se raccroche au souvenir d'une partie de jambe en l'air avec une femme plus jeune va se sortir du désastre vers lequel il fonce bille en tête en étant persuadé d'être le plus malin. On savait déjà avec Une nuit avec Sabrina Love et El Gran surubi que Pedro Mairal avait le sens de la mise en scène et la plume qui fait mouche. L'Uruguayenne ne déçoit pas, on adore ces 143 pages qui font rire et grincer les dents.
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L'Uruguayenne

Etrange livre que celui de ce loser magnifique qui a des problèmes métaphysiques tant avec sa femme qu’avec son fils ou sa maîtresse.

Il quitte son train-train suffocant argentin pour une journée à Montevideo dans la quiétude uruguayenne. Il va rejoindre sa pseudo-maîtresse et retirer son argent loin des impôts. Celui-ci lui permettra de sauver son couple et sa carrière d’écrivain.

In fine il passera sa journée rocambolesque à soliloquer, philosopher, tenter d’oublier en se remémorant, combattre ses démons, fantasmer, tenter de se prendre en main, se perdre.

Un auteur et une écriture à découvrir.

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L'Uruguayenne

Le narrateur, argentin comme l'auteur, vit à Buenos Aires. Il rêve d'être reconnu comme écrivain mais son emploi de professeur, et le maigre salaire qu'il en tire, ne lui permet ni de soutenir le train de vie bourgeois hérité de ses parents ni de se consacrer pleinement à l'écriture. C'est sa femme qui fait bouillir la marmite et cette situation le désole. Ayant sollicité diverses maisons d'édition étrangères, il avait entrevu une issue quand il avait reçu des promesses d'à-valoir de la part de deux d'entre elles pour des livres ou des articles à venir. Encaisser en Argentine même les chèques annoncés revenait à abandonner à l'État un gros pourcentage de ce revenu en raison du taux de change ; il avait donc ouvert un compte dans une banque de Montevideo, en Uruguay, sur l'autre rive du Río de la Plata.

Quelques mois plus tard, il se rend à Montevideo pour empocher, en liquide, les à-valoir et pour retrouver une jolie Uruguayenne rencontrée lors d'un festival littéraire. Avec elle, il avait longuement conversé, s'était promené et avait failli "conclure", d'autant plus innocemment que son couple bat de l'aile : il soupçonne sa femme de le tromper avec plus conquérant que lui, ce qu'il comprendrait tout à fait. Mais rien dans cette escapade d'un jour ne se passe comme prévu.

Rédigé sous la forme d'une longue lettre à sa femme, le roman ne se borne pas à relater avec un grand luxe de détails ce petit voyage à la fois sentimental et pécuniaire : il analyse finement, mais non sans humour, les hauts et les bas par lesquels peut passer un homme plutôt dépressif et cependant conscient de son état, comme un écrivain ferait d'un de ses personnages. Sans oublier le destin ou le hasard, qui quelquefois vous terrasse, et d'autres fois vous remet en selle.
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Salvatierra

J'ai beaucoup aimé ce livre, lu en espagnol ,parce que bien écrit et ayant un sujet très original. Je souhaite que la traduction soit à la hauteur et rende toute la poésie qu'il existe autour de cette belle histoire.

D'abord l'écriture, simple et précise pour nous décrire la vie de Salvatierra, le nom du peintre autodidacte et muet (après un accident) qui passera sa vie, depuis ses 14 ans, à peindre une toile de plusieurs kilomètres, en raison de une toile par année. Cette peinture raconte l'histoire de sa famille, mais aussi l'histoire de la ville où ils résident le long d'un fleuve puissant et implacable puisqu'il lui volera sa fille unique.

Ensuite un sujet tellement original et bien emmanché.

Lorsque le père décède, ses deux fils voudront faire reconnaître cette toile comme faisant partie du patrimoine culturel du village. Ainsi, ils s'apercevront qu'il manque l'année 1961. À partir de ce moment, le livre se transforme en une histoire policière pleine de rebondissements avec un final inattendu.

On pourrait penser que cette toile détaillée et ce fleuve qui coule imperturbable, représentent une métaphore: celle de l'incommunicabilité entre parents et enfants.
Lien : http://pasiondelalectura.wor..
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— Il s’en est fallu d’un cheveu ! Sans son regard rapide, sans ses yeux de lynx, XXX XXXX, en ce moment, ne serait peut-être plus de ce monde ! Quel désastre pour l’humanité ! Sans parler de vous, Hastings ! Qu’auriez-vous fait sans moi dans la vie, mon pauvre ami ? Je vous félicite de m’avoir encore à vos côtés ! Vous-même d’ailleurs, auriez pu être tué. Mais cela, au moins, ce ne serait pas un deuil national ! Héros de Agatha Christie

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